Rapport d'enquête maritime M93L0002

Échouement
du «FEDERAL MACKENZIE» dans le chena l
Verchères-Contrecoeur (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Pendant qu'il remontait le fleuve Saint-Laurent, le vraquier chargé «FEDERAL MACKENZIE» s'est échoué du côté sud du chenal Verchères-Contrecoeur (Québec). L'accident n'a causé aucun dommage apparent au navire et n'a pas fait de blessé.

    Le Bureau a déterminé que l'échouement du «FEDERAL MACKENZIE» a été causé par une perte de la capacité de propulsion, laquelle a entraîné la perte de la capacité de gouverne. La perte de la capacité de propulsion a été causée par le déplacement du levier de commande de l'alimentation en combustible, attribuable à la vibration causée à bord du navire pendant que celui-ci naviguait dans un chenal peu profond.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    « HALIFAX »
    «FEDERAL MACKENZIE»
    Numéro officiel 231726
    Port d'immatriculation Manille, Philippines
    Pavillon Philippin
    Type Vraquier
    Jauge brute 22 388 tonneaux Note de bas de page 1
    Longueur 222,54 m
    Tirant d'eau (au moment de l'événement) av. Note de bas de page 2 : 7,86 m ar. : 7,86 m
    Cargaison 24 378 tonnes métriques de marchandises en acier
    Équipage 23
    Construction 1983, Glasgow, Écosse
    Groupe propulseur Moteur diesel Sulzer de 8 003 kW à quatre cylindres entraînant une hélice à pas variable et muni d'un propulseur d'étrave
    Propriétaires Maple Shipping Corporation Manille, Philippines

    1.1.1 Renseignements sur le navire

    Le «FEDERAL MACKENZIE» est un vraquier classique, à bord duquel l'espace cargaison se trouve à l'avant, et la passerelle, les emménagements et la salle des machines sont à l'arrière.

    1.1.2 Commandes des machines (voir les photographies à l'annexe A)

    La machine principale peut être commandée à partir de trois postes différents, à savoir :

    • le poste de commande d'urgence de la machine principale;
    • le poste de commande à distance dans la timonerie; et
    • le poste de commande à distance dans la salle des machines.

    Bien que la machine principale puisse être commandée à distance de la passerelle ou de la salle des machines, le poste de commande d'urgence a priorité sur les commandes à distance.

    Il y a deux leviers au poste de commande d'urgence. Le levier «A» commande le train d'engrenages et est marqué «Start» (démarrage), «Ahead» (marche avant), «Stop» et «Astern» (marche arrière). Le levier «B» commande l'alimentation en combustible de la machine et est gradué de 0 à 10. Sous la position «0» se trouve la marque «Remote Control» (commande à distance), position à laquelle le levier est réglé lorsque la machine est commandée à distance.

    Le levier «B» est muni à son extrémité d'un bouton de commande qui actionne un dispositif de verrouillage. Toutefois, les éléments de preuve recueillis indiquent que le mécanisme de verrouillage à rochet était usé et avait perdu de son efficacité.

    Il y a un voyant d'alarme dans la salle de commande des machines pour signaler que la machine est commandée à partir du poste de commande d'urgence. Il n'y a pas un tel voyant sur la passerelle, où les voyants lumineux indiquent seulement si la machine est commandée à partir de la salle des machines ou de la passerelle.

    Sur la passerelle, le voyant qui indique que la machine est commandée de la passerelle reste allumé quand le levier «B» au poste de commande n'est plus réglé à la position de commande à distance.

    De nombreux voyants s'allument lorsque la machine tombe en panne.

    L'hélice à pas variable tourne à l'intérieur d'une tuyère Kort orientable qui sert de gouvernail.

    1.2 Déroulement du voyage

    Après avoir traversé l'Atlantique sans encombre, le «FEDERAL MACKENZIE» est arrivé à la station de pilotage de Les Escoumins à 19 h 40 Note de bas de page 3, le 13 juillet 1993. Le navire a poursuivi sa route vers l'amont du fleuve Saint-Laurent, à destination de Toledo, Ohio, aux États-Unis, sous la conduite d'un pilote canadien. Les machines étaient commandées de la passerelle.

    À 21 h 7, le 14 juillet, le navire remontait le chenal Verchères-Contrecoeur (voir le croquis du secteur à l'annexe B) à une vitesse sur le fond de 10 noeuds. Selon les témoignages, il y avait une forte vibration, laquelle a été attribuée à ce moment à la faible profondeur d'eau sous quille. Au cours du passage dans le chenal, la machine principale est tombée en panne. Le personnel de la salle des machines n'a pas pu remettre les machines en marche à temps pour éviter l'échouement.

    En l'absence de propulsion, le navire a abattu sur bâbord. Bien qu'on ait essayé de corriger la trajectoire avec la barre, l'abattée s'est accélérée. À 21 h 22, le navire est sorti du chenal navigable et s'est échoué du côté sud de ce dernier, à environ une encablure à l'est de la bouée M79, soit à la position 45°48′18"N par 73°19′19"W.

    Peu après l'échouement, on a constaté que le levier «B» (d'alimentation en combustible) au poste de commande d'urgence était à la position «0». Personne dans la salle des machines n'avait déplacé ce levier. Après qu'on eut replacé le levier à la position de commande à distance, la machine principale a été remise en marche. Les tentatives pour renflouer le navire n'ont porté fruit qu'à 8 h 30, le 19 juillet 1993, après quoi le bâtiment a repris sa route vers Toledo.

    1.3 Composition du quart à la passerelle

    Au moment de l'événement, le quart à la passerelle se composait d'un pilote, d'un officier de quart et d'un timonier.

    1.3.1 Composition du quart à la salle des machines

    Au moment de l'événement, le quart à la salle des machines se composait d'un mécanicien de quart, d'un électricien et d'un graisseur.

    1.4 Victimes

    Personne n'a été blessé.

    1.5 Avaries et dommages

    1.5.1 Avaries au navire

    Le navire n'a pas subi d'avaries apparentes.

    1.5.2 Dommages à l'environnement

    Il n'y eu aucune pollution.

    1.6 Certificats et brevets

    1.6.1 Certificats du navire

    Le navire possédait l'armement en personnel, les certificats et l'équipement qu'il était tenu d'avoir en vertu des règlements en vigueur.

    1.6.2 Brevets du personnel

    Le capitaine, l'officier de quart et le pilote étaient titulaires de brevets valides pour les postes qu'ils occupaient et pour le genre de voyage qu'effectuait le navire.

    Les mécaniciens possédaient les brevets voulus compte tenu de la puissance des machines à bord.

    1.7 Antécédents du personnel

    1.7.1 Capitaine

    Le capitaine exerçait ces fonctions depuis 18 ans et était capitaine du «FEDERAL MACKENZIE» depuis le 24 mars 1993.

    1.7.2 Officier de quart

    L'officier de quart possédait cinq ans d'expérience à titre d'officier de pont. Il était à bord du «FEDERAL MACKENZIE» depuis le 28 mars 1993. Comme le régime de veille en vigueur était le système habituel de quart par bordée, l'officier de quart était assez bien reposé lorsqu'il a pris son service à 20 h.

    1.7.3 Timonier

    Le timonier possédait trois ans d'expérience à titre de matelot de pont et avait exercé les fonctions de timonier pendant toute cette période. Il était à bord du «FEDERAL MACKENZIE» depuis le 26 mars 1993.

    1.7.4 Pilote

    Le pilote assurait la conduite de navires dans son secteur d'affectation depuis 18 ans. Son horaire de travail était aménagé de telle sorte qu'il bénéficiait d'une période de repos adéquate entre ses affectations.

    1.7.5 Chef mécanicien

    Le chef mécanicien exerçait ces fonctions depuis 10 mois à bord du «FEDERAL MACKENZIE», et avait acquis de l'expérience auparavant à bord de navires similaires.

    1.8 Renseignements sur l'environnement

    1.8.1 Conditions météorologiques

    Au moment de l'événement, les conditions météorologiques observées étaient bonnes, le vent soufflait du sud-ouest à 10 noeuds, et la visibilité était bonne. Ces conditions concordaient avec les prévisions émises par Environnement Canada.

    1.8.2 Renseignements sur les courants et les marées

    À Contrecoeur, l'influence de la marée est négligeable. Entre Lanoraie et Sorel (Québec), le courant a une vitesse moyenne de 1,8 noeud à 2,0 noeuds.

    1.9 Équipement de navigation

    1.9.1 Instruments de navigation

    Il a été établi que l'équipement de navigation du navire était en bon état de fonctionnement. Cet équipement n'a pas contribué à l'événement.

    1.9.2 Aides à la navigation

    Le chenal de navigation a une largeur minimale de 244 m et une profondeur minimale de 10,7 m.

    Toutes les aides à la navigation du secteur étaient apparemment en place et fonctionnaient normalement au moment de l'événement.

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    Cet événement aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus graves. Un système d'alarme essentiel n'était pas en place. En outre, il semble qu'une situation qui avait évolué pendant un certain temps, par suite de l'usure de pièces, soit passée inaperçue ou n'ait pas été prise en compte, ou les deux.

    2.2 Levier de commande d'alimentation en combustible au poste de commande d'urgence

    Le manuel d'exploitation du navire sur le fonctionnement des diesels RL76 précise en partie que, si le levier de commande d'alimentation en combustible au poste de commande d'urgence (levier «B») passe de la position de commande à distance à la position «0», la pression du système de commande pneumatique tombe à zéro. L'air s'échappe alors du servomoteur 5.06 arrêté, et la machine s'arrête puisque les pompes d'injection ne sont plus alimentées par l'intermédiaire du dispositif de régularisation.

    Comme aucun membre du personnel de la salle des machines n'avait touché au levier «B», il est fort probable que ce levier est passé tout seul de la position de commande à distance à la position «0», dans laquelle on l'a trouvé après l'échouement.

    Tout juste avant l'échouement, on avait ressenti à bord du navire une forte vibration attribuable à l'effet exercé sur l'hélice par le passage du navire dans les eaux peu profondes du chenal. Étant donné l'usure du dispositif à rochet servant à retenir le levier à un réglage prédéterminé, la vibration a dû être assez forte pour que le levier se déplace jusqu'à la position «0».

    Lorsque le levier «B» est passé à la position «0», la machine s'est arrêtée faute de combustible. Comme les commandes au poste de commande d'urgence ont priorité sur celles des autres postes de commande, aucun autre réglage de ces dernières ne pouvait corriger la situation.

    La cause de la panne n'était pas évidente pour ceux qui se trouvaient dans la salle des machines pour essayer de remettre la machine en marche, parce que la machine était en panne et que tous les voyants pertinents étaient allumés. Il était donc difficile de remarquer le voyant qui signalait que la machine était commandée à partir du poste de commande d'urgence.

    2.3 Perte de la capacité de gouverne

    Le navire était muni d'une tuyère Kort orientable plutôt que de l'installation classique utilisant une hélice et un gouvernail. Un tel appareil de gouverne offre un rendement accru lorsque les machines tournent à des régimes de moyens à élevés, mais il a un rendement moindre à plus faible régime, car son efficacité est tributaire de la poussée de l'hélice.

    Dans le cas à l'étude, l'hélice n'assurait plus aucune poussée en raison de la panne de machine, de sorte que le navire a perdu presque immédiatement sa capacité de gouverne. Une fois la machine arrêtée, aucun mouvement de la barre ne pouvait ramener le navire dans le chenal.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis

    1. L'échouement du «FEDERAL MACKENZIE» a été causé par la perte de la capacité de propulsion et de gouverne.
    2. La machine principale s'est arrêtée parce que l'alimentation en combustible a été interrompue lorsque le levier de commande d'alimentation en combustible au poste de commande d'urgence est passé de la position de commande à distance à la position «0».
    3. Il est fort probable que le levier a été déplacé de la position de commande à distance sous l'effet de la forte vibration attribuable au fait que le navire se déplaçait à une vitesse de 10 noeuds dans un secteur du chenal où la profondeur d'eau sous quille était minimale.
    4. Bien que les machines aient été commandées à distance de la timonerie, les commandes au poste de commande d'urgence avaient la priorité.
    5. En l'absence d'un voyant d'alarme approprié sur la passerelle, les membres de l'équipage postés dans la timonerie ne se sont pas immédiatement rendu compte de la perte de puissance.
    6. Il était difficile pour ceux qui se trouvaient dans la salle des machines pour essayer de remettre la machine en marche de remarquer le voyant qui signalait que la machine était commandée à partir du poste de commande d'urgence, surtout étant donné que de nombreux voyants étaient allumés parce que la machine était en panne.
    7. Comme, dans une tuyère Kort, la capacité de gouverne est tributaire de la poussée de l'hélice, la panne de machine a entraîné la perte de la capacité de gouverne.

    3.2 Causes

    L'échouement du «FEDERAL MACKENZIE» a été causé par une perte de la capacité de propulsion, laquelle a entraîné la perte de la capacité de gouverne. La perte de la capacité de propulsion a été causée par le déplacement du levier de commande de l'alimentation en combustible, attribuable à la vibration causée à bord du navire pendant que celui-ci naviguait dans un chenal peu profond.

    4.0 Mesures de sécurité

    Le Bureau n'a, jusqu'ici, recommandé aucune mesure de sécurité.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

    Annexes

    Annexe A - Photographies

    À remarquer:Le fil d'acier rattachant le levier «B» à la

    barre d'appui a été installé après l'accident

    pour empêcher le levier de se déplacer

    vers le haut sous l'effet de la vibration.

    Annexe B - Croquis du secteur de l'échouement

    Annexe C - Sigles et abréviations

    ar.
    arrière
    av.
    avant
    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    HAE
    heure avancée de l'est
    kW
    kilowatt(s)
    m
    mètre(s)
    N
    nord
    OMI
    Organisation maritime internationale
    SI
    système international (d'unités)
    UTC
    temps universel coordonné
    W
    ouest
    °
    degré(s)
    minute(s)
    seconde(s)