Talonnage
Vraquier « JEAN PARISIEN »
près de Johnson Point, rivière St. Marys (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 23 avril 1999, le vraquier canadien « JEAN PARISIEN » naviguait sur lest et remontait la rivière St. Marys avec un tirant d'eau arrière maximal de 7,0 m. À 18 h 15, le fond du navire a touché le fond de la rivière dans un secteur où la profondeur projetée était de 6,4 m, dans la voie médiane du chenal Neebish. L'arrière du navire venait de passer devant les bouées Q16 et Q17 quand le personnel de navigation de la passerelle a ressenti un impact qui a secoué le navire et a observé un tourbillon boueux dans l'eau sur l'arrière du navire. Après que l'équipage eut fait une inspection initiale pour déterminer l'étendue des dégâts, le navire a poursuivi sa route jusqu'à Sault Ste. Marie, où il a fait l'objet d'une inspection de la carène. L'inspection a révélé une brèche dans le bordé de fond, qui a causé une altération de l'étanchéité à l'eau.
Renseignements de base
Nom | « JEAN PARISIEN » |
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Port d'immatriculation | Toronto (Ontario) |
Pavillon | Canada |
Numéro d'immatriculation/d'enregistrement | 368347 |
Type | Vraquier autodéchargeant |
Jauge brute | 22 772 tonneaux |
Longueur | 224,37 m |
Largeur | 22,94 m |
Tirant d'eau | Av. : 3,7 m Ar. : 7,0 m |
Construction | Chantiers Davie, Lauzon, Canada, 1977 |
Propulsion | Deux moteurs diesel Pielstick à 10 cylindres, de 9 000 bhp (puissance au frein), hélice à quatre pales orientables avec tuyère Kort |
Équipage | 23 personnes |
Propriétaire enregistré | Société maritime CSL Inc., Montréal |
Description du navire
Le « JEAN PARISIEN » est un vraquier autodéchargeant affecté aux voyages en eaux intérieures de classe I (Grands Lacs/Voie maritime du Saint-Laurent) dont l'espace machines, les emménagements et le pont de navigation se trouvent à l'arrière. Il compte six cales, des citernes latérales de ballastage pour chaque cale ainsi qu'un double fond subdivisé en compartiments bâbord et tribord par une carlingue centrale. Le navire, dont la machine principale est commandée à partir de la passerelle, est équipé d'une hélice à tuyère Kort et d'un propulseur d'étrave d'une puissance au frein de 1 000 bhp. Sa vitesse maximale en eaux libres est de 13 noeuds.
Déroulement du voyage
Le 22 avril 1999 à 19 h 05 heure avancée de l'Est, le « JEAN PARISIEN » part de Lambton (Ontario) à destination de Superior au Wisconsin et navigue sur lest. Les tirants d'eau avant et arrière au moment du départ sont respectivement de 3,7 m et de 7,0 m. L'équipage en est à son voyage initial de la saison sur les Grands Lacs. Le voyage se déroule normalement et il n'y a aucun incident à signaler. Les systèmes mécaniques et électriques et les systèmes de navigation fonctionnent tous de façon satisfaisante.
Le 23 avril 1999, 45 minutes avant l'arrivée du navire au feu de De Tour Reef, on fait venir le capitaine sur la passerelle pour qu'il se charge de la navigation. À 16 h 10 le « JEAN PARISIEN » entre dans la rivière St. Marys. L'équipe de quart à la passerelle se compose du capitaine, de l'officier de quart (OQ) et du timonier. Le capitaine pilote en mode visuel. L'OQ contrôle la navigation en s'aidant du radar et d'une carte électronique. La visibilité est bonne et les vents soufflent du nord-est à 10 noeuds. Le navire signale sa position aux services du trafic maritime de la garde côtière des États-Unis (USCG), connus sous le nom de « Soo Control ». Un avis aux navigateurs prévient le personnel de quart à la passerelle au sujet du faible niveau d'eau dans la rivière St. Marys. On ne signale pas de glaces ni de trafic dans les parages.
À la bouée de Mud Lake Junction, on réduit le régime des machines pour faire ralentir le navire de 10 à 7,8 noeuds. À l'alignement Winter Point, une vérification du compas gyroscopique est effectuée et confirme que ce dernier est juste. L'OQ avise Soo Control de la position du navire. Le capitaine modifie le cap et vient sur la route 9. Vers 18 h 06 le « JEAN PARISIEN » s'aligne sur l'amer désigné sous le nom de Sailor's Encampment, à 017 vrais (V) dans la zone de la voie médiane du chenal Neebish, où la profondeur projetée est de 8,2 m (27 pieds). Le timonier gouverne le navire en suivant les instructions, en s'alignant sur les balises lumineuses gauches. Quand le navire dépasse la bouée Q14 à une vitesse approximative de 7 noeuds, le capitaine réduit encore le régime des moteurs en vue du changement de cap suivant à Johnson Point. Dans cette section de la rivière, un courant portant au sud-est pousse le navire sur tribord par rapport à la trajectoire recommandée. En gardant le cap au 016V, le navire suit une route-fond au 017V.
Anticipant d'être déporté sur bâbord après la bouée Q16, le capitaine choisit de rester au milieu du chenal Neebish et suit un cap médian entre les deux trajectoires navigables recommandées qui correspondent aux amers et aux marques de jour. Suivant les instructions, le timonier vient sur un cap au 017V. Une fois le changement de cap effectué, le navire continue de se déporter, non pas vers bâbord comme prévu, mais vers tribord. La dérive vers tribord se confirme lorsque l'équipage constate que les marques de jour de droite continuent de se rapprocher. À 18 h 15, alors que plus de la moitié du navire a dépassé les bouées Q16 et Q17 et que la vitesse du navire est encore de 6,7 noeuds, on entend un bruit au moment où le bordé de fond vient en contact avec le fond de la rivière. Le navire gratte le fond de la rivière momentanément mais poursuit sa route en suivant le même cap en dépassant la bouée Q16. À ce moment, le timonier constate que les marques de jour de droite sont alignées, indiquant que le navire se trouve dans la partie est du chenal, là où la profondeur est plus faible (6,4 m). Le navire touche le fond à la position suivante, latitude 46°14.75′ N, longitude 084°06.3′ W.Note de bas de page 1 Dans cette section du chenal, le fond de la rivière est dur et forme une saillie au-dessus de laquelle le dégagement minimal sous le zéro des cartes est de 6,5 m (voir l'annexe A).
Au moment de l'impact, le capitaine réduit de nouveau le régime des machines de façon à conserver tout juste une erre suffisante pour gouverner, et met le propulseur d'étrave en route. Il donne ensuite une série d'ordres à la barre afin de se dégager de l'obstacle, après quoi le navire retrouve sa trajectoire et reprend sa vitesse pour virer à Johnson Point. Le capitaine ordonne ensuite à un officier de sonder les citernes de ballast liquide pour déterminer s'il y a eu envahissement dans un des compartiments. Il signale la situation à Soo Control et au propriétaire du navire.
L'impact a causé une brèche dans la citerne de ballast liquide tribord no 5 et dans l'espace mort de la salle des machines. Le navire a donc gîté sur bâbord après que la citerne de ballast tribord se fut vidée par gravité jusqu'à atteindre un équilibre de pression à la flottaison. Aucun changement n'a été relevé dans les sondages ou les creux de l'une ou l'autre des citernes de carburant de la salle des machines; toutefois, les cofferdams ont été percés et se sont remplis d'eau. L'accident n'a pas causé de pollution.
Le navire reprend sa route jusqu'à Ninemile Point et y jette l'ancre à 21 h 30. Le 24 avril, le navire quitte le mouillage, traverse le lac Supérieur et arrive à Thunder Bay le 26 avril, où il sera inspecté et réparé.
Avaries
Le navire est entré en cale sèche le 27 avril 1999, et l'inspection a révélé des avaries considérables au bordé de fond et à sa structure interne au droit du côté tribord de la citerne de ballast liquide tribord no 5, à ses cofferdams avant et arrière, aux prises d'eau à la mer, à un puisard d'huile d'une hélice à pales orientables et à la caisse de retour d'huile.
La citerne de ballast liquide no 5 tribord et le cofferdam situé à son extrémité avant ont été percés. Le bordé de fond de la citerne a été déformé et enfoncé et montre, entre les couples 33 et 36, une déchirure mesurant environ 1,5 m de longueur et 20 cm de largeur. Le bordé de fond a été gauchi et enfoncé de 12 à 16 cm et, de l'avant vers l'arrière, a été repoussé vers l'intérieur à la hauteur de l'arrondi du bouchain entre le couple 55 et le couple 24.
Le bordé de fond tribord a aussi été gauchi et enfoncé entre les couples 21 et 14, les dommages étant à peu près parallèles à la quille.
Pour réparer les dégâts, il a fallu remplacer approximativement 14,4 tonnes d'acier; les travaux ont reçu l'approbation de la société de classification et ont été effectués conformément aux normes du propriétaire.
Certificats du navire
Le navire avait été inspecté par Transports Canada (TC) quelques semaines avant l'accident et était conforme aux exigences en matière de certificats, d'armement en équipage et d'équipement qui étaient établies pour le secteur d'exploitation.
Qualifications, expérience et condition physique du personnel
Le capitaine était titulaire d'un certificat de capitaine de navire à vapeur d'eaux intérieures (CN I) délivré en 1998. Il comptait six années de service à titre de capitaine pour le compte de la Société maritime CSL Inc. et il en était à sa troisième saison à bord du « JEAN PARISIEN ». Il avait suivi un cours sur la manoeuvre des navires à Port Revel en France, des cours de simulateur de passerelle à LaGuardia (New York) et à Toledo (Ohio), ainsi qu'un cours de gestion des ressource à la passerelle à St. John's (Terre-Neuve). Il était qualifié pour naviguer sur les Grands Lacs et avait effectué plusieurs voyages sur la rivière St. Marys. Il avait dormi six heures au cours de la nuit précédente sur le lac Huron. Il a indiqué qu'il était bien reposé et que sa condition physique et mentale lui permettait de s'acquitter de ses fonctions de navigation.
Le second naviguait depuis 1967. Il était titulaire d'un brevet ON II délivré à St. Catharines en 1998. Il était à l'emploi de la compagnie depuis mars 1987 et avait occupé ce poste pendant près de sept ans à bord de différents navires. Il a suivi un cours de gestion des ressources à la passerelle en 1995. Il a déclaré qu'il était bien reposé et qu'il se sentait apte à s'acquitter de ses fonctions.
Le timonier naviguait depuis 1969 et comptait 20 ans d'expérience comme timonier. Il travaillait surtout à bord de navires des Grands Lacs. Il a fait savoir qu'il était reposé et attentif à ses fonctions et qu'il n'a éprouvé aucune difficulté à gouverner le navire pendant qu'il était à la barre.
Chenal Neebish
La voie ouest et la voie médiane du chenal Neebish sont des voies navigables importantes qui relient le lac Huron et le lac Supérieur. Le US Army Corps of Engineers [corps du génie de l'armée des États-Unis] a terminé en 1958 des travaux d'amélioration du chenal. Ces travaux ont inclus des travaux de dragage destinés à permettre le passage de navire ayant des tirants d'eau plus forts. La voie médiane du chenal Neebish a été draguée et reprofilée à l'aide d'explosifs. Les débris de pierre ont été retirés et empilés sur les rives du canal. Le fond de la rivière demeure dur et rocheux. Depuis la construction d'une voie descendante, du côté ouest de l'île Neebish, le chenal est à sens unique pour les navires montants. Plusieurs sections du chenal Neebish traversent des eaux canadiennes. Les chenaux de la rivière St. Marys sont conformes aux Lignes directrices sur les manoeuvres dans les voies navigables canadiennes de la Garde côtière canadienne; comme aucun problème n'a été signalé, la Garde côtière canadienne n'a jamais exécuté de travaux de dragage dans ces sections.
Les navigateurs disposent, au sujet de la rivière St. Marys, d'une information provenant de sources variées, notamment la carte numéro 14883 des États-Unis et les Instructions nautiques du Canada, volume 2. Le volume intitulé United States Coast Pilot for the Great Lakes, Volume 6, donne la description suivante du chenal Neebish :
[traduction]
Le chenal dragué de la rivière St. Marys se divise pour faire le tour de 'île Neebish. Le chenal remontant, à l'Est et au Nord de l'île Neebish, mesure 17,5 miles de longueur. Dans ce passage, les routes à suivre sont bien marquées par des feux d'alignement et des bouées lumineuses. La voie 9 s'étend sur 3,6 miles vers le NNE [nord-nord-est] jusqu'à Johnson Point du côté SE [sud-est] de l'île Neebish. La voie E [est] du chenal a une profondeur de 21 pieds et mesure 200 pieds de largeur. La voie W [ouest] a une profondeur de 27 pieds et une largeur d'au moins 300 pieds. La voie ouest est marquée par des feux d'alignement situés à 016°55′ à son extrémité amont.
Après l'accident, l'USCG a fait des relevés et a confirmé que les bouées Q16 et Q17 étaient bien aux positions annoncées. Des relevés faits par le US Army Corps of Engineers montrent que les chenaux à faible et à fort tirant d'eau étaient conformes à leurs valeurs respectives de profondeur utile, soit 8,2 m et 6,4 m.
Autres accidents survenus dans le chenal Neebish
D'autres échouements se sont produits dans les chenaux séparés de la rivière St. Marys. Le 5 avril 1999 l'« ALGONTARIO » remontait la rivière St. Marys quand il a évité trop large dans le virage et s'est échoué dans la voie dont la profondeur projetée était de 21 pieds (6,4 m), entre les bouées Q20 et Q22 (rapport no M99C0005 du BST). En mai 1999 le « JOSEPH L. BLOCK » s'est échoué au feu 29, à la hauteur du talus rocheux.
Équipement de navigation et appareil à gouverner
Le « JEAN PARISIEN » était muni de l'équipement de navigation obligatoire et disposait aussi d'un système de carte électronique non obligatoire et d'un système de navigation intégré. L'équipement de navigation semblait fonctionner correctement au moment de l'événement. Toutefois, quand on a fait repasser les données enregistrées du système de carte électronique après l'accident, on n'a obtenu des renseignements graphiques que pour certains segments du voyage. En raison d'une panne intermittente de l'équipement, il n'y a eu aucun enregistrement des données sur la position du navire pendant plus de deux heures au cours desquelles le navire a navigué sur la rivière St. Marys. L'enregistrement des données du système de carte électronique n'a pas permis de déterminer la route du navire pendant les minutes qui ont précédé l'accident.
La manoeuvre est dirigée à partir d'un pupitre de commande placé dans l'axe longitudinal du navire, d'où la visibilité vers l'avant est bonne. La tuyère Kort et le propulseur d'étrave du système de direction fonctionnaient bien et il n'y a aucune indication quant à une quelconque panne de l'appareil à gouverner.
Services du trafic maritime
L'établissement des services du trafic maritime sur la rivière St. Marys vise à réduire les risques d'abordage, d'échouement et de dommages à l'environnement, aux rives et à la voie navigable. La station des services du trafic maritime qui était responsable du secteur, Soo Control, voit à la régulation de l'acheminement et du mouvement des navires. La participation au service du trafic maritime de la rivière St. Marys est obligatoire pour les navires de 40 m et plus de longueur. La vitesse est limitée à 7,8 noeuds entre Everens Point et Reed Point.Note de bas de page 2 Johnson Point ne sert de point d'appel que pendant l'hiver.
Le dernier navire qui est passé dans le chenal Neebish, deux heures avant le « JEAN PARISIEN », a été le « ROGER BLOUGH », un laquier de dimension régulière mesurant 260 m de longueur et 32 m de largeur. Le « ROGER BLOUGH » avait pris la précaution de déballaster suffisamment à la bouée de Mud Lake Junction pour faire en sorte que son tirant d'eau arrière soit de 6,4 m (21 pieds) jusqu'à ce que le navire atteigne les écluses de Sault Ste. Marie.
Zone de pilotage
En vertu d'une entente entre les États-Unis et le Canada, les eaux des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent ont été divisées en zones de pilotage désignées et en zones de pilotage non désignées. Pour les navires étrangers, la Western Great Lakes Pilots Association (des États-Unis) offre des services de pilotage dans le district 3, lequel comprend les eaux de la rivière St. Marys.
Aux termes du Règlement de pilotage des Grands Lacs du Canada, les entreprises canadiennes qui veulent faire exempter leurs navires de l'obligation relative au pilotage doivent présenter chaque année à l'Administration de pilotage des Grands Lacs un affidavit indiquant les noms des navires qu'elles veulent voir exemptés et les noms des capitaines et officiers qualifiés qui sont en poste à bord des navires.
Fluctuations du niveau d'eau et courants
D'après le routier, les niveaux d'eau des Grands Lacs sont soumis à des fluctuations de trois types : fluctuations saisonnières, à long terme et à court terme. Au printemps de 1999, des fluctuations à long terme et des fluctuations saisonnières ont affecté le lac Supérieur, dont les niveaux d'eau ont été plus faibles que la normale. Les changements du niveau d'eau influent directement sur la profondeur disponible dans un chenal. La profondeur des chenaux dragués de la rivière St. Marys est appelée profondeur fédérale projetée (federal project depth). Le US Army Corps of Engineers procède périodiquement à des balayages dans les secteurs dragués de la rivière St. Marys et, le cas échéant, les profondeurs inférieures aux profondeurs projetées sont publiées dans les Avis aux navigateurs. D'après le capitaine du « JEAN PARISIEN », le bassin inférieur était à deux pouces sous le zéro des cartes au moment de l'incident.Note de bas de page 3 Le bassin inférieur est un niveau de référence servant à représenter le secteur général situé en aval des écluses de Sault Ste. Marie.
Analyse
Profondeur d'eau sous quille
Pour la trajectoire 9, les deux voies montantes du chenal Neebish ont des profondeurs différentes : 8,2 m du côté ouest et 6,4 m du côté est. La voie ouest est marquée par une série de balises d'alignement, tandis que la voie est dispose de marques de jour placées sur la colline appelée Sailor's Encampment. Le sondage fait par le US Army Corps of Engineers a indiqué des profondeurs normales dans le chenal de 8,2 m et dans celui de 6,4 m. La voie remontante plus profonde mesure 91 m (300 pieds) de largeur, tandis que le voie moins profonde mesure 61 m (200 pieds) de largeur. Les navires qui approchent de la bouée Q16 doivent progresser à allure réduite de façon à limiter le plus possible l'effet de petits fonds, aussi appelé effet d'accroupissement. Des pilotes locaux signalent qu'ils règlent la vitesse à sept noeuds pour pouvoir tourner à Johnson Point. On a aussi indiqué que certains capitaines des Grands Lacs restent près du milieu de la voie 9 avant d'amorcer le virage suivant.
On a suivi les pratiques normales de navigation à bord du « JEAN PARISIEN ». Avec une forte assiette positive de 3,3 m et un tirant d'eau arrière de 7,0 m, le « JEAN PARISIEN » était trop bas sur l'eau pour entrer dans le passage est (d'une profondeur de 6,4 m) de la voie médiane du chenal Neebish. Par conséquent, le bordé de fond du navire a touché la berge de la rivière et la citerne no 5 tribord a été enfoncée d'environ 20 cm.
Bien des compagnies de la flotte américaine des Grands Lacs ont adopté une pratique consistant à ajuster l'assiette des navires de façon à accroître la profondeur d'eau sous quille avant de s'engager dans le chenal Neebish. Cette pratique n'était pas courante dans la flotte canadienne. Après le chargement du navire, ou avant d'entrer dans la rivière St. Marys, aucune modification n'a été apportée à l'assiette du « JEAN PARISIEN » ni au plan de traversée. Le capitaine a « pris la voie médiane » entre les bouées Q16 et Q17, ce qui a rapproché le côté tribord du navire de la zone peu profonde du chenal.
Pratiques en matière de pilotage
La Société maritime CSL Inc. exploite une flotte de 12 navires sur les Grands Lacs et dans la Voie maritime du Saint-Laurent. Comme la plupart des navires affectés à la navigation intérieure, le « JEAN PARISIEN » était exempté de l'obligation de prendre un pilote à son bord. L'équipe de navigation de la passerelle se chargeait de la navigation et, conformément à la pratique courante, le capitaine dirigeait la manoeuvre tandis que l'OQ surveillait le radar et les autres systèmes de navigation. Aux termes de la politique de la compagnie, le personnel de la passerelle devait préparer un plan détaillé de traversée entre deux ports. Le plan de traversée qui était disponible au sujet de la rivière St. Marys n'indiquait aucune disposition quant à une modification de l'assiette pour accroître la profondeur d'eau sous quille dans le chenal Neebish.
En zone de pilotage, les fonctions de l'OQ consistaient notamment à surveiller les gestes du timonier et à estimer la vitesse du navire en notant l'heure à laquelle le navire passait devant certains points le long de la rivière. Rien n'indique que l'OQ ait participé à la modification des trajectoires ou ait alerté le capitaine quand le navire a dérivé vers la voie est. Même si l'équipe de passerelle avait suivi la formation sur la gestion des ressources à la passerelle, l'OQ n'a pas fourni de renseignements significatifs au capitaine afin d'assurer l'efficacité du plan de traversée.
La méthode de pilotage employée à bord du « JEAN PARISIEN » consistait à suivre une voie médiane entre les alignements et les balises de Sailor's Encampment et à faire passer le navire au milieu du chenal aux bouées Q16 et Q17. Cette pratique, combinée à la dérive sur tribord plus accentuée que prévu, a amené le navire près de la limite de la zone de hauts-fonds de 6,4 m, là où il a touché le fond.
Il semble que l'équipe de passerelle n'ait pas apprécié correctement le fait que le navire aurait dû suivre uniquement la voie où la profondeur était de 8,2 m.
Comme la plupart des vraquiers des Grands Lacs, le « JEAN PARISIEN » a un coefficient de finesse considérable (0,86). Quand le navire s'est approché du côté peu profond du chenal Neebish, il a probablement subi un effet d'accroupissement plus marqué. Il se peut aussi que l'effet de succion de la berge ait joué un rôle dans cet incident.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le « JEAN PARISIEN » a touché le fond dans la voie où la profondeur projetée était de 6,4 m (21 pieds) dans la voie médiane du chenal Neebish, parce que son tirant d'eau de 7,0 m était supérieur à la profondeur du chenal.
- Le « JEAN PARISIEN » a un coefficient de finesse considérable (0,86). Quand il s'est approché du côté peu profond du chenal Neebish, il a probablement subi un effet d'accroupissement plus marqué. Il se peut aussi que l'effet de succion de la berge ait joué un rôle dans cet accident.
- On n'a pas pris la précaution de déballaster ou d'ajuster l'assiette du navire avant d'entrer dans le chenal Neebish.
- La compagnie demandait à chaque capitaine de produire un plan de traversée entre deux ports. Toutefois, l'équipe de passerelle n'a pas adapté son plan de traversée en fonction des circonstances qui rendaient nécessaire une dérogation aux pratiques normales de pilotage.
Mesures de sécurité
Mesures prises
Le 24 avril 1999, les propriétaires du navire ont émis un message d'alerte à l'intention de leurs capitaines afin de les avertir du faible niveau d'eau dans la rivière St. Marys. Avant d'appareiller, d'entrer dans un port ou de s'engager dans un réseau hydrographique, les capitaines doivent dorénavant ballaster leurs navires de façon à augmenter la profondeur d'eau sous quille après avoir compensé l'effet d'accroupissement.
Les services du trafic maritime Soo Control de l'USCG ont publié l'avis aux navigateurs indiqué ci-après :
[traduction]
Les navigateurs sont avisés que des échouements et d'autres effets attribuables à la faible profondeur se sont produits le long des voies 8 et 9, dans les parages de Johnson's Point. On rappelle aux navigateurs de tenir compte des effets attribuables à la faible profondeur, des courants, de la vitesse du navire, de l'accroupissement, de la profondeur d'eau sous quille et des problèmes connexes relatifs à la stabilité de route, quand ils s'engagent dans la voie médiane du chenal Neebish.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes