Collision avec un plan d'eau
Whistler Air Services Ltd.
Hydravion Cessna 185 C-GEJC
Lac Green (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Trois hydravions de Whistler Air Services Ltd. étaient affectés à des vols de tourisme de 20 minutes dans la région de Whistler (Colombie-Britannique) pour un groupe d'une soixantaine de personnes. Les appareils étaient exploités à partir du quai de la compagnie situé à l'extrémité sud du lac Green, à trois kilomètres de Whistler Village. Un des hydravions, un Cessna 185 (numéro de série 18502823), ayant à son bord un pilote et quatre passagers adultes, a circulé sur l'eau en vue du décollage et, vers 18 h 53, heure avancée du Pacifique, l'appareil a décollé. L'hydravion a continué à voler bas, près de la surface du lac. Au moment où il s'est approché de l'extrémité du lac, il a effectué un virage à droite pour éviter des arbres qui se trouvaient sur la rive. Peu de temps après, l'avion a effectué un virage vers la droite pour éviter la rive. Cependant, au cours du second virage, l'hydravion est tombé brusquement dans l'eau. Les cinq occupants s'en sont tirés avec des blessures mineures. L'hydravion a subi des dommages importants.
Renseignements de base
Le lac Green se situe à environ 2100 pieds au-dessus du niveau de la mer. Les conditions météorologiques communiquées par la station météo de Whistler à 18 h, heure avancée du Pacifique (HAP),Note de bas de page 1 soit 54 minutes avant l'accident, étaient les suivantes : vents du 210 degrés à six noeuds, visibilité de 15 milles terrestres, quelques nuages à 10 000 pieds au-dessus du niveau du sol et couvert nuageux à 11 000 pieds, température de 17 degrés Celsius (°C), point de rosée à 9 °C. La surface du lac était presque calme, avec seulement quelques vaguelettes.
Avant de faire embarquer les quatre passagers, le pilote a procédé au ravitaillement de l'hydravion. Il a également retiré à l'aide d'une pompe environ 30 litres d'eau de deux compartiments du flotteur gauche qui avaient une fuite connue. Chaque flotteur comprend huit compartiments dont on pompe l'eau individuellement. Même si chaque compartiment est conçu pour être indépendant, l'eau se déplace souvent vers les compartiments adjacents.
Après avoir quitté le quai, l'hydravion a circulé sur l'eau vers le nord-est sur environ 4500 pieds avant de faire demi-tour et commencer la course au décollage vers le sud-ouest. Au cours de la circulation sur l'eau, le pilote avait donné des instructions aux passagers sur la façon de sortir de l'appareil et sur l'emplacement des gilets de sauvetage. Le décollage a, semble-t-il, été effectué par un vent traversier de 20 degrés à gauche. Au moment où l'appareil en question se déplaçait sur l'eau, un appareil de Havilland DHC-3 Otter monoturbine décollait en direction sud-est.
Le moteur du Cessna affichait une pression d'admission et un régime (tr/min) maximal adéquats, et il n'y a pas eu de bruits inhabituels provenant du moteur. L'hydravion n'a pas accéléré normalement, et la course au décollage sur l'eau a été plus longue que prévue. Quelques secondes après le décollage, le pilote a remarqué que sa vitesse était moins élevée que d'habitude. Estimant que l'appareil ne serait pas en mesure de monter au-dessus des arbres qui se trouvaient sur la rive à l'extrémité du lac, il a effectué un virage vers la droite jusqu'à un cap presque perpendiculaire à la direction du vent. L'hydravion n'était toujours pas en mesure de monter. Quelques secondes plus tard, le pilote a de nouveau effectué un virage vers la droite pour se trouver presque dans la direction du vent. Au cours du second virage, l'hydravion est descendu vers le lac pour percuter la surface de l'eau, flotteur droit et saumon de l'aile droite en premier. Au cours de ce bref vol, l'altitude de l'hydravion au-dessus de l'eau n'a pas dépassé 50 pieds, et on a pu entendre le klaxon de l'avertisseur de décrochage dans le poste de pilotage de façon intermittente.
Les deux flotteurs se sont rompus à l'impact et l'avion a rapidement coulé dans environ 15 pieds d'eau, les ailes à l'horizontale et dans une assiette de piqué. Le pilote a ouvert les deux portes de la cabine et a plongé à trois reprises dans le but d'aider les passagers à sortir de l'appareil. Tous les occupants sont sortis de l'appareil même si certains d'entre eux ont signalé que les fils du casque d'écoute et leurs vêtements lourds avaient nui à l'évacuation. Les cinq occupants ont été secourus par un bateau qui se trouvait déjà près du lieu de l'accident.
Le pilote se souvient d'avoir réglé les volets à 20 degrés (°) pour le décollage, puis d'avoir réduit le braquage à 10°au cours du vol. Lorsque l'on a sorti l'hydravion du lac, le levier de commande manuelle des volets était complètement baissé, donc en position « volets rentrés », et les volets étaient complètement rentrés (0°). Les commandes de l'appareil fonctionnaient correctement.
Le supplément pour la configuration « hydravion » qui se trouve dans le manuel d'utilisation du Cessna A185F approuvé par la Federal Aviation Administration (FAA), recommande que les volets soient réglés à 20° pour le décollage et qu'ils ne soient pas rentrés avant d'avoir atteint une altitude et une vitesse de sécurité. Le manuel indique aussi que les volets peuvent être rentrés lorsque tous les obstacles ont été franchis.
Le pilote se souvient qu'il a maintenu la puissance au maximum tout au cours du vol, mais qu'il a peut-être modifié le réglage de la commande d'hélice. La pratique courante veut que le pilote règle la commande de l'hélice pour réduire le régime du moteur après avoir atteint une vitesse de vol adéquate.
Les trois pales de l'hélice présentaient toutes des dommages considérables du même type. La partie intérieure du flotteur gauche, immédiatement derrière le pare-choc avant, présentait sept entailles parallèles et verticales correspondant à des dommages causés par une hélice. On ne connaît pas l'état des 14 compartiments de flotteur que le pilote n'a pas pompé avant de circuler sur l'eau en vue du vol, et puisque les dommages aux flotteurs étaient considérables, il n'a pas été possible de déterminer avec certitude si les compartiments contenaient une grande quantité d'eau avant le décollage.
L'hydravion en question a été construit en 1975 par la compagnie Cessna Aircraft. Au moment de l'accident, il cumulait 7900 heures depuis sa mise en service initiale. Le moteur Continental, de modèle IO-550-D (numéro de série 284039-R), totalisait 2307 heures depuis la dernière révision, et l'hélice McCauley, de modèle D3A34C401-C (numéro de série du moyeu 921924), cumulait 587 heures depuis la dernière révision. Les flotteurs construits par Canadian Aircraft Products Ltd étaient du modèle 3000-D. Une inspection aux 100 heures avait été effectuée 13 jours avant l'accident. L'hydravion était certifié conformément à la réglementation en vigueur de Transports Canada (TC), et sa masse brute maximale autorisée était de 3320 livres.
Le manuel d'utilisation indique que, pour une altitude-pression de 2000 pieds, une température de 20 °C et un vent nul, un Cessna 185F équipé de flotteurs ayant une masse au décollage de 3320 livres avec ses volets sortis à 20° aurait besoin de 2930 pieds pour décoller et franchir un obstacle de 50 pieds.
La masse et le centrage de l'avion au décollage ont été calculés à l'aide du poids réel du pilote et des passagers et à partir d'une estimation de la quantité de carburant à bord. Il n'y avait pas de bagage. Selon les passagers, les indicateurs de quantité de carburant dans le poste de pilotage indiquaient que les réservoirs étaient remplis à moitié, soit 22 gallons américains par aile, ce qui signifie 44 gallons américains au total. Si on suppose que les flotteurs ne contenaient pas d'eau, l'appareil devait alors avoir une masse d'environ 3280 livres lorsqu'il a quitté le quai de la compagnie, soit 40 livres au-dessous de la masse brute maximale. Selon les calculs, le centre de gravité se trouvait à 45 pouces derrière la ligne de référence, la plage de centrage autorisée s'étendant de 41,9 à 46,5 pouces.
Selon le manuel d'utilisation, pour une masse et un centrage tels qu'on les a estimés, un réglage des volets à 20° et un angle d'inclinaison latérale de 0°, la vitesse indiquée de décrochage de l'hydravion serait de 50 noeuds (KIAS); si les volets étaient réglés à 0°, la vitesse serait alors de 55 KIAS. Si l'appareil était incliné à 30, la vitesse de décrochage serait de 59 KIAS.
Le pilote était titulaire d'une licence de pilote de ligne - catégorie avion annotée d'une qualification sur hydravions délivrée par TC ainsi qu'un certificat médical valide. Il était employé à temps partiel par l'exploitant depuis quatre semaines et il avait cumulé 23,2 heures de vol au cours de cette période. Le pilote avait acquis la majorité de son expérience de vol sur de plus gros avions multimoteurs à réaction. Il avait effectué environ 41 heures sur des aéronefs du même type au cours des 30 jours ayant précédé l'accident. Il cumulait environ 1500 heures de vol à bord d'avions équipés de flotteurs, dont 400 sur des hydravions Cessna 185 et Cessna 206. C'était le quatrième vol du pilote dans l'avion en question; il avait aussi effectué quatre autres vols plus tôt la journée de l'accident à bord du de Havilland DHC-2 Beaver de la compagnie.
Analyse
Le moteur semble avoir affiché une pression d'admission adéquate et aurait atteint le régime maximum. Les dommages subis par les pales de l'hélice et l'un des flotteurs correspondent à un moteur tournant à haut régime. On n'a trouvé aucune anomalie pré-existante. Il est alors peu probable que le moteur lui-même ait été un facteur contributif dans cet accident.
Il est possible que le pilote ait réglé la commande de l'hélice au cours du vol; cependant, une telle action aurait aggravé la situation qui se détériorait déjà. Bien que la pratique courante veuille que le pilote règle la commande d'hélice après avoir atteint une vitesse de vol suffisante, il est peu probable, dans le cas présent, que l'avion ait atteint une vitesse de vol suffisante. La mauvaise accélération et les piètres performances aérodynamiques de l'appareil ainsi que l'incapacité de l'hydravion à effectuer une montée le prouvent. De plus, le klaxon intermittent de l'avertisseur de décrochage indique que l'avion, tout au long du bref vol, avait une vitesse qui avoisinait la vitesse de décrochage.
La vitesse à laquelle une aile décroche dépend de plusieurs facteurs, dont la charge alaire, qui elle-même varie en fonction de la masse de l'appareil et de l'accélération (g) à laquelle celui-ci est soumis. Elle dépend aussi de l'utilisation de dispositifs hypersustentateurs. L'augmentation de la masse d'un avion ou l'augmentation de son angle d'inclinaison latérale dans un virage en palier augmente la vitesse de décrochage.L'utilisation de dispositifs hypersustentateurs, comme des volets, réduit la vitesse de décrochage.
La masse de l'hydravion en cause était inférieure de 40 livres à la masse maximale autorisée. L'appareil a circulé sur l'eau pendant 13 minutes avec ses flotteurs très enfoncés, puis a effectué une course au décollage plus longue que d'habitude sur plusieurs milliers de pieds avant d'entreprendre le vol bref au cours duquel l'accident a eu lieu. Au cours d'une longue circulation sur l'eau, il est fréquent que de l'eau pénètre dans les flotteurs par les couvercles de trappe ou par d'autres orifices qui ne sont normalement pas submergés, surtout dans leur partie arrière. Il est certain que de l'eau a pénétré dans les flotteurs à ce moment-là puisque les fuites d'au-moins deux compartiments étaient connues. Plus d'eau qu'à l'ordinaire est entrée dans les flotteurs en raison de la longue circulation sur l'eau et de la charge élevée de l'appareil. D'après le taux de fuite des flotteurs, il est possible que la masse de l'eau à bord ait été considérable. Cette situation aurait pu nuire au centrage de l'appareil selon les compartiments qui contenaient de l'eau. Ces deux facteurs ont probablement diminué les performances de décollage et de vol de l'hydravion.
Selon la masse et le centrage de l'hydravion, la vitesse de décrochage de l'appareil, volets à 0° et angle d'inclinaison latérale de 30°, est supérieure de 9 noeuds à la vitesse de l'hydravion dont les volets sont réglés à 20° et dont l'angle d'inclinaison est de 0°. Puisque les volets ont été trouvés en position complètement rentrés, il est probable que le pilote a réglé les volets à 0° au cours du vol, ce qui a augmenté la vitesse de décrochage et réduit la marge avant le décrochage.
Puisque la vitesse de décrochage d'un avion augmente à mesure que l'angle d'inclinaison d'un virage coordonné augmente, les deux virages à droite aggravaient les conditions de vol de l'avion alors déjà précaires. Lorsque l'hydravion a viré en vent arrière, la vitesse de rapprochement de la rive a augmenté. Ce taux de rapprochement peut avoir poussé le pilote à incliner davantage l'appareil. Le second virage était de toute évidence suffisamment incliné pour provoquer un décrochage aérodynamique.
Le décrochage s'est produit alors que le pilote manoeuvrait l'avion à une altitude trop faible au-dessus de la surface de l'eau pour pouvoir permettre un redressement et ainsi prévenir la collision de l'avion avec la surface du lac.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le pilote a tenté de décoller alors que la masse et le centrage de l'hydravion étaient près des valeurs maximales autorisées et que les volets étaient réglés de manière à nuire aux performances de décollage.
- Les performances de l'hydravion étaient insuffisantes pour permettre une montée et éviter les obstacles qui se trouvaient dans la trajectoire de vol de l'appareil, particulièrement après que l'appareil a viré en vent arrière et que la vitesse de rapprochement de la rive a augmenté.
- L'hydravion a maintenu la vitesse de décrochage ou presque tout au long du vol, et au cours du second virage, la vitesse de décrochage a augmenté et égalé la vitesse de l'avion. Le décrochage qui en est résulté s'est produit à une altitude trop basse au-dessus de l'eau pour permettre un redressement.
Faits établis quant aux risques
- La compagnie exploitait un appareil dont les flotteurs n'étaient pas étanches, ce qui a augmenté le risque que les performances de l'appareil soient réduites.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .