Rapport d'enquête maritime M95L0008

Abordage
entre le vraquier «ZIEMIA AMOJSKA»
et le roulier «CICÉRO»
dans le voisinage de la pointe du Lac
lac Saint-Pierre
fleuve Saint-Laurent (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 12 avril 1995, un abordage a eu lieu entre le vraquier polonais «ZIEMIA ZAMOJSKA» et le roulier canadien «CICÉRO». Les deux navires, qui se dirigeaient vers l'ouest, se sont abordés alors que le «CICÉRO» allait rattraper le «ZIEMIA ZAMOJSKA» dans le voisinage de la bouée S27 sur le lac Saint-Pierre. Les deux navires ont subi des avaries, mais l'accident n'a fait ni blessé, ni pollution.

    Le Bureau a déterminé que le «CICÉRO» et le «ZIEMIA ZAMOJSKA» se sont abordés lorsque le navire rattrapé, le «ZIEMIA ZAMOJSKA», est allé au-delà du cap ordonné par le pilote. L'erreur d'inattention du timonier n'a pas été détectée à temps parce que toute l'attention du personnel navigant était tournée vers le navire qui le dépassait.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique des navires

    Nom « ZIEMIA ZAMOJSKA » « CICÉRO »
    Numéro officiel ROS1616 376894
    Port d'immatriculation Szczecin, Pologne St. John's (Terre-Neuve)
    Pavillon Polonais Canadien
    Type Vraquier Roulier
    Jauge brute 16 694 tonneauxNote de bas de page 1 11 819 tonneaux
    Longueur 180,31 m 147,17 m
    Largeur 23,10 m 22,53 m
    Tirant d'eau av.Note de bas de page 2; : 7,75 m ar. : 7,85 m av. : 4,91 m ar. : 6,42 m
    Construction 1983, Brésil 1978, Grande-Bretagne
    Groupe propulseur Diesel de 7 840 kW, entraînant une hélice à pas fixe Deux diesels de 10 740 kW, entraînant deux hélices à pas variable
    Propriétaires Polish Steamship Co., Szczecin, Pologne Oceanex ltée, Montréal (Québec)

    1.2 Déroulement des voyages

    Le 12 avril 1995 au matin, à l'intérieur des limites du port de Trois-Rivières (Québec), deux navires se dirigent vers l'ouest. Le premier, le «ZIEMIA ZAMOJSKA» fait route vers les Grands Lacs à une vitesse moyenne d'environ 11 noeuds. Le deuxième, le «CICÉRO», file en moyenne 14 noeuds à destination de Montréal (Québec). À la station de pilotage de la pointe des Ormes (Québec), le «ZIEMIA ZAMOJSKA» change de pilote vers 6 h 35Note de bas de page 3, suivi du «CICÉRO» à 6 h 45. Ce dernier se trouve à environ 1,5 mille marin derrière le vraquier polonais.

    Vers 7 h, le «CICÉRO» se trouve à l'embouchure de la rivière Nicolet, à un demi-mille derrière le «ZIEMIA ZAMOJSKA» qu'il s'apprête à rattraper. Le pilote du «CICÉRO» communique sur la voie 13 du radiotéléphone très haute fréquence (VHF) avec le pilote du «ZIEMIA ZAMOJSKA», et les deux pilotes s'entendent sur des dispositions pour le rattrapage entre les deux navires; le «ZIEMIA ZAMOJSKA» doit garder le côté nord du chenal tandis que le «CICÉRO» doit garder le côté sud.

    Une fois cette entente conclue avec le «CICÉRO», le «ZIEMIA ZAMOJSKA» s'approche de la courbe à l'intersection de la traverse de Nicolet et de la course de la pointe du Lac, et gouverne sur un cap au 270° vrai (V). Peu de temps après, il commence à virer progressivement sur bâbord. Étape par étape, le cap est modifié au 265° et 260°(V) puis, à la hauteur de la bouée S22, le pilote du «ZIEMIA ZAMOJSKA» ordonne de gouverner au 255° et 250°(V) pendant que l'avant du «CICÉRO» est observé par le travers bâbord du «ZIEMIA ZAMOJSKA». À quelque 300 m (1 000 pieds) de la bouée S26, le pilote du «ZIEMIA ZAMOJSKA» ordonne au timonier de gouverner au 240°(V) afin de mettre le cap sur la course de la pointe du Lac. Toute l'attention du personnel navigant du «ZIEMIA ZAMOJSKA», y compris le timonier, se tourne vers le «CICÉRO» qui se trouve par le travers bâbord de leur navire.

    Tout à coup, le pilote du «ZIEMIA ZAMOJSKA» se rend compte que la bouée S27 s'approche rapidement par l'avant du navire et il s'aperçoit au même moment que l'indicateur de barre indique «toute à gauche». Le pilote crie au timonier de mettre la barre «au milieu», puis «à droite toute». Il lance ensuite un appel radio au pilote du «CICÉRO» pour lui dire de faire attention, qu'il y a eu une erreur à bord.

    À bord du «CICÉRO», le personnel navigant observe le «ZIEMIA ZAMOJSKA» venir sur bâbord pour prendre la course de la pointe du Lac. On constate que le mouvement de rotation du navire est rapide et, à la suite de l'avertissement du pilote du «ZIEMIA ZAMOJSKA», on comprend que le navire est en difficulté. Dès cet instant, le cap, qui était au 240°(V), est modifié au 230° et 220°(V) afin de tenter de garder le «CICÉRO» parallèle au «ZIEMIA ZAMOJSKA». Comme ce dernier commence à se redresser en virant sur tribord, le «CICÉRO» fait de même en tentant toujours de rester parallèle au «ZIEMIA ZAMOJSKA».

    Les deux navires se retrouvent côte à côte, leurs avants éloignés dans un angle d'environ 30 °. Leurs arrières, à proximité l'un de l'autre, sont attirés et happés sous l'effet de forces hydrodynamiques qui s'exercent sur eux, et les deux navires se heurtent vers 7 h 12, le 12 avril 1995 près de la bouée S27 sur le lac Saint-Pierre.

    1.3 Victimes

    L'accident n'a fait aucune victime.

    1.4 Avaries

    Le «ZIEMIA ZAMOJSKA» a subi des avaries limitées en-dessous de l'échelle de coupée située à l'arrière du côté bâbord et au-dessus du pont principal. Le pont supérieur a été bombé sur une longueur d'environ 2 m. Deux barres en forme de T servant au lancement de l'embarcation de sauvetage entre le pont supérieur et le pont principal ont été enfoncées et déformées. Les avaries s'étendent sur une superficie d'environ 9 m de long sur 3,5 m de large à l'endroit où la coque a été enfoncée vers l'intérieur.

    Le «CICÉRO» a subi des avaries limitées à la hanche tribord à partir de 6,7 m à l'arrière de la cheminée et sur une longueur d'environ 13,5 m vers l'arrière. La partie endommagée comprend un coffre de ventilateur, la passerelle et un pavois, qui ont été enfoncés, et certaines membrures déformées.

    1.5 Certificats et brevets

    1.5.1 Certificats des navires

    Les deux navires possédaient l'armement en personnel, les certificats et l'équipement qu'ils étaient tenus d'avoir en vertu des règlements en vigueur.

    1.5.2 Brevets du personnel

    À bord des deux navires, les membres d'équipage directement en cause dans l'abordage possédaient les brevets nécessaires pour les postes qu'ils occupaient et pour le service auquel leur navire était employé. Les pilotes qui se trouvaient à bord du «ZIEMIA ZAMOJSKA» et du «CICÉRO» possédaient tous deux le brevet approprié.

    1.6 Antécédents du personnel

    1.6.1 Capitaines

    Le capitaine du «ZIEMIA ZAMOJSKA» navigue comme capitaine depuis 1986; auparavant, il agissait à titre de premier lieutenant à bord d'un navire d'entraînement. Il commande le «ZIEMIA ZAMOJSKA» depuis 1994 à bord duquel il a effectué son premier voyage sur le fleuve Saint-Laurent et les Grands Lacs.

    Le capitaine du «CICÉRO» navigue comme capitaine depuis 1989 et à bord du «CICÉRO» depuis quatre ans.

    1.6.2 Officiers

    Le second capitaine de service à bord du «ZIEMIA ZAMOJSKA» navigue depuis 1980, et à titre de second capitaine depuis 1990.

    Le second capitaine de service à bord du «CICÉRO» a reçu son diplôme de l'Institut maritime du Québec en 1988. Il travaille pour la même compagnie depuis six ans, dont les trois dernières années à titre de second capitaine.

    1.6.3 Pilotes

    Le pilote de service à bord du «ZIEMIA ZAMOJSKA» a débuté comme apprenti-pilote en 1967, et il travaille comme pilote de classe "A" entre Trois-Rivières et Montréal depuis 1977.

    Le pilote de service à bord du «CICÉRO» a débuté comme pilote en 1968, et il travaille comme pilote de classe "A" entre Trois-Rivières et Montréal depuis 1973.

    1.7 Renseignements sur les conditions météorologiques et sur le courant

    Selon les témoignages des équipes à la passerelle des deux navires, le ciel était dégagé et la visibilité bonne. Le vent soufflait du sud-est à 10 noeuds et la mer était calme. Le courant dans le secteur de l'abordage portait au 040° à une vitesse estimée à 1,5 noeud.

    1.8 Instruments de navigation

    Les deux navires étaient munis d'instruments de navigation modernes qui étaient en bon état de marche au moment de l'événement. À bord du «ZIEMIA ZAMOJSKA», le traceur de route fonctionnait et enregistrait le cap et l'angle de barre, mais l'heure n'avait pas été ajustée.

    Le «CICÉRO» est muni d'un système électronique de visualisation des cartes marines SEVCM ( Electronic Chart Precision Integrated Navigation System - ECPINS). L'appareil avait été placé à bord afin d'être évalué avant qu'il soit installé définitivement. Il s'agit d'un appareil autonome qui ne reçoit que les données sur le cap du gyrocompas et les signaux du système de positionnement global en mode différentiel ( Differential Global Positioning System - DGPS). On ne se sert de cet appareil, sur lequel n'est affichée aucune cible radar, que comme aide à la navigation. En outre, il y a, sur la passerelle, deux appareils radars BridgeMaster de Racal Decca qui servent pour la navigation et pour éviter les abordages. Le radar Racal Decca à proximité du SEVCM est muni des logiciels «Autotrack» et «Geographic». Les fonctions de l'«Autotrack» sont similaires à celles d'une aide au pointage radar automatique (APRA) sauf qu'il n'y a pas de dispositif de manoeuvre programmée. Le «Geographic» permet, entre autres, de construire, d'afficher et de mettre à jour des cartes maritimes. De plus, ce logiciel peut enregistrer les données et afficher les sillages antérieurs. Les données sur la navigation stockées sur carte mémoire peuvent être modifiées ou mises à jour d'après les avis aux navigateurs. Cependant, l'information enregistrée relative au sillage du navire ne peut ê? modifiée.

    Au moment de l'événement à l'étude, le DGPS du «CICÉRO» était en marche et enregistrait aux trois minutes la position du «CICÉRO», mais l'écho radar du «ZIEMIA ZAMOJSKA» n'était pas suivi ni enregistré au moment où le «CICÉRO» allait le rattraper.

    1.9 Communication entre les navires et le Centre de trafic maritime (CTM) de Montréal

    Dans le secteur no 4 du CTM de Montréal où est survenu l'abordage, la voie de communication entre les navires et le CTM est la fréquence 156,65, voie 13 du VHF.

    Les radiotéléphones VHF à bord des deux navires ont fonctionné normalement.

    À 6 h 34, le «ZIEMIA ZAMOJSKA» a signalé au CTM son passage à la pointe des Ormes et a indiqué qu'il prévoyait passer à Yamachiche (Québec) à 7 h 35. Le «CICÉRO», qui le suivait, a signalé son passage à la pointe des Ormes à 6 h 45 et a donné une heure prévue de passage à Yamachiche de 7 h 25. Ces communications se sont déroulées normalement. À 7 h 13, le pilote du «ZIEMIA ZAMOJSKA» a signalé au CTM qu'il y avait eu abordage avec le «CICÉRO» vers 7 h 10.

    Les enregistrements des conversations radio précédant l'abordage montrent que le «CICÉRO» et le «ZIEMIA ZAMOJSKA» ont communiqué par radio directement l'un avec l'autre avant, pendant et après l'abordage. La première communication a eu lieu à 6 h 59 en vue d'une entente pour le rattrapage entre les deux navires. Dans la deuxième communication, à 7 h 10, le pilote du «ZIEMIA ZAMOJSKA» a appelé le pilote du «CICÉRO» pour lui dire de faire attention. Lors de la dernière conversation, à 7 h 14, le «CICÉRO» a demandé au «ZIEMIA ZAMOJSKA» de réduire sa vitesse.

    1.10 Quart à la passerelle

    «ZIEMIA ZAMOJSKA»

    Le second capitaine, qui était l'officier de quart, le pilote, un apprenti et un timonier se trouvaient dans la timonerie. Le capitaine s'était absenté quelques minutes avant l'abordage.

    «CICÉRO»

    Le capitaine, le second capitaine, qui était l'officier de quart, le pilote et un timonier se trouvaient dans la timonerie.

    1.11 Timonier

    1.11.1 Antécédents

    Le timonier du «ZIEMIA ZAMOJSKA» navigue depuis 14 ans, dont les 3 dernières années à bord de navires marchands. Auparavant, il travaillait à bord de navires de pêche en haute mer. Il a été reconnu comme timonier de navires marchands en 1991. Son expérience en tant que timonier se limitait à un voyage sur le fleuve Mississippi. Il en était à son premier voyage comme timonier sur le fleuve Saint-Laurent. Depuis l'entrée du navire dans les eaux canadiennes, il n'avait agi comme timonier qu'une quinzaine de minutes pendant la pause-repas de l'apprenti.

    1.11.2 Tâches

    Les tâches du timonier qui était de quart au moment de l'abordage se résument comme suit : en mer, il travaille normalement sur le pont huit heures par jour et que très rarement comme timonier. Il avait été assigné au quart de 4 h à 8 h, temps durant lequel il se partageait la tâche de timonier avec un apprenti. Durant le quart de 4 h à 8 h le 12 avril 1995, l'apprenti avait été à la barre de 4 h à 6 h et, au moment de l'abordage, le timonier était à la barre depuis 6 h.

    1.11.3 Incident

    À l'est de la station de pilotage de la pointe des Ormes, pendant que le timonier était à la barre, le pilote a dû intervenir pour corriger une route qu'il avait ordonnée et que le timonier avait mal interprétée. Cet incident n'a pas été signalé au pilote de relève lorsqu'il est monté à bord à la station de pilotage de la pointe des Ormes.

    1.12 Langue de communication

    Toutes les communications radio entre le «ZIEMIA ZAMOJSKA», le «CICÉRO» et le CTM se sont déroulées en français. Les ordres de barre au timonier étaient données en anglais, et le timonier répétait le cap et exécutait le changement de cap.

    1.13 Navigation dans les environs du lieu de l'abordage

    L'abordage est survenu dans les parages de la courbe à l'intersection de la traverse de Nicolet et de la course de la pointe du Lac. Dans ce secteur, les navires doivent effectuer des changements de cap totalisant 40 ° sur une distance de 1,2 mille marin, dans une courbe d'environ 400 m de large.

    1.14 Observations du personnel navigant

    À bord du «ZIEMIA ZAMOJSKA», le personnel navigant s'accorde pour dire que le dernier cap ordonné par le pilote était le 240°, sauf le timonier qui affirme que le dernier cap ordonné par le pilote était plutôt le 230°.

    Le personnel navigant n'a pas remarqué le virage du navire au-delà du cap ordonné au 240°. Toute l'attention du personnel, y compris le timonier, était tournée vers le «CICÉRO». Le pilote quant à lui s'est rendu compte que quelque chose n'allait pas quand il a aperçu la bouée verte S27 qui s'approchait rapidement par l'avant du «ZIEMIA ZAMOJSKA». Au même moment, il s'est aperçu que l'indicateur de barre indiquait que le gouvernail était tout à gauche. Sa réaction a été de crier au timonier de mettre la barre «à droite toute».

    1.15 Enregistrements de bord

    Les données du traceur de route du «ZIEMIA ZAMOJSKA» montrent que le vraquier a commencé à virer sur bâbord pour mettre le cap sur la course de la pointe du Lac vers 7 h 2, et que la route a été modifiée étape par étape vers bâbord à partir d'un cap au 270° jusqu'au dernier cap ordonné par le pilote au 240°. Le tracé montre aussi que le navire est allé au-delà du cap ordonné au 240° avec la barre toute à gauche jusqu'à un cap au 210°, avant de revenir vers tribord avec la barre toute à droite.

    Le tracé des données du DGPS à bord du «CICÉRO» confirme que, pendant ce temps, le roulier longeait le côté sud du chenal pour rattraper et dépasser le «ZIEMIA ZAMOJSKA» tel que convenu, sauf qu'une embardée vers bâbord par le navire rattrapé a amené les deux navires dans une situation très rapprochée suivie d'un heurt.

    1.16 Appareils radars sur la passerelle

    L'appareil BridgeMaster de Racal Decca à proximité du SEVCM du «CICÉRO» peut stocker les données sur le sillage du navire à bord duquel il est installé de même que les sillages antérieurs de la cible suivie. Ces données peuvent être stockées soit à l'intérieur de l'appareil, soit sur une des deux cartes mémoire amovibles de 64K conçues à cet effet et qui se trouvent sur le panneau avant du radar. Étant donné la capacité de mémoire limitée du disque amovible, il est pratique courante, à bord du «CICÉRO», de ne stocker que les données sur le navire à moins qu'il ne soit nécessaire d'enregistrer également les données sur la cible suivie compte tenu de la situation. Après un passage sans incident, la carte mémoire est utilisée de nouveau. Dans le cas à l'étude, la carte a été conservée et a fourni des renseignements quant au sillage du «CICÉRO».

    1.17 Systèmes mécaniques et électriques

    À bord des deux navires, le groupe propulseur, l'appareil à gouverner ainsi que toutes les autres machines étaient en bon état de fonctionnement et n'ont pas contribué à l'abordage.

    1.18 Appareil à gouverner

    L'appareil à gouverner du «ZIEMIA ZAMOJSKA» était actionné par deux groupes moteur mais, au moment de l'événement, un seul groupe moteur était en usage, contrairement à ce qui se fait d'habitude en eaux restreintes.

    1.19 Effets hydrodynamiques et interaction entre les navires

    Les navires qui se déplacent très près les uns des autres, surtout dans des chenaux peu profonds ou à proximité des berges, sont soumis à un phénomène qu'on appelle interaction hydrodynamique.Note de bas de page 4 Lorsqu'un navire flotte, immobile, des forces hydrostatiques s'exercent sur sa coque tandis que lorsque le navire se déplace, un champ de pression se crée tout autour du navire et donne naissance à des vagues caractéristiques (voir l'annexe A, figure 1).

    Lorsque deux navires suivent des routes parallèles ou quasi-parallèles à proximité l'un de l'autre (voir l'annexe A, figure 2), le document précité précise que tout changement dans l'équilibre précaire des forces de pression qui s'exercent sur la coque entraînera d'importantes forces longitudinales et latérales et de puissants moments de rotation s'exerceront sur le navire, ce qui pourrait nuire à la manoeuvre du navire.

    Dans certains cas, les forces provoquées par l'interaction peuvent être supérieures à la capacité du gouvernail du navire de compenser pour ces forces et entraîner une perte de stabilité directionnelle. En eaux peu profondes, l'eau qui coule le long de la coque donne naissance à un phénomène bidimensionnel, et l'interaction est encore plus dangereuse.

    2.0 Analyse

    2.1 Le changement de cap

    Dans le secteur où l'abordage s'est produit, les navires doivent effectuer des changements de cap totalisant 40 °. En l'occurrence, le timonier du «ZIEMIA ZAMOJSKA» devait gouverner au compas et exécuter les changements de cap ordonnés par le pilote et surveillés par l'apprenti, qui était près du timonier. La route a été modifiée étape par étape pour venir du 270° au 250°(V), ce que le timonier a effectué sans aucune difficulté. Quand le pilote a ordonné un changement de cap du 250° au 240°(V), le «CICÉRO» se trouvait par le travers bâbord du vraquier. C'est à ce moment que l'attention du personnel navigant, y compris le timonier, s'est tournée vers le «CICÉRO». Par conséquent, le «ZIEMIA ZAMOJSKA» est allé au-delà du cap ordonné par le pilote.

    2.2 Inattention du personnel navigant à bord du «ZIEMIA ZAMOJSKA»

    En l'absence du capitaine, le rôle de l'officier de quart est de s'assurer de la sécurité du navire, de surveiller les gestes du pilote et de voir à ce que le timonier exécute les changements de cap et gouverne sur le cap ordonné par le pilote. Apparemment, à cause de la proximité du «CICÉRO» par le travers bâbord de leur navire, toute l'attention du personnel navigant du «ZIEMIA ZAMOJSKA» s'est tournée vers lui.

    2.3 Effort de concentration

    Un timonier doit faire un certain effort de concentration pour maintenir le navire sur le cap voulu, surtout dans un chenal resserré et, de surcroît, dans une courbe dans une situation de rattrapage avec un autre navire. De plus, un timonier moins expérimenté doit fournir un plus grand effort de concentration pour maintenir le cap.

    2.4 Effets hydrodynamiques

    Même en tenant compte de l'ampleur des forces provoquées par l'effet hydrodynamique créé entre les deux navires au moment du rattrapage du «ZIEMIA ZAMOJSKA» par le «CICÉRO», la principale raison pour laquelle le «ZIEMIA ZAMOJSKA» a été entraîné hors de sa route demeure le manque d'attention du timonier et des officiers à la passerelle. Les données consignées par le traceur de route à bord du «ZIEMIA ZAMOJSKA» montrent que le navire a réagi promptement à l'ordre de barre, dès que des mesures correctives ont été prises.

    3.0 Faits établis

    1. À cause de la proximité du «CICÉRO» par le travers bâbord du «ZIEMIA ZAMOJSKA», toute l'attention du personnel navigant du vraquier s'est tournée vers le roulier.
    2. Le pilote du «ZIEMIA ZAMOJSKA» s'est rendu compte que le navire virait au-delà du cap ordonné quand il a aperçu la bouée verte S27 s'approcher rapidement par l'avant du navire.
    3. L'officier de quart du «ZIEMIA ZAMOJSKA» ne surveillait pas les gestes du timonier et ne s'est pas rendu compte que le navire était allé au-delà du cap ordonné par le pilote.
    4. Les données du traceur de route du «ZIEMIA ZAMOJSKA» montrent que le cap du navire est allé jusqu'au 210° alors que l'orientation du chenal est au 236°.
    5. Grâce au traceur de route à bord du «ZIEMIA ZAMOJSKA», il a été possible, au cours de l'enquête sur cet accident, d'établir la raison du virage rapide vers bâbord alors que le «CICÉRO» était en train de dépasser le vraquier.
    6. Les données de l'appareil BridgeMaster de Racal Decca à bord du «CICÉRO» ont aussi été utiles au cours de l'enquête pour établir avec certitude que le roulier était du côté sud du chenal tel que convenu.
    7. Les manoeuvres d'évitement de dernière minute des deux navires ont limité les dégâts.

    3.2 Causes

    Le «CICÉRO» et le «ZIEMIA ZAMOJSKA» se sont abordés lorsque le navire rattrapé, le «ZIEMIA ZAMOJSKA», est allé au-delà du cap ordonné par le pilote. L'erreur d'inattention du timonier n'a pas été détectée à temps parce que toute l'attention du personnel navigant était tournée vers le navire qui le dépassait.

    4.0 Mesures de sécurité

    Le Bureau n'a, jusqu'ici, recommandé aucune mesure de sécurité.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

    Annexes

    Annexe A - Croquis - Forces hydrodynamiques entre les navires

    Annexe B - Croquis du secteur de l'abordage

    Annexe C - Photographies

    Avaries à la hanche bâbord du ZIEMIA ZAMOJSKA
    Image
     Avaries à la hanche bâbord du ZIEMIA ZAMOJSKA
    Avaries à la hanche tribord du "CICÉRO"
    Image
    Avaries à la hanche tribord du "CICÉRO"
    Avaries au pavois tribord et à la passerelle du "CICÉRO"
    Image
    Avaries au pavois tribord et à la passerelle du "CICÉRO"

    Annexe D - Sigles et abréviations

    APRA
    aide au pointage radar automatique
    ar.
    arrière
    av.
    avant
    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    CTM
    Centre de trafic maritime
    DGPS
    système de positionnement global en mode différentiel (Differential Global Positioning System)
    HAE
    heure avancée de l'est
    K
    kilo-octet(s)
    kW
    kilowatt(s)
    m
    mètre(s)
    OMI
    Organisation maritime internationale
    SEVCM
    système électronique de visualisation des cartes marines (ECPINS-Electronic Chart Precision Integrated Navigation System)
    SI
    système international (d'unités)
    UTC
    temps universel coordonné
    V
    vrai (°)
    VHF
    très haute fréquence
    °
    degré(s)