Mot d'ouverture
Publication du rapport d’enquête A17O0038

Kathy Fox, présidente du BST
Ewan Tasker, gestionnaire, Opérations régionales de l’Ontario
Toronto (Ontario)
31 janvier 2019

Seul le texte prononcé fait foi.

Kathy Fox

Bonjour,

L'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto est l'aéroport le plus important et le plus achalandé au Canada. Il compte cinq pistes et accueille plus de quatre cent mille vols par année.Note de bas de page 1 Avec autant d'aéronefs qui se déplacent d'un endroit à l'autre à l'aéroport, il y a parfois des conflits, par exemple lorsqu'un aéronef empiète par erreur – ou « fait une incursion » – sur une piste en service.

Au cours des dernières années, à l'échelle du pays, il y a eu en moyenne 445 incursions sur piste chaque année, soit un peu plus d'une par jour.

La grande majorité de ces incursions pose peu ou pas de risques. Néanmoins, le Bureau de la sécurité des transports du Canada a cerné une tendance troublante à l'aéroport international Pearson – notamment sur ses deux pistes sud, qui forment ce qui est communément appelé le « complexe sud ». Durant les heures de pointe, ces pistes parallèles sont en service simultanément. À l'écran, elles sont en vert et en jaune.

Photo 1. L’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto compte cinq pistes.
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L’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto compte cinq pistes.

Le BST publie aujourd'hui un rapport d'enquête portant sur une série de 27 incursions sur les pistes du complexe sud, survenues de 2012 à 2017. Dans tous ces cas, un aéronef a atterri sur une piste – la piste « extérieure » – avant de faire une incursion sur la piste « intérieure » au cours du roulage vers l'aérogare. Comme nous avons relevé de nombreuses similarités entre ces incursions, nous faisons aujourd'hui quatre recommandations : à NAV CANADA, à Transports Canada, à la Federal Aviation Administration des États-Unis et à l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto. Ces recommandations abordent des sujets comme la phraséologie qu'emploient les contrôleurs de la circulation aérienne, les changements aux procédures d'utilisation normalisées des équipages de conduite – notamment en ce qui a trait aux listes de vérification après atterrissage –, et la conception de l'aéroport même.

J'aborderai ces recommandations plus en détail dans quelques instants. Mais d'abord, je vais poser une question qui touche directement les activités d'un aéroport, la psychologie humaine et la géométrie des aéroports : « Pourquoi ces erreurs continuent-elles de se produire? » Après tout, la circulation aérienne à l'aéroport Pearson est étroitement contrôlée et surveillée. Outre les instructions précises de s'arrêter, ou de « se tenir à l'écart » de l'autre piste, qui sont transmises par les contrôleurs de la circulation aérienne, plusieurs repères visuels – feux, panneaux d'avertissement et lignes peinturées au sol – guident les équipages de conduite.

Comment se fait-il donc qu'un équipage de conduite professionnel, chevronné et expérimenté rate toutes ces indications? Et pourquoi les incursions sont-elles aussi fréquentes?

Pour connaître la réponse, je vais céder la parole à Ewan Tasker, l'enquêteur désigné.

Ewan Tasker

Vous voyez à l'écran un diagramme des deux pistes qui composent le complexe sud. Durant les périodes de pointe, des centaines de décollages et d'atterrissage ont lieu chaque jour sur chacune d'elles. Ainsi, lorsqu'un aéronef atterrit, il doit dégager la piste le plus rapidement possible, car il est possible qu'un autre aéronef le suive de quelques secondes à peine pour atterrir. Pour dégager rapidement la piste, les aéronefs empruntent l'une des « voies de sortie rapide » situées le long des pistes, ce sont elles que vous voyez en rouge.

Photo 2. Les pistes 24L et 24R forment le « complexe sud ».
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Les pistes 24L et 24R forment le « complexe sud ».

Voici une vidéo qui montre comment cela se déroule. (Voir la vidéo)

Pour cette brève vidéo, réalisée l'an dernier au complexe sud, nous avons installé une caméra à peu près à la hauteur des yeux d'un pilote d'un avion à réaction régional plus petit. Il s'agit du type d'aéronef le plus souvent en cause dans les incursions.

On voit l'aéronef qui dégage la piste et qui roule sur la voie de sortie rapide; on voit certains des feux et panneaux et certaines des marques peinturées; et on voit les « lignes d'attente » où l'équipage devrait immobiliser l'aéronef.

Photo 3. Exemple d’un incursion possible entre deux aéronefs.
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Exemple d’un incursion possible entre deux aéronefs.

Les voies de sortie rapide au complexe sud comportent plusieurs caractéristiques qui sont différentes des voies de sortie rapide de presque tous les autres grands aéroports en Amérique du Nord. Par exemple, les sorties mènent directement à la piste parallèle « intérieure », les lignes d'attente se trouvent immédiatement à la sortie d'une courbe et, notamment, elles sont plus éloignées de la zone protégée de la piste. Ces caractéristiques inhabituelles font en sorte que les lignes d'attente ne se trouvent pas là où les équipages de conduite s'attendent à les voir. En outre, les équipages qui ne connaissent pas bien ces sorties et la vitesse de roulage relativement élevée des avions à réaction régionaux diminuent la probabilité que les équipages reconnaissent les lignes à temps et s'arrêtent avant de faire une incursion sur la piste.

La vitesse et l'emplacement inhabituel de ces repères visuels ne sont toutefois pas les seules raisons qui expliquent ces incursions fréquentes. Il y a aussi la question de la distraction, souvent causée par les procédures d'utilisation normalisées des équipages de conduite. Par exemple, bon nombre d'équipages de conduite commencent normalement les tâches après atterrissage immédiatement après avoir dégagé la piste. Or, agir de la sorte pourrait détourner leur attention d'autres tâches plus cruciales, comme surveiller l'emplacement de la ligne d'attente. De plus, le fait de simplement rappeler aux équipages de conduite de garder la « tête haute » ne suffit pas toujours; quand une procédure indique de garder la tête haute au moment de dégager la piste, mais qu'une autre procédure rappelle d'effectuer les tâches après atterrissage au même moment, les équipages de conduite privilégient souvent les tâches, ce qui créé une distraction au pire moment.

Je vais maintenant rendre la parole à Kathy Fox, présidente du BST, qui va discuter de la façon dont on doit remédier à ces problèmes.

Kathy Fox

Dans chacune des 27 incursions examinées dans le présent rapport, les équipages de conduite avaient reçu l'instruction d'attendre à l'écart, avaient correctement relu l'instruction, comprenaient la nécessité d'arrêter et comprenaient qu'ils approchaient d'une piste en service. Or, malgré ces facteurs, ces équipages de conduite n'ont pas reconnu les repères visuels qui indiquaient le point d'attente avant piste, et donc ne se sont pas arrêtés comme ils le devaient. Ils ont ainsi été exposés au risque d'une collision avec un autre aéronef sur la piste.

Aujourd'hui, le BST formule quatre recommandations pour remédier à ce risque.

La première vise les contrôleurs de la circulation aérienne, qui demeurent la dernière ligne de défense dans ces situations. En effet, nous avons appris qu'à la suite d'une incursion, lorsqu'un contrôleur transmettait des instructions essentielles à la sécurité au second aéronef en jeu – qui décollait ou qui atterrissait–, l'équipage de conduite de cet aéronef ne s'était pas toujours rendu compte que c'est à lui que s'adressait le contrôleur, ou du moins n'avait pas saisi l'importance des instructions qui lui étaient destinées. C'est pourquoi nous demandons à NAV CANADA de modifier la phraséologie de manière à ce qu'elle attire davantage l'attention des équipages de conduite. Par exemple, en employant le mot « immédiatement » ou en répétant l'instruction. Un tel changement rendrait la phraséologie conforme aux directives internationales et suffisamment convaincante, en particulier lorsque les équipages de conduite reçoivent des instructions durant des périodes où la charge de travail est élevée.

Les deux recommandations suivantes – l'une visant Transports Canada et l'autre, la Federal Aviation Administration des États-Unis – demandent à ce que les procédures d'utilisation normalisées des équipages de conduite soient modifiées de sorte que les vérifications après atterrissage ne commencent qu'après qu'un aéronef a dégagé toutes les pistes en service. Ainsi, l'attention des équipages de conduites devrait être portée à l'extérieur du poste de pilotage lorsqu'ils approchent d'une piste en service ou la croisent. Cette modification permettrait de réduire la distraction liée à la charge de travail à des moments cruciaux.

Enfin, nous recommandons que l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto apporte des modifications physiques à l'aménagement des voies de circulation au complexe sud de l'aéroport international Pearson. Cette dernière mesure pourrait être mise en œuvre de différentes façons; par exemple, en changeant la conception et la position des voies de sortie rapide, en installant une voie de circulation périphérique pour contourner l'autre piste en service, ou en construisant une voie de circulation médiane distincte entre les deux pistes parallèles. En fait, le BST a examiné 130 aéroports à l'échelle mondiale, y compris les 100 aéroports internationaux les plus importants et les 60 principaux aéroports aux États-Unis au chapitre du volume de passagers. L'aéroport international Pearson était le seul en Amérique du Nord à avoir l'espace nécessaire pour construire une voie de circulation médiane entre ses pistes parallèles, sans toutefois en avoir une.

En définitive, c'est à l'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto de décider quelles modifications physiques elle doit apporter. D'ici à ce que de telles mesures soient prises, nous souhaitons voir d'autres améliorations pour accroître la visibilité des points d'attente. Car il est évident que des mesures additionnelles s'imposent afin que tous les équipages de conduite puissent voir les repères et réagir correctement. En attendant, le BST continuera de demander des changements pour promouvoir la sécurité pour tous dans l'espace aérien et aux aéroports.

Merci.