Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R19W0002

Collision et déraillement de train en voie principale
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Trains de marchandises M31851-01 et M31541-03
Point milliaire 50,37, subdivision de Rivers
Portage la Prairie (Manitoba)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 3 janvier 2019, vers 6 h 10, heure normale du CentreNote de bas de page 1, près de Rivers (Manitoba), le train de marchandises M31851-01 (train 318) exploité en direction est par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a commencé à suivre le train Q11651-30 (train 116) exploité en direction est par le CN sur la subdivision de Rivers du CN. Les deux trains avaient pour destination Winnipeg (Manitoba). Le train 318 était un train cléNote de bas de page 2 exploité sur un itinéraire cléNote de bas de page 3, tels que définis dans le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par Transports Canada (TC).

    À 9 h 06 min 54 s, le train 318 se déplaçait à 42 mi/h, avec le système Optimiseur de parcours (OP) en fonction et le manipulateur à la position 7, lorsqu’il a franchi l’indication de vitesse normale à arrêt au point milliaire 52,2. Le chef de train avait annoncé le signal dans la cabine de la locomotive et identifié l’indication de vitesse normale à arrêt. Toutefois, le chef de train n’avait pas entendu le mécanicien de locomotive (ML) répondre pour accuser réception du signal, et le ML semblait regarder droit devant lui. À ce moment, la conversation dans la cabine s’était tue, l’OP demeurait en fonction et le train poursuivait sa route à la vitesse permise.

    Alors que le train 318 du CN circulait sur la voie sud, le train de marchandises M31541-03 (le train 315) du CN circulant vers l’ouest passait de la voie simple à la voie nord en sortant du branchement symétrique au point milliaire 50,37 à Nattress, près de Portage la Prairie (Manitoba).

    Au point milliaire 51,13, alors qu’il circulait à 46 mi/h, le train 318 a passé la tête du train 315. Le chef du train 318 a alors rappelé au ML qu’ils circulaient en vertu d’un signal de vitesse normale à arrêt. À la suite de ce rappel, à 9 h 08 min 34 s, le ML a désactivé l’OP et a effectué un serrage normal à fond des freins à air; 24 secondes plus tard, il a par inadvertance placé la poignée du robinet de mécanicien à la position de suppression (plutôt qu’à la position de freinage d’urgence), puis il a serré le frein indépendant de la locomotive. Après 10 autres secondes, alors que le signal d’arrêt 504S devenait visible, le ML a déclenché un freinage d’urgence du train et l’équipe de train a évacué la cabine de la locomotive.

    Le train 318 a pris en écharpe le train 315, qui circulait toujours à 23 mi/h (figure R1). Peu après, les membres de l’équipe du train 318 ont sauté de la locomotive vers le côté sud de la voie et ont été légèrement blessés.

    Figure R1. Progression des signaux franchis par le train 318 à l’approche de Nattress (Source : BST)
    Image
    Progression des signaux franchis par le train 318 à l’approche de Nattress (Source : BST)

    À la suite de la collision, les 2 locomotives de tête du train 318 et 8 wagons du train 315 ont déraillé. Même si aucun wagon transportant des marchandises dangereuses n’a été touché, les locomotives de tête du train 318 ont perdu un total combiné d’environ 3500 gallons impériaux de carburant diesel. Le carburant diesel qui s’est déversé a été confiné localement, puis il a été nettoyé sans que les voies navigables soient touchées.

    L’enquête a permis d’établir les faits suivants :

    • L’équipe du train 318 s’attendait à suivre le train 116 jusqu’à Winnipeg sans s’arrêter à Nattress parce que c’est ce qui s’était produit lors des 9 autres voyages vers l’est dans la subdivision de Rivers.
    • Le train 318 avait accéléré jusqu’à 42 mi/h avant d’atteindre le signal avancé 522S. À partir de là, l’équipe du train 318 aurait dû se préparer à arrêter le train avant d’arriver au signal 504S à Nattress.
    • L’équipe d’exploitation du train 318 n’a pas réagi correctement aux indications de signal affichées sur le terrain aux points milliaires 52,2 et 50,4, ce qui a en fin de compte mené à la collision.
    • Le ML du train 318 était fatigué en raison de perturbations aiguës du sommeil causées par des périodes de sommeil brèves et interrompues au cours des 2 nuits précédant l’accident.
    • La vigilance du ML du train 318 avait diminué en raison de la réduction de la charge de travail découlant de l’utilisation de l’OP et en raison de la diminution du rendement découlant de sa fatigue, ce qui a contribué à retarder sa réaction aux signaux restrictifs du point milliaire 52,2 de même qu’à lui faire choisir une méthode de freinage inappropriée à sa première tentative d’arrêter le train.
    • En raison du manque d’expérience du chef du train 318 et du rapport d’autorité existant entre les membres de l’équipe, le chef de train s’est fié au ML sans remettre en question la façon de conduire le train. Par conséquent, les mesures prises par l’équipe pour ralentir puis arrêter le train avant le signal contrôlé 504S ont été tardives et inefficaces.
    • En l’absence d’un moyen de défense physique comme un système de commande de train amélioré, il n’y a eu aucune intervention automatique pour ralentir ou arrêter le train lorsque l’équipe n’a pas réagi au signal de vitesse normale à arrêt affiché sur le terrain.

    Mesures de sécurité prises

    Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    À la suite de l’événement à l’étude, le CN a diffusé l’avis du réseau no 904 auprès de tous les employés d’exploitation au Canada. L’avis avertissait les équipes de train qu’une fois de plus, il y avait eu une augmentation marquée des violations de la règle 439 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada dans l’ensemble du réseau du CN. Dans ces cas, les équipes de train ne s’étaient pas arrêtées aux indications de signal qui les obligeaient à le faire, principalement en raison d’un souci insuffisant de la conscience situationnelle. L’avis no 904 indiquait que [traduction] « les équipes d’exploitation ne doivent pas se laisser influencer par d’autres renseignements, comme les listes du mouvement des trains, les transmissions des détecteurs ou les transmissions d’autres équipes, tant qu’ils n’ont pas eux-mêmes identifié avec certitude le signal suivant ».

    Mesures de sécurité à prendre

    Commande de trains améliorée pour les itinéraires clés

    Le concept de base des systèmes de signalisation de commande centralisée de la circulation (CCC) au Canada est bien établi depuis un certain temps. Bien que des circuits de signal plus récents aient été intégrés aux systèmes de CCC au fil des ans, les activités ferroviaires comptent toujours principalement sur des moyens de défense administratifs, qui constituent la méthode la moins efficace pour atténuer les risques. Les moyens de défense administratifs dépendent trop du respect des règles par les équipes de train, et ne tiennent pas compte des facteurs humains qui influent sur le comportement. Par exemple, en l’occurrence, les équipes de train étaient tenues, en vertu de l’exigence administrative relative au système de contrôle des trains de CCC, de respecter les indications de signal affichées sur le terrain, mais ce moyen de défense n’a pas empêché l’accident de se produire.

    Un système de CCC signalisé n’avertit pas d’avance l’équipe de train ou le contrôleur de la circulation ferroviaire. La CCC n’offre pas non plus de mécanisme automatique de respect des limitations de vitesse afin de ralentir ou d’arrêter un train avant qu’il ne franchisse un signal restrictif. Par conséquent, lorsqu’une équipe de train perçoit mal, interprète mal ou ne respecte pas une indication de signal, l’ensemble des moyens de défense administratifs fait défaut. Comme le démontrent la présente enquête et 80 autres enquêtes menées par le BST depuis 1990, lorsqu’un moyen de défense administratif fait défaut et qu’il n’existe aucun moyen de défense secondaire, il peut se produire un accident qui aurait pu être évité par ailleurs.

    À titre de comparaison, les compagnies de chemin de fer de catégorie 1 exploitées aux États-Unis ont mis en œuvre des systèmes physiques de commande des trains à sécurité intégrée appelés Positive Train Control (PTC). Le système PTC est conçu pour prévenir les collisions entre trains, les déraillements dus à un excès de vitesse, les incursions dans les zones de travaux et le passage d’un train dans un aiguillage mal orienté. Au Canada, le terme « commande des trains améliorée » (CTA) a été adopté pour décrire ces systèmes.

    Un système PTC/CTA atténuerait le risque que les équipes interprètent mal ou ne respectent pas les indications de signal en intervenant automatiquement pour ralentir ou arrêter un train si une équipe d’exploitation ne réagissait pas correctement à un signal affiché sur le terrain. Un système PTC/CTA pleinement fonctionnel offrirait en outre un moyen de défense physique à sécurité intégrée contre les erreurs commises par les équipes d’exploitation en raison de la fatigue, laquelle a joué un rôle dans le présent accident.

    Aux États-Unis, la Rail Safety Improvement Act (RSIA) de 2008 exigeait que le système PTC soit installé sur les itinéraires à risque élevé; depuis le 31 décembre 2020, le système PTC a été pleinement mis en œuvre sur toutes les voies requises, qui totalisent 57 535,7 milles, soit environ 41 % des quelque 140 000 milles de parcours du réseau ferroviaire des États-Unis. Le nombre total de milles de voie sur lesquels sont installés des systèmes PTC comprend les exploitations américaines du CN (3107 milles) aussi bien que celles du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) (2118 milles).

    À titre comparatif, le réseau ferroviaire canadien est constitué d’environ 26 000 milles de parcours de voie. Les itinéraires clés représentent un total combiné d’environ 10 940 milles de voie principale, soit environ 42 % du réseau ferroviaire canadien. Toutefois, au contraire des États-Unis, le Canada n’exige pas l’installation de systèmes PTC ou CTA sur les itinéraires où sont transportées des marchandises dangereuses.

    Depuis 2000, le Bureau a émis 2 recommandations liées à la nécessité de moyens de défense supplémentaires en matière de commande des trains :

    • La recommandation R00-04 a été émise à la suite de son enquête sur la collision de 1998 entre 2 trains du CP près de Notch Hill (Colombie-Britannique)Note de bas de page 4. Le Bureau a recommandé que l’industrie ferroviaire mette en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires afin de s’assurer que les membres des équipes identifient les signaux et s’y conforment de façon uniforme.
    • La recommandation R13-01 a été émise à la suite de son enquête sur le déraillement et la collision en 2012 du train de voyageurs numéro 92 de VIA Rail Canada Inc. (VIA 92), près de Burlington (Ontario).Note de bas de page 5 Le Bureau a recommandé la mise en œuvre de méthodes de contrôle des trains à sécurité intégrée, en commençant par les corridors ferroviaires à grande vitesse du Canada.

    En 2014, en réponse aux 2 recommandations du BST, un Groupe de travail sur la commande des trains (GTCT) mixte réunissant TC et le secteur a été mis sur pied et a conclu un contrat de sous-traitance avec le Laboratoire canadien de recherche ferroviaire (LCRF) pour la production d’un rapport. Après ces activités, il y a eu une série de réunions, de discussions et d’études courantes liées à l’élaboration et à la mise en place de systèmes de CTA au Canada, qui n’ont jusqu’à maintenant engendré aucun plan de mise en œuvre ou autre résultat tangible. Même si TC a publié un avis d’intention dans la partie I de la Gazette du Canada en février 2022 pour faire part de son intention d’exiger la mise en œuvre des systèmes de CTA au Canada, il n’existe toujours aucun plan de mise en œuvre. Le temps que TC et le secteur mettent sur pied le GTCT, étudient la question, produisent le Rapport final du GTCT, concluent un contrat de sous‑traitance avec le LCRF pour produire un rapport de suivi et étudient les résultats obtenus par le LCRF, le système PTC avait été pleinement mis en œuvre aux États-Unis sur toutes les voies ferrées à risque élevé visées par la RSIA.

    La subdivision de Rivers du CN est un itinéraire clé et fait partie intégrante de l’un des principaux corridors de circulation ferroviaire au Canada. Cela signifie également que les villes et villages qui bordent cet itinéraire sont continuellement exposés aux risques liés aux trains clés transportant des marchandises dangereuses. Toute collision ou tout déraillement d’un train clé présente un risque de déversement de marchandise dangereuse et de conséquences néfastes potentielles pour les personnes, les biens ou l’environnement.

    La mise en œuvre de technologies de commande des trains à sécurité intégrée, comme les systèmes de CTA, offrirait une mesure de sécurité supplémentaire lorsqu’elles sont utilisées de concert avec les moyens de défense administratifs existants. Toutefois, le secteur ferroviaire canadien continue de s’appuyer exclusivement sur les moyens de défense administratifs pour prévenir toute réaction inadéquate des équipes de train aux indications de signal affichées sur le terrain.

    Si TC et le secteur ferroviaire ne prennent pas de mesures pour mettre en œuvre des moyens de défense physiques à sécurité intégrée afin de réduire les conséquences d’erreurs humaines inévitables, le risque de collision et de déraillement persistera, avec une augmentation proportionnelle du risque sur les itinéraires clés au Canada. Par conséquent, le Bureau recommande que

    le ministère des Transports exige que les grands transporteurs ferroviaires canadiens accélèrent la mise en œuvre de méthodes physiques de commande des trains à sécurité intégrée dans les corridors ferroviaires à grande vitesse du Canada et sur tous les itinéraires clés.
    Recommandation R22-04 du BST

    Formation récurrente sur la gestion des ressources en équipe

    En général, les compagnies de chemin de fer n’utilisent pas les méthodes de communication en boucle fermée. D’après les exigences des règles d’exploitation du secteur ferroviaire, lorsqu’un train croise une indication de signal affichée sur le terrain, un membre de l’équipe doit communiquer l’indication de signal à haute voix dans la cabine de la locomotive à l’autre membre de l’équipe. Bien que l’autre membre de l’équipe soit tenu de répéter le message, l’expéditeur initial n’est pas tenu de confirmer que le message a été bien reçu ou compris par l’autre membre de l’équipe.

    Comme le montre l’événement à l’étude, lorsque le degré d’expérience des membres de l’équipe d’exploitation diffère considérablement, il est possible qu’un rapport d’autorité se crée et que le membre de l’équipe le moins expérimenté n’intervienne pas toujours pour assurer le respect de l’ensemble des règles. Dans ces situations, il y a un risque que les comportements qui compromettent la sécurité soient ignorés parce qu’un employé moins expérimenté peut être réticent à remettre en question les gestes d’un employé ayant plus d’ancienneté ou à intervenir dans l’exploitation du train, même s’il est essentiel de le faire, comme dans l’événement à l’étude.

    La gestion des ressources en équipe (CRM) est un concept apparu dans les secteurs de l’aviation et de la marine pour limiter ou éliminer les erreurs humaines en reconnaissant l’importance des compétences cognitives et interpersonnelles, et ainsi améliorer la sécurité. La formation en CRM vise à améliorer les compétences, les aptitudes, les attitudes, la communication, la conscience situationnelle, la résolution de problèmes et le travail d’équipe d’une équipe de train. Les membres de l’équipe doivent bien interagir les uns avec les autres de même qu’avec leur équipement et avec leur environnement pour assurer une gestion efficace des menaces, des erreurs et des situations imprévues qui peuvent survenir.

    Les gestes posés par l’équipe doivent être fondés sur une compréhension commune de l’état actuel de l’équipement, de l’itinéraire à suivre et de toute autre menace possible. Lorsque cette compréhension est cohérente, les membres de l’équipe sont mieux outillés pour prévoir et coordonner efficacement leurs interventions dans le but d’atteindre leur objectif commun. Cette compréhension commune parmi les membres de l’équipe est appelée la conscience situationnelle d’équipe ou partagée.

    L’équipe acquiert et maintient cette conscience situationnelle commune en adoptant un certain nombre de comportements ponctuels et continus. Ces comportements comprennent les exposés pendant le trajet, la détermination des principaux jalons tout au long du trajet, la gestion des menaces et des erreurs (TEM), l’annonce de tout changement de l’état de l’équipement et du réglage ou du mode des instruments, ainsi que la communication de tout changement apporté aux plans pour s’assurer que tous les membres de l’équipe ont une compréhension commune des activités.

    La formation en CRM enseigne au personnel à aborder ses activités dans une perspective d’équipe plutôt que dans une perspective individuelle. La mise en œuvre de la CRM a apporté des avantages considérables en matière de sécurité dans les secteurs du transport aérien et du transport maritime. Compte tenu de la prévalence des facteurs humains dans les statistiques sur les accidents ferroviaires, ce type de formation pourrait offrir d’importants avantages en matière de sécurité dans ce secteur.Note de bas de page 6

    Toutefois, l’adoption de la formation en CRM dans l’industrie ferroviaire a été sporadique et l’approche diffère d’une compagnie de chemin de fer à l’autre. De la même façon, le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires n’exige pas que les membres des équipes d’exploitation suivent un module distinct en CRM lorsqu’ils acquièrent ou renouvellent leur attestation de compétence.

    Le BST a enquêté sur 8 autres événements ferroviaires, en remontant jusqu’à 1996, dans lesquels il a été établi que des pratiques de CRM inefficaces ont été un facteur contributif à l’accident.Note de bas de page 7

    Si les membres de l’équipe d’exploitation ne reçoivent pas une formation initiale et récurrente améliorée en CRM pour perfectionner leurs compétences en communication au sein de l’équipe, en coordination de la prise de décisions et des activités et en gestion des rapports d’autorité qui peuvent exister dans la cabine de locomotive, il y a un risque accru qu’une communication inadéquate entre les membres de l’équipe mène à une exploitation non sécuritaire. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige, en vertu du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, que les compagnies de chemin de fer canadiennes élaborent et mettent en œuvre une formation initiale et récurrente moderne sur la gestion des ressources en équipe dans le cadre de la formation de qualification des employés d’exploitation ferroviaire.
    Recommandation R22-05 du BST

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Train de marchandises Q11651-30 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    Le train de marchandises Q11651-30 (train 116) exploité en direction est par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) était parti de Roberts Bank (Colombie-Britannique)Note de bas de page 8. Le train 116 était composé de 2 locomotives de tête tirant 137 wagons intermodaux chargés. Il avait une longueur de 9210 pieds et son poids était de 8106 tonnes. Le 3 janvier 2019, une équipe a été commandée à 4 hNote de bas de page 9 pour prendre en charge le train 116 à Rivers (Manitoba), au point milliaire 143,2 de la subdivision de Rivers. Le train 116 a quitté Rivers vers 4 h 45 à destination de Winnipeg (Manitoba).

    1.2 Train de marchandises M31851-01 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    Le train de marchandises M31851-01 (train 318) exploité en direction est par le CN était parti d’Edmonton (Alberta) et devait se rendre à Winnipeg. Il était catégorisé comme train cléNote de bas de page 10 conformément au Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par Transports Canada (TC). La puissance de trait du train 318 était assurée par 4 locomotives de ligne à 6 essieux. Il y avait 3 locomotives de tête et 1 locomotive télécommandée à traction répartie située à la 99e position; les 1re et 2e locomotives de tête ainsi que la locomotive à traction répartie étaient en prise tandis que la 3e locomotive de tête était isolée. Le train 318 tirait 160 wagons (134 chargés et 26 vides), dont 33 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses et 6 wagons-citernes contenant des résidus de marchandises dangereusesNote de bas de page 11,Note de bas de page 12. Il avait une longueur de 9613 pieds et son poids était de 19 275 tonnes.

    Le 3 janvier 2019, à 4 h 30, une équipe du CN a été commandée pour prendre en charge le train 318 à Rivers. L’équipe était formée d’un mécanicien de locomotive (ML) et d’un chef de train. Le ML connaissait bien la subdivision; le chef de train avait été muté à Winnipeg en octobre 2018. Entre le 4 novembre 2018 et le 3 janvier 2019, le chef de train avait terminé les 2 déplacements de familiarisation et 29 autres déplacementsNote de bas de page 13 dans la subdivision de Rivers.

    Les 2 membres de l’équipe étaient qualifiés pour leur poste et satisfaisaient aux exigences en matière d’aptitude au travail. Leur historique de travail respectif était conforme aux Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire (Règles de travail et repos) approuvées par Transports Canada. Vers 6 h 10, le train 318 a quitté le triage de Rivers en direction est sur la subdivision de Rivers, qui est également un itinéraire cléNote de bas de page 14 (figure 1). L’équipe du train 318 exploitait le train à partir de la locomotive de tête CN 3009.

    Figure 1. Lieu de l’événement (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
    Image
    Lieu de l’événement (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)

    1.3 Train de marchandises M31541-03 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    Le train de marchandises M31541-03 (train 315) exploité en direction ouest par le CN était parti de Winnipeg et devait se rendre à Edmonton. Il y avait 5 locomotives en tête; 2 locomotives étaient en prise et les 3 autres locomotives étaient isolées. Le train 315 tirait 136 wagons (57 chargés et 79 vides), dont 9 wagons-citernes chargés de marchandises dangereusesNote de bas de page 15 et 52 wagons-citernes contenant des résidus de marchandises dangereusesNote de bas de page 16. Il avait une longueur de 9189 pieds et son poids était de 8301 tonnes.

    Le 3 janvier 2019, à 5 h 30, une équipe du CN a été commandée pour prendre en charge le train 315 à Winnipeg, au point milliaire 0,0 de la subdivision de Rivers. L’équipe se composait d’un ML et d’un chef de train. Les 2 membres de l’équipe répondaient aux exigences de leur poste et satisfaisaient aux exigences réglementaires en matière de repos et d’aptitude au travail. Vers 7 h 30, le train 315 a quitté Winnipeg en direction ouest sur la subdivision de Rivers.

    1.4 Activité ferroviaire sur la subdivision de Rivers avant l’accident

    Le train 116 a quitté Rivers vers l’est à 4 h 45, devant le train 318, qui a quitté le triage de Rivers vers 6 h 10.

    Pendant le voyage, le train 318 a été exploité avec le système Optimiseur de parcours (OP)Note de bas de page 17 activé à 3 reprises.

    • Entre 6 h 10 (point milliaire 142,6) et 6 h 20 (point milliaire 136,7).
    • Entre 7 h (point milliaire 126,8) et 7 h 40 (point milliaire 96,1).
    • Entre 9 h (point milliaire 56) et 9 h 08 (point milliaire 51,4).

    Alors que le train 318 approchait du passage à niveau Elk (point milliaire 89,9), il a commencé à recevoir les indications de signal de vitesse normale à arrêt différé et de vitesse normale à arrêtNote de bas de page 18 jusqu’à ce qu’il arrive tout juste à l’ouest de Bloom (point milliaire 64,3). En réaction à ces signaux restrictifs, le freinage a été retardé en prévision de l’affichage d’un signal moins restrictif. Comme prévu, ces signaux ont changé pour des signaux de vitesse normale avant que le train 318 ne passe.

    Le train 318 s’est arrêté à l’aiguillage ouest de la voie d’évitement de Bloom derrière le train 116, qui était arrêté à l’aiguillage est de la voie d’évitement de Bloom pour croiser un autre train se dirigeant vers l’ouest. Puisque le train 318 et le train 116 étaient très près l’un de l’autre, l’équipe du train 318 a entendu l’équipe du train 116 communiquer les indications de signaux par radio de même que les détecteurs de boîtes chaudes automatisés transmettre les rapports d’automate vocal par radio.

    Lorsque le train 315 en direction ouest a reçu l’autorisation d’entrer dans la voie d’évitement de Bloom, le train 116 a reçu un signal de vitesse normale pour partir vers l’est, et le train 318 a suivi jusqu’à l’aiguillage est de la voie d’évitement de Bloom, régi par une indication de signal de vitesse normale à arrêt exigeant que l’équipe soir prête à s’arrêter au signal suivant. Par la suite, le train 318 a reçu une indication de vitesse normale à l’aiguillage est de la voie d’évitement de Bloom et il est parti de Bloom après que le train 116 eut laissé 2 cantons entre lui et le train 318Note de bas de page 19, dans le sens du déplacement.

    Après avoir franchi une indication de signal de vitesse normale à West Tower (point milliaire 56,1), le train 318 a reçu des indications de vitesse normale aux 2 gares suivantes, soit Kearns (point milliaire 55,7) et Portage la Prairie (point milliaire 55,3) (Manitoba).

    Alors que le train 318 approchait de Portage la Prairie, l’équipe du train 318 a entendu une conversation radio entre le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) et l’équipe du train 116. Au cours de la conversation, il a été indiqué que le train 116 avait été orienté directement jusqu’à St. James Junction, ce qui sous-entendait que le train 116 serait autorisé à se rendre directement à Winnipeg sans devoir croiser d’autres trains.

    Compte tenu de la conversation entre le CCF et le train 116, l’équipe du train 318 s’attendait à continuer de suivre le train 116 directement jusqu’à Winnipeg sans s’arrêter; toute circulation ferroviaire vers l’ouest que le train 318 pourrait rencontrer serait probablement arrêtée à Nattress (point milliaire 50,4), comme ça avait été le cas pour les déplacements précédents de l’équipe du train 318. Toutefois, à l’insu de l’équipe du train 318, le CCF avait prévu de retenir le train 318 à Nattress pour permettre le passage du train 315 en direction ouest après que le train 116 fut sorti de Nattress. Pendant que le train 318 poursuivait sa route sur la voie principale sud, le ML continuait d’exploiter le train avec le système OP activé.

    Pendant le voyage vers l’est, le chef du train 318 annonçait régulièrement les indications de signal affichées sur le terrain à l’intérieur de la cabine de la locomotive, conformément à la règle 34b) du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF)Note de bas de page 20. Cependant, le chef de train n’entendait pas toujours le ML répondre verbalement pour accuser réception de l’indication de signal. En plus de s’acquitter de leurs tâches normales, le ML et le chef de train ont entamé des discussions portant sur la subdivision de Rivers car le chef de train était toujours en train de se familiariser avec le territoire.

    1.5 L’accident

    Vers 9 h 03, alors qu’il avançait à 31 mi/h avec le manipulateur au cran de marche 5, le train 318 a passé le signal contrôlé 542S (point milliaire 54,2)Note de bas de page 21, qui affichait une indication de vitesse normale à vitesse limitée. Cette indication de signal stipulait que le train pouvait avancer à une « vitesse LIMITÉE à l’approche du signal suivantNote de bas de page 22 ». La vitesse limitée est définie comme une « [v]itesse ne dépassant pas 45 milles à l’heureNote de bas de page 23 ». Le chef de train a annoncé l’indication de signal dans la cabine et le ML a répondu et a verbalement accusé réception. Le train a poursuivi sa route avec le système OP activé et avec une pression dans la conduite générale des freins à air constante à 89 lb/po2. La conversation dans la cabine s’est poursuivie.

    Entre 9 h 03 min 26 s et 9 h 06 min 01 s, on a fait sonner le klaxon du train avant d’arriver aux passages à niveau des points milliaires 54,22, 53,58 et 52,89.

    Vers 9 h 06, alors que le train se trouvait au passage à niveau du point milliaire 52,89, le chef du train 318 a observé le signal avancé 522S (point milliaire 52,2), qui était le signal suivant dans le sens de la marche. Le signal 522S affichait une indication de vitesse normale à arrêt, ce qui indiquait que le train pouvait « [a]vancer, être prêt à s’arrêter au signal suivantNote de bas de page 24 ». Le chef de train a annoncé dans la cabine de la locomotive l’indication de vitesse normale à arrêt affichée par le signal avancé 522S au moment où le phare du train 315 qui circulait en direction ouest sur la voie nord est devenu visible. Toutefois, le chef de train n’a pas entendu le ML répondre verbalement pour accuser réception du signal. Le ML semblait fixer un point droit devant lui et n’avait aucune réaction. À ce moment, la conversation dans la cabine s’est arrêtée. Le système OP est demeuré activé et le train a continué à rouler à la vitesse permise.

    À 9 h 06 min 54 s, le train 318 se dirigeait vers l’est sur la voie principale sud à 42 mi/h avec le manipulateur au cran de marche 7, alors qu’il franchissait l’indication de vitesse normale à arrêt (point milliaire 52,2), tandis que le train 315 suivait la voie principale nord vers l’ouest à environ 38 mi/h. À ce moment-là, le système OP du train 318 était activé et la pression dans la conduite générale des freins à air était de 89 lb/po2. Normalement, le ML aurait désactivé le système OP après avoir passé toute indication de signal autre que vitesse normale, mais cette fois, il ne l'a pas fait.

    À 9 h 07 min 36 s, alors que le train circulait à 44 mi/h et comme il était de coutume, les ML des trains 318 et 315 ont éteint leur phare avant de locomotive de tête en approchant l’un de l’autre. À bord du train 318, le système OP était toujours activé, le manipulateur était au cran de marche 6 et la pression dans la conduite générale des freins à air était de 89 lb/po2.

    À 9 h 08 min 22 s, les locomotives de tête du train 318 et du train 315 se sont croisées au point milliaire 51,13, juste après un passage à niveau de ferme privé situé au point milliaire 51,3. Au moment où les trains se croisaient, l’équipe du train 315 a remarqué que le train 318 approchait à une vitesse plus élevée que ce à quoi elle s’attendait. À peu près au même moment, le chef du train 318 a rappelé au ML que le train circulait en vertu d’une indication de vitesse normale à arrêt. Le ML a d’abord semblé n’avoir aucune réaction, mais a ensuite semblé reprendre conscience. Le ML n’avait aucun souvenir d’avoir entendu le chef de train annoncer le signal de vitesse normale à arrêt dans la cabine, ni d’aucun des événements qui s’étaient déroulés avant que le chef de train lui rappelle que le train circulait en vertu d’une indication de signal de vitesse normale à arrêt. À ce moment-là, le système OP du train 318 était toujours activé, le manipulateur était au cran de marche 6, la pression dans la conduite générale des freins à air était de 89 lb/po2 et le phare avant était toujours éteint.

    À 9 h 08 min 33 s, le train 318 roulait à 46 mi/h en franchissant le point milliaire 50,99, lorsque le ML a désactivé le système OP afin de prendre les commandes du train.

    À 9 h 08 min 34 s, avec la pression dans la conduite générale des freins à air à 88 lb/po2, le ML a ramené le manipulateur au cran de ralenti et a enclenché directement un serrage normal à fond des freins à air (réduction de 25 lb/po2) en utilisant la poignée du robinet de mécanicien pour serrer les freins à air automatiques du train.

    À 9 h 08 min 58 s, le train 318 franchissait le point milliaire 50,68 à 43 mi/h. Le manipulateur restait au cran de ralenti et la pression dans la conduite générale des freins à air était à 68 lb/po2. Le ML avait l’intention de placer la poignée du robinet de mécanicien en position de freinage d’urgence, mais il l’a placée par inadvertance en position de suppressionNote de bas de page 25. À ce moment-là, le train 318 approchait rapidement du branchement symétriqueNote de bas de page 26 de la voie principale de Nattress au point milliaire 50,37, où la voie principale double passe à une voie principale simple (entre les points milliaires 50,37 et 50,1) alors que la voie traverse la rivière Assiniboine.

    À 9 h 09 min, le train 318 franchissait le point milliaire 50,66 à 39 mi/h. Le ML a alors remarqué que le train ne ralentissait pas suffisamment et il a serré les freins indépendants de la locomotive. Le manipulateur restait au cran de ralenti, la pression dans la conduite générale des freins à air du train était de 67 lb/po2 et la pression au cylindre de frein de la locomotive était de 1 lb/po2. À peu près à ce moment-là, le ML du train 318 a appelé l’équipe du train 315 pour lui demander d’augmenter la vitesse afin que le train 315 puisse sortir plus rapidement du branchement.

    À 9 h 09 min 06 s, le train 318 franchissait le point milliaire 50,59 à 39 mi/h, lorsque les freins indépendants de la locomotive ont été serrés à fond. Le manipulateur restait au cran de ralenti, la pression dans la conduite générale des freins à air était à 64 lb/po2 et la pression au cylindre de frein de la locomotive était à 70 lb/po2.

    À 9 h 09 min 08 s, le train 318 franchissait le point milliaire 50,57 à 39 mi/h lorsque le ML a actionné le commutateur d’urgence sur l’unité d’entrée et d’affichage (UEA), ce qui a eu pour effet de déclencher un serrage d’urgence des freins du train à partir de l’unité de détection et de freinage (UDF)Note de bas de page 27 à l’unité de queue du train. À ce moment-là, le manipulateur restait au cran de ralenti, la pression dans la conduite générale des freins à air était de 63 lb/po2 (serrage à fond), la pression au cylindre de frein de la locomotive de tête était de 70 lb/po2, la pression dans la conduite générale des freins en queue de train était de 73 lb/po2, et le signal 504S serait tout juste devenu visible à partir de la cabine de la locomotive. Cet écart de pression entre la tête et la queue du train indique que le serrage normal à fond des freins ne s’était pas encore entièrement propagé jusqu’à la queue du train 318.

    Le ML a dit au chef de train de sortir, puis il l’a agrippé en prévision de l’évacuation. Le ML et le chef de train ont ensuite évacué la cabine de la locomotive par la porte arrière droite située derrière le pupitre de commande du ML, pour se rendre sur la passerelle de la locomotive.

    À 9 h 09 min 17 s, alors que le train 318 franchissait le point milliaire 50,48 à 34 mi/h, la pression dans la conduite générale des freins à air était tombée à 0 lb/po2 à la tête et à la queue du train, ce qui indiquait que les freins d’urgence du train étaient serrés à fond d’un bout à l’autre du train.

    À 9 h 09 min 26 s, alors que le train 318 avançait à 27 mi/h, le train 318 franchissait le signal 504S (point milliaire 50,4), qui affichait une indication d’arrêt.

    À 9 h 09 min 30 s, alors que le train 318 avançait à 23 mi/h, il a pris en écharpe le 95e wagon du train 315 au point milliaire 50,37 (figure 2). Peu après la collision, les membres de l’équipe du train ont sauté de la locomotive vers le côté sud de la voie.

    Figure 2. Schéma indiquant les différents signaux franchis par le train 318 à l’approche de Nattress (Source : BST)
    Image
    Schéma indiquant les différents signaux franchis par le train 318 à l’approche de Nattress (Source : BST)

    Vers 9 h 10 min, la locomotive de tête du train 318 avait déraillé et s’était immobilisée sur le côté sud de la voie à proximité du point milliaire 50,33.

    Pendant l’évacuation, les membres de l’équipe du train 318 ont été légèrement blessés. Ils ont été transportés à l’hôpital où ils ont été soignés, puis ils ont reçu leur congé.

    Au moment de l’accident, la température était d’environ 3 °C avec des vents de 13 km/h venant du sud-ouest. Le ciel était couvert, et la visibilité était bonne.

    1.6 Examen des lieux

    Les 2 locomotives de tête du train 318 (CN 3009 et GECX 7371) sont restées essentiellement à la verticale, mais elles ont entièrement déraillé. La locomotive de tête (CN 3009) s’est immobilisée à un angle d’environ 45 degrés par rapport à la voie, un peu en contrebas sur le remblai du côté sud. Le côté nord des 2 locomotives avait subi des dommages. La locomotive de tête CN 3009 était lourdement endommagée (figure 3), tandis que la locomotive GECX 7371 présentait quelques dommages dus aux impacts et quelques éraflures. Les réservoirs de carburant des deux locomotives ont été perforés, ce qui a entraîné un déversement combiné total d’environ 3500 gallons impériaux (15 911 litres) de carburant diesel. Le carburant a été confiné localement pendant l’assainissement du site et il a été nettoyé par la suite. Aucun cours d’eau n’a été touché.

    Figure 3. Dommages subis par le côté nord de la locomotive CN 3009 du train 318 (Source : BST)
    Image
    Dommages subis par le côté nord de la locomotive CN 3009 du train 318 (Source : BST)

    Dans le cas du train 315, les wagons de la 95e à la 102position (inclusivement) derrière les locomotives de tête ont déraillé. Les 95e et 102e wagons sont restés à la verticale, tandis que les wagons de la 96e à la 101e position ont déraillé et gisaient sur leur flanc (figure 4). Tous les wagons du train 315 qui ont déraillé présentaient diverses formes de dommages causés par l’impact subi pendant l’accident. Deux wagons-citernes vides de catégorie DOT 111 ne contenant pas de marchandises dangereuses occupaient les 95e et 96e positions (UTLX 204215 et UTLX 204234). Le côté sud de la coque du wagon-citerne en 95e position avait été perforé, tandis que le wagon en 96e position avait déraillé et gisait sur le flanc sans être perforé. Même s’il n’est pas rare que des wagons-citernes vides contiennent encore des résidus, aucun produit ne s’est déversé pendant l’accident.

    Figure 4. Schéma du lieu de l’événement (Source : BST)
    Image
    Schéma du lieu de l’événement (Source : BST)

    1.7 Renseignements consignés et mesures prises par l’équipe du train 318

    Le tableau 1 présente un résumé des événements, y compris les mesures prises par l’équipe du train 318, d’après l’examen des données du consignateur d’événements de locomotive (CEL) de la locomotive de tête CN 3009 du train 318 et des enregistrements de la caméra orientée vers l’avant du train 318 et du train 315.

    Tableau 1. Déroulement des événements
    Heure Vitesse du train (mi/h) Point milliaire Événement/actions de l’équipe du train 318 Distance du signal contrôlé 504S au point milliaire 50,4

    9 h 03 min 26 s

    30 54,29

    Le klaxon du train a commencé à retentir 0,13 mille avant le passage à niveau du point milliaire 54,22 alors que le train circulait à 30 mi/h, et il a retenti pendant 15 secondes*.

    3,89 milles
    (20 539 pieds)

    9 h 03 min 37 s

    31 54,2

    La tête du train 318 a franchi le signal contrôlé 542S (point milliaire 54,2) d’East Tower, qui affichait une indication de vitesse normale à vitesse limitée. Le système OP était activé, le manipulateur était au cran de marche 5 et la pression dans la conduite générale des freins à air était de 89 lb/po2.

    3,8 milles
    (20 064 pieds)

    9 h 04 min 27 s

    33 53,75

    Le klaxon du train a commencé à retentir 0,26 mille avant le passage à niveau du point milliaire 53,58 alors que le train circulait à 33 mi/h, et il a retenti pendant 27 secondes.

    3,35 milles
    (17 688 pieds)

    9 h 05 min 58 s

    39 52,83

    Le klaxon du train a commencé à retentir au passage à niveau du point milliaire 52,89 alors que le train circulait à 39 mi/h, et il a retenti pendant 3 secondes.

    2,43 milles
    (12 830 pieds)

    9 h 06 min 54 s

    42 52,2

    La tête du train 318 franchissait le signal avancé 522S (point milliaire 52,2), qui affichait une indication de vitesse normale à arrêt. L’OP était activé, le manipulateur était au cran de marche 7 et la pression dans la conduite générale des freins à air était de 89 lb/po2.

    1,8 mille
    (9504 pieds)

    9 h 07 min 36 s

    44 51,7

    Le ML a éteint le phare avant pour le croisement avec le train 315. L’OP du train 318 était activé, le manipulateur était au cran de marche 6 et la pression dans la conduite générale des freins à air était de 89 lb/po2.

    1,3 mille
    (6864 pieds)

    9 h 08 min 22 s

    46 51,13

    Les locomotives de tête du train 318 et du train 315 se sont croisées juste après un passage à niveau de ferme (point milliaire 51,3). L’OP du train 318 était activé, le manipulateur était au cran de marche 6 et la pression dans la conduite générale des freins à air était de 89 lb/po2. Le phare avant était toujours éteint et le klaxon n’a pas été actionné.

    0,9 mille
    (4752 pieds)

    9 h 08 min 33 s

    46 50,99

    Le ML a désactivé l’OP.

    0,59 mille
    (3115 pieds)

    9 h 08 min 34 s

    46 50,98

    Le ML a réduit le manipulateur au cran de ralenti et a amorcé une réduction jusqu’à un serrage normal à fond des freins à air (25 lb/po2) pour serrer les freins à air automatiques du train. La pression dans la conduite générale était à 88 lb/po2.

    0,58 mille
    (3062 pieds)

    9 h 08 min 58 s

    43 50,68

    La poignée du robinet de mécanicien a été placée en position de suppression. Le manipulateur est resté au cran de ralenti et la pression dans la conduite générale des freins à air était à 68 lb/po2.

    0,28 mille
    (1478 pieds)

    9 h 09 min

    39 50,66

    Serrage initial des freins indépendants de la locomotive. Le manipulateur est resté au cran de ralenti, la pression dans la conduite générale des freins à air était à 67 lb/po2 et la pression au cylindre de frein de la locomotive était à 1 lb/po2.

    0,26 mille
    (1373 pieds)

    9 h 09 min 6 s

    39 50,59

    Les freins indépendants de la locomotive ont été serrés à fond. Le manipulateur est resté au cran de ralenti, la pression dans la conduite générale des freins à air était à 64 lb/po2 et la pression au cylindre de frein de la locomotive était à 70 lb/po2.

    0,19 mille
    (1003 pieds)

    9 h 09 min 8 s

    39 50,57

    Le ML a activé l’UEA qui a déclenché le serrage des freins à air d’urgence depuis l’UDF à la queue de train. Le manipulateur est resté au cran de ralenti, la pression dans la conduite générale des freins à air était à 63 lb/po2, la pression au cylindre de frein de la locomotive de tête était à 70 lb/po2 et la pression dans la conduite générale des freins en queue de train était à 73 lb/po2.

    0,17 mille
    (897 pieds)

    9 h 09 min 17 s

    34 50,48

    La pression dans la conduite générale des freins à air du train 318 est tombée à 0 à la tête et à la queue du train, ce qui indiquait que les freins d’urgence du train étaient serrés à fond.

    0,08 mille
    (422 pieds)

    9 h 09 min 26 s

    27 50,4

    Le train 318 a franchi le signal contrôlé 504S (point milliaire 50,4).

    0 mille

    9 h 09 min 30 s

    23 50,37

    La locomotive de tête (CN 3009) du train 318 a pris en écharpe le 95e wagon du train 315 et a déraillé.

    –0,03 mille
    (–158 pieds)

    Vers 9 h 10 min

    0 50,33

    La locomotive de tête (CN 3009) du train 318 qui a déraillé s’est immobilisée.

    –0,07 mille
    (–370 pieds)

    * Pour les trains qui circulent à plus de 44 mi/h, la règle 14(l) du Règlement d’exploitation ferroviaire approuvé par Transports Canada exige de faire retentir le klaxon à partir du panneau indicateur commandant de siffler, placé ¼ de mille avant un passage à niveau public, et jusqu’à ce que le passage à niveau soit entièrement occupé, en donnant 2 longs coups de klaxon, 1 court, et 1 long. Pour les trains qui circulent à 44 mi/h ou moins, les coups de klaxon doivent offrir au moins 20 secondes d’avertissement avant d’entrer dans le passage à niveau.

    1.7.1 Enregistreurs audio-vidéo de locomotive

    L’utilisation d’enregistreurs audio-vidéo de locomotive (EAVL) dans la cabine est une méthode objective et fiable permettant de déterminer plus précisément le rôle que peuvent jouer les facteurs humains dans un événement ferroviaire, notamment les communications dans la cabine entre les membres de l’équipe, la distraction et la fatigue. Bien que TC ait mis sur pied le Règlement sur les enregistreurs audio-vidéo de locomotive qui détermine les exigences techniques pour les EAVL et les protections de la vie privée des employés, le nouveau règlement sur les EAVL n’entrera pas pleinement en vigueur avant le 2 septembre 2022.

    Parce qu’aucun EAVL n’était en fonction dans la cabine, il a été impossible de confirmer rapidement les événements qui se sont produits dans la cabine, et d’expliquer rapidement pourquoi le train a franchi le signal 504S, qui affichait une indication d’arrêt.

    1.8 Systèmes de freinage du train

    Les locomotives sont équipées pour pouvoir gérer 2 systèmes de freins à air : les freins automatiques du train et les freins indépendants de la locomotive.

    Le système de frein automatique serre les freins sur chaque véhicule remorqué et chaque locomotive dans le train; il est normalement utilisé dans le cadre d’un serrage normal et d’un serrage d’urgence au cours de la marche du train pour le ralentir et l’arrêter.

    Le système de freins à air indépendant de la locomotive ne serre les freins que sur les locomotives. Il sert principalement à contrôler la vitesse de la locomotive dans les manœuvres, à contrôler ou arrêter un train qui se déplace à moins de 15 mi/h et à empêcher les roues des locomotives de patiner. Ce système n’est généralement pas utilisé pendant l’exploitation du train en voie principale.

    Chaque wagon de marchandises est muni d’une valve de commande de frein principal et d’une valve de commande de frein d’urgence. Le système de freins à air d’un wagon est également muni d’une valve d’accélération de serrage et d’une fonction de serrage rapide qui relâche directement la pression des conduites des freins à air et qui permet un serrage plus rapide des freins à air principaux.

    La locomotive CN 3009 est une locomotive General Electric Model ET44AC construite en août 2015, qui peut produire jusqu’à 4400 HP. Elle est munie de commandes de train placées sur un pupitre de commande situé à gauche du siège du ML (figure 5). La poignée du robinet de mécanicien est située sur le côté gauche du pupitre de commande et se distingue par sa couleur rouge.

    Figure 5. Pupitre de commande typique d’une locomotive General Electric modèle ET44AC (Source : BST)
    Image
    Pupitre de commande typique d’une locomotive General Electric modèle ET44AC (Source : BST)

    1.8.1 Freins automatiques (serrage normal des freins)

    Le système de frein automatique d’un train est alimenté par l’air provenant de compresseurs situés sur chaque locomotive en service. L’air est stocké dans les 2 réservoirs principaux de la locomotive. Le réservoir principal numéro 2 alimente à une pression d’air d’environ 90 lb/po2 une conduite générale qui fait toute la longueur du train et relie entre eux chaque locomotive et chaque wagon. En service, les compresseurs des locomotives chargent la conduite générale du train selon les besoins. Les réductions de la pression d’air dans cette conduite générale actionnent les freins sur l’ensemble du train.

    Pour effectuer un serrage normal des freins à air, le ML déplace la poignée du robinet de mécanicien à la position souhaitée (figure 6).

    Figure 6. Poignée du robinet de mécanicien de la locomotive (Source : BST)
    Image
    Poignée du robinet de mécanicien de la locomotive (Source : BST)

    À l’intérieur, les positions de poignée sont encochées de sorte qu’il y a un arrêt naturel à chaque position; un effort additionnel est nécessaire pour déplacer la poignée à la position suivante. Les ML sont formés à placer un train en freinage d’urgence en déplaçant la poignée du robinet de mécanicien vers la droite, aussi loin que possible, jusqu’à ce qu’elle ne puisse pas aller plus loin.

    Pour activer les freins à air, de l’air est évacué de la conduite générale. À mesure que la valve de frein à air principal de chaque wagon détecte la réduction de pression, elle permet à l’air de circuler d’un réservoir situé sur chaque wagon vers le cylindre de frein de ce wagon, ce qui serre les semelles de frein contre les roues.

    Pour desserrer les freins, le ML déplace la poignée du robinet de mécanicien à la position de desserrage. Cela a pour conséquence de diriger l’air du réservoir principal numéro 2 de la locomotive vers la conduite générale, ce qui permet de rétablir la pression de 90 lb/po2 dans l’ensemble de la conduite générale du train. Par la suite, comme chaque wagon perçoit une hausse de la pression dans la conduite générale, sa valve de frein à air principal permet d’évacuer de l’air de son cylindre de frein, et les semelles de frein sont éloignées des roues.

    1.8.1.1 Serrage gradué des freins à air

    Pour effectuer un serrage normal des freins, les ML du CN sont formés à utiliser un serrage gradué des freins à air pour tirer parti de la valve d’accélération de serrage et de la fonction de serrage rapide des wagons de marchandises. Un serrage gradué des freins à air nécessite une réduction initiale minimale de 7 lb/po2 dans la conduite générale, ce qui active la valve d’accélération de serrage et la fonction de serrage rapide sur les valves de frein à air des wagons de marchandises. Le ML surveille l’UEA dans la cabine de la locomotive et une fois que la pression d’air commence à diminuer dans la queue de train, le ML effectue une deuxième réduction pour effectuer le serrage normal du frein à air au niveau souhaité, jusqu’à une réduction de la pression d’air totale de 25 lb/po2 dans la conduite générale.

    Si un ML effectue directement un serrage normal à fond des freins, l’action de la valve d’accélération de serrage et la fonction de serrage rapide qui évacue directement la pression de la conduite des freins à air à chaque wagon sont contournées. Lorsque ces caractéristiques sont contournées, la pression dans la conduite générale n’est évacuée que des distributeurs sur les locomotives de tête et télécommandées. Cela retarde donc la réduction de la pression dans la conduite générale de même que le serrage normal correspondant des freins à air et l’augmentation de pression aux cylindres de frein.

    1.8.2 Freins indépendants de locomotive

    Les freins indépendants de la locomotive sont également alimentés en air à partir du réservoir d’air principal numéro 2 de la locomotive. Lorsqu’un serrage des freins indépendants est requis sur une locomotive à 6 essieux, le ML déplace la poignée des freins indépendants qui, à son tour, injecte une pression d’air pouvant atteindre 72 lb/po2 directement du réservoir principal numéro 2 jusque dans les cylindres de frein de la locomotive. Cela serre les semelles de frein sur les roues.

    Pour desserrer les freins indépendants, le ML déplace la poignée des freins indépendants à la position de desserrage. L’air est ainsi évacué des cylindres de frein de la locomotive, et les semelles de frein sont éloignées des roues.

    1.8.3 Serrage d’urgence des freins

    Un freinage d’urgence est le serrage maximal des freins à air d’un train, pendant lequel la pression dans la conduite générale est rapidement réduite à 0 lb/po2, soit à cause d’une séparation de la conduite générale, soit à la suite d’une commande de l’équipe de train. Dans l’un ou l’autre des cas, une fois qu’un train entre en freinage d’urgence, la réduction de la pression dans la conduite générale se propage dans toute la conduite de frein à air du train. À mesure que la réduction de pression des freins à air se propage, l’air est directement évacué par les valves de commande des freins de la locomotive et par la valve de freinage d’urgence de chaque wagon. L’air qui s’évacue produit un son distinct qui est clairement audible dans une cabine de la locomotive. En outre, le témoin d’ouverture de l’interrupteur pneumatique de traction (pneumatic control switch [PCS]) est illuminé (en rouge) sur l’écran d’affichage principal de la locomotive, la pression dans la conduite générale en queue de train indique 0 lb/po2 (en rouge), la pression du réservoir d’égalisation numéro 2 indique 0 lb/po2 (en rouge), la pression dans la conduite générale de la locomotive indique 0 lb/po2 (en rouge), un message indiquant que les freins ont été serrés d’urgence apparaît (en jaune) et, dans la locomotive de l’événement à l’étude, le plafonnier de la cabine s’allume (en rouge).

    Le Guide du mécanicien de locomotiveNote de bas de page 28 donne des directives de conduite des trains aux ML. En ce qui concerne le freinage d’urgence, la section G2.8 portant sur le sujet indique en partie ce qui suit :

    Lorsqu’un freinage d’urgence (y compris un freinage d’urgence intempestif) se produit :

    • i) Actionner immédiatement l’interrupteur d’urgence sur l’UTT [UEA] pour déclencher un serrage d’urgence à partir de la queue du train.
    • ii) Mettre le manipulateur à la position RALENTI.
    • iii) Laisser le robinet de mécanicien à la position SERRAGE D’URGENCE jusqu’à ce que le train se soit immobilisé.

    Une fois que le train s’est immobilisé, attendre que l’interrupteur pneumatique de traction (PC) se réarme (60 à 90 secondes). Lorsque cela peut être fait sans danger, placer la poignée du robinet de mécanicien à la position DESSERRAGE.

    Pour éviter le glissement des roues ou la production d’efforts excessifs d’étirement ou de compression dans le train à la suite d’un serrage d’urgence, le mécanicien doit immédiatement moduler la pression dans les cylindres de frein de la locomotive en faisant ce qui suit.

    Attelages étirés en tête :

    • i) En attendant que les freins du train produisent un effort retardateur, commander l’affranchissement en laissant la poignée du frein indépendant à la position DESSERRAGE, afin de maintenir l’étirement des attelages.
    1.8.3.1 Suivi effectué par la compagnie dans le cas de serrage d’urgence des freins du train

    Lorsqu’un train du CN entre en freinage d’urgence, qu’il soit déclenché par la conduite générale ou par l’équipe, des gestionnaires particuliers du chemin de fer reçoivent un avis instantané et les renseignements du train sont téléchargés. Les gestionnaires peuvent ainsi réagir immédiatement à une urgence potentielle et évaluer l’exploitation du train.

    1.8.4 Freinage compensateur

    Un freinage compensateur est semblable à un serrage normal à fond du frein automatique, mais il survient lorsque le système applique une « compensation ». Ce type de freinage réduit la pression dans la conduite générale à 0 lb/po2, ce qui oblige un train en mouvement à s’arrêter et recharger la conduite générale pour se rétablir du freinage compensateur.

    Les freinages compensateurs peuvent être déclenchés en cas de vitesse excessive de la locomotiveNote de bas de page 29, ou lorsque le ML ne répond pas à l’alerte du dispositif de veille automatique (RSC)Note de bas de page 30 et ne réinitialise pas le RSC. Un freinage compensateur réduit la pression dans la conduite générale des freins à air à 0 lb/po2, mais n’épuise pas tout l’air dans le réservoir de chaque wagon.

    1.8.5 Suppression

    La position de suppression se trouve à un endroit précis de la poignée de la valve de commande des freins automatiques de la locomotive. Elle déclenche un freinage normal à fond en réduisant la pression dans la conduite générale, puisque la poignée de la valve de commande des freins a déjà franchi la zone de serrage normal à fond des freins pour atteindre cette position. Le taux de propagation de la réduction de pression dans la conduite générale lorsque la poignée du robinet de mécanicien est placé dans la zone de serrage normal à fond ou à la position de suppression est le même; dans les deux cas, il est inférieur à celui d’un serrage d’urgence des freins. La suppression est utilisée pour annuler un freinage compensateur ou pour s’en rétablir.

    À la suite d’un freinage compensateur, le train est immobilisé. La poignée du robinet de mécanicien doit alors être placée et laissée en position de suppression durant 60 secondes afin de permettre de se rétablir du freinage compensateur et de permettre la recharge du circuit de freinage.

    Lorsque la conduite générale est entièrement chargée, le fait de placer la poignée du robinet de mécanicien à la position de suppression pendant une exploitation normale du train ne procure aucune force de freinage additionnelle par rapport à un serrage normal à fond des freins. La suppression ne devrait jamais être utilisée lorsqu’un train est en mouvement.

    1.9 Calcul de la distance d’arrêt et constatations

    Les données du CEL ont été examinées et des calculs de freinage ont été effectués pour vérifier la fonction de freinage du train 318 et estimer diverses distances d’arrêt. Il a été déterminé que les freins à air du train 318 étaient entièrement fonctionnels au moment de l’accident.

    Une distance de 9504 pieds sépare le signal avancé 522S (point milliaire 52,2), qui affichait une indication de vitesse normale à arrêt, et le signal contrôlé 504S (point milliaire 50,4), qui affichait une indication d’arrêt.

    1.9.1 Distances d’arrêt estimées à l’aide d’autres scénarios de conduite du train

    D’autres calculs ont permis d’estimer les distances d’arrêt du train 318 en fonction de diverses techniques de conduite visant à immobiliser le train à partir de 46 mi/h et de 39 mi/h, respectivement, si aucun accident n’était survenu.

    Les distances de freinage estimées sont conservatrices et fondées sur la composition (longueur du train, poids total en tonnes et configuration de traction répartie) du train 318. Les calculs reposent sur des hypothèses raisonnables utilisant des formules de distance d’arrêt des freins à air acceptées dans l’ensemble du secteur. Les calculs supposent une pression initiale de 89 lb/po2dans la conduite générale des freins à air et comprennent une estimation du temps de propagation des freins à air dans l’ensemble du train ainsi qu’une estimation du temps d’accumulation de pression dans les cylindres de frein pour chaque wagon.

    Les calculs supposent également que la locomotive télécommandée à traction répartie en milieu de train propagerait un signal de freinage normal ou un signal de freinage d’urgence à la fois vers l’avant et vers l’arrière, sur réception du signal radio de la locomotive de tête. Le serrage des freins à air sur la moitié avant du train devant la locomotive télécommandée à traction répartie prendrait le moins de temps pour s’activer, car l’air se propagerait simultanément vers l’arrière à partir de la locomotive de tête et vers l’avant à partir de la locomotive télécommandée à traction répartie.

    Pour le serrage normal des freins, les hypothèses suivantes ont été formulées :

    • Il faut environ 0,30 seconde à chaque wagon pour atteindre la pleine pression au cylindre de frein pour un serrage normal à fond des freins.
    • Le signal de propagation d’un serrage normal des freins à air circule dans la conduite générale à environ 600 pieds/seconde.

    Pour le serrage gradué des freins, les hypothèses suivantes ont été formulées :

    • Le serrage gradué activerait la valve d’accélération de serrage et la fonction de serrage rapide des freins des wagons de marchandises, ce qui réduirait légèrement le temps d’accumulation de pression aux cylindres de frein à environ 0,25 seconde par wagon.
    • Le signal de propagation d’un serrage normal des freins à air circule dans la conduite générale à environ 600 pieds/seconde.

    Pour le serrage d’urgence des freins à air, les hypothèses suivantes ont été formulées :

    • Il faut environ 0,1 seconde à chaque wagon pour atteindre la pleine pression au cylindre de frein.
    • Le signal de propagation d’un serrage d’urgence des freins circule dans la conduite générale à environ 900 pieds/seconde.

    Les hypothèses pour les calculs utilisés dans l’estimation des distances d’arrêt sont décrites dans les scénarios suivantsNote de bas de page 31 :

    1. Un serrage normal à fond des freins (réduction de la pression dans la conduite générale de 25 lb/po2) est actionné à l’aide de la poignée du robinet de mécanicien seulement. Les distances d’arrêt estimées supposent un total de 32,5 secondes pour le temps de propagation des freins à air d’un bout à l’autre du train et le temps d’accumulation de pression dans le cylindre de frein pour chaque wagon.
    2. Un serrage gradué des freins automatiques nécessite une réduction initiale d’au moins 7 lb/po2 pour activer la valve d’accélération de serrage et la fonction de serrage rapide des valves de commande des freins sur les wagons de marchandises, suivie d’une réduction supplémentaire de 18 lb/po2 pour une réduction totale de la pression dans la conduite générale de 25 lb/po2. Les distances d’arrêt estimées supposent un total de 28,75 secondes pour le temps de propagation des freins à air d’un bout à l’autre du train et le temps d’accumulation de pression dans le cylindre de frein pour chaque wagon.
    3. Un freinage d’urgence à fond est effectué à l’aide de la poignée du robinet de mécanicien en conjonction avec l’activation du commutateur sur l’UEA pour déclencher un serrage des freins d’urgence simultané à partir de la queue de trainNote de bas de page 32. Étant donné que le freinage d’urgence est activé à partir de 2 emplacements, 1 à chaque extrémité du train, le temps de propagation des freins à air d’un bout à l’autre du train et le temps d’accumulation de pression dans les cylindres de frein pour chaque wagon sont réduits à 8,4 secondes du temps d’activation total.

    Les distances d’arrêt estimées pour les scénarios 1 à 3, à partir de 46 et 39 mi/h respectivement, figurent au tableau 2.

    Tableau 2. Estimations par le BST des distances d’arrêt pour le train 318, par hypothèse de freinage et vitesse du train
    Scénario Hypothèses de freinage Temps d’activation estimé du freinage à fond (en secondes) Vitesse (mi/h) Distance d’arrêt estimée (en pieds)

    1

    Serrage normal à fond (réduction de la pression dans la conduite générale de 25 lb/po2)

    32,5

    46 4744
    39 3778

    2

    Serrage gradué à fond (réduction de pression initiale de 7 lb/po2 suivie d’une réduction additionnelle de 18 lb/po2 pour une réduction totale de 25 lb/po2)

    28,75

    46 4416
    39 3499

    3

    Freinage d’urgence activé à la tête de train et en queue de train au moyen de l’UEA

    8,4

    46 2316
    39 1760

    1.10 Renseignements sur la subdivision de Rivers et sur la voie

    La subdivision de Rivers du CN s’étend du point milliaire 0,0, à Winnipeg, vers l’ouest jusqu’au point milliaire 280,30, à Melville (Saskatchewan). Elle fait partie d’un des principaux corridors de transport du CN et se compose de territoires à voie double et à voie simple. Les mouvements de train dans cette subdivision sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC), autorisé en vertu du REF, et sont supervisés par un CCF en poste à Edmonton. Au total, 23 systèmes de détection en voie (détecteurs de boîtes chaudes) et 2 détecteurs de pièces traînantes sont situés à divers intervalles le long de la subdivision.

    Le trafic dans la subdivision de Rivers comprend en moyenne 35 trains de marchandises et 1 train de voyageurs par jour. Il s’agit de l’une des subdivisions les plus fréquentées du réseau du CN, et on y transporte une quantité importante de marchandises dangereuses, dont environ 60 % sont des liquides inflammables de classe 3. En raison du nombre de chargements de marchandises dangereuses circulant sur la subdivision de Rivers, celle-ci répond aux critères permettant de la désigner comme « itinéraire clé ». Le trafic annuel total (en millions de tonnes brutes par mille de voie ferrée) et le trafic annuel de marchandises dangereuses (en wagons chargés) dans la subdivision sont indiqués au tableau 3. Plus de 150 marchandises dangereuses différentes circulent dans la subdivision de Rivers.

    Tableau 3. Trafic annuel sur la subdivision de Rivers à proximité de Nattress
    Année Trafic annuel total (millions de tonnes brutes par mille) Trafic annuel total de marchandises dangereuses
    (wagons chargés)
    2015 107 184 824
    2016 104 89 818
    2017 117 97 314
    2018 123 144 789

    Source des données : CN

    Ce tronçon de la voie respecte les critères applicables aux voies de catégorie 4, comme définis dans le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada, aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie (RSV). La vitesse en voie autorisée pour une voie de catégorie 4 est de 60 mi/h pour les trains de marchandises et de 80 mi/h pour les trains de voyageurs. Dans le secteur où a eu lieu l’accident, la vitesse maximale autorisée dans l’indicateur de la subdivision de Rivers du CN est de 50 mi/h pour les trains de marchandises et de 60 mi/h pour les trains de voyageurs. La vitesse pour les trains clés est limitée à 50 mi/h lorsqu’ils sont exploités sur la voie principale. Une limitation permanente de vitesse à 45 mi/h est en vigueur entre les points milliaires 49,5 et 51,0 pour les trains de marchandises et de voyageurs. Au moment de l’accident, aucune autre limitation de vitesse n’était en vigueur.

    Dans le secteur où a eu lieu l’accident, la voie est faite de longs rails soudés de 136 livres. La structure de la voie était inspectée conformément aux exigences de la réglementation et de la compagnie et elle était en bon état.

    1.10.1 Configuration de la voie et visibilité des signaux à proximité du lieu de l’accident

    Le secteur où a eu lieu l’accident est principalement un territoire à voie double. Des branchements symétriques (avec une limite de vitesse de 45 mi/h) sont situés au point milliaire 50,37 et au point milliaire 50,1 afin de faire passer les voies nord et sud parallèles à une voie principale simple qui traverse la rivière Assiniboine. Les signaux 504S et 504N à Nattress sont des signaux permanents à 2 aspects situés de chaque côté de la voie (figure 7).

    Les signaux se dressent à environ 15 pieds au-dessus de la zone environnante et sont conçus pour être approximativement au niveau des yeux pour une équipe de train venant de l’ouest lorsque l’approche vers le signal est dégagée. Un support foncé — ou une cible — est situé derrière l’aspect du signal pour rendre l’indication du signal plus visible dans des conditions de forte luminosité ambiante.

    Figure 7. Vue vers l’est des signaux 504S et 504N à Nattress (Source : BST)
    Image
    Vue vers l’est des signaux 504S et 504N à Nattress (Source : BST)

    Les signaux orientés vers l’ouest montrent des indications qui régissent les mouvements vers l’est qui accèdent au branchement symétrique du point milliaire 50,37 (figure 8).

    Figure 8. Vue vers l’ouest du signal 504S et du signal 504N à Nattress montrant la transition d’une voie principale double à une voie principale simple (Source : BST)
    Image
    Vue vers l’ouest du signal 504S et du signal 504N à Nattress montrant la transition d’une voie principale double à une voie principale simple (Source : BST)

    Du point milliaire 50,84 au point milliaire 50,51 environ (distance de quelque 1700 pieds), la voie vire à gauche (dans le sens de marche du train 318) à l’approche du branchement symétrique à Nattress (point milliaire 50,37). Dans le cas d’un train se déplaçant vers l’est qui circule sur la voie principale sud avec une visibilité dégagée, les indications du signal 504S (point milliaire 50,4) sont normalement visibles d’environ 1600 pieds à l’ouest (point milliaire 50,7). Au-delà de 1600 pieds, les signaux sont cachés par les broussailles et le feuillage le long de l’emprise ferroviaire.

    Lorsque la voie nord adjacente est occupée par un train, la combinaison du train adjacent et de la courbure de la voie cache les indications du signal 504S (point milliaire 50,4) jusqu’à environ 900 pieds à l’ouest (point milliaire 50,57).

    1.11 Système de commande centralisée de la circulation

    Les systèmes de contrôle des trains assurent la sécurité durant la marche des trains, durant les travaux en voie et durant l’entretien d’une ou de plusieurs voies principales. La CCC, en particulier, utilise des circuits de voie interconnectés avec les signaux affichés sur le terrain pour contrôler les mouvements des trains. Bien que les fondements de la CCC existent depuis plus de 100 ans, on y a apporté des améliorations au fil des ans, comme des circuits plus modernes. La CCC est actuellement la méthode de contrôle de la circulation la plus avancée utilisée par les chemins de fer pour l’exploitation de trains en voie principale au Canada.

    Un « signal » est l’emplacement physique du mât de signal. Chaque feu sur un mât de signal est un « aspect ». La combinaison des aspects affichés sur un mât de signal constitue l’« indication de signal » qui régit la circulation d’un train donné. À chaque emplacement d’un signal sur le terrain, les circuits de voie de la CCC et les systèmes connexes permettent l’affichage d’une variété d’aspects de signaux. Le système de CCC affiche à l’intention des équipes de train une combinaison d’aspects de signaux rouges, jaunes, verts et parfois clignotants. Les indications de signal se distinguent les unes des autres par la couleur, par la position des couleurs, par le clignotement des feux, ou par une combinaison de ces éléments.

    Le système de CCC comporte plusieurs types de signaux :

    • Les signaux contrôlés sont des installations de signal fixes situées sur le terrain à l’entrée d’un canton pour régler la marche d’un mouvement qui y entre ou qui l’occupe. Ces signaux présentent une indication d’arrêt absolu jusqu’à ce que le CCF leur demande d’afficher une indication moins restrictive. Le système de signalisation détermine le degré de permissivitéNote de bas de page 33 de chaque indication de signal.
    • Les signaux avancés sont des installations de signal fixes reliées à un ou plusieurs autres signaux dont elles règlent l’approche par un mouvement. Si un signal avancé affiche une indication de vitesse normale à arrêt, il informe en fait les équipes de train de l’indication de signal suivante possible.

    Les indications de signal sont utilisées pour contrôler la circulation des trains en transmettant visuellement aux équipes de train des renseignements précoces sur, par exemple, les autorisations, la vitesse et d’autres limites relatives à l’exploitation du train.

    Les indications de signal indiquent si le prochain canton est occupé par un autre mouvement et elles offrent une protection contre certaines conditions, comme un canton occupé, un rail brisé ou un aiguillage laissé ouvert. Les indications de signal sont progressives : le signal précédent indique ce qui pourrait être affiché sur le signal suivant.

    Les indications de signal sont affichées sur un écran du CCF soit sous forme d’arrêt, soit sous forme d’indication permissive. Sur un écran du CCF, un signal avancé situé entre des signaux contrôlés est activé par la présence d’un train; toutefois, le système ne fait aucune distinction quant à la direction du train qui occupe le canton. Bien que le système de CCC permette au CCF de surveiller la progression d’un train dans les cantons d’une subdivision, l’emplacement exact du train à l’intérieur d’un canton particulier n’est pas affiché sur l’écran du CCF. Seul le canton occupéNote de bas de page 34 dans lequel se trouve le train est affiché.

    Si un train s’apprête à aller au-delà d’un point autorisé, le système de CCC n’en fournit aucun avertissement précoce à l’équipe ou au CCF. De plus, le système de CCC ne comporte aucun mécanisme de mise en application automatique visant à faire respecter les limitations de vitesse afin de ralentir ou d’arrêter un train avant qu’il franchisse un signal restrictif.

    Dans l’événement à l’étude, les registres des signaux ont été examinés pour déterminer l’ordre des signaux à l’intention du train 318. L’enquête a permis de confirmer que le système de signalisation fonctionnait comme prévu.

    1.12 Signaux régulateurs au titre du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada

    Les règles suivantes du REF fournissent un contexte pour le respect des signaux affichés sur le terrain.

    La règle 33 du REF stipule ce qui suit :

    Lorsqu’un mouvement dépasse la vitesse autorisée, les membres de l’équipe doivent se rappeler les uns aux autres la vitesse à observer. Si cette démarche n’a pas de suite, ou si l’on constate que le mécanicien de locomotive ne réagit pas ou qu’il est hors d’état de réagir, les autres membres de l’équipe doivent prendre des mesures immédiates pour assurer la sécurité du mouvement, en allant jusqu’à déclencher un arrêt d’urgence si la situation l’exigeNote de bas de page 35.

    Les instructions spéciales du CN concernant la règle 33 du REF stipulent en outre ce qui suit :

    Les vitesses indiquées sont les limites de vitesse prévues entre les emplacements mentionnés; elles n’ont pas d’incidence sur les règles ou instructions prescrivant une vitesse plus basse. On doit circuler à la vitesse maximale autant que possible, en veillant à la sécurité et à l’efficacité de l’exploitation. Il est important d’éviter les retards inutiles.Note de bas de page 36

    La règle 34 du REF (Reconnaissance et observation des signaux fixes) indique ce qui suit :

    • a) L’équipe d’une locomotive de commande de tout mouvement et le contremaître d’un chasse-neige doivent, avant de franchir un signal fixe, en connaître l’indication (y compris celle des signaux de position d’aiguilles, si c’est possible).
    • b) Les membres de l’équipe qui sont à portée de voix les uns des autres se communiqueront d’une manière claire et audible le nom de chaque signal fixe qu’ils sont tenus d’annoncer. Tout signal influant sur un mouvement doit être nommé à haute voix dès l’instant où il est reconnu formellement; cependant, les membres de l’équipe doivent surveiller les changements d’indication et, le cas échéant, s’en faire part rapidement et agir en conséquence.

      Les signaux/panneaux indicateurs suivants doivent être communiqués :

      • (i) Signaux de canton et d’enclenchement ;
      • (ii) Signaux des règles 42 et 43 ;
      • (iii) Panneau avancé un mille d’un enclenchement ;
      • (iv) Panneau avancé un mille d’un détecteur de boîtes chaudes ;
      • (v) Panneau indicateur d’arrêt ;
      • (vi) Panneau indicateur début ROV ;
      • (vii) Signal rouge entre les rails ;
      • (viii) Signal d’arrêt donné par un signaleur ;
      • (ix) Un aiguillage mal orienté pour l’itinéraire d’un mouvement touché ;
      • (x) Panneau indicateur avancé un mille d’une zone de marche prudente ;
      • (xi) Panneau indicateur de zone de marche prudente ;
      • (xii) Panneaux indicateurs avancés de limitation permanente de vitesse ; et
      • (xiii) Panneaux indicateurs de vitesse de zone, là où il y a une réduction de vitesse par rapport à la zone précédente.
    • c) Si la réaction à un signal influant sur leur mouvement tarde à venir, les membres de l’équipe doivent se rappeler les uns aux autres l’action prescrite par ce signal. Si cette démarche n’a pas de suite, ou s’ils constatent que le mécanicien de locomotive est hors d’état de réagir, les autres membres de l’équipe doivent prendre des mesures immédiates pour assurer la sécurité du mouvement, en allant jusqu’à déclencher un arrêt d’urgence si la situation l’exigeNote de bas de page 37.

    La règle 34 du REF ne précise pas quel employé devrait être le premier à annoncer les signaux pendant un déplacement.

    1.13 Indications de signal

    Les équipes de train doivent comprendre toutes les indications de signal indiquées dans le REF et commander le train en conséquence. Les membres des équipes sont censés connaître leur territoire de travail, y compris l’emplacement de chaque signal. Cette connaissance facilite le repérage des signaux et aide à reconnaître la présence d’un signal imparfaitement affiché ou l’absence d’un signal.

    Les équipes de train doivent communiquer leur compréhension des indications de signal affichées sur le terrain à ceux qui se trouvent assez près pour les entendre dans la cabine de la locomotive et prendre les mesures appropriées pour respecter l’indication. Selon la règle 34 du REF, en cas d’incertitude, l’équipe doit prendre des mesures immédiates pour assurer la sécurité du mouvement, y compris déclencher un arrêt d’urgence si la situation l’exige.

    Dans l’événement à l’étude, le train 318 circulait en direction est sur la voie principale sud lorsqu’il a croisé une succession de 3 indications de signal sur le terrain régissant l’approche de Nattress :

    • Le premier signal de cette succession était le signal contrôlé à 2 aspects 542S au point milliaire 54,2, qui affichait une indication de vitesse normale à vitesse limitée (règle 406 du REF). L’indication de signal stipulait que le train pouvait avancer et approcher le signal suivant à une vitesse limitée ne devant pas dépasser 45 mi/h.
    • Le signal suivant (deuxième signal) de cette succession était le signal avancé à 1 aspect 522S au point milliaire 52,2, qui affichait une indication de vitesse normale à arrêt (règle 411 du REF). Cette indication de signal signifiait que le train pouvait avancer, mais devait se préparer à s’arrêter au signal suivant.
    • Le dernier (troisième) signal de cette succession était le signal contrôlé à 2 aspects 504S au point milliaire 50,4, qui affichait une indication d’arrêt (règle 439 du REF) puisque le train 315 circulant vers l’ouest occupait encore la voie au-delà du signal.

    Les indications de signal et les règles connexes du REF qui sont pertinentes à l’événement à l’étude sont énoncées au tableau 4.

    Tableau 4. Aspects des signaux et règles connexes du REF pertinentes à l’événement à l’étude (Source des diagrammes et du texte alternatif : Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, Description générale et emplacement des signaux fixes)
    Aspects de signaux affichés Règles du REF

    Image
    1. Un haut mât à un seul signal vert.
2. Un haut mât à deux signaux décalés, soit un signal vert en haut et un signal rouge en bas.
3. Un haut mât à deux signaux alignés, soit un signal vert en haut et un signal rouge en bas.
4. Un haut mât à trois signaux alignés, soit un signal vert en haut, un signal rouge au milieu et un signal rouge en bas.
5. Un signal nain double, soit un signal vert en haut et un signal vert en bas.

    Règle 405 : Vitesse normale — Avancer (à la vitesse permise)

    Image
    1. Un haut mât à deux signaux décalés, soit un signal jaune en haut et un signal clignotant vert en bas.
2. Un haut mât à deux signaux décalés, soit un signal jaune en haut, un signal vert en bas, et une plaque en forme de L.
3. Un haut mât à deux signaux alignés, soit un signal jaune en haut et un signal clignotant vert en bas.
4. Un haut mât à deux signaux alignés, soit un signal jaune en haut, un signal clignotant vert en bas, et une plaque en forme de L.
5. Un haut mât à trois signaux alignés, soit un signal jaune en haut, un signal clignotant vert au milieu et un signal rouge en bas.
6. Un haut mât à trois signaux alignés, soit un signal jaune en haut, un signal clignotant vert au milieu, un signal rouge en bas, et une plaque en forme de L.
7. Un haut mât à trois signaux alignés, soit un signal vert en haut, un signal rouge au milieu et un signal clignotant vert en bas.
8. Un signal nain à deux signaux, soit un signal jaune en haut et un signal clignotant vert en bas.
9. Un signal nain à deux signaux, soit un signal jaune en haut, un signal vert en bas, et une plaque en forme de L.

    Règle 406 : De vitesse normale à vitesse limitée — Avancer, vitesse limitée à l’approche du signal suivant (sans dépasser 45 mi/h)

    Image
    1. Un haut mât à un signal jaune.
2. Un haut mât à deux signaux décalés, soit un signal jaune en haut et un signal rouge en bas.
3. Un haut mât à deux signaux alignés, soit un signal jaune en haut et un signal rouge en bas.
4. Un haut mât à trois signaux alignés, soit un signal jaune en haut, un signal rouge au milieu et un signal rouge en bas.

    Règle 411 : De vitesse normale à arrêt — Avancer, être prêt à s’arrêter au signal suivant.

    Image
    1. Un haut mât à un signal rouge avec une plaque « A ».
2. Un haut mât à deux signaux alignés, soit un signal rouge en haut et un signal rouge en bas.
3. Un haut mât à trois signaux alignés, soit un signal rouge en haut, un signal rouge au milieu et un signal rouge en bas.
4. Un signal nain à deux signaux avec un signal rouge en haut et un signal rouge en bas. 
5. Un signal nain à un signal rouge.

    Règle 439 : Arrêt — À moins qu’il ne soit nécessaire de libérer un aiguillage, un passage à niveau, un emplacement contrôlé ou pour placer du matériel voyageurs devant un quai de gare, un mouvement qui n’est pas autorisé en vertu de la règle 564 doit s’arrêter à au moins 300 pieds d’un signal d’arrêt absolu.

    1.14 Optimiseur de parcours de la locomotive

    L’Optimiseur de parcours (OP) est un système de gestion de l’énergie en boucle ferméeNote de bas de page 38 qui fonctionne un peu comme le régulateur de vitesse d’une voiture. L’OP est une initiative du secteur principalement axée sur l’efficience opérationnelle. Il n’existe aucune surveillance réglementaire ou règle régissant l’utilisation de l’OP.

    L’OP emploie des algorithmes complexes tirés de renseignements comme l’emplacement défini par le système de positionnement mondial (GPS), le profil de la voie et les caractéristiques du train, afin de maintenir la vitesse permise, de réduire les erreurs de l’équipe de train, de maximiser les économies de carburant et de réduire les forces exercées sur le train; tout cela contribue à améliorer soit la sécurité, soit l’efficience opérationnelle. Une fois que le ML active l’OP, le ML ne commande plus manuellement la vitesse du train. L’OP commande automatiquement le manipulateur et les fonctions de freinage dynamique, tandis que le ML surveille l’écran de service de l’OP sur les écrans intelligents intégrés (SDIS) afin de s’assurer de l’exploitation sécuritaire du train et de reprendre les commandes manuelles au besoin. L’OP est activé et exploité à partir de l’écran d’affichage du ML et au moyen des touches de fonction à l’écran. L’écran d’affichage comprend une carte déroulante de la voie ferrée montrant l’emplacement exact du train et les caractéristiques de la voie devant le train.

    L’OP demeure activé jusqu’à ce que le ML passe en mode de commandes manuelles, soit dans les zones de commandes manuelles prévues, soit en réaction à tout événement exigeant que le ML prenne les commandes en vue d’arrêter le train, par exemple lorsqu’il agit en réponse à un signal restrictif.

    L’OP est désactivé lorsque la vitesse est inférieure à 12 mi/h. Il ne reçoit ni ne reconnaît aucune indication de signal.

    1.14.1 Optimiseur de parcours – Guide d’utilisation de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    Les exigences d’exploitation énoncées dans le document Optimiseur de parcours – Guide d’utilisationNote de bas de page 39 du CN indiquent ce qui suit [gras dans l’original] :

    Les mécaniciens de locomotive qui ont reçu la formation sur l’OP doivent activer l’OP et exploiter le train en mode automatique quand les circonstances le permettent. Toutefois, si la locomotive est conduite par un employé qui suit une formation de mécanicien de locomotive, le train doit être exploité en mode manuel, sauf si cette formation porte spécifiquement sur l’OP. Les équipes qui ont recours au mode automatique doivent en aviser le CCF.

    En tant que mécanicien de locomotive, vous êtes responsable de toutes les interventions de freinage. Vous devez rester vigilant et avoir bien conscience de votre environnement en tout temps et vous assurer que le train circule dans les limites de la sécurité.

    Vous êtes responsable de la marche du train dans tous les secteurs où vous devez l’arrêter ou le conduire à une vitesse moindre que celle prescrite par des limitations de vitesse permanentes ou temporaires.

    L’Optimiseur de parcours ne tient pas compte de l’indication des signaux ni des zones d’application des autorisations. Le mécanicien de locomotive demeure responsable d’observer l’ensemble des règles d’exploitation et des techniques de conduite sécuritaire.

    L’Optimiseur de parcours autorise l’initialisation de parcours pendant que la locomotive est en mouvement. Pendant ce processus, vous devez rester conscient des conditions qui changent à l’extérieur de la cabine afin d’éviter les collisions, de respecter les zones d’application des autorisations et d’assurer la marche sécuritaire du train.

    Vous devez tenir compte de la signalisation, des conditions de marche du train, de la déclivité de la voie ainsi que des conditions climatiques, de manière à garantir au train la distance d’arrêt nécessaire.

    Devant une indication de signal restrictiveNote de bas de page 40 ou à l’approche de la zone d’application d’une autorisation, le mécanicien de locomotive doit prendre la commande manuelle du train afin de le ramener à la vitesse demandée.

    L’Optimiseur de parcours n’a pas de mécanisme garantissant le respect des distances d’arrêt nécessaires. Si l’on ne prévoit pas une distance d’arrêt suffisante, le train risque de dépasser un signal.

    Toute anomalie constatée par le mécanicien de locomotive ayant une incidence sur la sécurité justifie l’arrêt immédiat de l’Optimiseur de parcours.

    1.14.2 Utilisation de l’Optimiseur de parcours dans la subdivision de Rivers

    Lorsque l’OP est disponible dans une subdivision particulière, comme dans la subdivision de Rivers, il est la méthode privilégiée pour l’exploitation des trains au CN. On attend des employés qu’ils utilisent le système lorsqu’ils exploitent des locomotives qui en sont munies dans les subdivisions configurées pour son utilisation.

    Pour permettre au système de fonctionner sur la subdivision de Rivers, le profil de la voie, les vitesses permises, l’emplacement des aiguillages et d’autres renseignements propres à la subdivision sont préchargés dans l’OP, tandis que des renseignements propres au train (p. ex. la longueur et le poids du train, ainsi que les restrictions de vitesse temporaires) sont téléchargés dans le système pour chaque train.

    Le ML du train 318 avait utilisé l’OP lors des 9 précédents parcours vers l’est dans le mois précédant la collision. Au cours de ces déplacements vers l’est, le ML du train 318 avait toujours reçu des signaux permissifs de West Tower (signal 562) pour atteindre et traverser Nattress.

    1.15 Enjeux de facteurs humains associés aux activités ferroviaires

    Dans le cadre d’activités ferroviaires, divers enjeux de facteurs humains peuvent avoir une influence sur l’issue d’une situation donnée. Dans un système complexe, comme celui du transport ferroviaire, même l’ensemble de règles le plus rigoureux peut ne pas couvrir toutes les situations et ne peut pas prendre en compte les interprétations de chaque personne. En outre, même les employés motivés et chevronnés sont sujets aux bévues, omissionsNote de bas de page 41, adaptationsNote de bas de page 42 ou autres erreurs normales qui caractérisent le comportement humain.

    1.15.1 Conscience situationnelle

    On définit la conscience situationnelle comme étant la perception des éléments dans l’environnement, la compréhension de leur signification et la projection de leur état dans l’avenir procheNote de bas de page 43. Dans un environnement dynamique, la conscience situationnelle requiert d’extraire de l’information de l’environnement, d’intégrer cette information avec les connaissances internes pertinentes pour se faire une image mentale cohérente de la situation actuelle, et d’utiliser cette image mentale pour prévoir les événements futurs. La fatigue peut causer une diminution de la vigilance et de la conscience situationnelle, et une réduction des capacités d’attention.

    Le degré de similitude entre les consciences situationnelles respectives du mécanicien de locomotive et du chef de train détermine s’ils ont une conscience situationnelle communeNote de bas de page 44,Note de bas de page 45. Les membres d’une équipe de train qui ont une conscience situationnelle commune peuvent anticiper et coordonner leurs actions et ainsi agir avec cohésion et efficacité.

    1.15.2 Perception par l’équipe du train des signaux affichés sur le terrain

    La détection et la perception visuelles sont nécessaires afin que les équipes de train prennent conscience des indications de signal affichées sur le terrain. Pour respecter les indications de signal, il est essentiel que les équipes de train perçoivent les signaux en temps opportun et avec exactitude. La perception visuelle des indications de signal et les gestes de l’équipe de train qui en découlent constituent un processus séquentiel qui comporte les étapes suivantes : détection et perception, identification et annonce, confirmation de l’indication par les membres de l’équipe, et ajustement de la vitesse du train en conséquence.

    Si les membres de l’équipe du train se sont familiarisés avec un territoire donné, leur connaissance des emplacements de signaux s’en trouve améliorée et ils peuvent prendre des mesures de planification prospective (proactive) pour repérer et voir les signaux. La connaissance de l’emplacement des signaux dans un territoire particulier augmente avec la fréquence des parcours. Les membres d’une équipe de train qui sont moins familiers avec un territoire peuvent consulter les schémas de voie fournis par le CN, qui indiquent la position de chaque signal. Il est aussi possible de repérer les signaux sans avoir une connaissance préalable de leur emplacement, ce qui est considéré comme un repérage réactif, par opposition à un repérage proactif.

    Quand les indications de signal ne sont ni masquées ni cachées et la visibilité est bonne, il est possible de percevoir les signaux rapidement et d’assez loin. Toutefois, la perception des signaux peut être affectée par l’aptitude au travail de l’équipe, par les distractions, et par un modèle mental et des attentes.

    1.15.3 Modèles mentaux et attentes

    Les gens se fient à leur expérience et à leurs connaissances pour rapidement catégoriser la situation qu’ils vivent, prévoir ce qui va se produire et choisir la marche à suivre appropriée en fonction de ces prévisionsNote de bas de page 46. Dans les situations souvent répétées, l’attention et les attentes sont souvent le fruit du modèle mental que l’on se fait de la situation, puisque l’expérience antérieure détermine quelle information est importante et comment la situation se dérouleraNote de bas de page 47.

    Les modèles mentaux sont essentiels pour réagir efficacement dans des environnements dynamiques où chaque seconde compte, car ils réduisent le besoin d’évaluer la situation, ce qui prend du temps, et permettent d’agir rapidement. Toutefois, un modèle mental inexact d’une situation peut également entraîner des erreurs de perception de l’information, ce qui réduit la probabilité que l’équipe de train détecte l’information qui est contraire à ses attentes et qu’elle révise son évaluation initialeNote de bas de page 48.

    1.15.4 Utilisation de l’Optimiseur de parcours

    Lorsqu’un train est exploité à l’aide de l’OP, les tâches du ML passent d’une stratégie de conduite proactive et anticipatoire à une stratégie de suivi plus réactive et à une charge de travail moins élevéeNote de bas de page 49.

    Une charge de travail faible et des tâches monotones peuvent avoir les conséquences suivantes :

    1. Elles peuvent accroître le sentiment de somnolence et de fatigue parce qu’elles réduisent le niveau d’éveil d’une personneNote de bas de page 50.
    2. Elles peuvent réduire la vigilance. La vigilance est associée à un état d’alerte suffisant pour surveiller l’environnement de manière efficace, en mettant un accent particulier sur la recherche de stimuli qui annoncent un danger potentielNote de bas de page 51. Il a été démontré qu’une baisse de vigilance réduit le taux de détection des stimuli critiques pendant toute la durée d’une tâche donnéeNote de bas de page 52.
    3. Elles peuvent réduire la conscience situationnelle. Le Department of Transportation des États-UnisNote de bas de page 53 a comparé les différents niveaux d’automatisation de la conduite des trains (du régulateur de vitesse au pilote automatique complet) et a constaté que pendant l’exploitation normale, l’automatisation complète (comme l’OP) permettait une meilleure conscience situationnelle de la tâche de conduite dans son ensemble, parce qu’elle libérait des ressources attentionnelles pouvant être consacrées aux tâches secondaires et à la surveillance des défaillances. Cependant, les conducteurs ont indiqué qu’ils se sentaient « détachés » de la tâche principale. Cela laissait entrevoir des problèmes potentiels à rester conscient de la tâche principale, particulièrement en cas de fatigue.

    1.15.5 Rapport d’autorité

    Le concept de rapport d’autorité est universel et a été démontré dans d’autres modes de transportNote de bas de page 54,Note de bas de page 55,Note de bas de page 56. Lorsqu’il existe un rapport d’autorité, il y a habituellement une différence d’expérience et d’autorité entre les membres de l’équipe du train. Dans de telles situations, les comportements qui mettent en péril la sécurité peuvent être ignorés parce qu’un employé moins expérimenté ou subalterne est souvent réticent à remettre en question les actions d’un employé ayant plus d’ancienneté.

    Les activités ferroviaires sont régies par des règles et des instructions qui imposent à tous les membres de l’équipe la même responsabilité en matière de sécurité ferroviaire. Toutefois, lorsqu’il existe un rapport d’autorité entre les membres de l’équipe dans la cabine d’une locomotive, les communications entre les membres de l’équipe dans la cabine peuvent être mauvaises, ce qui peut entraîner des conséquences néfastes. Afin d’encourager la communication ouverte entre les membres de l’équipe, on peut faire appel à diverses stratégies, comme des pratiques de gestion des ressources en équipe (CRM).

    1.16 Gestion des ressources en équipe

    La gestion des ressources en équipe (CRM) se comprend comme l’utilisation efficace de toutes les ressources disponibles—ressources humaines, ressources matérielles et informations—dans le but d’exécuter les opérations en toute sécurité et avec efficacité. La CRM met en jeu les compétences, les habiletés, les attitudes, la communication, la conscience situationnelle, la résolution de problèmes et le travail d’équipe.

    Les principes de CRM prévoient notamment de mettre l’accent sur les compétences cognitives et interpersonnelles afin de réduire le nombre d’erreurs humaines. Lorsqu’ils travaillent à deux, les membres de l’équipe doivent réussir à interagir entre eux, avec leur équipement et avec leur environnement en vue d’assurer une gestion efficace des menaces, des erreurs et des imprévus qui peuvent survenir.

    Du point de vue de la CRM, une communication efficace est essentielle pour permettre aux membres de l’équipe d’avoir une compréhension commune de la situation. Toutefois, les aptitudes de communication doivent être exercées et renforcées pour être efficaces, particulièrement lorsque la charge de travail est lourde, ou encore en cas d'imprévu.

    Les programmes de CRM modernes mettent en évidence les entraves à des communications efficaces et présentent de multiples stratégies de communication, de sorte que les membres de l’équipe peuvent adopter la stratégie la plus appropriée en fonction de la gravité de la situation, du temps disponible et des autres personnes participant au processus de communication.

    1.16.1 Communication en boucle fermée

    La communication en boucle fermée est une technique employée pour éviter les malentendus. Elle exige que, lorsque l’expéditeur communique un message, le destinataire répète le message et l’expéditeur confirme que le message a été bien compris.

    Un rapport d’enquête maritime du BSTNote de bas de page 57 a récemment mis en évidence l’importance d’une communication en boucle fermée qui intègre certains éléments fondamentaux de la CRM. L’enquête a révélé que l’équipage montrait moins de rigueur dans le respect des directives opérationnelles de navigation, ce qui a donné lieu à des commandements à la barre qui étaient informels de même qu’à des communications qui n’étaient pas en boucle fermée, et a vraisemblablement contribué à des erreurs de navigation.

    Dans l’événement à l’étude, l’enquête a permis de déterminer que les communications entre les 2 membres de l’équipe n’étaient pas toujours en boucle fermée, puisque les annonces du chef de train n’étaient pas toujours confirmées ou répétées par le ML et que le chef de train ne confirmait pas que le ML avait compris la communication.

    1.16.2 Gestion des ressources en équipe dans les secteurs aérien et maritime

    Les gestes posés par l’équipage de conduite doivent se fonder sur une compréhension commune de l’état actuel de l’aéronef, du plan de vol prévu et des menaces pesant sur l’équipage et sur les activités de vol afin de travailler de façon coordonnée, efficace et sécuritaire. Cette compréhension commune entre les membres de l’équipage est appelée conscience situationnelle d’équipe ou partagéeNote de bas de page 58,Note de bas de page 59. Lorsque cette compréhension est cohérente, les membres de l’équipage sont mieux outillés pour prévoir et coordonner de façon efficace leurs actions dans le but d’atteindre leur objectif commun.

    L’équipage acquiert et maintient une conscience situationnelle partagée en adoptant un certain nombre de comportements ponctuels et continus. Ces comportements comprennent les exposés en vol et la détermination des jalons importants du vol, comme ceux transmis dans le cadre des listes de vérifications relatives à la descente, à l’approche et à l’atterrissage. Ces activités sont réalisées à des points de contrôle planifiés afin de décrire l’état actuel et les plans futurs, en plus de fournir une occasion de s’assurer que tous les membres de l’équipage possèdent la même compréhension.

    Les comportements continus comprennent la gestion des menaces et des erreurs (TEM), l’annonce des changements à l’état de l’aéronef, et au mode ou au réglage des instruments, ainsi que la communication des changements apportés aux plans. Ces comportements garantissent la communication des renseignements et des changements d’état entre les membres de l’équipage, de façon à mettre constamment à jour la conscience situationnelle commune.

    Les 3 éléments de base de la TEM sont les menaces, les erreurs et les états indésirables de l’aéronef. Chaque vol comporte des dangers que l’équipage doit gérer. Ces dangers, que l’on appelle menaces, augmentent les risques en vol et peuvent comprendre des menaces environnementales (conditions météorologiques défavorables, contamination des pistes, etc.) ou des menaces opérationnelles (pistes courtes, etc.) La TEM met l’accent sur les principes d’anticipation, de détection et de rétablissementNote de bas de page 60, et repose sur la détection proactive des menaces qui pourraient réduire la marge de sécurité. Les équipages peuvent définir des contre-mesures à l’étape de la planification ou pendant le vol, en modifiant le plan selon les circonstances.

    Une bonne gestion des erreurs est associée à des comportements précis de la part de l'équipage, dont les plus couramment cités sont la vigilance, la propension à poser des questions et à formuler des commentaires et l’assertivité. Même si des menaces existent et que des erreurs se produisent dans la plupart des segments de vol, elles sont rarement accompagnées de conséquences graves, car l’équipage les gère efficacement.

    L’Aviation civile de Transports Canada (TCAC) a élaboré des normes de formation en CRM actualisées, qui ont été mises en œuvre à l’automne 2019. Ces nouvelles normes obligent les exploitants aériens à fournir une formation initiale et annuelle moderne en CRM aux équipages de conduite, aux agents de bord, aux régulateurs de vols, aux préposés au suivi des vols, aux équipes au sol et au personnel de maintenance.

    Dans le secteur maritime, la gestion des ressources à la passerelle (GRP) est la gestion et l’utilisation efficaces de toutes les ressources, humaines et techniques, qui sont à la disposition de l’équipe à la passerelle afin d’assurer la sécurité du voyage. La GRP englobe les compétences, les connaissances et les stratégies relatives à la communication efficace, à la gestion de la charge de travail, à la résolution de problèmes, à la prise de décisions, au travail d’équipe et à la conscience situationnelle, en particulier durant les opérations cruciales.

    La communication efficace est un concept clé en GRP, car elle aide à établir un modèle mental commun entre les membres de l’équipe à la passerelle. Lorsque les membres de l’équipe à la passerelle s’entendent sur la façon dont se dérouleront les manœuvres, ils peuvent travailler de concert pour accomplir ces manœuvres, découvrir les erreurs opérationnelles ou humaines possibles, et intervenir au besoinNote de bas de page 61.

    1.16.3 Gestion des ressources de l’équipe dans le secteur ferroviaire

    À la suite d’une collision entre 2 trains de marchandises en 1998, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a recommandé que plusieurs intervenants du secteur ferroviaire, incluant l’organisme de réglementation, les compagnies de chemin de fer, les associations sectorielles et les syndicats ouvriers, collaborent afin d’élaborer et de rendre obligatoire une formation sur la CRM dans le secteur ferroviaire. Cette formation couvrirait au minimum la compétence des membres d’équipe de train, la conscience situationnelle, la communication efficace et le travail d’équipe, et les stratégies pour remettre en question l’autorité de façon appropriée et opportuneNote de bas de page 62.

    Comme suite à cette recommandation, en collaboration avec ses partenaires universitaires et sectoriels, la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis a élaboré et mis à l’essai une formation sur la CRM dans le secteur ferroviaireNote de bas de page 63. L’évaluation initiale de ce projet pilote de formation a révélé des améliorations des connaissances et des attitudes en ce qui concerne les principes de la CRMNote de bas de page 64.

    La formation en CRM vise surtout à donner aux membres des équipes les habiletés interpersonnelles nécessaires pour s’acquitter de leurs tâches en toute sécurité et [traduction] « consistent généralement en un processus de formation et de surveillance continues grâce auquel les employés sont formés à aborder leurs activités du point de vue du travail d’équipe plutôt que d’un point de vue individuel »Note de bas de page 65.

    Une étude de 2015 intitulée Human Factors Analysis of “Missed Signals” in Railway OperationsNote de bas de page 66 a indiqué, dans la section traitant de la formation des équipes, que la formation en CRM [traduction] :

    met l’accent sur les compétences non techniques comme la communication, l’information, le comportement de soutienNote de bas de page 67, la surveillance réciproque du rendement, le leadership d’équipe, la prise de décisions, l’assertivité liée aux tâches (p. ex. un conducteur novice qui s’adresse à un collègue plus expérimenté), et la capacité d’adaptation de l’équipe.

    Le rapport poursuit en indiquant que la formation en CRM comprend certains aspects de la conscience situationnelle d’équipe, par exemple la [traductions] « perception » et « l’échange d’information, la coordination et la contre-vérification des renseignements », et qu’elle enseigne aux équipes à « devenir vigilants pour déceler les pertes de [conscience situationnelle], tant chez soi-même que chez les autres ».

    En 2010, un examen sur l’adaptation des principes de la CRM à l’extérieur du secteur de l’aviation a révélé que dans le secteur ferroviaire nord-américain, [traduction] « l’intérêt envers les principes de la formation en CRM demeure sporadiqueNote de bas de page 68 ». Cet examen a aussi décrit des initiatives volontaires de certaines compagnies de chemin de fer pour mettre en œuvre la formation en CRM, de même que des initiatives du secteur visant à créer des documents de formation à l’intention des compagnies de chemin de fer. Par exemple, on y indiquait qu’en 1999, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a mis en œuvre un programme de formation en CRM s’adressant aux chefs de train et employés d’exploitation nouvellement embauchés.

    Au contraire des secteurs du transport aérien et maritime, TC n’a pas établi de norme en ce qui concerne une formation initiale ou récurrente en CRM pour les exploitants ferroviaires canadiens. En outre, la formation en CRM n’est pas obligatoire dans le secteur ferroviaire aux États-Unis.

    1.16.3.1 Formation en gestion des ressources en équipe du Chemin de fer Canadien Pacifique

    Le CP exigeait que tous les employés d’exploitation existants suivent la formation en CRM lorsqu’elle a été mise en place en 1999. Le programme de formation en CRM est depuis offert régulièrement aux nouveaux employés d’exploitation. Il s’agit d’une présentation d’une heure qui a lieu durant la première semaine de la partie du programme de formation des chefs de train donnée en salle de classe, et il s’agit de l’un des 11 modules présentés la même journée. La formation en CRM du CP n’a aucun volet pratique.

    L’objectif du cours est d’offrir « [u]ne meilleure connaissance des concepts, des philosophies et des objectifs de la GRÉ [CRM] afin d’améliorer la sécurité, de favoriser la prévention des incidents et des accidents, et de soutenir une exploitation commerciale des trains efficaceNote de bas de page 69 ». La formation en CRM est composée des principes fondamentaux suivants :

    • facteurs humains;
    • conscience situationnelle;
    • compétence technique;
    • communication;
    • travail d’équipe.

    La formation fournit des outils aidant les employés à maintenir leur conscience situationnelle, ce qui contribue à un environnement de travail sécuritaire en veillant à ce que les employés soient en tout temps conscients de ce qui les entoure. L’un des outils qui permettent de maintenir la conscience situationnelle est la communication entre pairs (c’est-à-dire entre les membres de l’équipe). Dans le document de formation, il est indiqué que :

    Les équipes qui communiquent bien commettent moins d’erreurs, car lorsque leurs membres communiquent entre eux, cela permet d’évaluer les problèmes avec plus de précision et de mieux coordonner les actions pour les résoudreNote de bas de page 70.

    En outre, les employés apprennent ce qui suit durant la formation sur la CRM du CP :

    Les séances d’information sur les travaux sont une étape essentielle de la définition des tâches et des responsabilités. Elles vous permettent de planifier votre travail et contribuent à votre conscience situationnelleNote de bas de page 71.

    Le CP n’offre aucune formation structurée périodique portant spécialement sur la CRM à ses employés d’exploitation lorsqu’ils doivent se qualifier à nouveau.

    1.16.3.2 Évaluation par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada de la communication et de la coordination durant la formation de chef de train

    Le CN n’offre aux chefs de train aucune formation structurée sur la CRM dans le secteur ferroviaire. Toutefois, le formulaire d’évaluation du chef de train stagiaire qu’utilise le CN comprend des indicateurs de comportement pour aider les formateurs à évaluer la communication et la coordination entre les membres de l’équipe. Par exemple, d’après le formulaire, on s’attend à ce que le chef de train stagiaire participe aux séances de briefing et comprenne clairement les tâches à exécuter de même que les dangers pour la sécurité à cerner.

    En ce qui a trait à la communication parmi les membres de l’équipe, le formulaire indique que l’on s’attend à ce que le chef de train stagiaire communique dans des situations précises (p. ex., dérailleurs posés ou enlevés, aiguillages orientés, freins à main serrés), participe aux séances de briefing en cours et communique les restrictions et les changements au plan. Ce formulaire comprend en outre une évaluation globale de l’esprit d’initiative, de la confiance et de la collaboration avec les collègues de travail.

    En 2017, dans le cadre du programme de formation des chefs de train du CN, la compagnie a commencé à offrir un cours intitulé « Veiller les uns sur les autres », qui englobe certains éléments de la CRM et qui fait également partie du programme de qualification récurrente des chefs de train du CN offert tous les 3 ans. Bien que la formation du CN soit informative et bien structurée, elle est générale et ne traite pas particulièrement de l’interaction entre les membres de l’équipe du train dans la cabine de la locomotive ou des rapports d’autorité qui peuvent exister dans cet environnement.

    1.16.3.3 Formation des membres des équipes de VIA Rail

    Depuis 2013, VIA Rail Canada inc. (VIA) offre à ses mécaniciens de locomotive un cours sur ce qu’on appelle la conscience de la situation dans la cabine de locomotive, suivi d’une formation périodique tous les 3 ans. Le cours vise à améliorer la sécurité en expliquant les principes de CRM aux mécaniciens de locomotive.

    1.16.3.4 Enquêtes du BST relatives à la communication entre les membres de l’équipe et à la gestion des ressources en équipe

    Depuis 1996, le BST a mené 8 enquêtes sur des accidents ferroviaires au cours desquelles des pratiques de CRM inefficaces ont été désignées comme un facteur contributif de l'accident.

    R96Q0050 – Le 14 juillet 1996, un train de marchandises du Chemin de fer du littoral nord et du Labrador (QNS&L), qui roulait vers le sud, a heurté la queue d'un train de marchandises qui était immobilisé au point milliaire 131,68 de la subdivision de Wacouna. Les 3 derniers wagons du train immobilisé ont déraillé et ont subi des dommages considérables. La locomotive du train en marche a été lourdement endommagée. Le ML du train en marche a été légèrement blessé. L’enquête a permis de déterminer que le chemin de fer ne possédait pas de programme de CRM qui aurait pu permettre à toutes les personnes concernées de disposer de l’information la plus récente et la plus exacte sur le mouvement des trains et des locomotives.

    R98V0148 – Le 11 août 1998, le train de marchandises no 463-11 (train 463) du CP est entré en collision avec l’arrière du train de marchandises no 839-020 (train 839) du CP au point milliaire 78,0 de la subdivision de Shuswap du CP, près de Notch Hill (Colombie-Britannique). Un wagon du train 463 et 2 wagons du train 839 ont déraillé. Il n’y a pas eu de blessé. L’enquête a permis de déterminer que ni le chef de train ni le ML n’ont contesté l’identification des signaux qui a été faite par l’autre; la différence dans la chaîne d’autorité entre les 2 membres de l’équipe a probablement empêché le chef de train de contester le ML et de faire part de ses préoccupations.

    R07E0129 – Le 27 octobre 2007, l’équipe du train de marchandises A41751-26 (train 417) du CN, qui roulait en direction ouest sur la voie principale de la subdivision d’Edson, a commandé un serrage d’urgence des freins du train à environ 475 pieds d’un signal d’arrêt à l’extrémité ouest de Peers (Alberta). Le train a dépassé le signal sans pouvoir s’arrêter et a pris en écharpe le train de marchandises M34251-26 est (train 342) du CN, qui entrait dans la voie d’évitement. La collision a entraîné le déraillement des locomotives et de 22 wagons du train 417. Dix autres wagons ont subi des dommages mais n’ont pas déraillé. Cinq wagons du train 342 ont déraillé, et 4 autres wagons ont subi des dommages mais n’ont pas déraillé. L’accident n’a causé ni blessures graves ni déversement de produits dangereux. L’enquête a permis de déterminer qu’en l’absence de procédures qui tiennent compte des risques inhérents aux chaînes d’autorité, la communication entre les occupants de la cabine de commande risque d’être inefficace.

    R07C0040 – Le 22 avril 2007, le train de marchandises 375-237 (train 375) du CP est entré en collision avec le train de marchandises 862-012 du CP (train 862), ce qui a fait dérailler 5 wagons remplis de charbon, 2 wagons remplis de céréales et 3 locomotives au point milliaire 42,55 de la subdivision de Taber. Les membres de l’équipe du train 375 ont été légèrement blessés. L’enquête a permis de déterminer que la CRM s’était avérée inadéquate pour empêcher la collision de survenir. Le chef de train n’est pas demeuré attentif aux actions du ML, ne lui a pas rappelé qui fallait arrêter à l’aiguillage ouest de la voie d’évitement et il n’a rien fait pour arrêter le train.

    R08W0058 – Le 7 avril 2008, le train de marchandises 498-07 sud (train 498) du CP a heurté la queue du train de marchandises 292-05 (train 292) du CP, qui était immobilisé au point milliaire 97,5 de la subdivision de Weyburn du CP, à la gare Centennial, près de Ralph (Saskatchewan). Sept des wagons du train 292 et 2 des wagons du train 498 ont déraillé. De plus, 2 wagons du train de marchandises 497-04 du CP, qui s’était arrêté à côté du train 292, sur la voie d'évitement de Centennial, ont aussi déraillé. Un incendie a éclaté et a touché 5 wagons, dont 4 contenant des matières dangereuses ou des résidus de matières dangereuses. On a dû évacuer les résidents du secteur qui habitent dans un rayon d’un mille autour des lieux de l’accident. Personne n’a été blessé. L’enquête a permis de déterminer que, quand les membres de l’équipe ne communiquent pas adéquatement et ne confirment pas qu’ils ont bien compris les consignes (par exemple durant les manœuvres de rapprochement), on risque davantage de ne pas relever les erreurs de communications et de perception qui pourraient entraîner des collisions.

    R16E0051 – Le 4 juin 2016, le train de marchandises Q11251-03 (train 112) du CN circulant vers l’est a heurté la queue du train M30251-02 (train 302) à 18 mi/h, au point milliaire 34,9 de la subdivision d’Edson, près de Carvel (Alberta). La collision n’a pas causé de déraillement. Un wagon-trémie vide du train 302 a subi des dommages mineurs. Il n’y a pas eu de blessé. L’enquête a permis de déterminer que, si le personnel d’exploitation ferroviaire ne reçoit pas de formation en CRM, y compris sur la prise de décisions lorsqu’il y a chaîne d’autorité, la coordination et l’interaction des équipes peuvent ne pas être efficaces, ce qui fait croître les risques d’accidents causés par des facteurs humains.

    R17W0267 – Le 22 décembre 2017, une contremaître et un aide du CN effectuaient des opérations d’aiguillage à la gare de triage Melville du CN à Melville (Saskatchewan). La contremaître conduisait le train facultatif de manœuvre Y1XS-01 au moyen d’un système de télécommande de locomotive lorsqu’elle a été coincée entre le train de manœuvre et le wagon de tête d’un mouvement non contrôlé pendant qu’elle serrait un frein à main. La contremaître a été mortellement blessée. Il n’y a eu aucun déraillement, et aucune marchandise dangereuse n’était en cause. L’enquête a déterminé que, si les membres de l’équipe ne reçoivent aucune formation sur la CRM améliorée pour développer les compétences de communication et de coordination de l’équipe, il y a un risque accru qu’une communication inadéquate dans l’équipe mène à une exploitation non sécuritaire.

    R18H0039 – Le 14 avril 2018, un contremaître de triage et un aide de triage du CP effectuaient des manœuvres à la gare de triage de Toronto du CP, à Toronto (Ontario), à l’aide d’un système de télécommande de locomotive (STL). Le contremaître de triage était aux commandes du train de manœuvre T16-13 (le train de manœuvre), lorsque le mouvement est parti à la dérive en direction est sur la voie de raccordement Staines. Le train de manœuvre a traversé l’aiguillage de la voie principale, est entré sur la voie principale et est parti à la dérive sur environ 3 autres milles, alors que l’aide se trouvait à la tête du mouvement. Après que l’aide eut serré le frein à main des 2 locomotives et du 1er wagon, et que le train de manœuvre eut atteint une pente ascendante, le train de manœuvre s’est immobilisé près du point milliaire 192,50 de la subdivision de Belleville. L’événement n’a entraîné ni déraillement ni collision. Personne n’a été blessé. L’enquête a permis de déterminer que, si les membres d’équipe qui offrent la formation en cours d’emploi ne sont pas suffisamment familiarisés avec les principes et la pratique de la CRM, les nouveaux employés ne recevront pas une formation adéquate sur la CRM, ce qui augmente le risque d’une communication inadéquate au sein de l’équipe et d’une connaissance situationnelle insuffisante.

    1.17 Renseignements sur l’équipe du train 318

    1.17.1 Mécanicien de locomotive

    Le CN a embauché le ML du train 318 en tant qu’agent de manœuvre et chef de train le 15 avril 2011. Il connaissait bien le territoire, puisqu’il avait travaillé dans toutes les subdivisions accessibles à partir du terminal de Winnipeg, y compris dans la subdivision de Rivers.

    En juillet 2015, il a obtenu sa qualification de ML et a continué à travailler dans toutes les subdivisions accessibles à partir du terminal de Winnipeg. En octobre 2018, il a été affecté de façon permanente comme ML dans la subdivision de Rivers et il a travaillé exclusivement dans la subdivision de Rivers jusqu’à l’accident.

    Sur une période de 5 ans allant de janvier 2014 à janvier 2019, le ML a passé 74 examens de compétences, dont 72 étaient conformes; 2 ont noté des comportements à risque en ce qui concerne les exigences de communication entre pairs et de radiodiffusion. À la suite de ces 2 examens, des superviseurs ont fourni un encadrement oral au ML.

    1.17.2 Chef de train

    Le chef du train 318 a été embauché par le CN le 7 novembre 2017 à Smithers (Colombie-Britannique) et il a commencé une formation en classe de 7 semaines au centre de formation du campus du CN à Winnipeg. À la suite de la formation en classe, le chef de train a effectué 30 affectations de ligne entre Smithers et Prince Rupert (Colombie-Britannique) et 15 affectations de triage. Il a obtenu sa qualification de chef de train en mars 2018.

    Après avoir terminé le cours de chef de train, il a reçu une formation de Conductor Locomotive Operation (CLO) [chef de train — exploitation de locomotive]. Cette formation comprenait un apprentissage en classe d’une semaine au cours duquel les chefs de train recevaient une formation de base sur l’exploitation des locomotives, suivie d’une formation en cours d’emploi de 2 semaines où les chefs de train étaient jumelés à un ML pour effectuer de courtes distances dans une zone nécessitant une conduite de train limitée. Après la formation de CLO, le chef de train n’avait pas exploité un train à ce titre.

    En octobre 2018, le chef de train a été muté à Winnipeg et a reçu une formation de 8 heures sur le triage Symington du CN et la zone du terminal de Winnipeg. Il a également effectué 1 parcours de familiarisation dans chacune des subdivisions de Fort Frances et de Rivers du CN. Par la suite, le CN considérait que le chef de train connaissait bien le territoire. Le chef de train a commencé à effectuer des affectations régulières à partir du terminal de Winnipeg le 4 novembre 2018. Entre le 4 novembre et le 29 décembre 2018, le chef de train a effectué 6 parcours dans la subdivision de Fort Frances et 31 parcours dans la subdivision de Rivers, y compris les parcours de familiarisation.

    Le nombre et la fréquence des parcours ont sans doute amélioré la connaissance du territoire du chef de train. Il a continué d’utiliser un outil de travail pour la subdivision de Rivers du CN comprenant les noms des gares, les points milliaires, les emplacements des signaux, les vitesses autorisées et d’autres renseignements pertinents sur la subdivision. Pendant son service, le chef de train gardait cet outil ouvert sur la console et il y suivait la progression du train.

    De novembre 2017 à janvier 2019, des superviseurs ont fait passer 8 examens de compétences au chef de train; aucun comportement à risque n’a été noté.

    1.18 Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires du Canada

    Au Canada, les compagnies ferroviaires de compétence fédérale doivent se conformer au Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviairesNote de bas de page 72 (le Règlement). Le Règlement décrit les qualifications minimales pour les ML, les mécaniciens de manœuvre, les chefs de train et les contremaîtres de triage. Le Règlement s’applique à tous les employés ferroviaires qui exercent les fonctions précisées dans la catégorie d’emploi. Il contient une annexe qui précise les exigences de formation pour chaque catégorie d’emploi pour les équipes d’exploitation (tableau 5).

    Tableau 5. Exigences de formation pour les équipes d’exploitation, par catégorie d’emploi (Source : annexe, article 14, Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires [4 avril 2022], p. 7)
    Sujet Mécanicien de locomotive Mécanicien de manœuvre Chef de train Contremaître de triage

    Règlement no 0-8, Règlement unifié d’exploitation

    Oui

    Oui

    Oui

    Oui

    Règlement sur les radiocommunications ferroviaires

    Oui

    Oui

    Oui

    Oui

    Marchandises dangereuses

    Oui

    Non

    Oui

    Oui

    Classement des wagons dans les trains

    Oui

    Non

    Oui

    Oui

    Systèmes et essais de freins à air

    Oui

    Non

    Oui

    Oui

    Conduite des locomotives

    Oui

    Oui

    Non

    Non

    Conduite des trains

    Oui

    Non

    Non

    Non

    Inspection des wagons et des trains

    Oui

    Non

    Oui

    Oui

    Marche à suivre pour l’évacuation des voyageurs

    Non

    Non

    Oui

    Non

    1.19 Formation

    1.19.1 Formation des mécaniciens de locomotive

    En vertu de la réglementation, les ML doivent suivre une formation périodique sur la commande d’une locomotive et la conduite d’un train. La conduite d’une locomotive est une tâche complexe, et les ML sont formés pour reconnaître les caractéristiques des trains qu’ils conduisent, comme la longueur, le tonnage et la distribution du poids dans le train.

    Ils doivent aussi connaître les caractéristiques du territoire (par exemple, terrain vallonné, pentes et courbes). Les ML doivent anticiper les réactions du train, adapter leur conduite aux changements de terrain, et se conformer aux indications de signal et aux instructions du CCF. Pour ce faire, ils doivent comprendre comment se servir convenablement du manipulateur et des freins. De plus, afin de réduire les efforts exercés sur le train, les changements à la vitesse du train doivent être planifiés et graduels.

    1.19.2 Formation des chefs de train à l’exploitation des locomotives

    La réglementation n’exige pas que les chefs de train reçoivent une formation approfondie sur la commande d’une locomotive ou la conduite d’un train. Une telle formation porterait notamment sur la distribution du poids dans un train ou une manœuvre, la topographie d’une région donnée et les effets combinés de ces 2 éléments sur la conduite et le maintien de la maîtrise d’un train.

    De nombreux chefs de train du CN suivent une formation de CLO, dont le chef de train dans l’événement à l’étude. La formation de CLO fournit des instructions de base sur l’exploitation d’une locomotive afin de permettre au chef de train de prendre la relève du ML de façon limitée et temporaire, au besoin. Un chef de train qui a reçu une formation de CLO ne peut qu’ajuster légèrement le manipulateur pour maintenir la vitesse, serrer les freins d’urgence, assurer la surveillance des voies et activer le sifflet de locomotive et la cloche aux passages à niveau. La formation de CLO ne permet pas à un chef de train d’acquérir une compréhension détaillée du fonctionnement des freins à air des locomotives et des trains ni de savoir quand il peut être nécessaire d’intervenir si le ML ne réagit pas adéquatement aux signaux affichés sur le terrain.

    1.19.3 Formation visant à familiariser les employés chargés de l’exploitation avec la subdivision

    Lorsque les employés chargés de l’exploitation sont en congé pendant une période prolongée ou lorsqu’ils sont affectés à un nouveau terminal, ils doivent effectuer au moins 1 parcours de familiarisation dans chaque subdivision où ils sont susceptibles de travailler régulièrement. Les parcours de familiarisation consistent à accompagner une équipe qualifiée dans la subdivision. Une fois que le ou les parcours exigés sont achevés et qu’on a confirmé que l’employé est à l’aise de travailler dans la subdivision, on juge qu’il s’est familiarisé avec la subdivision.

    Si l’employé estime qu’il a besoin d’un plus grand nombre de parcours, il peut rencontrer un cadre de la compagnie pour déterminer les étapes à suivre pour se familiariser davantage avec la subdivision. Il pourrait s’agir par exemple d’accomplir des parcours supplémentaires sur la subdivision avec une équipe qualifiée. Le niveau de familiarisation de l’employé avec la subdivision peut également être évalué de façon ponctuelle dans le cadre d’examens des compétences menés par des superviseurs qui accompagnent l’employé lors d’un parcours en train.

    Le chef du train 318, qui venait d’être affecté à Winnipeg, avait suivi la formation requise au terminal de Winnipeg et avait effectué 1 parcours aller-retour par subdivision. On estimait qu’il était familiarisé avec le territoire au moment de l’événement. Il n’a pas demandé d’autres parcours de familiarisation, ce qui indique qu’il se sentait à l’aise dans le territoire.

    1.20 Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire

    Dans un secteur qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, les erreurs liées à la fatigue sont fréquentes. La fatigue ou la somnolence liées au manque de sommeil augmentent la probabilité d’erreurs d’exécution ou de planification. Pour aborder le risque de fatigue chez les employés chargés de l’exploitation ferroviaire, les Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire (Règles relatives au temps de travail et de repos) approuvées par TC ont été élaborées en vertu de l’article 20(1) de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Ces règlesNote de bas de page 73 s’appliquent aux compagnies de chemin de fer et au personnel d’exploitation relevant de la compétence fédérale.

    L’article 2, Énoncé de principe, stipule ce qui suit :

    2.1.1 Pour relever les défis que comporte, sur le plan de la sécurité et de l’exploitation, la gestion de la fatigue du personnel d’exploitation, les compagnies de chemin de fer, le personnel d’exploitation et ses représentants désignés doivent disposer d’une approche souple qui :

    • a) met à profit de manière permanente les progrès réalisés en matière de recherche et de technologie;
    • b) répond aux besoins du personnel d’exploitation;
    • c) satisfait aux besoins opérationnels des compagnies de chemin de fer; et
    • d) peut être mise en œuvre dans une grande diversité de conditions d’exploitation.

    2.2 Il incombe aux compagnies de chemin de fer de mettre en place et de maintenir des conditions de travail qui :

    • a) donnent aux membres de leur personnel d’exploitation l’occasion de se reposer suffisamment entre leurs tours de service; et
    • b) leur permettent de demeurer vigilants pendant toute la durée des tours de service.

    2.3 Il incombe aux membres du personnel d’exploitation de se présenter au travail reposés et aptes au serviceNote de bas de page 74.

    L’expression « apte au service » est définie comme « l’état d’un membre du personnel d’exploitation qui se présente au travail reposé et prêt à maintenir sa vigilance durant tout son tour de serviceNote de bas de page 75. »

    En plus de fixer des limites pour les heures de travail et l’horaire du personnel d’exploitation, les Règles relatives au temps de travail et de repos exigent également que les compagnies de chemin de fer mettent en œuvre un plan de gestion de la fatigue conçu pour réduire la fatigue et améliorer la vigilance pendant le service. Les Règles relatives au temps de travail et de repos exigent que les plans de gestion de la fatigue tiennent compte des éléments suivants :

    • éducation et formation des employés;
    • méthodes d’établissement des horaires;
    • situations d’urgence;
    • stratégies destinées à assurer la vigilance;
    • environnements de repos;
    • politiques de mise en œuvre;
    • évaluation des programmes de gestion de la fatigue et de l’efficacité de la gestion des équipes.

    Le document Programmes de gestion de la fatigue : Exigences et guide d’évaluationNote de bas de page 76 de TC cerne plusieurs facteurs de risque qui peuvent accroître la probabilité d’une incapacité du conducteur en raison d’un manque de sommeil. Toutefois, les lignes directrices de TC ne soulignent pas la perturbation du rythme circadien comme un facteur de risque.

    1.21 Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire de Transports Canada

    Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaireNote de bas de page 77 de Transports Canada aborde également le risque de fatigue des employés d’exploitation ferroviaire.

    L’article 28 s’intitule Processus à l’égard de l’établissement des horaires et indique ce qui suit :

    Principes de la science de la fatigue

    28 (1) La compagnie de chemin de fer applique les principes de la science de la fatigue lorsqu’elle établit les horaires des employés visés au paragraphe (2), notamment les principes suivants :

    • a) la fatigue humaine est un phénomène physiologique;
    • b) la vigilance humaine est affectée par les rythmes circadiens;
    • c) le rendement humain diminue en fonction des heures de veille et de la dette de sommeil accumulée;
    • d) les humains ont des besoins physiologiques de base minimaux pour ce qui est du sommeil.

    Méthode

    (2) Elle inclut, dans son système de gestion de la sécurité, une méthode pour l’application des principes de la science de la fatigue lorsqu’elle établit les horaires des employés dont elle exige qu’ils travaillent suivant un horaire qui, selon le cas :

    • a) ne leur est pas communiqué au moins soixante-douze heure à l’avance;
    • b) exige qu’ils travaillent au-delà de leur horaire normal;
    • c) exige qu’ils travaillent entre minuit et 6 h.

    Communication

    (3) Elle communique aux employés dont elle exige qu’ils travaillent suivant un horaire visé au paragraphe (2) la façon dont les principes de la science de la fatigue ont été pris en compte lorsqu’elle exige qu’ils travaillent suivant cet horaire.

    1.22 Formation sur la gestion de la fatigue de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada à l’intention du personnel d’exploitation

    Conformément aux Règles relatives au temps de travail et de repos (2011), le CN a élaboré un cours de formation intitulé « Fatigue Management for Operating Employees » [Gestion de la fatigue pour le personnel d’exploitation], qu’il offre à tout son personnel d’exploitation. Le cours initial est offert dans le cadre de la formation d’introduction de 7 semaines du CN pour les nouvelles recrues et dure environ 2 heures. Le personnel d’exploitation du CN doit également terminer un module de mise à jour des connaissances en ligne sur la gestion de la fatigue tous les 3 ans, en même temps qu’il renouvelle sa qualification au titre du REF.

    1.23 Établissement des horaires de travail et diminutions du rendement associées à la fatigue

    La plupart des ML et des chefs de trains de marchandises travaillent sans horaire précis et, par conséquent, sont appelés à effectuer des parcours en fonction des besoins. Les parcours sont attribués aux ML et aux chefs de train dans des « bassins » de subdivision, en fonction du principe « premier entré, premier sorti », sous réserve des heures de repos obligatoires et des heures maximales de service indiquées dans les Règles relatives au temps de travail et de repos. Lorsque les membres d’une équipe terminent un parcours, leurs noms sont remis dans la liste de leur bassin respectif dans le but de leur attribuer leur prochain parcours. Ces pratiques d'établissement des horaires de travail peuvent faire en sorte que les heures de début de quart varient au cours de la journée.

    En plus des Règles relatives au temps de travail et de repos, les membres d’une équipe qui font partie de ces bassins ont droit aux clauses de repos suivantes, conformément à leurs conventions collectives :

    • À leur arrivée à la gare de détachement, les employés sont autorisés à prendre jusqu’à 8 heures de repos, sans compter le délai d’appel (2 heures).
    • À leur arrivée à la gare d’attache, les employés sont autorisés à prendre jusqu’à 24 heures de repos, sans compter le délai d’appel.
    • Les ML ont la possibilité de prendre jusqu’à 48 heures de repos après avoir parcouru 1075 milles, 3 fois par mois.
    • Les ML ont la possibilité de ne pas travailler après avoir atteint le seuil mensuel de 3800 milles.

    Lors de cet événement, le chef de train avait un horaire plus structuré. Il faisait partie d’un bassin dans une gare d’attache où les créneaux d’appel, les jours de travail et les jours de repos étaient attribués. Les créneaux d’appel, soit de 5 h 1 à 13 h, de 13 h 1 à 19 h, puis de 19 h 1 à 5 h, alternaient tout au long de l’horaire. Cet horaire a été créé par le CN et le syndicat et a été validé à l’aide du modèle biomathématique de fatigue Fatigue Audit InterDyne (FAID).Note de bas de page 78

    Les équipes tentent de gérer leur sommeil en surveillant les listes du mouvement des trains, qui estiment les heures d’arrivée à la gare de détachement. Toutefois, les listes du mouvement des trains et les heures d’arrivée estimées ne sont pas toujours prévisibles et peuvent changer considérablement en peu de temps pour diverses raisons liées aux activités, aux équipements ou aux voies. Il est également possible qu’un train soit tout simplement annulé.

    Il a été démontré que les heures imprévisibles et variables de début et de fin de quart peuvent accroître le risque de fatigue et rendre difficile pour les travailleurs d’obtenir un sommeil de bonne qualité.Note de bas de page 79. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à la fatigue liée au sommeil, notamment le manque aigu ou chronique de sommeil de bonne qualité, le fait d'être éveillé pendant plus de 17 heures, les effets sur le rythme circadien, les troubles du sommeil, les conditions médicales ou psychologiques et les effets des médicaments.

    Les recherches montrent que, par rapport aux travailleurs qui ont un horaire de travail régulier, les travailleurs qui ont un horaire de travail irrégulier dorment moins en moyenne et sont plus susceptibles de souffrir de troubles du sommeil, de somnolence excessive et de désynchronisation du rythme circadien, tous des facteurs qui exposent ces travailleurs au risque de développer un trouble du sommeil lié au rythme circadien. Les symptômes de désynchronisation du rythme circadien entraînent souvent une réduction supplémentaire de la durée et de la qualité du sommeilNote de bas de page 80,Note de bas de page 81.

    Il y a de nombreux rythmes biologiques chez les humains qui suivent un schéma circadien (quotidien). De nombreux rythmes circadiens sont interdépendants et synchronisés entre eux et avec un moment précis de la journée. La fatigue et la propension au sommeil suivent également un schéma circadien et augmentent considérablement la nuit. Une modification trop brusque du cycle veille-sommeil peut causer une désynchronisation des rythmes circadiens, ce qui peut nuire au rendement. La désynchronisation circadienne se produit lorsque les rythmes biologiques internes ne sont pas synchronisés entre eux, ou si les rythmes internes veille-sommeil ne sont pas synchronisés avec le cycle lumière-obscurité. Chez l’humain, le rendement optimal est atteint lorsque tous les rythmes circadiens sont synchronisés entre eux et avec des signaux temporels externesNote de bas de page 82.

    Le corps humain fonctionne de manière optimale lorsqu'il suit une routine prévisible. Chaque fois qu'un changement est apporté à sa routine, il met du temps à s'adapter. Pendant la période d'ajustement, le corps fonctionne à des niveaux sous-optimaux. Les modifications à l’horaire de veille-sommeil ne font pas exception et peuvent également entraîner un fonctionnement sous-optimal. Si le cycle n'est pas stable, les rythmes circadiens d’une personne seront désynchronisés et il s’en suivra une baisse de rendementNote de bas de page 83.

    Les quarts de travail qui ont lieu tôt le matin sont associés à un sommeil plus court (le sommeil obtenu avant le quart de travail sera écourté) et à un niveau de stress plus élevéNote de bas de page 84 que les quarts qui commencent plus tard dans la journée. Une étude récente a révélé que lorsqu’un travailleur dort 5 heures ou moins au cours d’une période de 24 heures, il risque de subir une altération du rendement et des accidents liés à la fatigueNote de bas de page 85.

    Il a été déterminé que les diminutions du rendement associées à la fatigue découlant du travail par quarts constituent des facteurs de risque et des prédicteurs importants en ce qui concerne les accidents et les blessures au travailNote de bas de page 86. Ces diminutions du rendement peuvent comprendre, par exemple, un temps de réaction de réaction accru ou une absence de réaction, une vigilance réduite, une capacité de prise de décision réduite, une incapacité à se concentrer, un mauvais jugement, une mauvaise mémoire, une distraction et la perte de conscience dans des situations critiquesNote de bas de page 87. Les diminutions du rendement dans l’exploitation de trains associées à la fatigue découlant du travail par quarts comprennent un temps de réaction long aux signaux affichés sur le terrainNote de bas de page 88, ainsi que des entraves au respect des exigences en matière d’exploitation des trainsNote de bas de page 89.

    Les travailleurs souffrant de fatigue liée au travail par quart sont également plus susceptibles de connaître des microsommeils. Les microsommeils sont des épisodes brefs et involontaires de perte d’attention ou des périodes de sommeil incontrôlables associés à un regard vide, à des mouvements de tête soudains et à des périodes prolongées de fermeture des yeux. Même les personnes bien reposées risquent de connaître des microsommeils lorsqu’elles effectuent des tâches monotones, comme conduire sur de longues distancesNote de bas de page 90. Les microsommeils sont de courte durée (p. ex., de 0,5 à 15 s, ou plus), et la personne n’en a souvent pas conscience.

    Si l’endormissement représente la conséquence la plus extrême de la fatigue, d’autres états connexes du conducteur peuvent être aggravés lorsqu’une personne est fatiguée. L'un de ces états est appelé la « conduite inattentive » (driving without awareness, ou DWA), un état s’apparentant à une transe dans lequel une personne conduit un véhicule automobile de manière normale, mais ne se souvient pas de l’avoir fait. La DWA illustre l’automaticité comportementale, ou la capacité d’exécuter des actions sans y penser consciemment. Bien que la DWA puisse se produire chez des conducteurs non fatigués dans des conditions monotones, elle est plus susceptible de se produire lorsqu’un conducteur est fatigué. Des recherches ont donné à penser que la DWA représente une phase intermédiaire entre l’état d’éveil et la somnolence grave, et qu’elle précède souvent les microsommeilsNote de bas de page 91.

    1.24 Historique de travail de l’équipe du train 318

    Bien que les historiques de travail des 2 membres de l’équipe au cours de la période de 4 semaines précédant l’accident satisfaisaient aux exigences des Règles relatives au temps de travail et de repos, le ML et le chef de train avaient tous deux travaillé pendant des quarts variés et irréguliers.

    1.24.1 Mécanicien de locomotive

    Au cours des 4 semaines qui ont précédé l’événement, l’horaire de travail du ML a suivi un schéma variable de quarts de jour et de nuit qui débutaient tôt le matin (par exemple, à 2 h 30), le matin (par exemple, à 5 h 35), l’après-midi (par exemple, à 13 h 15) et la nuit (par exemple, à 22 h). Bien qu’il y ait eu 6 périodes de repos de 24 heures pendant cette période (les 6, 9, 12 ,13 ,17 et 21 décembre), le ML a travaillé une partie de chaque journée pour la période du 4 décembre 2018 au 25 décembre 2018, soit une période de 21 jours (tableau 6).

    Tableau 6. Historique de travail du mécanicien de locomotive
    Date Train Heure de l’appel Heure de la commande Inscription en fin de service

    4 décembre 2018

    M31341-04

    1834/04

    2030/04

    0525/05

    5 décembre 2018

    Q11651-02

    1145/05

    1345/05

    0155/06

    7 décembre 2018

    B78741-07

    1117/07

    1315/07

    0350/08

    8 décembre 2018

    Q11451-06

    1156/08

    1300/08

    0030/09

    10 décembre 2018

    M30141-10

    0905/10

    1100/10

    2005/10

    11 décembre 2018

    M30251-07

    0445/11

    0645/11

    1615/11

    12 décembre 2018

    M34791-10

    2035/12

    2230/12

    0900/13

    13 décembre 2018

    M30451-10

    1729/13

    1930/13

    0440/14

    15 décembre 2018

    A40141-15

    0908/15

    1100/15

    2055/15

    16 décembre 2018

    Q11251-12

    0613/16

    0800/16

    1550/16

    17 décembre 2018

    M34791-15

    2055/17

    2245/17

    0935/18

    18 décembre 2018

    U26251-17

    1729/18

    1925/18

    0400/19

    20 décembre 2018

    Q19991-18

    0331/20

    0530/20

    1635/20

    21 décembre 2018

    M31451-18

    0038/21

    0230/21

    1325/21

    22 décembre 2018

    DHT156B-22

    1639/22

    1830/22

    2215/22

    23 décembre 2018

    M30251-19

    0351/23

    0545/23

    1730/23

    24 décembre 2018

    RZ40541-23

    0338/24

    0535/24

    1420/24

    24 décembre 2018

    M31451-23

    2003/24

    2200/24

    0810/25

    2 janvier 2019

    Q11791-31

    0434/02

    0630/02

    1800/02

    3 janvier 2019

    M31851-01

    0445/03

    0530/03

    Un tel schéma de travail avait le potentiel de créer une perturbation aiguë et chronique du sommeil, une somnolence accrue et une désynchronisation des rythmes circadiens.

    Les possibilités supplémentaires de périodes de repos dont disposait le ML, s’il en faisait la demande, n’ont pas été utilisées. Par exemple, sur les 3 possibilités dont disposait le ML de prendre jusqu’à 48 heures de repos (après son quart de travail le 8 décembre, le 16 décembre et le 23 décembre), le ML a demandé 31 heures de repos après son quart de travail le 8 décembre et n’a pas utilisé les autres possibilités. Entre le 5 et le 25 décembre, le ML avait la possibilité de prendre jusqu’à 264 heures de repos à Winnipeg, mais il n’en a pris que 115. Cela représente 44 % du repos qui était à sa disposition. Le ML a déclaré se sentir fatigué au cours du mois précédant l’événement en raison de quarts irréguliers et inattendus.

    Pendant son congé pour les Fêtes, du 25 décembre 2018 au 1er janvier 2019 (8 jours), le ML n’a pas fait de siestes pendant le jour. En outre, il s’est régulièrement couché vers 23 h et s’est levé à 7 h pour essayer de réinitialiser son horaire de sommeil nocturne à la suite du schéma de sommeil varié et intermittent qu’il avait maintenu pendant les quarts de travail précédant ses vacances. De plus, il a régulièrement eu 1 ou 2 périodes d’éveil la nuit pour satisfaire à des obligations familiales.

    Le 2 janvier 2019, le ML a été appelé à 4 h 30 et a fait une sieste de 30 minutes avant de partir pour commencer son quart de travail à 6 h 30 à bord d’un train se dirigeant vers l’ouest. Le ML a conduit le train en direction ouest vers Rivers, a terminé son service à 18 h le 2 janvier 2019 et a eu l’occasion de se reposer dans le pavillon-dortoir du CN à Rivers.

    Le 3 janvier 2019, le ML a été appelé à 3 h 30 pour conduire le train 318, commandé pour 5 h 30. Son téléphone cellulaire étant en mode silencieux, le ML a continué à dormir, puis il a été réveillé plus tard par des coups à la porte du dortoir à 4 h 45. Il avait obtenu 5 h 30 min de sommeil de mauvaise qualité la nuit précédente. Vers 6 h 10, le train 318 a quitté Rivers en direction est sur la subdivision de Rivers.

    Le ML n’avait pas reçu de diagnostic de trouble du sommeil ou d’autre condition médicale susceptible de nuire à l’obtention d’un sommeil de qualité.

    1.24.2 Chef de train

    Au cours des 4 semaines qui ont précédé l’événement (tableau 7), l’horaire de travail du chef de train a suivi un schéma variable de quarts de jour et de nuit qui débutaient tôt le matin (par exemple, à 2 h 30, à 5 h) et la nuit (par exemple, à 22 h 15).

    Tableau 7. Historique de travail du chef de train
    Date Train Heure de l’appel Heure de la commande Inscription en fin de service

    6 décembre 2018

    U26051-03

    0019/06

    0215/06

    1330/06

    7 décembre 2018

    A43981-06

    0116/07

    0315/07

    1305/07

    9 décembre 2018

    M34841-08

    0303/09

    0500/09

    1725/09

    10 décembre 2018

    RQ11651-06

    0511/10

    0630/10

    1525/10

    11 décembre 2018

    DHT209B-11

    0338/11

    0500/11

    0930/11

    15 décembre 2018

    Q10521-13

    0034/15

    0230/15

    1240/15

    15 et 16 décembre 2018

    G84441-15

    2227/15

    2355/15

    0635/16

    17 décembre 2018

    Q11131-16

    0632/17

    0830/17

    1850/17

    18 décembre 2018

    Q19651-14

    0358/18

    0545/18

    1615/18

    19 décembre 2018

    X31341-19

    0500/19

    0700/19

    1810/19

    20 décembre 2018

    X10651-18

    0350/20

    0550/20

    1700/20

    24 décembre 2018

    RM30331-22

    0307/24

    0500/24

    0845/24

    26 décembre 2018

    U26051-23

    1621/26

    1815/26

    0300/27

    27 décembre 2018

    DHT076B-27

    2015/27

    2215/27

    0245/28

    29 décembre 2018

    SL54541-28

    0503/29

    0700/29

    1150/29

    2 janvier 2019

    Q11791-31

    0434/02

    0630/02

    1800/02

    3 janvier 2019

    M31851-01

    0330/03

    0530/03

    Le chef de train prenait parfois des suppléments de mélatonine pour l’aider à s’endormir lorsqu’il travaillait par quarts variables. Il a été démontré que la mélatonine peut modifier le rythme circadien pour le porter à un cycle de veille-sommeil souhaité si elle est prise comme indiquéNote de bas de page 92. La mélatonine ne doit pas être utilisée pour amorcer le sommeil et, si elle est prise au mauvais moment ou sans suivre les indications, elle peut perturber les rythmes circadiensNote de bas de page 93. Le chef de train n’avait pas reçu de diagnostic de trouble du sommeil ou d’autre condition médicale susceptible de nuire à l’obtention d’un sommeil de qualité. Le chef de train a déclaré se sentir fatigué dans les jours qui ont précédé l’événement.

    Du 30 décembre 2018 au 1er janvier 2019 (3 jours), le chef de train était en congé.

    Le 2 janvier 2019, le chef de train a été appelé à 4 h 34 et il était en service à 6 h 30 à bord d’un train en direction ouest. Le chef de train a travaillé avec le même ML dans le train en direction ouest vers Rivers, n’était plus de service à 18 h et a eu l’occasion de se reposer dans le pavillon-dortoir du CN à Rivers.

    Le 3 janvier 2019, le chef de train a été appelé à 3 h 30 pour le train 318 commandé à 5 h 30. Vers 6 h 10, le train 318 a quitté Rivers en direction est sur la subdivision de Rivers.

    1.25 Analyse de la fatigue des membres de l’équipe

    Une analyse approfondie de la fatigue des membres de l’équipe du train 318 a été effectuée, en tenant compte de l’historique de travail des membres de l’équipe sur 30 jours, de leurs schémas de sommeil normaux, de leurs périodes de sommeil connues et de leur historique de sommeil estimé lorsque les heures précises de sommeil et d’éveil étaient inconnues (annexe A).

    1.25.1 Évaluation qualitative de la fatigue

    Six facteurs de risque ont été examinés afin de déterminer la probabilité que l’équipe ait éprouvé de la fatigue au moment de l’événement : la perturbation aiguë du sommeil, la perturbation chronique du sommeil, l’éveil continu, les effets du rythme circadien, les troubles du sommeil, et les conditions médicales ou psychologiques, maladies ou médicaments pouvant entraîner de la fatigue (voir l’annexe B). Parmi ces facteurs de risque, l’évaluation qualitative a déterminé que le ML était affecté par une perturbation aiguë du sommeil, mais n’a pas identifié la fatigue comme un facteur pour le chef de train.

    Le ML a obtenu moins de sommeil que ce qu’il aurait normalement eu pendant les 2 nuits précédant l’événement (environ 5 h 30 min de sommeil perturbé chaque nuit). Le matin de l’événement, le ML a été réveillé à 4 h 45 pour un départ à 5 h 30. Les employés faisant des quarts de travail tôt le matin qui raccourcissent la durée du sommeil, ou les personnes qui dorment un total de 5 heures ou moins au cours d’une période de 24 heures, courent un risque accru de somnolence, de facultés affaiblies liées à la fatigue et d’accidents liés à la fatigue pendant leur quart de travailNote de bas de page 94,Note de bas de page 95. En raison des départs tôt le matin et parce que le ML n’avait eu que 5 h 30 de sommeil perturbé (totalisant probablement moins de 5 heures de sommeil réparateur) au cours de chacune des 2 nuits précédant l’événement, il courait un risque de fatigue en raison d’une perturbation aiguë du sommeil.

    L’enquête a également permis de déterminer que le ML et, dans une moindre mesure, le chef de train couraient un risque de fatigue dans les semaines précédant l’événement. Leur historique de travail variable aurait sans doute rendu difficile pour les membres de l’équipe d’obtenir un sommeil réparateur suffisant pendant les périodes où ils avaient la possibilité de dormir. En ce qui concerne plus particulièrement le ML, cette situation a été exacerbée par sa décision de ne pas saisir toutes les occasions disponibles pour se reposer. Les modifications de l’horaire veille-sommeil peuvent entraîner un fonctionnement sous-optimal pendant la période d’adaptation. Si le schéma n’est pas stable, les rythmes circadiens de la personne se désynchronisent et le rendement s’en trouve réduit. Étant donné que les membres de l’équipe avaient travaillé selon un modèle de travail difficile et instable au cours des 3 premières semaines de décembre, il y avait un risque que leurs rythmes circadiens soient désynchronisés, ce qui rendait plus difficile l’obtention d’un repos réparateur suffisant et augmentait le risque de fatigue.

    1.25.2 Outil Fatigue Avoidance Scheduling Tool

    Des analyses informatisées de l’historique veille-sommeil de l’équipe ont été effectuées à l’aide de l’outil Fatigue Avoidance Scheduling Tool (FAST). Bien que l’outil FAST ne fournisse pas de mesure du résultat prédit pour la fatigue, il fournit une prédiction numérique de l’efficacité qui est dérivée d’un niveau prédit de fatigue.

    En utilisant ce que l’on sait des performances humaines normales sur une mesure éprouvée du fonctionnement cognitif appelée test de vigilance psychomotrice (PVT), l’outil FAST prédit les écarts de « l’efficacité » du rendement d’une personne moyenne par rapport à un rendement « de base » quand elle est normalement reposée. La prédiction d’une efficacité de rendement de 100 % ne signifie pas nécessairement un rendement exempt d’erreurs; cela signifie plutôt que l’on s’attend à ce que le rendement soit à 100 % de celui d’une personne normale qui dort 8 heures par nuit pendant les heures nocturnes. Les prédictions fondées sur le PVT ont été corrélées avec le temps de réaction, le temps de traitement moyen dans une batterie de tests cognitifs, et l’indice de relâchement de l’attention (probabilité de temps de réaction exceptionnellement longs) (annexe C).

    Pour chaque point dans le temps, l’outil FAST évalue l’influence de 5 facteurs de fatigue sur le niveau d’efficacité correspondant et affiche ceux qui sont préoccupants sous forme de drapeau rouge dans le tableau de bord FAST. Les 5 facteurs de fatigue sont les suivants :

    • Sommeil récent (24 dernières heures) — le nombre total d’heures de sommeil au cours de la journée précédente.
    • Manque de sommeil chronique — le nombre cumulatif d’heures de sommeil qui ont été manquées depuis la dernière fois où le réservoir de sommeil était plein.
    • Heures d’éveil — le nombre d’heures continues depuis la dernière période de sommeil.
    • Heure de la journée — évaluation de la vulnérabilité à l’erreur en fonction de l’ajustement du rythme circadien de la personne. Pour une personne ayant une heure de coucher « normale » de 23 h, on considère que la vulnérabilité maximale se situe entre minuit et 6 h. Les heures sont indiquées dans le fuseau horaire de base, mais elles sont toujours ajustées au rythme de la personne.
    • Déphasage — mesure du degré de désynchronisation du rythme circadien de la personne par rapport à la phase optimale pour le schéma actuel de sommeil et d’éveil, exprimée par le nombre d’heures de déphasage — une mesure de « décalage horaire » ou de « décalage de quart ».

    Les « zones » de couleur d’un graphique de sortie FAST illustrent les niveaux suivants d’efficacité du rendementNote de bas de page 96 :

    • Vert – efficacité de 100 % à 90 % de la vitesse du PVT. Se rapproche de la plage de rendement pendant une journée normale de travail de jour après une période de 8 heures d’excellent sommeil la nuit.
    • Jaune – efficacité de 90 % à 65 % de la vitesse PVT. Approximation de la plage de performance après avoir manqué une nuit de sommeil (24 heures d’éveil).
    • Rouge – efficacité inférieure à 65 % de la vitesse PVT. Représente le rendement après une privation de sommeil de 2 jours et 1 nuit complets (40 heures d’éveil). Le temps de réaction d’une personne lorsque l’efficacité est dans la zone rouge est plus de 50 % plus long que celui d’une personne bien reposée.

    Afin d’évaluer et de prévoir les changements de rendement associés aux schémas de veille-sommeil résultant d’horaires de travail semblables à ceux de l’historique de travail de l’équipe, on a élaboré un horaire de sommeil hypothétique fondé sur l’historique de travail réel des membres de l’équipe pour les 30 jours précédant l’événement, leur schéma de sommeil normal, et leurs périodes de sommeil connues (annexe A). Le temps de sommeil et d’éveil a été estimé lorsque les périodes de sommeil étaient inconnues.

    Comme le montrent les graphiques de sortie FAST (annexe D), étant donné que le ML avait connu une perturbation aiguë du sommeil les nuits du 1er et du 2 janvier, son niveau de rendement estimé au moment de l’événement était de 87 % de la vitesse PVT, ce qui correspond à la plage de rendement d’une personne normale ayant manqué 1 nuit complète de sommeil. Selon les mesures de rendement liées à l’outil FAST, une personne ayant maintenu un historique de veille-sommeil comme celui du ML devrait avoir un temps de réaction d’environ 15 % plus lent, un rendement cognitif d’environ 7 % plus faible, et environ 2 fois plus de manquements qu’une personne suffisamment reposée. L’outil FAST affiche le « drapeau rouge » pour le « sommeil récent » parce que le ML n’avait eu que 5 h 30 min de sommeil au cours des 24 heures précédant l’accident. Ces résultats FAST sont cohérents avec les résultats de l’analyse qualitative de la fatigue.

    Le graphique de sortie FAST du chef de train montre qu’il courait un faible risque de fatigue au moment de l’événement.

    Les graphiques de sortie FAST du ML pour les 3 semaines précédant ses vacances (du 25 décembre au 2 janvier) montrent qu’il était à risque de travailler dans un état d’efficacité réduite (moins de 90 % de la vitesse de PVT et autres aspects connexes d’un rendement dégradé) en raison de la fatigue à un moment donné au cours de 17 des 18 quarts de travail. Au cours de 7 de ces quarts, son niveau de rendement estimé est descendu sous la plage des 65 % (zone rouge) en raison d’une combinaison des 5 facteurs de fatigue, y compris la désynchronisation du rythme circadien. À la fin de son quart de travail le 19 décembre à 4 h, son rendement au PVT a été estimé à 50 % de celui d’une personne normale qui aurait dormi 8 heures par nuit, de nuit, soit un rendement représentatif d’une personne qui aurait été privée d’une nuit de sommeil entre 2 jours où elle est restée éveillée. Une personne à ce niveau de fatigue aurait un temps de réaction d’environ 100 % plus lent, un rendement cognitif d’environ 43 % moins élevé, et environ 12 fois plus de manquements qu’une personne suffisamment reposée. À la fin de son quart de travail du 24 décembre, son rendement estimé était de 61 %.

    Le rendement estimé du chef de train pendant les quarts de travail précédant l’événement variait entre 65 % et 90 % (zone jaune), soit la plage de rendement d’une personne normale qui dort la nuit, pendant la période de 24 heures après avoir manqué une nuit de sommeil. À la fin de son quart de travail du 16 décembre, son rendement estimé était de 65 % en raison des facteurs de fatigue liés à la désynchronisation du rythme circadien (déphasage), au sommeil récent, au manque de sommeil chronique et au moment de la journée.

    1.26 Non-respect d’un signal d’arrêt par des équipes de train de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    Le 14 novembre 2018, le CN a distribué l’avis du réseau no 912 intitulé Educational Notice – Rule 439 / Stop Signal VIOLATIONS [Avis d’instruction — INFRACTIONS à la règle 439/aux signaux d’arrêt]. Dans cet avis, le CN faisait remarquer qu’au cours des 10 mois précédents, il y avait eu une augmentation marquée des infractions aux règles, puisque 37 mouvementsNote de bas de page 97 avaient franchi un signal d’arrêt sans autorisation au Canada. On avait également constaté une augmentation des « quasi-incidents » dans lesquels seule une action drastique de dernière minute avait empêché les mouvements de franchir des signaux affichant une indication d’arrêt.

    Une enquête menée par le CN a permis de découvrir que, dans de nombreux cas, les équipes de conduite n’avaient pas respecté les instructions fournies par les indications de signal affichées sur les signaux avancés, en particulier les indications « De vitesse normale à arrêt différé » et « De vitesse normale à arrêt ». Dans de nombreux cas, les équipes prévoyaient à tort que les signaux qu’elles approchaient seraient permissifs au moment où elles les atteindraient, malgré les indications « De vitesse normale à arrêt différé » et « De vitesse normale à arrêt » affichées sur les signaux avancés.

    L’avis précisait également que les équipes de train faisaient parfois des suppositions fondées sur des discussions radio indiquant, par exemple, que le train ou le contremaître qu’elles devaient croiser était autorisé à maintenir une vitesse normale ou que le train qu’elles suivaient était suffisamment éloigné.

    L’avis de la compagnie a permis de rappeler aux équipes les règles et les instructions concernant les indications de signal et la façon de maintenir en tout temps la conscience situationnelle pendant le service.

    1.27 Technologies pour assurer le respect des indications de signal

    Les professionnels de la sécurité en Amérique du Nord ont cerné 5 types de contrôles des dangers et les ont classés en fonction de leur efficacité. Du plus efficace au moins efficace, les types de contrôle des risques sont les suivants :

    • Élimination – éliminer physiquement le danger,
    • Substitution – remplacer quelque chose qui crée un danger par quelque chose qui ne le fait pas,
    • Moyens de défense techniques (physiques) – isoler la personne du danger,
    • Moyens de défense administratifs – apporter un changement dans la façon dont les gens travaillent,
    • Équipement de protection individuel.

    Pour atténuer les dangers auxquels les équipes d’exploitation ferroviaire sont confrontées, le secteur ferroviaire au Canada utilise principalement des moyens de défense administratifs comme des politiques, des procédures, des règles, la formation des employés, des panneaux d’avertissement et des systèmes de signalisation en voie. Afin de réduire davantage le risque que les équipes interprètent mal ou ne respectent pas les indications de signal, le secteur ferroviaire des États-Unis a également adopté et intégré des moyens de défense physiques à sécurité intégrée comme les systèmes de signalisation en cabine et la commande intégrale des trains (PTC).

    1.27.1 Systèmes de signalisation en cabine

    La signalisation en cabine est un système de communications qui fournit de l’information sur l’état d’occupation des voies à un dispositif d’affichage installé dans la cabine de la locomotive. Les systèmes les plus simples affichent l’indication des signaux en voie, tandis que les systèmes plus perfectionnés indiquent aussi les vitesses maximales admissibles. Ils peuvent également avertir les équipes d’exploitation de leur proximité avec les points de restriction afin que l’équipe puisse prendre des mesures pour ralentir ou arrêter un trainNote de bas de page 98. La signalisation en cabine peut réduire le risque d’erreurs de reconnaissance des signaux.

    En 1922, l’Interstate Commerce Commission des États-Unis a statué que tous les chemins de fer américains devaient installer pour 1925 au plus tard une forme quelconque de système de contrôle des trains sur la totalité d’une subdivision pour trains de voyageurs. C’est en réponse à cette décision qu’ont été mis au point et en service aux États-Unis les premiers systèmes de signalisation en cabineNote de bas de page 99. Ces systèmes ont évolué au fil des ans et sont désormais intégrés aux systèmes de contrôle des trains, comme le système PTC, qui peuvent surveiller les indications de signal et font respecter les limitations de vitesse. Au Canada, aucun système de signalisation en cabine n’est utilisé par les chemins de fer voyageurs ou marchandises.

    1.27.2 Système de commande intégrale des trains

    Le système PTC est une technologie physique de commande des trains à sécurité intégrée conçue pour prévenir :

    • les collisions entre trains;
    • les déraillements dus à une vitesse excessive;
    • les incursions dans les zones de travaux;
    • le passage d’un train sur un aiguillage laissé dans la mauvaise position.

    Un système PTC entièrement fonctionnel offre également un moyen de défense physique à sécurité intégrée contre les erreurs de l’équipe d’exploitation qui découlent de la fatigue.

    1.27.2.1 Fonctionnement de la commande intégrale des trains

    Dans un système PTC entièrement fonctionnel, toutes les indications de signal en voie sont transmises électroniquement par les ordinateurs du système vers la locomotive de tête munie du système PTC. Le système PTC utilise des algorithmes de freinage prédictifs pour prévenir les collisions et les excès de vitesse. Si une équipe d’exploitation n’amorce pas une réponse adéquate à une indication de signal affichée sur le terrain, à des dangers décelés (p. ex. un rail rompu ou un aiguillage laissé dans une orientation anormale) ou aux autorisations délivrées pour régir l’exploitation du train, le système PTC interviendra et ralentira ou arrêtera automatiquement le train. Pour assurer la sécurité intégrée du système, les algorithmes de freinage prédictifs doivent être très fiables pour arrêter les trains avant qu’une infraction ou qu’un accident ne se produise.

    Le système PTC intègre et traite :

    • les renseignements GPS du train;
    • les renseignements statiques sur les voies, comme le profil de la voie et les limites de vitesse dans la subdivision;
    • les renseignements propres au train, comme sa vitesse, son poids en tonnes, sa longueur, sa composition, ses autorisations de mouvement, ses limites de vitesse, ses zones de travail et ses restrictions en matière de composition;
    • la communication avec les dispositifs en voie qui vérifient l’occupation des voies, la bonne orientation des aiguillages et les indications de signal.

    Les données sont combinées pour élaborer un algorithme de freinage et créer des courbes prédictives d’avertissement et de freinage pour la conduite du train en temps réel. Au fur et à mesure que le train se déplace sur la voie, un ordinateur à bord de la locomotive de tête calcule continuellement les courbes d’avertissement et de freinage. Lorsque le système PTC est utilisé, les courbes de freinage limitent la vitesse en fonction des signaux en voie affichés sur le terrain et des autorisations d’occupation des voies en territoire sans signalisation, de même qu’en réponse aux dangers relevés sur la route du train. Les courbes prédictives de freinage du système PTC forcent le train à s’arrêter à au moins 300 pieds d’un signal d’arrêt affiché sur le terrain.

    Une fois les courbes de freinage établies, si la vitesse du train entre dans l’aire de la courbe d’avertissement, une alarme se déclenche et on s’attend à ce que le ML ramène la vitesse du train dans l’aire de la courbe de freinage. Si le ML n’agit pas ou si le système PTC détermine que le train ne peut pas s’arrêter avant le signal d’arrêt affiché sur le terrain, un freinage compensateur se déclenche pour arrêter le train (figure 9).

    Figure 9. Schéma des courbes prédictives de freinage du système PTC (Source : BST)
    Image
    Schéma des courbes prédictives de freinage du système PTC (Source : BST)

    Pendant un freinage compensateur déclenché par le système PTC, le système continue de calculer la vitesse du train et la distance d’arrêt restante, et il peut également déclencher un freinage d’urgence s’il estime qu’un freinage compensateur normal à fond n’est pas suffisant pour immobiliser le train avant d’atteindre l’indication de signal d’arrêt.

    1.28 Évolution de la commande intégrale des trains aux États-Unis

    Aux États-Unis, le NTSB a publié sa première recommandation visant l’élaboration et la mise en œuvre d’un système PTC en 1970 par suite de son enquête sur une collision frontale mortelle entre 2 trains de banlieue de Penn Central, survenue en août 1969 à Darien (Connecticut), qui a fait 4 morts et 43 blessés.

    Le NTSB a noté que, depuis un demi-siècle, il a [traduction] « enquêté sur plus de 150 accidents qui auraient pu être évités si un système PTC avait été en place et qui ont fait près de 300 morts et environ 6700 blessés […]Note de bas de page 100 ». Par suite de ces enquêtes, le NTSB a émis 51 autres recommandations liées au système PTC.

    En 1990, la mise en œuvre du système PTC a figuré sur la première liste des améliorations prioritaires à la sécurité des transports du NTSB (Most Wanted List of Transportation Safety Improvements) qui a servi de principal outil de promotion pour souligner les besoins les plus pressants en matière de sécurité des transports. La mise en œuvre du système PTC est demeurée sur cette liste jusqu’en 2008.

    Le 12 septembre 2008, une collision qui a fait 25 morts et 102 blessés entre un train de banlieue de Metrolink et un train de marchandises de l’Union Pacific est survenue à Chatsworth (Californie). L’accident de Metrolink a entraîné l’adoption de la Rail Safety Improvement Act of 2008 (RSIA), qui exigeait l’installation, d’ici 2015, du système PTC sur les lignes ferroviaires des États-Unis à risque plus élevé qui satisfaisaient aux critères suivants :

    • voies ferroviaires principales de catégorie 1 avec une circulation annuelle de 5 millions de tonnes brutes ou plus;
    • lignes ferroviaires avec une circulation de gaz toxiques ou autres produits toxiques à l’inhalation (TIH);
    • lignes ferroviaires sur lesquelles des services réguliers de transport de voyageurs interurbains ou de banlieue étaient fournis et toute autre ligne ferroviaire que le secrétaire peut prescrire par règlement ou arrêté.

    La Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis a été chargée de superviser la mise en œuvre du système PTC.

    Après l’entrée en vigueur de la RSIA, le NTSB a retiré le système PTC de sa liste des améliorations prioritaires. Cependant, en raison de difficultés techniques et de retards dans la mise en œuvre du système PTC, le délai a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2020. Par conséquent, en 2014, le NTSB a réinscrit le système PTC dans sa liste des améliorations prioritaires.

    1.29 Réseaux ferroviaires aux États-Unis et au Canada

    Le réseau ferroviaire des États-Unis comprend près de 140 000 milles de voieNote de bas de page 101. En date du 31 décembre 2020, le système PTC a été pleinement mis en œuvre aux États-Unis sur la totalité des voies assujetties à la législation en vertu de la RSIA. À ce titre, le système PTC est maintenant pleinement opérationnel sur un total de 57 535,7 milles de voie, ce qui représente environ 41 % du réseau ferroviaire américain. Le nombre total de milles de voie sur lesquels le système PTC a été installé comprend les activités d’exploitation aux États-Unis du CN (3107 milles) et du CP (2118 milles). Le réseau ferroviaire du Canada est constitué d’environ 26 000 milles de voieNote de bas de page 102. Sur l’ensemble :

    • Le CN possède environ 13 800 milles de voie (53 % du réseau ferroviaire), dont environ 5900 milles sont désignés comme des itinéraires clés.
    • Le CP possède environ 7500 milles de voie (29 % du réseau ferroviaire), dont environ 4900 milles sont désignés comme des itinéraires clés.
    • Les autres chemins de fer possèdent environ 4700 milles de voie (18 % du réseau ferroviaire), dont environ 140 milles sont désignés comme des itinéraires clés.
    • Les itinéraires clés représentent un total combiné d’environ 10 940 milles de voie principale, soit environ 42 % du réseau ferroviaire canadien.

    En dépit d’investissements importants dans la technologie PTC pour les parcs de locomotives du CN et du CP et leur infrastructure aux États-Unis, on ne sait pas avec certitude si les chemins de fer et l’organisme de réglementation canadien envisagent de prendre des mesures et, le cas échéant, lesquelles, pour mettre en œuvre l’utilisation du système PTC ou d’une forme semblable de commande automatique ou de commande des trains améliorée (CTA) au Canada.

    1.30 Événements du BST qui auraient pu être évités ou dont les conséquences auraient pu être atténuées si un système de commande des trains équivalent à une commande intégrale des trains avait été disponible

    Un examen de tous les rapports d’enquête sur les événements ferroviaires du BST (y compris l’événement à l’étude mais excluant les événements de catégorie 5) depuis la création du BST en 1990 a permis de déterminer que 80 événements auraient pu être évités ou auraient pu avoir des conséquences moins graves si un système de commande des trains équivalent à un système PTC avait été disponible (annexe A).

    Un examen des faits établis combinés des 80 rapports d’enquête a permis de faire les constatations suivantes :

    • 53 déraillements de train se sont traduits par 530 matériels roulants déraillés,
    • 41 collisions de train ont entraîné 35 déraillements,
    • 128 wagons qui contenaient des marchandises dangereuses ou qui en ont déversé ont été touchés,
    • 13 locomotives ont déversé du carburant diesel,
    • 318 employés et voyageurs ont été blessés,
    • 8 personnes sont mortes,
    • 19 des 80 (24 %) événements contenaient un fait établi lié à la fatigue de l’opérateur.

    1.31 Enquêtes et recommandations du BST concernant la commande des trains

    En 2000, le BST a formulé sa première recommandation visant la mise en œuvre de moyens de défense supplémentaires liés à la commande des trains, par suite de son enquête sur la collision entre 2 trains du CP survenue près de Notch Hill (Colombie-Britannique)Note de bas de page 103. Après avoir constaté que les moyens de protection supplémentaires pour les indications de signal étaient inadéquats, le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports et l’industrie ferroviaire mettent en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires afin de s’assurer que les membres des équipes identifient les signaux et s’y conforment de façon uniforme.
    Recommandation R00-04 du BST

    En avril 2001, TC a d’abord indiqué qu’il appuyait l’intention de la recommandation R00-04, mais il n’a pris aucune mesure et n’a fourni aucune nouvelle information avant 2010, lorsque le CP a indiqué avoir mis en œuvre des moyens de défense administratifs additionnels, sous la forme d’une liste de vérification pour les équipes et de certains principes de la CRM, pour aider les équipes à respecter les règlesNote de bas de page 104. Autrement, il n’y a eu aucun effort concret pour établir des mécanismes physiques de commande des trains à sécurité intégrée pour le cas où une équipe ne réagirait pas correctement à un signal affiché sur le terrain.

    En 2012, lors du déraillement et de la collision mettant en cause le train de voyageurs 92 de VIA près de Burlington (Ontario), 3 membres de l’équipe d’exploitation ont été mortellement blessés, et 44 voyageurs de même que le gestionnaire des services de VIA ont subi diverses blessuresNote de bas de page 105. En 2013, par suite de son enquête, le BST a indiqué que TC et le secteur ferroviaire devraient mettre en œuvre une stratégie qui permettrait d’éviter les accidents comme celui-là en s’assurant que les signaux, les vitesses de marche et les limites d’exploitation soient toujours respectés. Le Bureau a donc recommandé que :

    Le ministère des Transports exige que les grands transporteurs ferroviaires canadiens de voyageurs et de marchandises mettent en œuvre des méthodes de contrôle des trains à sécurité intrinsèque, en commençant par les corridors ferroviaires à grande vitesse du CanadaNote de bas de page 106.
    Recommandation R13-01 du BST

    En 2014, en réponse aux recommandations R00-04 et R13-01 du BST, un groupe de travail mixte sur la commande des trains regroupant TC et le secteur ferroviaire a été mis sur pied sous les auspices du Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire (CCSF) afin d’étudier la question.

    1.31.1 Groupe de travail sur la commande des trains et rapport final

    Le groupe de travail sur la commande des trains (GTCT) était principalement composé d’intervenants du secteur. Il était présidé par la Sécurité ferroviaire de TC et comprenait des représentants des organismes suivants :

    • Centre de développement des transports (CDT)
    • Association des chemins de fer du Canada (ACFC)
    • Association of American Railroads (AAR)
    • Unifor National Canada
    • Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC)
    • Compagnie des Chemins de fer nationaux du Canada (CN)
    • Chemin de fer Canadien Pacifique (CP)
    • VIA Rail Canada inc. (VIA)
    • GO Transit
    • Association canadienne des fournisseurs de chemins de fer (ACFCF)

    En septembre 2016, le GTCT a produit un rapport intitulé Groupe de travail sur la commande des trains : Rapport finalNote de bas de page 107. Ce rapport indiquait que, de 2011 à 2015, 38 % (2604 sur 6786) des événements consignés dans la base de données sur les événements ferroviaires (RODS) du BST étaient des événements en voie principale et que « 380 sur 2 604, ou un accident sur six [14,6 %Note de bas de page 108], peuvent être définis comme des événements pouvant être évités grâce à la CTANote de bas de page 109 ».

    Aux fins de l’examen préliminaire, les événements pouvant être évités grâce à la CTA ont été divisés en 5 catégoriesNote de bas de page 110. La majorité de ces événements étaient catégorisés comme des « mouvements dépassant les limites d’autorisation » (MDLA), ce qui représentait 71 % (273 sur 380) des accidents et des incidents pouvant être évités, soit une moyenne de 55 événements pouvant être évités par année.

    Le rapport indique que la CTA pourrait être un système très avancé ou un système plus rudimentaire. Le rapport concluait que la meilleure option pour le Canada serait une mise en œuvre ciblée, fondée sur les risques et propre à chaque corridor des technologies de commande des trains. Un tel système « pourrait comprendre un affichage statique de l’infrastructure de la voie, des limites de vitesse et des restrictions opérationnelles, mais il pourrait fournir un affichage dynamique de l’emplacement réel des trainsNote de bas de page 111 » qui pourrait offrir des alarmes sonores ou visuelles sans renforcement positif. Toutefois, un tel système continuerait de s’appuyer sur l’équipe de train pour assurer la conformité. Un système plus complet de CTA « pourrait être conçu au moyen des méthodes de conception à sécurité intrinsèque et incorporer des capacités de renforcement positifNote de bas de page 112 ».

    Le rapport formule les recommandations suivantes :

    Si on se base sur les travaux effectués par le GT, il est recommandé d’inclure, dans les prochaines étapes, les éléments suivants : une étude approfondie des risques particuliers à prendre en compte; le type de technologies qui aideraient à réduire ces risques; les tronçons du réseau ferroviaire qui profiterait [sic] le plus de ces systèmes. En outre, les fonctionnalités particulières désirées dans le cadre de ces systèmes sont prises en compte dans l’analyse. Parallèlement, on profite des enseignements tirés de la mise en place des systèmes de CIT [PTC] aux États-Unis afin de concevoir une approche exhaustive rentable pour le Canada.

    Afin de réaliser cet objectif, il est recommandé de créer un groupe de travail technique qui concevra une méthodologie claire de priorisation des risques pour chaque corridor. Cette approche déterminera les principaux facteurs de risque et précisera comment chacun de ces facteurs est réduit grâce aux diverses technologies de CTA offertes actuellement. Les modules pouvant servir à définir la stratégie optimale de mise en place de la CTA seront ainsi fournis afin de pouvoir apporter les améliorations en matière de sécurité, de réduire les investissements de capitaux et de minimiser les répercussions opérationnelles potentielles sur les corridors. Afin de mener ces travaux, les experts de systèmes techniques de l’industrie ferroviaire et TC devront collaborerNote de bas de page 113.

    Enfin, le rapport indique qu’il « sera important de continuer de surveiller la mise en place de la CIT [PTC] aux États-Unis et d’appliquer les enseignements tirés au déploiement des technologies de CTA au CanadaNote de bas de page 114 ».

    1.31.2 Examen par le BST du rapport final du Groupe de travail sur la commande des trains

    Le rapport du GTCT indique que, de 2011 à 2015, 38 % (2604 sur 6786) des événements consignés dans la base de données RODS étaient des événements en voie principale et que 380 sur 2604, soit un sur six (14,6 %), peuvent être définis comme des événements pouvant être évités grâce à la CTA.

    Toutefois, même sur la voie principale, la CTA ne serait pas destinée à prévenir les accidents associés aux passages à niveau, aux intrusions, aux incendies ou aux déraillements ou collisions de véhicules rail-route. Les données de la base de données RODS sur les accidents en voie principale associés aux passages à niveau, aux intrusions, aux incendies et aux déraillements et collisions de véhicules rail-route de 2011 à 2015 sont présentées au tableau 8 ci-dessous.

    Tableau 8. Données 2011–2015 sur les accidents en voie principale associés aux passages à niveau, aux intrusions, aux incendies et aux déraillements et collisions de véhicules rail-route
    Année Passages à niveau Intrusions Incendies Déraillement ou collision de véhicules rail-route Total
    2011 171 66 23 34 294
    2012 192 71 17 25 235
    2013 184 56 11 41 292
    2014 185 54 36 27 302
    2015 165 50 32 43 290

    Total

    897 297 119 170

    1483

    Lorsque le total de ces types d’accidents (1483) est soustrait des 2604 accidents en voie principale sur 5 ans, il reste 1121 événements, dont 380 (33,9 %) peuvent être définis comme des événements qui auraient pu être évités grâce à la CTA.

    1.31.3 Laboratoire canadien de recherche ferroviaire — Rapport sur la commande des trains améliorée

    En 2017, TC a donné au Laboratoire canadien de recherche ferroviaire (LCRF) de l’University of Alberta le contrat de mener une étude de suivi à l’appui du rapport final du Groupe de travail sur la commande des trains et de ses conclusions. Le LCRF a soumis son Rapport sur la commande des trains améliorée de suivi à TC en février 2018.

    Dans le rapport, le LCRF a catégorisé la CTA en 4 niveaux, tous de nature théorique. Toutefois, les systèmes des niveaux 1 à 3 devraient pouvoir être mis en œuvre grâce aux technologies existantes. Le niveau 3 est un système de CTA qui a la même fonctionnalité que le système PTC. Le niveau 4 est le plus avancé et exige une refonte complète de l’infrastructure de commande des trains actuelle en un système de cantons mobiles axé sur la communication. Au niveau 4, toutes les exigences relatives à la signalisation en voie seraient éliminées et toutes les autorisations opérationnelles seraient intégrées au système de CTANote de bas de page 115. La mise en œuvre du système de CTA de niveau 4 exigerait un développement technologique considérable.

    Le rapport du LCRF indiquait que 5,96 % (837 sur 14 036) des événements dans la base de données RODS entre 2007 et 2016 (inclusivement) auraient pu être évités par un système de CTA de niveau 4. Le LCRF a plus particulièrement évalué que 58,39 % des événements de MDLA étaient évitables par une CTA et que 3,93 % des collisions ou déraillements en voie principale auraient pu être évités grâce à une CTA (31,48 % des collisions en voie principale et 2,39 % des déraillements en voie principale).

    Le rapport du LCRF a conclu que [traduction] « la mise en œuvre généralisée du cadre de CTA établi dans cette étude n’est, de toute évidence, peut-être pas la meilleure approche pour améliorer la sécurité ferroviaire générale au CanadaNote de bas de page 116 ».

    1.31.4 Examen par le BST du Rapport sur la commande des trains améliorée du Laboratoire canadien de recherche ferroviaire

    Le rapport du LCRF indiquait que seulement 5,96 % (837 sur 14 036) des événements dans la base de données RODS (de 2007 à 2016) auraient pu être évités par un système de CTA de niveau 4. Toutefois, 14 036 représente le nombre total d’événements consignés dans la base de données RODS pour cette période de 10 ans. Étant donné que les systèmes de CTA ne seraient mis en œuvre qu’en voie principale, seuls les événements en voie principale devraient être inclus et, même en voie principale, la CTA ne serait pas destinée à empêcher les accidents associés aux passages à niveau, aux intrusions, aux incendies ou aux déraillements ou collisions de véhicules rail-route.

    Par conséquent, la base de référence d’événements devrait exclure les accidents associés aux passages à niveau, aux intrusions, aux incendies et aux déraillements ou collisions de véhicules rail-route. En utilisant cette méthode, le nombre total d’événements en voie principale était de 2668. Par conséquent, le BST estime que 837 des 2668 événements en voie principale, soit 31,4 %, auraient pu être évités grâce à la CTA.

    La conclusion du BST concernant la CTA diffère considérablement de celles des rapports du GTCT et du LCRF. De plus, les avantages de ce moyen de défense physique pourraient probablement être obtenus à l’aide de la technologie existante et d’un système de CTA de niveau 3 qui a la même fonctionnalité que le système PTC sans la refonte requise par un système de CTA de niveau 4.

    1.31.5 Réévaluation par le BST des recommandations R00-04 et R13-01

    Depuis la publication des rapports d’enquête ferroviaires R98V0148 et R12T0038, le BST a assuré un suivi périodique auprès de TC à propos des mesures prises pour donner suite aux recommandations. Chaque fois, TC a fourni une réponse indiquant les mesures qui ont été prises ou qui le seront, et le BST a évalué cette réponse.

    En mars 2022, le Bureau a réévalué la réponse de décembre 2021 de TC à la recommandation R13‑01Note de bas de page 117 et a jugé qu’elle dénotait une attention en partie satisfaisante. L’évaluation de cette réponse par le BST, ainsi que les réponses et évaluations antérieures, est disponible sur le site Web du BST. Le Bureau n’a pas réévalué la recommandation R00-04Note de bas de page 118 en particulier, et ne le fera pas à l’avenir puisqu’elle est liée à la recommandation R13-01 et qu’elle sera évaluée de la même façon.

    Pour donner suite à la recommandation R13-01, TC a conclu en 2021 un partenariat de recherche avec le Volpe Institute aux États-Unis et a signé un protocole d’entente avec le Conseil canadien des normes. En février 2022, TC a publié un avis d’intention dans la partie I de la Gazette du Canada indiquant son intention de mettre en œuvre la CTA au Canada. Malgré ces efforts, le Bureau demeure très inquiet de constater qu’il n’y a toujours aucune stratégie particulière en place pour atténuer le risque de collision ou de déraillement de train en l’absence de moyens de défense physiques supplémentaires, et il encourage vivement TC et l’Association des chemins de fer du Canada à accélérer le rythme de mise en œuvre de la CTA.

    Au Canada, aucune compagnie ferroviaire de transport de marchandises ou de voyageurs n’utilise ou ne prévoit utiliser de systèmes de CTA à l’heure actuelle; toutefois, la plupart des compagnies de train léger de banlieue ont mis en œuvre de tels systèmes.

    1.32 Liste de surveillance du BST 2020

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. Quand il a publié sa Liste de surveillance 2012, le BST a indiqué que respecter les indications des signaux était l’un des principaux enjeux de sécurité dans le secteur des transports canadien, et cet enjeu figure toujours sur la Liste de surveillance.

    1.32.1 Respect des indications des signaux ferroviaires

    Depuis plus d’un siècle, le Canada s’en remet à un système de signaux visuels pour contrôler la circulation sur une portion importante de son réseau ferroviaire. Ces signaux transmettent des directives comme la vitesse de conduite et les limites d’exploitation dans lesquelles le train est autorisé à se déplacer. Les équipes de train doivent identifier et communiquer les indications de signal entre eux, puis prendre les mesures nécessaires en ce qui concerne la conduite du train.

    Cependant, il arrive parfois que des équipes de train perçoivent ou interprètent mal une indication de signal; ainsi, l’indication de signal n’est pas respectée. En l’absence de moyens de défense physiques à sécurité intégrée, le fait de ne pas respecter les signaux peut entraîner une collision ou un déraillement. Bien que la probabilité qu’un signal manqué entraîne un accident soit faible, la collision ou le déraillement du train qui en résulte peut avoir des conséquences catastrophiques pour les personnes, les biens et l’environnement.

    De 2004 à 2019, on a signalé en moyenne 31 événements par année au cours desquels une équipe de train n’a pas réagi correctement à une indication de signal affichée sur le terrain, et le nombre d’événements de ce type qui se produisent chaque année augmente (figure 10).

    Figure 10. Événements de transport ferroviaire mettant en cause des signaux non respectés : nombre d’événements et tendance de 2004 à 2019 (Source : TSB)
    Image
    Événements de transport ferroviaire mettant en cause des signaux non respectés : nombre d’événements et tendance de 2004 à 2019 (Source : TSB)

    Remarque : L’estimation de la pente selon Sen est une estimation objective de la pente véritable d’une tendance. Dans ce diagramme, l’estimation de la pente selon Sen, illustrée par une ligne, indique une tendance à la hausse du nombre d’événements pendant la période (τb = 0,324, p [unilatéral] = 0,0425).

    Les années 2018 et 2019 présentaient le nombre d’événements le plus élevé, soit 40 et 38 respectivement.

    L’événement à l’étude démontre que, lorsqu’une équipe de train ne réagit pas correctement à une indication de signal affichée sur le terrain, sans moyens de défense physiques à sécurité intégrée qui peuvent intervenir et arrêter le train de façon contrôlée, il peut se produire une grave collision ou un grave déraillement du train.

    MESURES À PRENDRE

    Le respect des indications des signaux ferroviaires demeurera sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que Transports Canada exige des compagnies de chemin de fer qu’elles mettent en place des moyens de défense physiques supplémentaires pour veiller à ce que les signaux ferroviaires gouvernant la vitesse et les limites de fonctionnement des trains soient reconnus et respectés de façon uniforme.

    1.32.2 Gestion de la fatigue

    Dans le secteur du transport, les équipages doivent souvent composer avec de longues heures de travail et des horaires irréguliers, parfois sur plusieurs fuseaux horaires ou dans des conditions difficiles, qui ne sont pas toujours propices à un sommeil réparateur. La fatigue pose un risque pour la sécurité dans le transport aérien, le transport maritime et le transport ferroviaire de marchandises vu l’incidence défavorable qu’elle peut avoir sur plusieurs aspects de la performance humaine.

    La fatigue est omniprésente dans les sociétés modernes où de nombreux secteurs d’activités, comme le transport, fonctionnent 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Une étude de Statistique Canada publiée en 2017Note de bas de page 119 révèle qu’environ un tiers des adultes canadiens dorment moins que les 7 à 9 heures recommandées par nuitNote de bas de page 120. Selon cette étude, les périodes de sommeil écourtées et un sommeil de mauvaise qualité sont aussi relativement fréquents.

    La fatigue peut influer sur les performances humaines au point de causer des accidents. C’est pourquoi, dans ses enquêtes, le BST cherche couramment à déterminer s’il y a eu présence de fatigue, si celle-ci a joué un rôle et si la compagnie de chemin de fer avait des pratiques en place pour gérer efficacement les risques associés à la fatigueNote de bas de page 121. L’enjeu de la gestion de la fatigue dans l’exploitation des trains de marchandises figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2016.

    Les Règles relatives au temps de travail et de repos en vigueur au moment de l’événement ne reflétaient pas les plus récentes données scientifiques sur la fatigue relatives aux périodes quotidiennes et cumulatives de travail et de repos, et ne s’appliquaient qu’aux équipes d’exploitation. Même si ces règles relatives au temps de travail et de repos reconnaissaient que la gestion de la fatigue est une responsabilité partagée par l’employé, son représentant désigné et la compagnie de chemin de fer, le régime reposait davantage sur la capacité d’une personne à juger de son propre état de fatigue.

    Pour aborder certains de ces enjeux, TC a approuvé le 25 novembre 2020 de nouvelles Règles relatives aux périodes de service et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire, mais elles n’entreront pleinement en vigueur qu’en mai 2023 pour les chemins de fer de marchandises et qu’en 2024 pour les chemins de fer de voyageurs.

    MESURES À PRENDRE

    La gestion de la fatigue dans le transport ferroviaire demeurera sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que les mesures suivantes soient prises :

    • TC élabore un cadre stratégique pour la gestion de la fatigue, fondé sur son examen des systèmes de gestion de la fatigue, sur les principes de la science de la fatigue et sur les pratiques exemplaires.
    • TC travaille avec l’industrie, les représentants des employés et les spécialistes de la science de la fatigue en vue d’établir une approche globale pour la gestion de la fatigue.

    2.0 Analyse

    Dans l’événement à l’étude, aucun défaut du matériel ou de la voie n’était considéré comme un facteur causal. De plus, le système de signalisation en voie fonctionnait comme prévu. Le mécanicien de locomotive (ML) et le chef du train de marchandises M31851-01 (train 318) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), voyageant vers l’est, connaissaient bien le territoire. En outre, ils étaient tous les 2 qualifiés pour leur poste respectif. Rien n’indiquait que l’équipe utilisait des dispositifs électroniques qui auraient pu gêner son rendement au moment de l’accident.

    L’analyse mettra l’accent sur l’exploitation du train 318; le rendement humain, y compris les attentes, les modèles mentaux et la conscience situationnelle de l’équipe; le risque de fatigue chez les employés qui ont des horaires de travail variés; les moyens de défense contre la fatigue; l’utilisation du système Optimiseur de parcours (OP); l’expérience et le rapport d’autorité des membres de l’équipe; les moyens de protection en territoire de commande centralisée de la circulation (CCC) et d’autres formes de commandes des trains permettant d’éviter les collisions.

    2.1 L’accident

    La zone de la subdivision de Rivers où l’accident s’est produit est principalement un territoire à voie double. Des branchements symétriques (où la vitesse est limitée à 45 mi/h) sont situés au point milliaire 50,37 et au point milliaire 50,1 afin de passer des voies parallèles nord et sud à une voie principale simple qui traverse la rivière Assiniboine. Le train de marchandises M31541-03 (train 315) du CN voyageant vers l’ouest était exploité conformément aux indications de signal qu’il avait croisées, contrairement au train 318 allant vers l’est.

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La collision est survenue alors que le train 318 du CN, qui circulait vers l’est sur la voie sud de la subdivision de Rivers, a franchi le signal contrôlé 504S au point milliaire 50,4, qui affichait une indication d’arrêt, et a heurté les wagons de la 95e à la 102e position du train 315 voyageant vers l’ouest. Le train 315 se trouvait sur la voie nord, à l’endroit où elle redevient une voie principale double, et quittait le branchement symétrique au point milliaire 50,37 lorsque l’accident s’est produit.

    À la suite de la collision, les 2 locomotives menantes de tête du train 318 et 8 wagons du train 315 ont subi des dommages et ont déraillé.

    Les membres de l’équipe du train 318 ont évacué la cabine de la locomotive, ont sauté vers le côté sud de la voie peu après la collision latérale, et ont été légèrement blessés.

    2.2 Actions de l’équipe du train 318 pendant le parcours

    Le train de marchandises Q11651-30 (train 116) du CN a quitté Rivers (Manitoba) vers l’est environ 85 minutes avant le train 318 voyageant aussi vers l’est. Pendant le voyage, le chef du train 318 a régulièrement annoncé dans la cabine de la locomotive les indications de signal affichées sur le terrain. Toutefois, le chef de train n’a pas toujours entendu le ML répondre à haute voix, comme l’exige la règle 34b) du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF). Pendant le voyage, les membres de l’équipe du train 318 ont conversé, parfois au sujet de la subdivision de Rivers, car le chef de train avait été muté dans la région 2 mois plus tôt et était toujours en train de se familiariser avec le territoire.

    Alors que le train 318 suivait le train 116, il a croisé des indications de signal de vitesse normale à arrêt différé et de vitesse normale à arrêt, entre autres, jusqu’à ce qu’il arrive tout juste à l’ouest de Bloom (point milliaire 64,3). Après que le train 116 eut quitté Bloom et eut franchi 2 cantons devant le train 318, ce dernier a reçu une indication de vitesse normale, puis est parti de Bloom vers l’est et a continué de suivre le train 116. Le train 318 a reçu une indication de signal de vitesse normale à la gare suivante (West Tower) et a enclenché l’OP. Il a ensuite reçu une indication de signal de vitesse normale aux 2 gares suivantes, soit Kearns et Portage La Prairie (Manitoba).

    Alors que le train 318 approchait de Portage la Prairie, l’équipe du train 318 a entendu une conversation radio entre le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) et l’équipe du train 116 qui sous-entendait que le train 116 serait autorisé à se rendre directement à Winnipeg sans arrêt additionnel.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Après avoir entendu la conversation radio entre le CCF et l’équipe du train 116, l’équipe du train 318 s’attendait à continuer de suivre le train 116 jusqu’à Winnipeg sans s’arrêter.

    2.3 Indications de signal affichées sur le terrain à proximité de Nattress

    Alors que le train 318 avançait sur la voie sud vers le branchement symétrique du point milliaire 50,37 à Nattress, il a croisé 3 indications de signal progressives indiquant à l’équipe du train 318 la façon de procéder. En particulier :

    • Le signal contrôlé 542S au point milliaire 54,2 affichait une indication de vitesse normale à limitée indiquant que le train 318 pouvait avancer à la vitesse permise, mais qu’il devait approcher le signal suivant (522S) à une vitesse limitée (pas plus de 45 mi/h). Cela indiquait à l’équipe du train 318 qu’elle croiserait probablement des signaux plus restrictifs plus loin et qu’elle devait conduire le train en conséquence.
    • Le signal avancé 522S au point milliaire 52,2 affichait une indication de vitesse normale à arrêt indiquant que le train pouvait avancer à la vitesse permise, mais que l’équipe devait aussi être prête à arrêter le train avant le signal suivant (504S) à Nattress.
    • Le signal contrôlé 504S au point milliaire 50,4 affichait une indication d’arrêt qui exigeait que le train 318 s’arrête au moins 300 pieds avant le signal 504S.

    Entre les signaux 542S et 522S, l’OP était resté activé et la vitesse du train avait augmenté de 31 mi/h à 42 mi/h lorsque le train 318 a franchi le signal avancé 522 S. À partir de ce moment, le REF exigeait que l’équipe du train 318 soit prête à arrêter le train avant d’arriver au signal 504S à Nattress.

    2.4 Approche du train 318 à Nattress

    À 9 h 06 min 54 s, le train 318 franchissait l’indication de vitesse normale à arrêt (point milliaire 52,2) en se dirigeant vers l’est sur la voie principale sud à 42 mi/h avec le manipulateur au cran de marche 7. À ce moment-là, l’OP du train 318 était activé et la locomotive de tête du train était à environ 9500 pieds à l’ouest du signal 504S.

    À 9 h 08 min 33 s, le train 318 était exploité en vertu d’un signal restrictif et roulait à 46 mi/h en franchissant le point milliaire 50,99, lorsque le ML a désactivé l’OP afin de prendre les commandes manuelles du train. Pendant ce temps, le train avait parcouru 6389 pieds au-delà du signal avancé 522S selon un signal restrictif avec l’OP activé, et il n’était qu’à 3115 pieds à l’ouest du signal contrôlé 504S. Une seconde plus tard, le ML a effectué un serrage normal à fond des freins à air (réduction de pression de 25 lb/po2) alors que la locomotive de tête du train était à 3062 pieds à l’ouest du signal 504S.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    L’équipe du train n’a pas réagi à l’indication de vitesse normale à arrêt affichée par le signal avancé 522S, et a conduit le train selon un signal restrictif sur 6389 pieds avec l’OP activé et sans ralentir.

    2.4.1 Conduite du train et distances d’arrêt

    Le BST a effectué des calculs de freinage pour estimer les distances d’arrêt du train 318 à partir de 46 mi/h et de 39 mi/h en utilisant 3 techniques de conduite du train. La distance de freinage pour les calculs est présentée au tableau 9 ci-dessous.

    Tableau 9. Estimation par le BST des distances d’arrêt du train 318, par hypothèse de freinage et par vitesse du train
    Hypothèses de freinage Vitesse du train (mi/h) Distance d’arrêt estimée (en pieds)

    Serrage normal à fond (réduction de la pression dans la conduite générale de 25 lb/po2)

    46 4744
    39 3778

    Serrage gradué à fond (réduction de pression initiale de 7 lb/po2 suivie d’une réduction additionnelle de 18 lb/po2 pour une réduction totale de 25 lb/po2)

    46 4416
    39 3499

    Freinage d’urgence activé à la tête de train et en queue de train au moyen de l’unité d’entrée et d’affichage (UEA)

    46 2316
    39 1760

    Pour immobiliser le train 318 à partir de 46 mi/h à l’aide d’un serrage normal à fond des freins à air (réduction de pression de 25 lb/po2), méthode qui a été utilisée par le ML, une distance d’arrêt estimée à 4744 pieds était nécessaire. Si on avait utilisé un serrage normal à fond avec un serrage gradué initial, la distance d’arrêt estimée aurait été de 4416 pieds.

    Fait établi : Autre

    La distance de 9504 pieds entre le signal avancé 522S et le signal contrôlé 504S était suffisante pour arrêter le train 318 en toute sécurité en utilisant la méthode choisie par le ML, soit un serrage normal à fond des freins.

    À 9 h 08 min 34 s, au point milliaire 50,98, le ML avait désactivé l’OP et avait effectué un serrage normal à fond des freins à air alors que la locomotive de tête du train était à 3062 pieds à l’ouest du signal 504S.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le ML a repris les commandes manuelles de l’OP et a effectué un serrage normal à fond des freins alors qu’il restait une distance insuffisante pour arrêter le train avant le signal 504S et pour éviter la collision en utilisant la technique de freinage qu’il avait choisie.

    Fait établi : Autre

    Un freinage d’urgence déclenché à la fois à partir de la locomotive de tête et de la queue du train aurait permis d’arrêter le train 2316 pieds avant le signal 504S.

    2.4.2 Visibilité du signal contrôlé 504S

    Dans le cas d’un train se déplaçant vers l’est qui circule sur la voie principale sud avec une visibilité dégagée, les indications du signal 504S (point milliaire 50,4) sont normalement visibles d’environ 1600 pieds à l’ouest (point milliaire 50,7). Lorsque la voie nord adjacente est occupée par un train, comme c’était le cas dans l’événement à l’étude, la combinaison du train adjacent et de la courbe de la voie cache les indications du signal 504S jusqu’à environ 900 pieds à l’ouest (point milliaire 50,57). Même si, pour l’équipe du train 318, la vue de l’indication d’arrêt affichée au signal 504S était entravée par la combinaison de la courbe de la voie et la présence du train 315, qui circulait sur la voie nord adjacente, l’indication de signal de vitesse normale à arrêt affichée au signal avancé 522S avait fourni à l’équipe du train 318 des informations suffisantes lui permettant de savoir que le signal 504S pouvait afficher une indication d’arrêt.

    2.5 Modèle mental et attentes de l’équipe du train 318

    Dans les situations souvent répétées, l’attention et les attentes sont souvent le fruit du modèle mental que l’on se fait de la situation, puisque l’expérience antérieure détermine quelle information est importante et comment la situation se déroulera. Lors des 9 précédents parcours vers l’est dans le mois précédant la collision, les trains que le ML a exploités étaient toujours assujettis à des signaux permissifs jusqu’à Nattress et au-delà. C’est dans ce contexte que le ML s’était fait un modèle mental dans lequel il recevrait des indications de signal permissives jusqu’à Nattress et au-delà.

    Le train 318 suivait le train 116 depuis le départ de Rivers et avait croisé principalement des indications de vitesse normale jusqu’à Bloom. Lorsque l’équipe du train 318 a entendu le CCF informer l’équipe du train 116 qu’il allait se rendre directement à Winnipeg sans s’arrêter, elle s’attendait à ce que son train suive le train 116. Toutefois, l’équipe du train 318 ignorait que le CCF avait prévu de retenir son train à Nattress pour permettre au train 315 circulant vers l’ouest de passer, après que le train 116 eut quitté Nattress. Par conséquent, l’équipe du train 318 s’attendait à recevoir des indications de signal permissives jusqu’à Nattress et au-delà.

    En réaction aux signaux restrictifs, le freinage a été retardé parce qu’on s’attendait à ce qu’un signal moins restrictif s’affiche. Ce comportement était cohérent avec les attentes de l’équipe et le modèle mental de la situation du ML.

    L’évaluation inexacte d’une situation peut entraîner des erreurs quant à la manière dont les renseignements sont perçus, ce qui réduit la probabilité qu’une personne réexamine son évaluation initiale et la mette à jour avec de nouveaux renseignements, tout en rejetant ou en ne détectant pas les renseignements contraires à ce qui est attenduNote de bas de page 122.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le modèle mental de la situation du ML et ses attentes quant à la façon dont la situation se déroulerait ont contribué à retarder sa réaction à l’indication de signal restrictive affichée au signal avancé 522S (point milliaire 52,2).

    2.6 Actions du mécanicien de locomotive du train 318

    À 9 h 08 min 58 s, le train 318 franchissait le point milliaire 50,68 à 43 mi/h. Le ML avait l’intention de placer la poignée du robinet de mécanicien en position d’urgence et de serrer les freins d’urgence du train, mais il a placé par inadvertance la poignée du robinet de mécanicien en position de suppression alors que la locomotive de tête du train se trouvait à 1478 pieds à l’ouest du signal 504S. Toutefois, à ce stade, même si le ML avait déclenché un freinage d’urgence, l’accident était inévitable, car il n’y avait pas suffisamment de distance pour immobiliser le train 318 avant qu’il ne heurte le train 315.

    Fait établi : Autre

    Le fait de placer la poignée du robinet de mécanicien en position de suppression pendant que le train était en mouvement n’a pas fourni de force de freinage supplémentaire par rapport au serrage normal à fond et a fait augmenter davantage la distance d’arrêt estimée par rapport à un freinage d’urgence.

    Le fait de placer la poignée du robinet de mécanicien en position de suppression était contraire à la formation du ML sur le déclenchement d’un freinage d’urgence, qui exigeait que la poignée du robinet de mécanicien soit déplacée aussi loin que possible vers la droite, jusqu’à ce qu’elle ne puisse pas aller plus loin. Il y a également de nombreux indicateurs visuels qui s’illuminent en rouge dans la cabine de la locomotive pour indiquer au ML que le train est en freinage d’urgence. De plus, quand la réduction de pression d’un freinage d’urgence se propage et que l’air est directement évacué des valves de commande des freins de la locomotive, un son distinct est clairement audible dans la cabine de la locomotive. Le fait que les témoins rouges n’étaient pas allumés et l’absence de ce signal sonore auraient dû indiquer clairement que le train n’était pas encore en freinage d’urgence. Le train a d’abord été placé en suppression, puis en freinage d’urgence 10 secondes plus tard, lorsque le signal 504S, affichant une indication d’arrêt, est devenu visible. L’activation des freins indépendants de la locomotive à ce moment-là et l’appel du ML du train 318 à l’équipe du train 315 pour demander qu’elle accélère étaient également des pratiques inhabituelles et non normalisées.

    2.7 Gestion de la fatigue

    Le caractère variable et imprévisible des heures de début et de fin des quarts de travail des équipes de train peut nuire à l’obtention d’un nombre adéquat d’heures de sommeil de qualité, désynchroniser les rythmes circadiens biologiques d’une personne ou entraîner un déficit de sommeil accumulé, ce qui peut conduire à la fatigue. Les travailleurs dont les quarts de travail sont variables dorment moins que les travailleurs ayant des quarts de travail réguliers et sont plus susceptibles de souffrir de troubles du sommeil, de somnolence excessive et de perturbation des rythmes circadiens et d’accumuler des déficits de sommeil. Dans le cadre de l’exploitation ferroviaire, la fatigue liée au travail par quarts entraîne une diminution du rendement, notamment un temps de réaction long aux signaux affichés sur le terrain, une perte de conscience situationnelle lors des situations critiques et des entraves au respect des exigences relatives à l’exploitation des trains.

    Transports Canada (TC) a reconnu les défis que pose le travail par quarts variables dans le secteur ferroviaire. À ce titre, les Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire (Règles relatives au temps de travail et de repos) approuvées par TC exigent que les compagnies de chemin de fer mettent en œuvre des programmes de gestion de la fatigue conçus pour diminuer la fatigue et améliorer l’état de vigilance au travail des équipes de train. Les règles précisent également qu’il incombe aux membres du personnel d’exploitation de se présenter au travail reposés et aptes au service. De plus, le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire de TC exige que les compagnies de chemin de fer appliquent les principes de la science de la fatigue lorsqu’elles établissent les horaires de travail de leurs employés d’exploitation.

    Le CN a élaboré un cours de formation intitulé Gestion de la fatigue pour le personnel d’exploitation qu’il offre à tous ses nouveaux employés d’exploitation. Tous les membres du personnel d’exploitation du CN sont également tenus de suivre un module de recyclage en ligne sur la gestion de la fatigue dans le cadre du renouvellement de leur attestation de compétence relative au REF qui doit être effectué tous les trois ans. Les 2 membres de l’équipe du train 318 avaient reçu cette formation.

    Avant de reprendre le travail, le ML a eu 8 journées de congé pendant la période des Fêtes tandis que le chef de train en a eu 3. L’accident s’est produit lors de leur 2e voyage suivant leur retour au travail. Les horaires de travail établis par le CN pour les 2 membres de l’équipe au cours des 4 semaines précédant l’accident ont fait l’objet d’un examen et respectaient les exigences des Règles relatives au temps de travail et de repos en matière d’établissement des horaires. Toutefois, comme le montrent l’analyse qualitative détaillée et l’analyse effectuée à l’aide de l’outil FAST, et comme l’exige le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, l’historique de travail de l’équipe ne suivait pas les principes de la science de la fatigue.

    Le ML a déclaré n’avoir aucun souvenir d’une courte période précédant le moment où le chef de train lui a rappelé l’indication de signal de vitesse normale à arrêt, et le chef de train a déclaré que le ML ne réagissait pas et n’était pas conscient pendant cette même période.

    Une évaluation qualitative détaillée de l’historique du temps de travail et de repos de l’équipe du train 318, qui comprenait l’horaire de travail réel et les périodes de sommeil estimées de l’équipe sur 30 jours, a été réalisée pour déceler les facteurs de risque liés à la fatigue. L’évaluation a révélé ce qui suit :

    • Le ML ressentait probablement une certaine fatigue pendant la période précédant l’événement en raison d’une perturbation aiguë du sommeil causée par des périodes de sommeil écourtées (5,5 heures de sommeil perturbé) au cours des 2 nuits précédentes.
    • Le chef de train ne présentait aucun facteur de risque de fatigue au moment de l’événement.
    • Le ML et, dans une moindre mesure, le chef de train, étaient exposés à un risque de désynchronisation du rythme circadien au cours des 3 premières semaines de décembre, en raison de la variabilité des heures de début et de fin de leurs quarts de travail.

    Les résultats de l’analyse effectuée à l’aide de l’outil FAST (Fatigue Avoidance Scheduling Tool), qui prédit les diminutions du rendement liées à la fatigue, ont confirmé les conclusions de l’analyse qualitative. L’analyse effectuée à l’aide de l’outil FAST a permis de prédire que les employés travaillant selon un horaire semblable à celui du ML auraient connu une diminution du rendement en raison d’une perturbation aiguë du sommeil au moment de l’événement. Aucune diminution du rendement n’a été estimée pour les employés travaillant selon un horaire semblable à celui du chef de train au moment de l’événement.

    L’analyse effectuée à l’aide de l’outil FAST a également montré que les employés qui travaillaient selon un horaire semblable à celui du ML et du chef de train au cours des 3 premières semaines de décembre auraient connu une diminution de rendement estimée pendant certains de leurs quarts de travail en raison de la désynchronisation du rythme circadien (déphasage), en plus des facteurs de fatigue liés à l’insuffisance du sommeil récent (24 dernières heures), au manque de sommeil chronique et à l’heure du jour.

    Avant la collision, certains éléments relatifs au rendement et au fonctionnement cognitif du ML correspondaient à une baisse de rendement connue causée par la fatigue. Par exemple :

    • Le ML a semblé ne pas réagir lorsque l’indication de vitesse normale à arrêt affichée par le signal avancé 522S (point milliaire 52,2) a été annoncée dans la cabine de la locomotive.
    • Le ML n’avait aucun souvenir des quelque 2,5 minutes qui se sont écoulées entre le moment où le train s’est approché du signal 522S et celui où on lui a rappelé que le train circulait en vertu d’une indication de vitesse normale à arrêt. Pendant ce temps, le ML regardait droit devant lui et ne répondait pas verbalement au chef de train.
    • Le ML n’a pas vu l’indication de vitesse normale à arrêt, et son absence de réaction à l’annonce du chef de train et son manque d’intervention pour contrôler le train après avoir franchi le signal affichant une indication de vitesse normale à arrêt laissent croire que le ML a peut-être connu un bref épisode de microsommeil et qu’il conduisait sans en être conscient.
    • Le ML n’a pas été en mesure d’évaluer les renseignements nouveaux et pertinents qui contredisaient ses attentes quant au fait qu’il ne s’arrêtait pas à Nattress (c.-à-d., franchir le signal affichant l’indication de vitesse normale à arrêt et la tête du train 315, qui occupait toujours le branchement à Nattress).
    • Le ML a eu besoin de se faire rappeler l’indication du signal (vitesse normale à arrêt) en vertu de laquelle il circulait.
    • Le ML n’a ni désactivé l’OP ni réagi de façon appropriée à l’indication du signal affiché sur le terrain après avoir franchi le signal avancé 522S (point milliaire 52,2).
    • Au point milliaire 50,68, le ML a placé par inadvertance la poignée du robinet de mécanicien en position de suppression plutôt qu’en position de freinage d’urgence.

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le ML était fatigué en raison d’une perturbation aiguë du sommeil causée par des périodes de sommeil brèves et interrompues au cours des 2 nuits précédant l’accident. Par conséquent, au moment de l’événement, il connaissait probablement une diminution du rendement qui a contribué à sa réaction tardive face au signal restrictif 522S.

    Fait établi : Autre

    Le ML et le chef du train 318 étaient susceptibles de subir une diminution du rendement liée à la fatigue dans les semaines précédant l’événement en raison de la désynchronisation du rythme circadien découlant de la variabilité des heures de début et de fin des quarts de travail.

    2.7.1 Moyens de défense contre la fatigue

    Un examen de tous les rapports d’enquête ferroviaires du BST depuis 1990, excluant les événements de catégorie 5 mais incluant l’événement à l’étude, a permis de déterminer que 80 événements auraient pu être évités si un système de commande des trains équivalent à un système de commande intégrale des trains (PTC) avait été disponible, et que 19 enquêtes sur les 80 (24 %) présentaient des faits établis concernant la fatigue du personnel d’exploitation. Dans tout secteur qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, les erreurs liées à la fatigue sont fréquentes. La fatigue ou la somnolence liées au manque de sommeil augmentent la probabilité d’erreurs d’exécution ou de planification.

    Pour contrer le risque de fatigue chez les employés d’exploitation ferroviaire, des Règles relatives au temps de travail et repos approuvées par TC ont été élaborées conformément au paragraphe 20(1) de la Loi sur la sécurité ferroviaire. En plus de fixer des limites pour les heures de travail et l’horaire du personnel d’exploitation, les Règles relatives au temps de travail et repos exigent également des compagnies de chemin de fer qu’elles mettent en œuvre un plan de gestion de la fatigue conçu pour réduire la fatigue et améliorer la vigilance pendant le service.

    Pour aider les chemins de fer à élaborer des plans de gestion de la fatigue, TC a élaboré un document intitulé Programmes de gestion de la fatigue : Exigences et guide d’évaluation. Le guide cerne plusieurs facteurs de risque qui peuvent accroître la probabilité d’une incapacité de l’opérateur en raison d’un manque de sommeil, mais il ne souligne pas la perturbation du rythme circadien comme un facteur de risque.

    L’information et la formation à l’intention du personnel d’exploitation sur la gestion de la fatigue sont un pas dans la bonne direction pour réduire les risques associés à la fatigue du personnel d’exploitation. Toutefois, les Règles relatives au temps de travail et repos, le guide de TC sur les programmes de gestion de la fatigue, les exigences du SGS relatives à la fatigue, les plans de gestion de la fatigue requis des compagnies et la formation du personnel d’exploitation sont autant de moyens de défense administratifs. Ces moyens de défense comptent sur le fait que la personne respectera les règles et profitera des possibilités de report qui lui sont offertes, mais elles ne tiennent pas compte des facteurs humains qui influent quotidiennement sur le comportement.

    Le défi est qu’il n’y a aucun moyen de surveiller ou d’influencer le comportement des employés lorsqu’ils ne sont pas en service. De plus, il n’existe pas au Canada de mécanisme physique à sécurité intégrée susceptible de réduire le risque d’accident lorsqu’un employé d’exploitation est possiblement fatigué.

    Fait établi : Autre

    Les compagnies de chemin de fer de catégorie 1 qui mènent leurs activités aux États-Unis ont mis en œuvre le système PTC sur les voies où la législation américaine l’exige, ce qui procure également un moyen de défense physique à sécurité intégrée contre les erreurs de l’équipe qui sont liées à la fatigue.

    Fait établi quant aux risques

    Malgré les moyens de défense administratifs que procurent les Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire et les lignes directrices de gestion de la fatigue, ainsi que les pratiques d’établissement des horaires et les plans de gestion de la fatigue des compagnies de chemin de fer, le personnel d’exploitation continue d’être affecté par la fatigue, ce qui accroît le risque d’accident.

    2.8 Optimiseur de parcours

    Les chemins de fer ont mis en œuvre de façon généralisée l’utilisation de l’OP principalement pour accroître l’efficacité opérationnelle. L’OP emploie des algorithmes complexes tirés de renseignements comme l’emplacement défini par le système de positionnement mondial (GPS), le profil de la voie et les caractéristiques du train, afin de maintenir plus efficacement la vitesse permise, de réduire les erreurs de l’équipe de train, de maximiser les économies de carburant et de réduire les forces exercées sur le train; tout cela contribue à améliorer soit la sécurité, soit l’efficience opérationnelle.

    Les exigences d’exploitation établies dans le document Optimiseur de parcours – Guide d’utilisation du CN précisent que le ML est responsable de tout freinage et qu’il doit demeurer vigilant et maintenir sa conscience situationnelle en tout temps. Le guide précise en outre que, lorsque le train est exploité en vertu d’une indication de signal restrictive, soit un signal qui affiche autre chose qu’une indication de vitesse normale, ou lorsqu’il approche des limites d’autorisation, il incombe au ML de prendre les commandes manuelles du train pour respecter les conditions de vitesse réduite. De nombreuses subdivisions dans l’ensemble du réseau du CN ont été configurées pour être utilisées avec l’OP. Les ML du CN sont formés à l’utilisation de l’OP et sont tenus de l’utiliser lorsqu’ils exploitent des locomotives qui en sont munies.

    2.8.1 Enjeux de facteurs humains associés à l’utilisation de l’Optimiseur de parcours

    Lorsqu’un train est exploité à l’aide de l’OP, qui est semblable au régulateur de vitesse sur les automobiles, les tâches du ML passent d’une stratégie de conduite proactive et anticipative à une stratégie de surveillance plus réactive et à une charge de travail moins élevée.

    Une charge de travail plus faible peut accroître le sentiment de somnolence et de fatigue parce qu’elles réduisent le niveau d’éveil d’une personne. Si une personne est déjà fatiguée, une charge de travail faible peut exacerber la perception de cette fatigue. Une diminution de la charge de travail peut en outre entraîner une baisse de la vigilance, et il a été démontré qu’une baisse de la vigilance réduit le taux de détection des stimuli critiques pendant toute la durée d’une tâche donnée. Les équipes de train peuvent aussi éprouver des difficultés à maintenir la conscience situationnelle à l’égard de la tâche principale, particulièrement en présence de toute fatigue. Le ML dans l’événement à l’étude a probablement été affecté par ces facteurs.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il est probable que la faible charge de travail liée au fait d’exploiter le train 318 en utilisant l’OP, combinée à la fatigue, a réduit le niveau d’éveil du ML, ce qui a eu une incidence sur sa capacité de maintenir sa vigilance et sa conscience situationnelle.

    2.9 Expérience et rapport d’autorité des membres de l’équipe du train 318

    Le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) précise que la responsabilité du respect des règles, y compris la reconnaissance et la confirmation des signaux, est également partagée entre tous les membres de l’équipe présents dans la cabine, peu importe leur expérience.

    Au moment de l’accident, le ML possédait près de 8 ans d’expérience opérationnelle, dont 3,5 ans comme ML qualifié, toutes acquise en travaillant à partir du terminal du CN à Winnipeg. Par comparaison, le chef de train comptait 10 mois d’expérience à titre de chef de train qualifié et avait été muté au terminal du CN à Winnipeg en octobre 2018. Le chef de train s’appuyait sur des outils de travail fournis par le CN, et les gardait devant lui dans la cabine de la locomotive pour les consulter pendant le travail.

    Vers 9 h 06 le jour de l’événement, le chef de train avait observé le signal avancé 522S (point milliaire 52,2), qui affichait une indication de vitesse normale à arrêt indiquant que le train pouvait continuer à circuler à la vitesse permise, mais qu’il devait être prêt à s’arrêter au signal suivant, soit le signal contrôlé 504S (point milliaire 50,4) à Nattress. Quand le chef de train avait annoncé l’indication du signal dans la cabine de la locomotive, il n’avait pas entendu la réponse verbale du ML. Le ML n’avait pas toujours accusé réception de tous les signaux croisés par le train 318 pendant le parcours.

    Les connaissances du chef de train étaient limitées en ce qui a trait à l’exploitation de la locomotive ou aux systèmes de freinage du train; il se fiait donc au ML pour la conduite du train. Il supposait que le ML avait compris les signaux restrictifs et qu’il conduisait le train en conséquence. Le fait que le chef de train n’avait pas entendu le ML répondre à son annonce de l’indication de vitesse normale à arrêt au signal avancé 522S (point milliaire 52,2) n’était pas suffisamment convaincant pour que le chef de train remette en question la compréhension de la situation par le ML.

    Vers 9 h 08 min 22 s, les locomotives de tête du train 318 et du train 315 se sont croisées au point milliaire 51,13, soit 3854 pieds à l’ouest du signal 504S (point milliaire 50,4). À ce moment-là, le chef du train 318 a rappelé au ML qu’il progressait conformément à une indication de vitesse normale à arrêt, ce qui signifiait qu’ils devaient se préparer à arrêter. À ce rappel, le ML a agi immédiatement : il a désactivé l’OP à 9 h 08 min 33 s et a effectué un serrage normal à fond des freins à 9 h 08 min 34 s. Vingt-quatre secondes plus tard, soit à 9 h 08 min 58 s, le ML a tenté de serrer les freins d’urgence, mais a placé la poignée du robinet de mécanicien à la position de suppression plutôt qu’à la position d’urgence. Encore 10 secondes plus tard, soit à 9 h 09 min 08 s, lorsque le signal 504S est devenu visible, le ML a déclenché un serrage d’urgence des freins à partir de la queue du train en utilisant le commutateur de l’unité d’entrée et d’affichage (UEA).

    Le chef de train ne s’est pas assuré que le ML comprenait qu’ils devaient se préparer à s’arrêter et il n’est pas intervenu pour effectuer un freinage d’urgence. Par conséquent, les mesures prises par l’équipe pour ralentir puis arrêter le train avant le signal contrôlé 504S ont été tardives et inefficaces.

    Le concept du rapport d’autorité est universel et a été démontré dans la plupart des modes de transport. Lorsqu’il existe un rapport d’autorité, il y a habituellement une différence entre le degré d’expérience et d’autorité des membres de l’équipe du train. Dans de telles situations, il y a un risque que les comportements qui mettent en péril la sécurité ne soient pas signalés parce qu’un employé moins expérimenté est souvent réticent à remettre en question les actions d’un employé ayant plus d’ancienneté.

    Les activités ferroviaires imposent à tous les membres de l’équipe la même responsabilité en matière de sécurité ferroviaire. Cependant, comme l’a démontré l’événement à l’étude, lorsqu’il existe un rapport d’autorité entre les membres de l’équipe dans une cabine de locomotive, la communication dans la cabine peut être entravée, ce qui peut entraîner des conséquences néfastes. En l’occurrence, le chef de train ne s’est pas assuré que le ML avait compris qu’ils devaient se préparer à s’arrêter, et ni le ML ni le chef de train n’ont tenté un freinage d’urgence à une distance qui aurait permis d’immobiliser le train en toute sécurité.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    En raison du manque d’expérience du chef du train 318 et du rapport d’autorité qui existait entre les membres de l’équipe, le chef de train s’est fié au ML sans remettre en question la conduite du train et, par conséquent, les mesures prises par l’équipe pour ralentir puis arrêter le train avant le signal contrôlé 504S ont été tardives et inefficaces.

    2.9.1 Gestion des ressources en équipe

    Bien qu’il s’agisse d’un outil administratif, la formation sur la gestion des ressources en équipe (CRM) dans le secteur de l’aviation, entre autres, s’est révélée utile aux équipages pour acquérir les compétences qui permettent de surmonter les difficultés à communiquer et de coordonner plus efficacement leurs activités dans l’environnement opérationnel. La formation approfondie en CRM met l’accent sur les compétences non techniques, telles que :

    • la communication pour éviter les malentendus,
    • les séances de briefing,
    • le comportement de soutien,
    • la surveillance réciproque du rendement,
    • le leadership d’équipe,
    • la prise de décisions,
    • l’assertivité liée aux tâches (p. ex., un conducteur novice qui s’adresse à un collègue plus expérimenté),
    • la capacité d’adaptation de l’équipe.

    La formation en CRM enseigne également aux équipes à devenir plus vigilantes pour déceler les pertes de conscience situationnelle et traite des aspects de la conscience situationnelle d’équipe, comme la perception, l’échange d’information, la coordination et la contre-vérification des renseignements.

    La communication en boucle fermée permet d’éviter les malentendus. Elle exige que, lorsqu’un expéditeur communique un message, le destinataire répète le message, et l’expéditeur confirme ensuite que le message a été reçu et compris.

    Dans le secteur ferroviaire, les règles d’exploitation exigent que les membres de l’équipe accusent verbalement réception les uns aux autres des indications de signal affichées sur le terrain, mais n’exigent pas que la communication se fasse entièrement en boucle fermée. Lorsqu’un train croise une indication de signal affichée sur le terrain, un membre de l’équipe doit communiquer l’indication de signal à haute voix dans la cabine de locomotive à l’autre membre de l’équipe. Bien que l’autre membre de l’équipe soit tenu de répéter le message, l’expéditeur initial n’est pas tenu de confirmer que le message a été bien reçu ou compris par l’autre membre de l’équipe.

    À l’heure actuelle, aucune exigence réglementaire n’oblige à inclure la formation en CRM comme module d’attestation de compétence et de renouvellement de l’attestation de compétence des ML et des chefs de train. Par conséquent, l’adoption de la formation en CRM dans le secteur ferroviaire a été sporadique, et l’approche diffère d’une compagnie de chemin de fer à l’autre. Depuis 2017, le CN offre un cours intitulé « Veiller les uns sur les autres » dans le cadre des programmes de renouvellement de l’attestation de compétence de ses équipes d’exploitation, dispensés tous les 3 ans.

    Bien que la formation du CN soit instructive et bien structurée, elle est plutôt générale et ne traite pas de l’interaction entre les membres de l’équipe de train dans la cabine d’une locomotive ni des rapports d’autorité qui peuvent exister dans cet environnement. Le CP dispense une formation en CRM aux nouveaux membres de son personnel d’exploitation, mais il n’offre pas de formation récurrente officielle en CRM à ses équipes d’exploitation. Bien que la formation dispensée par les compagnies de chemin de fer aborde les principes de la CRM, ni le CN ni le CP n’offrent de formation spécialisée et récurrente qui se penche sur tous les aspects de la CRM.

    Fait établi quant aux risques

    Si les membres de l’équipe d’exploitation ne reçoivent pas une formation initiale et récurrente améliorée en CRM pour perfectionner leurs compétences en matière de communication au sein de l’équipe, de coordination de la prise de décisions et des activités et de gestion des rapports d’autorité qui peuvent exister dans la cabine de locomotive, il y a un risque accru qu’une communication inadéquate entre les membres de l’équipe mène à une exploitation non sécuritaire.

    2.10 Moyens de défense pour la commande des trains

    Le transport ferroviaire est un système complexe. La philosophie de défense en profondeur préconisée par les spécialistes de la sécurité pour les réseaux complexes consiste à mettre en place des lignes de défense diverses et multiples afin d’atténuer les risques posés par les erreurs humaines normales. Dans la mesure du possible, une combinaison de moyens de défense axés sur les règles (c’est-à-dire administratifs) et de moyens de défense physiques devrait être mise en œuvre pour tenir compte des bévues, des manquements et des erreurs normales qui caractérisent le comportement humain. La conception des systèmes de signalisation de CCC au Canada s’appuie sur des moyens de défense administratifs, qui ne sont pas aussi efficaces que les moyens de défense physiques pour atténuer les risques.

    Les moyens de défense administratifs dépendent trop du respect des règles par les personnes, sans tenir compte des facteurs humains qui influent sur le comportement dans la vie de tous les jours. Par exemple, le système de contrôle des trains CCC dépend de la capacité des équipes de train de voir chaque indication de signal, de la communiquer par radio, puis de prendre les mesures appropriées. Si l’équipe ne perçoit pas correctement l’indication du signal ou ne prend pas la mesure appropriée, le moyen de défense administratif dans son ensemble échoue.

    Alors qu’au Canada, les systèmes de commande des trains ne disposent que de moyens de défense administratifs, aux États-Unis, les compagnies de chemin de fer de catégorie 1 ont mis en place des systèmes physiques de commande des trains à sécurité intégrée, appelés PTC, conçus pour empêcher les collisions entre trains, les déraillements dus à un excès de vitesse, les incursions dans des zones de travail et le passage d’un train dans un aiguillage mal orienté. Un système PTC atténue le risque que les équipes interprètent mal ou ne respectent pas les indications de signal en intervenant automatiquement pour ralentir ou arrêter un train si une équipe d’exploitation ne réagit pas correctement à un signal affiché sur le terrain. Un système PTC entièrement opérationnel offre en outre un moyen de défense physique à sécurité intégrée contre les erreurs commises par les équipes d’exploitation en raison de la fatigue.

    À la fin de 2020, le CN et le CP avaient entièrement mis en œuvre le système PTC dans leurs subdivisions américaines respectives où c’était requis. Plus précisément, le système PTC était pleinement opérationnel sur un total de 3107 milles de l’infrastructure américaine du CN et de 2118 milles de l’infrastructure américaine du CP. En dépit d’investissements importants dans la technologie PTC pour les parcs de locomotives et l’infrastructure du CN et du CP aux États-Unis, on ne sait pas avec certitude si les chemins de fer et l’organisme de réglementation canadien envisagent de prendre des mesures pour élargir l’utilisation du système PTC ou d’une autre forme semblable de commande des trains améliorée (CTA) ou automatique au Canada.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    En l’absence d’un moyen de défense physique, comme un système de CTA, il n’y a pas eu d’intervention automatique pour ralentir ou arrêter le train lorsque l’équipe n’a pas réagi immédiatement au signal de vitesse normale à arrêt affiché sur le terrain.

    2.11 Risques associés aux moyens de défense administratifs pour les exploitations ferroviaires

    Un examen de tous les rapports d’enquête sur les événements ferroviaires du BST (y compris l’événement à l’étude mais excluant les événements de catégorie 5) depuis la création du BST en 1990 a permis de déterminer que 80 événements auraient pu être évités ou auraient pu avoir des conséquences moins graves si un système de commande des trains équivalent à un système PTC avait été disponible.

    Si l’on tient également compte des événements de catégorie 5, il y a eu entre 2004 et 2019 une moyenne annuelle de 31 événements signalés où une équipe de train n’a pas réagi de façon appropriée à une indication de signal affichée sur le terrain. Le nombre annuel de ces événements est en hausse. Les années 2018 et 2019 ont présenté le plus grand nombre d’événements de ce genre, soit 40 et 38, respectivement.

    Le CN avait constaté cette tendance et, le 14 novembre 2018, avait publié un avis du réseau qui indiquait une augmentation des violations de la règle 439 du REF au Canada dans lesquelles des mouvements avaient franchi des signaux d’arrêt sans autorisation. Dans beaucoup de cas, les équipes d’exploitation n’avaient pas respecté les indications de signal sur le terrain ou avaient estimé à tort que les signaux qu’elles approchaient seraient permissifs avant qu’elles ne les atteignent. Le CN avait également fait remarquer que les équipes de train faisaient parfois des suppositions fondées sur les discussions radio qu’elles entendaient au sujet d’un train qu’elles allaient croiser ou d’un train qu’elles suivaient.

    Ces éléments relevés par le CN dans l’avis étaient également des facteurs qui ont contribué à l’accident à l’étude. Bien que l’avis de la compagnie ait rappelé aux équipes les règles et les directives concernant les indications de signal et la façon de maintenir la conscience situationnelle pendant leur service, ce n’était qu’un moyen de défense administratif de plus qui ne traitait pas entièrement le problème, et 1 mois et demi plus tard, l’accident à l’étude s’est produit. De plus, bien que l’historique de travail des membres de l’équipe de train respectait les Règles relatives au temps de travail et repos, cela ne les a pas empêchés d’être fatigués.

    Tout cela démontre que les moyens de défense administratifs actuels dans le cadre de l’exploitation ferroviaire, comme les lignes directrices procédurales de la compagnie, le REF et les Règles relatives au temps de travail et repos, ne sont pas toujours efficaces. La mise en œuvre de technologies physiques à sécurité intégrée de commande des trains offrirait une couche de sécurité additionnelle lorsqu’elles sont jumelées aux moyens de défense administratifs existants.

    Fait établi quant au risque

    Si le secteur ferroviaire canadien continue de s’appuyer uniquement sur des moyens de défense administratifs, comme les lignes directrices de procédure de la compagnie, le REF ou les Règles relatives au temps de travail et de repos, pour se protéger contre une réaction inadéquate des équipes de train aux indications de signal affichées sur le terrain, il subsiste un risque d’accidents et d’incidents ferroviaires.

    2.12 Risques associés à l’exploitation de trains sur des itinéraires clés

    Un itinéraire clé est défini comme toute voie qui, sur une période d’un an, est utilisée pour transporter au moins 10 000 wagons-citernes chargés ou citernes mobiles intermodales chargées de marchandises dangereuses.

    En 2018, 144 789 wagons de marchandises dangereuses ont été transportés sur la partie est de la subdivision de Rivers. Les marchandises dangereuses transportées comprenaient une variété de plus de 150 produits, dont certains étaient très inflammables, ou toxiques au point où ils pouvaient présenter un risque grave pour le public en cas de déversement. Par définition, la subdivision de Rivers du CN est un itinéraire clé et fait partie intégrante d’un des principaux corridors ferroviaires au Canada.

    Cela signifie également que les villes et les villages le long de cet itinéraire clé sont continuellement exposés aux risques associés aux trains clés transportant des marchandises dangereuses. Toute collision ou tout déraillement touchant un train clé présente un risque de déversement de marchandises dangereuses.

    Fait établi quant au risque

    Si un accident de train survient sur un itinéraire clé, un ou plusieurs trains clés peuvent être touchés, ce qui augmente le risque de déversement de marchandises dangereuses et de conséquences néfastes pour les personnes, les biens ou l’environnement.

    2.13 Le système Positive Train Control aux États-Unis

    Aux États-Unis, le National Transportation Safety Board (NTSB) a publié sa première recommandation visant l’élaboration et la mise en œuvre d’un système PTC en 1970. Au cours du demi-siècle qui a suivi, le NTSB a enquêté sur plus de 150 accidents qui auraient pu être évités si un système PTC avait été en place et qui ont fait plus de 300 morts et environ 6700 blessés. Par suite de ces enquêtes, le NTSB a formulé 51 autres recommandations liées au PTC.

    En septembre 2008, une collision entre un train de banlieue de Metrolink et un train de marchandises de l’Union Pacific à Chatsworth (Californie) a entraîné l’adoption de la Rail Safety Improvement Act of 2008 (RSIA). La RSIA exigeait qu’au plus tard en 2015, le système PTC soit installé sur les lignes ferroviaires aux États-Unis qui satisfaisaient aux critères suivants :

    • voies ferroviaires principales de catégorie 1 avec une circulation annuelle de 5 millions de tonnes brutes ou plus;
    • lignes ferroviaires avec une circulation de gaz toxiques ou autres produits toxiques à l’inhalation (TIH);
    • lignes ferroviaires sur lesquelles des services interurbains réguliers de transport de voyageurs ou de banlieue étaient fournis et toute autre ligne ferroviaire que le secrétaire peut prescrire par règlement ou arrêté.

    Cependant, en raison de difficultés techniques et de retards dans la mise en œuvre du système PTC, le délai a été prolongé jusqu’à la fin de 2020.

    En date du 31 décembre 2020, le système PTC a été pleinement mis en œuvre sur toutes les voies visées par la RSIA, soit un total de 57 535,7 milles, ce qui représente environ 41 % des quelque 140 000 milles de voie du réseau ferroviaire américain. Le total des milles de voie sur lequel le système PTC a été installé comprend les activités d’exploitation aux États-Unis du CN (3107 milles) et du CP (2118 milles).

    En dépit d’investissements importants dans la technologie de PTC pour les parcs de locomotives et l’infrastructure du CN et du CP aux États-Unis, on ne sait pas avec certitude quelles mesures, le cas échéant, les chemins de fer et l’organisme de réglementation canadien envisagent de prendre pour mettre en œuvre le système PTC ou une autre forme semblable de commande des trains améliorée (CTA) ou automatique au Canada.

    2.14 Surveillance réglementaire et initiatives visant à améliorer la commande des trains au Canada

    En 2000, le BST a formulé sa première recommandation (R00-04) visant la mise en œuvre de moyens de défense supplémentaires pour la commande des trains par suite de son enquête sur la collision entre 2 trains du CP survenue près de Notch HillNote de bas de page 123 (Colombie-Britannique) en 1998.

    En 2013, le BST a formulé sa deuxième recommandation (R13-01) visant la mise en œuvre de moyens de défense supplémentaires pour la commande des trains par suite de son enquête sur le déraillement et la collision mettant en cause le train de voyageurs 92 de VIA Rail Canada inc. (VIA 92) près de Burlington (Ontario)Note de bas de page 124, en 2012. Le Bureau a recommandé à TC d’exiger que les grands transporteurs ferroviaires canadiens de voyageurs et de marchandises mettent en œuvre des méthodes de contrôle des trains à sécurité intrinsèque, en commençant par les corridors ferroviaires à grande vitesse du Canada.

    En 2014, en réponse aux 2 recommandations du BST, un groupe de travail sur la commande des trains (GTCT) mixte regroupant TC et le secteur ferroviaire a été mis sur pied sous les auspices du Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire (CCSF) afin d’étudier la question. Le GTCT était présidé par la Sécurité ferroviaire de TC et comprenait principalement des représentants du secteur ferroviaire et des syndicats du personnel d’exploitation.

    2.14.1 Rapport final du Groupe de travail sur la commande des trains

    En 2016, le GTCT a produit un rapport intitulé Groupe de travail sur la commande des trains : Rapport final. Le rapport du GTCT indiquait que, de 2011 à 2015, 38 % (2604 sur 6786) des événements consignés dans la base de données sur les événements ferroviaires (RODS) du BST étaient des événements en voie principale et que 380 sur 2604, soit 14,6 %, pouvaient être définis comme des événements pouvant être évités grâce à la CTA.

    Toutefois, même sur la voie principale, la CTA ne serait pas destinée à prévenir les accidents associés aux passages à niveau, aux intrusions, aux incendies ou aux déraillements ou collisions de véhicules rail-route. Un examen des données effectué par le BST a permis de conclure que, lorsque le total de ces types d’accidents (1483) est exclu de l’ensemble de données sur 5 ans, 1121 des 6786 (16,5 %) événements consignés dans la base de données RODS étaient des événements en voie principale, et 380 des 1121 (33,9 %) événements pouvaient être définis comme des événements qui auraient pu être évités grâce à la CTA.

    Le rapport concluait que la meilleure option pour le Canada serait une mise en œuvre ciblée, fondée sur les risques et propre à chaque corridor des technologies de commande des trains. Toutefois, un tel système pourrait comprendre un affichage statique de l’infrastructure de la voie, des limites de vitesse et des restrictions opérationnelles sans renforcement positif, et continuerait de s’appuyer sur l’équipe d’exploitation pour assurer la conformité. Un système plus complet de CTA pourrait être conçu au moyen des méthodes de conception à sécurité intégrée et incorporer des capacités de renforcement positif.

    2.14.2 Étude de suivi du Laboratoire canadien de recherche ferroviaire à l’appui des conclusions du Rapport final du Groupe de travail sur le contrôle des trains

    En 2017, TC a donné au Laboratoire canadien de recherche ferroviaire (LCRF) le contrat de mener une étude de suivi à l’appui du Rapport final du Groupe de travail sur le contrôle des trains et de ses conclusions. Le LCRF a soumis son Rapport sur la commande des trains améliorée de suivi à TC en février 2018.

    Dans le rapport, le LCRF a catégorisé la CTA en 4 niveaux, tous de nature théorique. Toutefois, les systèmes des niveaux 1 à 3 devraient pouvoir être mis en œuvre grâce aux technologies existantes. Le niveau 3 est un système de CTA qui a la même fonctionnalité que le système PTC. Le niveau 4 est le plus avancé et exige une refonte complète de l’infrastructure de commande des trains actuelle en un système de cantons mobiles axés sur la communication. Au niveau 4, toutes les exigences relatives à la signalisation en voie seraient éliminées et toutes les autorisations opérationnelles seraient intégrées au système de CTANote de bas de page 125. La mise en œuvre du système de CTA de niveau 4 exigerait un développement technologique considérable.

    Le rapport du LCRF indiquait que 5,96 % (837 sur 14 036) des événements dans la base de données RODS entre 2007 et 2016 (inclusivement) auraient pu être évités par un système de CTA de niveau 4. Le rapport du LCRF a conclu que la mise en œuvre généralisée du cadre de CTA établi dans le rapport n’était peut-être pas la meilleure approche pour améliorer la sécurité ferroviaire générale au Canada.

    2.14.3 Examen par le BST du rapport du Laboratoire canadien de recherche ferroviaire

    Le rapport du LCRF indiquait que seulement 5,96 % (837 sur 14 036) des événements dans la base de données RODS (de 2007 à 2016) auraient pu être évités par un système de CTA de niveau 4. Toutefois, les systèmes de CTA ne seraient pas destinés à empêcher les accidents associés aux passages à niveau, aux intrusions, aux incendies ou aux déraillements ou collisions de véhicules rail-route et, par conséquent, la base de référence d’événements devrait exclure ces accidents.

    Lorsqu’on exclut les accidents liés aux passages à niveau, aux intrusions, aux incendies ou aux déraillements ou collisions de véhicules rail-route, le nombre total d’événements de voie principale est de 2668 et non de 14 036, comme l’indique le rapport du LCRF. Ainsi, le BST estime que 837 des 2668 événements en voie principale, soit 31,4 %, auraient pu être évitées grâce à un système de CTA.

    Les rapports du GTCC et du LCRF ont tous deux abouti à des conclusions portant à croire que la mise en œuvre généralisée d’un système de CTA pourrait ne pas être la meilleure approche pour améliorer la sécurité ferroviaire globale au Canada. Toutefois, les résultats du BST indiquent qu’environ 1 accident en voie principale sur 3 pouvait être évité par un système de CTA et, par conséquent, qu’une mise en œuvre plus généralisée d’un système de CTA pourrait avoir des répercussions positives considérables sur la sécurité ferroviaire. Enfin, cela pourrait sans doute être réalisé à l’aide de la technologie existante et d’un système de CTA de niveau 3, sans la refonte requise par un système de CTA de niveau 4.

    Depuis 2000, année où le BST a publié sa première recommandation (R00-04) pour la mise en œuvre de moyens de défense supplémentaires en matière de commande des trains, le BST a mené 33 enquêtes (y compris celle portant sur l’événement à l’étude) qui ont été jugées évitables par un système de CTA.

    Depuis 2014, le temps que TC et le secteur mettent sur pied le GTCT, étudient la question, produisent le Rapport final du Groupe de travail sur le contrôle des trains, concluent un contrat de sous‑traitance avec le LCRF pour produire un rapport de suivi et étudient les résultats du LCRF, le système PTC avait été entièrement mis en œuvre aux États-Unis sur toutes les voies ferroviaires à risque élevé, comme l’exige la RSIA. Cela équivaut à 57 535,7 milles de voie ferrée, ce qui représente environ 41 % des quelque 140 000 milles de voie ferrée du réseau ferroviaire américain.

    Au Canada, les itinéraires clés représentent un total combiné d’environ 10 940 milles de voie principale, soit environ 42 % du réseau ferroviaire canadien. Lorsque l’on compare les critères d’itinéraire clé aux critères d’itinéraire à risque élevé de la RSIA des États-Unis, il est raisonnable de conclure que les dangers et les pourcentages pour les milles de voie touchés sont semblables.

    Fait établi quant au risque

    Si TC et le secteur ferroviaire ne prennent pas de mesures pour mettre en œuvre des moyens de défense physiques à sécurité intégrée afin de réduire les conséquences d’erreurs humaines inévitables, le risque de collisions et de déraillements persistera, avec une augmentation proportionnelle du risque sur les itinéraires clés au Canada.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. La collision est survenue alors que le train M31851-01 (train 318) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, qui circulait vers l’est sur la voie sud de la subdivision de Rivers, a franchi le signal contrôlé 504S au point milliaire 50,4, qui affichait une indication d’arrêt, et a heurté les wagons de la 95e à la 102e position du train M31541-03 (train 315) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada voyageant vers l’ouest. Le train 315 se trouvait sur la voie nord, à l’endroit où elle redevient une voie principale double, et quittait le branchement symétrique au point milliaire 50,37 lorsque l’accident s’est produit.
    2. À la suite de la collision, les 2 locomotives menantes de tête du train 318 et 8 wagons du train 315 ont subi des dommages et ont déraillé.
    3. Après avoir entendu la conversation radio entre le contrôleur de la circulation ferroviaire et l’équipe du train Q11651-30 (train 116), l’équipe du train 318 s’attendait à continuer de suivre le train 116 jusqu’à Winnipeg sans s’arrêter.
    4. L’équipe du train n’a pas réagi à l’indication de vitesse normale à arrêt affichée par le signal avancé 522S, et a conduit le train selon un signal restrictif sur 6389 pieds avec l’Optimiseur de parcours activé et sans ralentir.
    5. Le mécanicien de locomotive a repris les commandes manuelles de l’Optimiseur de parcours et a effectué un serrage normal à fond des freins alors qu’il restait une distance insuffisante pour arrêter le train avant le signal 504S et pour éviter la collision en utilisant la technique de freinage qu’il avait choisie.
    6. Le modèle mental de la situation du mécanicien de locomotive et ses attentes quant à la façon dont la situation se déroulerait ont contribué à retarder sa réaction à l’indication de signal restrictive affichée au signal avancé 522S (point milliaire 52,2).
    7. Le mécanicien de locomotive était fatigué en raison d’une perturbation aiguë du sommeil causée par des périodes de sommeil brèves et interrompues au cours des 2 nuits précédant l’accident. Par conséquent, au moment de l’événement, il connaissait probablement une diminution du rendement qui a contribué à sa réaction tardive face au signal restrictif 522S.
    8. Il est probable que la faible charge de travail liée au fait d’exploiter le train 318 en utilisant l’Optimiseur de parcours, combinée à la fatigue, a réduit le niveau d’éveil du mécanicien de locomotive, ce qui a eu une incidence sur sa capacité de maintenir sa vigilance et sa conscience situationnelle.
    9. En raison du manque d’expérience du chef du train 318 et du rapport d’autorité qui existait entre les membres de l’équipe, le chef de train s’est fié au mécanicien de locomotive sans remettre en question la conduite du train et, par conséquent, les mesures prises par l’équipe pour ralentir puis arrêter le train avant le signal contrôlé 504S ont été tardives et inefficaces.
    10. En l’absence d’un moyen de défense physique, comme un système de commande des trains améliorée, il n’y a pas eu d’intervention automatique pour ralentir ou arrêter le train lorsque l’équipe n’a pas réagi immédiatement au signal de vitesse normale à arrêt affiché sur le terrain.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Malgré les moyens de défense administratifs que procurent les Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire et les lignes directrices de gestion de la fatigue, ainsi que les pratiques d’établissement des horaires et les plans de gestion de la fatigue des compagnies de chemin de fer, le personnel d’exploitation continue d’être affecté par la fatigue, ce qui accroît le risque d’accident.
    2. Si les membres de l’équipe d’exploitation ne reçoivent pas une formation initiale et récurrente améliorée en gestion des ressources en équipe pour perfectionner leurs compétences en matière de communication au sein de l’équipe, de coordination de la prise de décisions et des activités et de gestion des rapports d’autorité qui peuvent exister dans la cabine de locomotive, il y a un risque accru qu’une communication inadéquate entre les membres de l’équipe mène à une exploitation non sécuritaire.
    3. Si le secteur ferroviaire canadien continue de s’appuyer uniquement sur des moyens de défense administratifs, comme les lignes directrices de procédure de la compagnie, le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada ou les Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire, pour se protéger contre une réaction inadéquate des équipes de train aux indications de signal affichées sur le terrain, il subsiste un risque d’accidents et d’incidents ferroviaires.
    4. Si un accident de train survient sur un itinéraire clé, un ou plusieurs trains clés peuvent être touchés, ce qui augmente le risque de déversement de marchandises dangereuses et de conséquences néfastes pour les personnes, les biens ou l’environnement.
    5. Si Transports Canada et le secteur ferroviaire ne prennent pas de mesures pour mettre en œuvre des moyens de défense physiques à sécurité intégrée afin de réduire les conséquences d’erreurs humaines inévitables, le risque de collisions et de déraillements persistera, avec une augmentation proportionnelle du risque sur les itinéraires clés au Canada.

    3.3 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. La distance de 9504 pieds entre le signal avancé 522S et le signal contrôlé 504S était suffisante pour arrêter le train 318 en toute sécurité en utilisant la méthode choisie par le mécanicien de locomotive, soit un serrage normal à fond des freins.
    2. Un freinage d’urgence déclenché à la fois à partir de la locomotive de tête et de la queue du train aurait permis d’arrêter le train 2316 pieds avant le signal 504S.
    3. Le fait de placer la poignée du robinet de mécanicien en position de suppression pendant que le train était en mouvement n’a pas fourni de force de freinage supplémentaire par rapport au serrage normal à fond et a fait augmenter davantage la distance d’arrêt estimée par rapport à un freinage d’urgence.
    4. Le mécanicien de locomotive et le chef du train 318 étaient susceptibles de subir une diminution du rendement liée à la fatigue dans les semaines précédant l’événement en raison de la désynchronisation du rythme circadien découlant de la variabilité des heures de début et de fin des quarts de travail.
    5. Les compagnies de chemin de fer de catégorie 1 qui mènent leurs activités aux États-Unis ont mis en œuvre le système Positive Train Control sur les voies où la législation américaine l’exige, ce qui procure également un moyen de défense physique à sécurité intégrée contre les erreurs de l’équipe qui sont liées à la fatigue.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    Le 4 avril 2019, à la suite de l’événement à l’étude, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a diffusé l’avis du réseau no 904 auprès de tous les employés d’exploitation au Canada. L’avis avertissait les équipes de train qu’une fois de plus, il y avait eu une augmentation marquée des violations de la règle 439 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada dans l’ensemble du réseau du CN. Dans ces cas, les équipes de train ne s’étaient pas arrêtées aux indications de signal qui les obligeaient à le faire, principalement en raison d’un souci insuffisant de la conscience situationnelle.

    L’avis faisait également remarquer que [traduction] « les équipes d’exploitation ne doivent pas se laisser influencer par d’autres renseignements, comme les listes du mouvement des trains, les transmissions des détecteurs ou les transmissions d’autres équipes, tant qu’ils n’ont pas eux-mêmes identifié avec certitude le signal suivant ».

    4.2 Mesures de sécurité à prendre

    Le train 318 exploité en direction est par le CN circulait sur la voie principale sud de la subdivision de Rivers. Le train 318 était un train clé exploité sur un itinéraire clé, tel que défini dans le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par Transports Canada (TC).

    À 9 h 06 min 54 s, le train 318 se déplaçait à 42 mi/h, avec le système Optimiseur de parcours (OP) activé et le manipulateur à la position 7, lorsqu’il a franchi l’indication de vitesse normale à arrêt au point milliaire 52,2. Le chef de train avait annoncé le signal dans la cabine de la locomotive et identifié l’indication de vitesse normale à arrêt. Toutefois, le chef de train n’avait pas entendu le mécanicien de locomotive (ML) répondre pour accuser réception du signal.

    Au point milliaire 51,13, alors qu’il circulait à 46 mi/h, le train 318 a passé la tête du train M31541-03 (train 315), qui roulait en direction ouest sur la voie nord. Le chef du train 318 a alors rappelé au ML qu’ils circulaient en vertu d’un signal de vitesse normale à arrêt. À la suite de ce rappel, à 9 h 08 min 34 s, le ML a désactivé l’OP et a effectué un serrage normal à fond des freins à air; 24 secondes plus tard, il a par inadvertance placé la poignée du robinet de mécanicien à la position de suppression, puis il a serré le frein indépendant de la locomotive.

    À 9 h 09 min 08 s, le train 318 franchissait le point milliaire 50,57 à 39 mi/h lorsque le ML a reconnu qu’une collision était inévitable et a déclenché un freinage d’urgence. À 9 h 09 min 30 s, le train 318 avait ralenti à 23 mi/h, lorsqu’il a pris en écharpe le 95e wagon du train 315 au point milliaire 50,37, au moment où le train 318 franchissait le branchement symétrique.

    L’enquête a permis d’établir les faits suivants :

    • L’équipe d’exploitation du train 318 n’a pas réagi de façon appropriée aux indications de signal affichées sur le terrain aux points milliaires 52,2 et 50,4, ce qui a finalement mené à la collision.
    • Il est probable que la faible charge de travail liée au fait d’exploiter le train 318 en utilisant l’OP, combinée à la fatigue, a réduit le niveau d’éveil du ML, ce qui a eu une incidence sur sa capacité de maintenir sa vigilance et sa conscience situationnelle.
    • Plus particulièrement, en l’absence d’un moyen de défense physique comme un système de commande de train amélioré, il n’y a eu aucune intervention automatique pour ralentir ou arrêter le train lorsque l’équipe n’a pas initialement réagi au signal de vitesse normale à arrêt affiché sur le terrain.
    • En raison du manque d’expérience du chef du train 318 et du rapport d’autorité qui existait entre les membres de l’équipe, le chef de train s’est fié au ML sans remettre en question la façon de conduire le train. Par conséquent, les mesures prises par l’équipe pour ralentir puis arrêter le train avant le signal contrôlé 504S ont été tardives et inefficaces.

    4.2.1 Commande de trains améliorée pour les itinéraires clés

    Le système de transport ferroviaire est complexe. La philosophie de défense en profondeur préconisée par les spécialistes de la sécurité pour les systèmes complexes consiste à mettre en place des lignes de défense diverses et multiples afin d’atténuer les risques posés par les erreurs humaines normales. Dans la mesure du possible, une combinaison de moyens de défense axés sur les règles (c.-à-d. administratifs) et de moyens de défense physiques devrait être mise en œuvre pour tenir compte des bévues, des manquements et des erreurs normales qui caractérisent le comportement humain. Bien que des circuits plus récents aient été intégrés au fil des ans, le concept de base des systèmes de signalisation de commande centralisée de la circulation (CCC) au Canada est bien établi. Malgré l’apparition de ces nouveaux circuits, les activités ferroviaires reposent encore principalement sur des moyens de défense administratifs, qui constituent la méthode la moins efficace pour atténuer les risques.

    Les moyens de défense administratifs, comme le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, les instructions générales d’exploitation et les bulletins d’exploitation des compagnies de chemin de fer, dépendent trop du respect des règles par les équipes de train et ne tiennent pas compte des facteurs humains qui influent sur le comportement dans la vie de tous les jours. Par exemple, en l’occurrence, les équipes de train étaient tenues, en vertu de l’exigence administrative relative au système de contrôle des trains de CCC, de respecter les indications de signal affichées sur le terrain. La sécurité des activités ferroviaires dépend de la capacité des équipes de train de voir chaque indication de signal, de l’annoncer, puis de prendre les mesures appropriées.

    Un système de CCC signalisé n’avertit pas l’équipe de train ou le contrôleur de la circulation ferroviaire si une équipe de train ne respecte pas une indication de signal ou ne prend pas les mesures appropriées. La CCC n’offre pas non plus de mécanisme automatique de respect des limitations de vitesse afin de ralentir ou d’arrêter un train avant qu’il franchisse un signal restrictif.

    Dans les situations où une équipe de train perçoit mal, interprète mal ou ne respecte pas une indication de signal, l’ensemble des moyens de défense administratifs fait défaut. Comme le démontrent le présent événement et bien d’autres, lorsqu’un moyen de défense administratif fait défaut et qu’il n’existe aucun moyen de défense secondaire, il peut se produire un accident qui aurait pu être évité par ailleurs.

    Alors qu’au Canada, les systèmes de commande des trains ne disposent que de moyens de défense administratifs, aux États-Unis, les compagnies de chemin de fer de catégorie 1 ont mis en œuvre des systèmes physiques de commande des trains à sécurité intégrée appelés Positive Train Control (PTC). Le système PTC est conçu pour prévenir les collisions entre trains, les déraillements dus à un excès de vitesse, les incursions dans les zones de travaux et le passage d’un train dans un aiguillage mal orienté. Au Canada, le terme « commande des trains améliorée » (CTA) a été adopté pour décrire ces systèmes.

    Un système PTC/CTA atténuerait le risque que les équipes interprètent mal ou ne respectent pas les indications de signal en intervenant automatiquement pour ralentir ou arrêter un train si une équipe d’exploitation ne réagissait pas correctement à un signal affiché sur le terrain. Un système PTC/CTA pleinement fonctionnel offrirait en outre un moyen de défense physique à sécurité intégrée contre les erreurs commises par les équipes d’exploitation en raison de la fatigue, laquelle a joué un rôle dans le présent accident.

    Aux États-Unis, au cours des 50 dernières années, le National Transportation Safety Board (NTSB) a enquêté sur plus de 150 accidents qui auraient pu être évités si un système PTC avait été en place et qui ont coûté la vie à plus de 300 personnes. À la suite de ces enquêtes, le NTSB a émis 51 recommandations liées au système CIT.

    En septembre 2008, une collision entre un train de banlieue de Metrolink et un train de marchandises de l’Union Pacific à Chatsworth (Californie) a entraîné l’adoption de la Rail Safety Improvement Act of 2008 (RSIA) aux États-Unis, qui rendait obligatoire l’installation de systèmes PTC sur les lignes ferroviaires principales qui présentaient des risques particuliers liés au transport de marchandises dangereuses ainsi qu’au service ferroviaire voyageurs interurbain et de banlieue.

    En date du 31 décembre 2020, le système PTC a été pleinement mis en œuvre aux États-Unis sur la totalité des voies assujetties aux dispositions législatives de la RSIA, soit un total de 57 535,7 miles, ce qui représente environ 41 % des près de 140 000 milles de parcours du réseau ferroviaire américain. Le nombre total de milles de voie sur lesquels le système PTC a été installé comprend les activités ferroviaires américaines du CN (3107 milles) et du CP (2118 milles).

    À titre de comparaison, le réseau ferroviaire canadien est constitué d’environ 26 000 milles de parcours de voies. Les itinéraires clés représentent un total combiné d’environ 10 940 milles de voie principale, soit environ 42 % du réseau ferroviaire canadien. Lorsque l’on compare les critères d’itinéraire clé aux critères d’itinéraire à risque élevé de la RSIA des États-Unis, il est raisonnable de conclure que les dangers et les pourcentages pour les milles de parcours de voie concernée sont semblables. Bien que la législation américaine exige l’installation de systèmes PTC sur les itinéraires à risque élevé, il n’existe aucune exigence semblable concernant l’installation de systèmes PTC ou CTA sur des itinéraires comparables au Canada qui servent au transport de marchandises dangereuses.

    Un examen de tous les rapports d’enquête ferroviaire du BST produits depuis 1990 (excluant les événements de catégorie 5, mais incluant l’événement à l’étude) a permis de déterminer que 80 événements auraient pu être évités si un système de commande des trains équivalent au système PTC (c.-à-d. CTA) avait été disponible.

    En outre, si l’on tient compte des événements de catégorie 5 du BST, entre 2004 et 2019, il y a eu en moyenne chaque année 31 événements signalés au cours desquels une équipe de train n’a pas réagi de façon appropriée à une indication de signal affichée sur le terrain. Le nombre annuel de ces événements est à la hausse. En particulier, les années 2018 et 2019 ont enregistré le plus grand nombre d’événements de ce genre, soit 40 et 38, respectivement.

    En 2000, le BST a émis sa première recommandation (R00-04) concernant la mise en place de moyens de défense supplémentaires en matière de commande des trains, à la suite de son enquête sur la collision entre 2 trains du CP survenue en 1998 près de Notch Hill (Colombie-Britannique)Note de bas de page 126. Après avoir constaté que les mécanismes de sécurité supplémentaires pour les indications de signal étaient inadéquats, le Bureau avait recommandé que :

    le ministère des Transports et l’industrie ferroviaire mettent en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires afin de s’assurer que les membres des équipes identifient les signaux et s’y conforment de façon uniforme.
    Recommandation R00‑04 du BST

    En 2013, le BST a émis une autre recommandation (R13-01) concernant la mise en place de moyens de défense supplémentaires en matière de commande des trains, à la suite de son enquête sur le déraillement et la collision du train de voyageurs no 92 de VIA Rail Canada inc. (VIA 92) survenus en 2012 près de Burlington (Ontario).Note de bas de page 127 À la suite de l’enquête, le BST a indiqué que TC et le secteur ferroviaire devraient mettre en œuvre une stratégie qui permettrait de prévenir ces types d’accidents en veillant à ce que les signaux, les vitesses d’exploitation et les limites d’exploitation soient toujours respectés. Le Bureau avait recommandé que :

    le ministère des Transports exige que les grands transporteurs ferroviaires canadiens de voyageurs et de marchandises mettent en œuvre des méthodes de contrôle des trains à sécurité intrinsèque, en commençant par les corridors ferroviaires à grande vitesse du Canada.
    Recommandation R13-01 du BST

    En 2014, en réponse aux 2 recommandations du BST, un Groupe de travail sur la commande des trains (GTCT) mixte réunissant TC et le secteur a été mis sur pied. Le groupe était présidé par la Sécurité ferroviaire de TC et comprenait également des représentants du secteur ferroviaire et des syndicats du personnel d’exploitation. Après la création du GTCT, il y a eu une série de réunions, de discussions et d’études courantes liées à l’élaboration et à la mise en place de systèmes de CTA au Canada, qui n’ont jusqu’à maintenant engendré aucun plan de mise en œuvre ou autres résultats tangibles. Même si TC a publié un avis d’intention dans la partie I de la Gazette du Canada en février 2022 pour faire part de son intention d’exiger la mise en œuvre des systèmes de CTA au Canada, il n’existe toujours aucun plan de mise en œuvre.

    Le temps que TC et le secteur mettent sur pied le GTCT, étudient la question, produisent le rapport final du GTCT, concluent un contrat de sous-traitance avec le Laboratoire canadien de recherche ferroviaire (LCRF) pour produire un rapport de suivi et étudient les résultats obtenus par le LCRF, les systèmes PTC avaient été pleinement mis en œuvre aux États-Unis sur toutes les voies ferrées à risque élevé visées par la RSIA.

    En dépit d’investissements importants dans la technologie PTC pour les parcs de locomotives du CN et du CP et leur infrastructure aux États-Unis, et des 2 recommandations du BST à TC concernant la commande des trains améliorée qui remontent à plus de 20 ans, peu de mesures ont été prises pour étendre l’utilisation du système PTC au Canada ou mettre au point une forme semblable de CTA au Canada.

    Dans l’événement à l’étude, en l’absence d’un moyen de défense physique supplémentaire à sécurité intégrée, comme un système PTC/CTA, aucune intervention automatique n’était disponible pour ralentir ou arrêter le train. Par conséquent, la collision s’est produite après que le ML du train 318, qui était fatigué, n’eut pas réagi de façon appropriée au signal de vitesse normale à arrêt affiché sur le terrain.

    Par définition, la subdivision de Rivers du CN est un itinéraire clé et fait partie intégrante de l’un des principaux corridors de circulation ferroviaire au Canada. Cela signifie également que les villes et villages qui bordent cet itinéraire sont continuellement exposés aux risques liés aux trains clés transportant des marchandises dangereuses. Toute collision ou tout déraillement d’un train clé présente un risque de déversement de marchandise dangereuse. Si un accident ferroviaire survient sur un itinéraire clé, il peut toucher un ou plusieurs trains clés, ce qui augmente le risque de déversement de marchandises dangereuses et de conséquences néfastes pour les personnes, les biens ou l’environnement.

    Il est clair que les moyens de défense administratifs actuels dans le cadre de l’exploitation ferroviaire, comme les lignes directrices procédurales, les avis et les instructions de la compagnie, de même que le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada et les Règles relatives aux périodes de service et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire approuvés par TC, ne sont pas toujours efficaces. Par conséquent, des incidents et des accidents continuent de se produire.

    La première recommandation du BST à ce sujet date de plus de 20 ans. La recommandation de 2013 demandait la mise en œuvre de méthodes de contrôle des trains à sécurité intégrée, en commençant par les corridors ferroviaires à grande vitesse du Canada.Note de bas de page 128 Bien que les corridors à grande vitesse soient généralement constitués d’itinéraires clés, les accidents plus récents montrent qu’il est également nécessaire d’implanter des systèmes de commande des trains à sécurité intégrée sur tous les itinéraires clés.

    La mise en œuvre de technologies de commande des trains à sécurité intégrée, comme les systèmes de CTA, offrirait une mesure de sécurité supplémentaire lorsqu’elles sont utilisées de concert avec les moyens de défense administratifs existants. Toutefois, le secteur ferroviaire canadien continue de s’appuyer exclusivement sur les moyens de défense administratifs, comme les lignes directrices procédurales de la compagnie, le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada ou les Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire, pour prévenir toute réaction inadéquate des équipes de train aux indications de signal affichées sur le terrain. Si TC et le secteur ferroviaire ne prennent pas de mesures pour mettre en œuvre des moyens de défense physiques à sécurité intégrée afin de réduire les conséquences d’erreurs humaines inévitables, le risque de collision et de déraillement persistera, ce qui entraînera une augmentation proportionnelle du risque sur les itinéraires clés au Canada. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige que les grands transporteurs ferroviaires canadiens accélèrent la mise en œuvre de méthodes physiques de commande des trains à sécurité intégrée dans les corridors ferroviaires à grande vitesse du Canada et sur tous les itinéraires clés.
    Recommandation R22-04 du BST

    4.2.2 Formation sur la gestion des ressources de l’équipage

    Les activités ferroviaires sont régies par des règles et des instructions qui imposent à tous les membres de l’équipe la même responsabilité en matière de sécurité ferroviaire. La sécurité des activités ferroviaires dépend du respect de l’ensemble des règles par tous les membres de l’équipe, en tout temps. Dans le secteur ferroviaire, les règles d’exploitation exigent que les membres de l’équipe accusent verbalement réception les uns aux autres des indications de signal affichées sur le terrain. Lorsqu’un train croise une indication de signal affichée sur le terrain, un membre de l’équipe doit communiquer l’indication de signal à haute voix dans la cabine de locomotive à l’autre membre de l’équipe. Bien que l’autre membre de l’équipe soit tenu de répéter le message, l’expéditeur initial n’est pas tenu de confirmer que le message a été bien reçu ou compris par l’autre membre de l’équipe. En conséquence, cette communication peut échouer.

    Les règles ferroviaires ne précisent pas une méthode de communication en boucle fermée, ce qui signifie que l’expéditeur initial du message n’est pas tenu d’accuser réception, et donc de confirmer, que le message a été bien reçu. De plus, lorsque le degré d’expérience des membres de l’équipe d’exploitation diffère considérablement, il est possible qu’un rapport d’autorité se crée et que le membre de l’équipe le moins expérimenté n’intervienne pas toujours pour assurer le respect de l’ensemble des règles. Dans ces situations, il y a un risque que les comportements qui compromettent la sécurité soient ignorés parce qu’un employé moins expérimenté peut être réticent à remettre en question les gestes d’un employé ayant plus d’ancienneté ou à intervenir dans l’exploitation du train, même s’il est essentiel de le faire.

    Dans l’événement à l’étude, l’enquête a permis de déterminer que les communications entre les 2 membres de l’équipe ne s’effectuaient pas toujours en boucle fermée. Le ML n’accusait pas toujours réception des annonces des indications de signal faites par le chef de train, et ne les répétait pas toujours non plus. Le chef de train n’a pas confirmé que le ML avait compris la communication et n’était pas tenu de le faire. Le manque d’expérience du chef de train dans la subdivision et l’exploitation des locomotives l’ont également dissuadé de tenter d’intervenir et d’arrêter le train.

    La gestion des ressources en équipe (CRM) est un concept apparu dans les secteurs de l’aviation et de la marine pour limiter ou éliminer les erreurs humaines en reconnaissant l’importance des compétences cognitives et interpersonnelles, et ainsi améliorer la sécurité. La CRM cible les compétences, les aptitudes, les attitudes, la communication, la conscience situationnelle, la résolution de problèmes et le travail d’équipe d’une équipe de train. Les membres de l’équipe doivent bien interagir les uns avec les autres de même qu’avec leur équipement et avec leur environnement pour assurer une gestion efficace des menaces, des erreurs et des situations imprévues qui peuvent survenir.

    Afin de travailler de façon coordonnée, efficace et sécuritaire, les gestes posés par l’équipe doivent être fondés sur une compréhension commune de l’état actuel de l’équipement, de l’itinéraire à suivre et de toute autre menace possible. Lorsque cette compréhension est cohérente, les membres de l’équipe sont mieux outillés pour prévoir et coordonner efficacement leurs interventions dans le but d’atteindre leur objectif commun. Cette compréhension commune parmi les membres de l’équipe est appelée la conscience situationnelle d’équipe ou partagée.

    L’équipe acquiert et maintient cette conscience situationnelle commune en adoptant un certain nombre de comportements ponctuels et continus. Ces comportements comprennent les exposés pendant le trajet, la détermination des principaux jalons tout au long du trajet, la gestion des menaces et des erreurs (TEM), l’annonce de tout changement de l’état de l’équipement et du réglage ou du mode des instruments, ainsi que la communication de tout changement apporté aux plans pour s’assurer que tous les membres de l’équipe ont une compréhension commune des activités.

    La TEM met l’accent sur les principes d’anticipation, de reconnaissance et de rétablissement lorsqu’il s’agit de faire face à des menaces, des erreurs et des états indésirables de l’équipement, et elle repose sur la détection proactive des menaces susceptibles de réduire les marges de sécurité. Une bonne gestion des erreurs est associée à des comportements précis de la part de l’équipe, dont les plus couramment cités sont la vigilance, la propension à poser des questions et à formuler des commentaires et l’assertivité.

    Une étude de 2015 intitulée Human Factors Analysis of “Missed Signals” in Railway OperationsNote de bas de page 129 a indiqué, dans la section traitant de la formation des équipes, que la formation en CRM [traduction] :

    met l’accent sur les compétences non techniques comme la communication, l’information, le comportement de soutienNote de bas de page 130, la surveillance réciproque du rendement, le leadership d’équipe, la prise de décisions, l’assertivité liée aux tâches (p. ex. un conducteur novice qui s’adresse à un collègue plus expérimenté), et la capacité d’adaptation de l’équipe.

    Le rapport poursuit en indiquant que la formation en CRM comprend certains aspects de la conscience situationnelle d’équipe, par exemple la [traductions] « perception » et « l’échange d’information, la coordination et la contre-vérification des renseignements », et qu’elle enseigne aux équipes à « devenir vigilants pour déceler les pertes de [conscience situationnelle], tant chez soi-même que chez les autres ».

    La CRM vise à fournir aux équipes les compétences interpersonnelles nécessaires pour exécuter leurs tâches en toute sécurité [traduction] : « La formation en CRM consiste généralement en un processus continu de formation et de surveillance grâce auquel le personnel est formé à aborder ses activités dans une perspective d’équipe plutôt que dans une perspective individuelle »Note de bas de page 131.

    La mise en œuvre de la CRM a apporté des avantages considérables en matière de sécurité dans les secteurs du transport aérien et du transport maritime. Compte tenu de la prévalence des questions relatives aux facteurs humains dans les statistiques sur les accidents ferroviaires, ce type de formation pourrait offrir d’importants avantages en matière de sécurité dans ce secteurNote de bas de page 132.

    Depuis 2017, le CN offre un cours intitulé « Veiller les uns sur les autres » dans le cadre des programmes de renouvellement de l’attestation de compétence de ses équipes d’exploitation, dispensés tous les 3 ans. Bien que la formation du CN soit pertinente et bien structurée, elle est générale et ne traite pas particulièrement de l’interaction entre les membres de l’équipe de train dans la cabine d’une locomotive ni des rapports d’autorité qui peuvent exister dans cet environnement. Même si le CP dispense une formation en CRM aux nouveaux membres de son personnel d’exploitation, il n’offre pas de formation récurrente officielle en CRM.

    Le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires n’exige pas que les membres des équipes d’exploitation suivent un module distinct en CRM lorsqu’ils acquièrent ou renouvellent leur attestation de compétence. Par conséquent, l’adoption de la formation en CRM dans le secteur ferroviaire a été sporadique et l’approche diffère d’une compagnie de chemin de fer à l’autre. Bien que la formation dispensée par les compagnies de chemin de fer aborde les principes de la CRM, ni la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) ni le CN n’offrent de formation spécialisée et récurrente qui se penche sur l’ensemble des aspects de la CRM. La formation récurrente en CRM viserait à améliorer les compétences non techniques relatives à la communication dans la cabine, aux séances de briefing, au comportement de soutien, à la surveillance réciproque du rendement, au leadership d’équipe, à la prise de décisions, à l’assertivité liée aux tâches (p. ex., un opérateur novice qui s’adresse à un collègue plus expérimenté) et à la capacité d’adaptation de l’équipe, ainsi qu’aux concepts de TEM et de conscience situationnelle d’équipe.

    Le BST a enquêté sur 8 autres événements ferroviaires, en remontant jusqu’à 1996, dans lesquels il a été établi que des pratiques de CRM inefficaces ont été un facteur contributif à l’accidentNote de bas de page 133.

    Si les membres de l’équipe d’exploitation ne reçoivent pas une formation initiale et récurrente améliorée en CRM pour perfectionner leurs compétences en communication au sein de l’équipe, en coordination de la prise de décisions et des activités et en gestion des rapports d’autorité qui peuvent exister dans la cabine de locomotive, il y a un risque accru qu’une communication inadéquate entre les membres de l’équipe mène à une exploitation non sécuritaire. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports exige, en vertu du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, que les compagnies de chemin de fer canadiennes élaborent et mettent en œuvre une formation initiale et récurrente moderne sur la gestion des ressources en équipe dans le cadre de la formation de qualification des employés d’exploitation ferroviaire.
    Recommandation R22-05 du BST

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    5.0 Annexes

    Annexe A — Historiques hypothétiques de travail et de repos

    Afin d’évaluer et de prévoir les changements de rendement liés aux cycles veille-sommeil découlant d’horaires de travail semblables à ceux de l’équipe, on a élaboré un horaire de sommeil hypothétique à partir de l’horaire de travail des membres de l’équipe pendant les 30 jours précédant l’événement, de leur schéma de sommeil normal, de leurs périodes de sommeil connues et des hypothèses relatives à leur sommeil (voir la liste ci-dessous).

    Les hypothèses de sommeil suivantes ont été formulées lorsque les heures de sommeil étaient inconnues :

    • les jours où les membres de l’équipe ne travaillaient pas, on a supposé qu’ils se couchaient à 23 heures et se réveillaient à 7 heures;
    • étant donné qu’il avait des enfants en bas âge, qui étaient gardés à la maison, lorsque le ML rentrait du travail au milieu de la nuit, on lui a attribué une heure de réveil à 7 heures;
    • une heure à la fin de chaque quart de travail a été attribuée aux déplacements, aux repas et aux soins personnels avant de dormir;
    • si le quart de travail du ML se terminait le matin et qu’il devait travailler de nouveau le soir du même jour, on a supposé que celui-ci faisait une sieste de 2 heures avant de prendre son poste (selon les stratégies d’atténuation liées au sommeil déclarées par le ML);
    • parce qu’il vivait seul et sans enfant, le chef de train dormait le plus possible entre les quarts de travail et ne faisait pas de sieste entre 16 h et 19 h.
    Figure 11. Historique de veille-sommeil hypothétique du mécanicien de locomotive
    Image
    Historique de veille-sommeil hypothétique du mécanicien de locomotive
    Figure 12. Historique de veille-sommeil hypothétique du chef de train
    Image
    Historique de veille-sommeil hypothétique du chef de train

    Annexe B – Guide de référence rapide : facteurs de risque de fatigue

    Facteur de risque Pas présent : Aucun effet sur la performance Peut-être présent : Effet possible sur la performance Probablement présent : Effet probable sur la performance

    1. Perturbation aigüe du sommeil

    Écart de < 30 minutes de la quantité de sommeil optimale pendant les 3 dernières périodes de sommeil.

    Aucun éveil de > 30 minutes pendant les 3 dernières périodes de sommeil.

    Certaines restrictions sur la quantité de sommeil optimale pendant les 3 dernières périodes de sommeil.

    Un ou plusieurs éveils entraînant > 30 minutes de sommeil perdu pendant les 3 dernières périodes de sommeil.

    Restriction importante sur le sommeil ou multiples éveils pendant les 3 dernières périodes de sommeil ou aucune occasion de récupération.

    2. Perturbation chronique du sommeil

    (Période de sommeil totale – période d’éveil totale x rapport préféré entre le sommeil et l’éveil)

    Déficit chronique du sommeil de < 2 heures.

    Peu ou pas d’éveils dans les antécédents relatifs au cycle sommeil-éveil.

    Déficit chronique du sommeil de < 8 heures.

    Éveils fréquents dans les antécédents relatifs au cycle sommeil-éveil.

    Déficit chronique du sommeil de < 8 heures.

    3. État d’éveil continu

    Éveil continu de < 17 heures.

    Éveil continu de > 17 heures.

    Éveil continu de > 22 heures.

    4. Effets du rythme circadien

    L’événement n’a pas eu lieu la nuit ou pendant le creux du rythme circadien de l’après-midi ou le creux nocturne.

    L’heure du début du sommeil correspond à la routine optimale.

    L’événement a eu lieu pendant le creux du rythme circadien nocturne (22 h 30 à 4 h 30 ±1,5 heure).

    L’événement a eu lieu pendant le creux du rythme circadien diurne (14 h 00 ±0,75 heure).

    Petits changements fréquents ou un grand changement à l’heure de début du sommeil avec une période d’ajustement insuffisante.

    5. Troubles du sommeil

    Aucun symptôme signalé correspondant à un trouble du sommeil.

    Symptômes signalés correspondant à un trouble du sommeil; trouble non géré efficacement.

    Individu a fait l’objet d’un diagnostic d’un trouble du sommeil qui n’est pas géré efficacement.

    6. Conditions médicales et psychologiques, maladies et médicaments

    Aucune condition médicale identifiée pouvant entraîner la fatigue ou les perturbations de sommeil.

    Aucune indication de consommation de drogues pouvant entraîner la fatigue ou les perturbations de sommeil.

    Individu souffrant d’une condition ou d’une maladie pouvant perturber le sommeil.

    Individu a ingéré une drogue qui entraîne la fatigue directement ou qui perturbe le sommeil.

    Individu signale une perturbation de sommeil.

    * Pour calculer le déficit chronique de sommeil :
    a) Déterminez le rapport préféré de la personne entre le sommeil et l’éveil (nombre d’heures de sommeil préféré/nombre d’heures d’éveil préféré). Une personne qui dort 8 heures aura un rapport de 0,5.
    b) Calculez le déficit de sommeil = période de sommeil totale – période d’éveil totale x rapport entre le sommeil et l’éveil.
    ** Peut être plus court si les heures d’éveil surviennent la nuit.

    Annexe C – Mesures du rendement liées à l’outil FAST

    On a constaté une forte corrélation entre le score d’efficacité FAST et d’autres mesures utiles telles que le temps de réaction, le temps de traitement moyen dans une batterie de tests cognitifs, et l’indice de relâchement de l’attention (probabilité de temps de réaction exceptionnellement longs). Le tableau suivant présente les valeurs pour la tâche exigeant une vigilance psychomotrice (PVT) et le temps de réaction associé, le temps de traitement moyen de la batterie de tests cognitifs et l’indice de relâchement de l’attention, qui ont tous été normalisés par rapport au rendement d’une personne fonctionnant à son maximum lorsqu’elle est complètement reposée (base de référence), qui est définie comme étant de 100 %.

    Tableau C1. Mesures du rendement liées à l’outil FAST
    Efficacité
    FAST
    (% de la vitesse PVT)
    Temps de réaction
    (% de référence)
    Temps de traitement moyen de la batterie de tests cognitifs
    (% de référence)
    Indice de relâchement de l’attention
    (PVT, 1 = moyen au repos)
    100 100,0 100,0 0,2
    95 105,3 99,0 0,8
    90 111,1 95,5 1,5
    85 117,6 91,9 2,3
    80 125,0 88,3 3,1
    75 133,3 84,8 4,1
    70 142,9 81,2 5,2
    65 153,8 77,6 6,5
    60 166,7 74,1 8,0
    55 181,8 70,5 9,8
    50 200,0 66,9 11,9

    Annexe D — Outil Fatigue Avoidance Scheduling Tool (FAST)

    L’outil FAST a été utilisé dans l’analyse de cet événement afin d’obtenir la confirmation du lien probable entre un horaire de travail semblable à celui de l’équipe (indiqué par son historique de travail, qui comprenait des quarts de travail ayant des heures de début et de fin variables) et le potentiel de fatigue. Étant donné l’absence de renseignements détaillés sur le sommeil des 2 membres de l’équipe pour l’ensemble de la période, l’analyse FAST vise à déterminer les facteurs de risque liés à la fatigue, et non l’influence de celle-ci sur le rendement. On a utilisé un historique hypothétique de travail et de repos en se servant de toutes les données connues disponibles.

    Les graphiques produits par l’outil FAST pour le ML et le chef de train sont présentés ci-dessous. La ligne noire épaisse indique la partie de la journée pendant laquelle l’employé était au travail. La ligne pointillée indique la ligne de critère qui correspond au milieu de la zone jaune (77,5 %). Elle est destinée à servir de guide pour évaluer la nécessité d’utiliser des contre-mesures visant à améliorer le rendement.

    Figure D1. Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (3 h 48) le 6 décembre 2018
    Image
    Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (3 h 48) le 6 décembre 2018
    Figure D2. Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (4 h 19) le 14 décembre 2018
    Image
    Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (4 h 19) le 14 décembre 2018
    Figure D3. Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (5 h 15) le 18 décembre 2018
    Image
    Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (5 h 15) le 18 décembre 2018
    Figure D4. Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (4 h) le 19 décembre 2018
    Image
    Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (4 h) le 19 décembre 2018
    Figure D5. Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (8 h 10) le 25 décembre 2018
    Image
    Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (8 h 10) le 25 décembre 2018
    Figure D6. Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord au moment de l’événement (9 h 21) le 3 janvier 2019
    Image
    Analyse produite par l’outil FAST pour le mécanicien de locomotive, montrant le tableau de bord au moment de l’événement (9 h 21) le 3 janvier 2019
    Figure D7. Analyse produite par l’outil FAST pour le chef de train, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (4 h 18) le 16 décembre 2018
    Image
    Analyse produite par l’outil FAST pour le chef de train, montrant le tableau de bord à la fin de son quart de travail (4 h 18) le 16 décembre 2018
    Figure D8. Analyse produite par l’outil FAST pour le chef de train, montrant le tableau de bord au moment de l’événement (9 h 21) le 3 janvier 2019
    Image
    Analyse produite par l’outil FAST pour le chef de train, montrant le tableau de bord au moment de l’événement (9 h 21) le 3 janvier 2019

    Annexe E — Historique des enquêtes du BST sur les événements qui auraient pu être évités ou dont les conséquences auraient pu être moins graves si un système de commande intégrale des trains ou un système équivalent avait été en place

    Événement Conséquence
    Rapport d’enquête du BST Date de
    l’événement
    Compagnie Emplacement Nombre de matériel roulant déraillé Collision Nombre de morts Nombre de blessés

    R18D0096

    2018-10-31

    VIA Rail Canada inc. (VIA)

    Drummondville (Québec)

    0

    N

    0 0

    R16T0162

    2016-08-21

    Chemin de fer Canadien Pacifique (CP)

    Toronto (Ontario)

    6

    O

    0 1

    R16D0073

    2016-08-11

    Compagnie des Chemins de fer nationaux du Canada (CN)

    Acton Vale (Québec)

    1

    N

    0 0

    R16E0051

    2016-06-04

    CN

    Carvel (Alberta)

    0

    O

    0 0

    R15D0118

    2015-12-11

    VIA

    Montréal (Québec)

    1

    N

    0 1

    R15T0245

    2015-10-25

    VIA

    Whitby (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R15V0183

    2015-09-06

    CP

    Beavermouth (Colombie-Britannique)

    4

    O

    0 1

    R15V0046

    2015-03-11

    CP

    Cranbrook (Colombie-Britannique)

    0

    N

    0 0

    R14T0294

    2014-10-28

    VIA

    Newtonville (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R13C0049

    2013-05-18

    CP

    Dunmore (Alberta)

    6

    O

    0 1

    R13Q0001

    2013-01-11

    Chemin de fer QNS&L (QNS&L)

    Près de Mai (Québec)

    9

    O

    0 2

    R12Q0030

    2012-08-09

    VIA

    Hegadorn (Québec)

    0

    N

    0 0

    R12T0038

    2012-02-26

    VIA

    Aldershot (Ontario)

    6

    N

    3 45

    R11W0247

    2011-10-29

    VIA

    Meharry (Manitoba)

    0

    N

    0 0

    R11D0075

    2011-09-24

    CN

    Près de Pointe-Saint-Charles (Québec)

    6

    N

    0 0

    R11E0063

    2011-06-23

    CN

    Bailey (Alberta)

    2

    O

    0 0

    R10T0213

    2010-10-01

    CN

    Falding (Ontario)

    21

    N

    0 0

    R10V0038

    2010-03-03

    CP

    KC Junction (Colombie-Britannique)

    29

    O

    0 2

    R10Q0011

    2010-02-25

    VIA

    Saint-Charles-de-Bellechasse (Québec)

    8

    N

    0 7

    R09W0259

    2009-12-19

    CP

    North Portal (Saskatchewan)

    8

    O

    0 0

    R09V0230

    2009-10-30

    CP

    Redgrave (Colombie-Britannique)

    8

    O

    0 2

    R09W0118

    2009-06-28

    CN

    Jones (Ontario)

    7

    O

    0 1

    R08W0058

    2008-04-07

    CP

    Près de Ralph (Saskatchewan)

    11

    O

    0 0

    R07E0129

    2007-10-27

    CN

    Peers (Alberta)

    29

    O

    0 0

    R07C0040

    2007-04-22

    CP

    Bow Island (Alberta)

    10

    O

    0 2

    R06H0013

    2006-06-06

    VIA

    New Hamburg (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R06W0079

    2006-05-22

    CP

    Près de Swift Current (Saskatchewan)

    22

    N

    0 0

    R02V0057

    2002-04-28

    CP

    Natal (Colombie-Britannique)

    2

    O

    0 1

    R02C0022

    2002-03-24

    CP

    Glenogle (Colombie-Britannique)

    5

    O

    0 1

    R02T0047

    2002-02-22

    CP

    Port Hope (Ontario)

    2

    O

    0 2

    R01M0024

    2001-04-12

    VIA

    Stewiacke (Nouvelle-Écosse)

    9

    N

    0 22

    R01W0007

    2001-01-08

    CP

    Près de Bowker (Ontario)

    59

    N

    0 0

    R00M0007

    2000-01-30

    VIA

    Miramichi (Nouveau-Brunswick)

    9

    O

    0 43

    R00T0179

    2000-07-09

    VIA

    Rockwood (Ontario)

    3

    O

    0 14

    R99H0007

    1999-04-23

    VIA

    Thamesville (Ontario)

    9

    O

    2 77

    R99T0017

    1999-01-19

    VIA

    Trenton (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R98V0183

    1998-10-01

    CN

    Basque (Colombie-Britannique)

    4

    O

    0 0

    R98V0148

    1998-08-11

    CP

    Notch Hill (Colombie-Britannique)

    3

    O

    0 0

    R98T0141

    1998-06-17

    Chemin de fer Saint-Laurent et Hudson

    Campbellville (Ontario)

    0

    O

    0 0

    R98C0022

    1998-03-01

    CN

    Obed (Alberta)

    2

    O

    0 2

    R96C0172

    1996-08-12

    CN

    Près d’Edson (Alberta)

    39

    O

    3 0

    R96Q0050

    1996-07-14

    QNSL

    Près de Mai (Québec)

    4

    O

    0 1

    R96W0171

    1996-07-02

    CN

    North Battleford (Saskatchewan)

    10

    O

    0 1

    R96D0018

    1996-01-31

    CN

    Charette (Québec)

    0

    O

    0 0

    R95V0218

    1995-10-01

    CP

    Greely (Colombie-Britannique)

    0

    O

    0 4

    R95V0174

    1995-08-20

    CP

    Savona (Colombie-Britannique)

    27

    O

    0 2

    R95T0152

    1995-05-18

    CP

    Toronto (Ontario)

    2

    O

    0 2

    R95M0027

    1995-04-06

    CN

    Napadogan (Nouveau-Brunswick)

    8

    N

    0 0

    R95S0021

    1995-02-16

    CN

    London (Ontario)

    8

    O

    0 2

    R95T0023

    1995-01-29

    CN

    Netherby (Ontario)

    7

    O

    0 2

    R95C0016

    1995-01-14

    CN

    Delia (Alberta)

    28

    N

    0 0

    R94Q0065

    1994-11-20

    VIA

    Rimouski (Québec)

    3

    N

    0 0

    R94T0334

    1994-10-28

    CN

    Etobicoke (Ontario)

    3

    O

    0 0

    R94Q0029

    1994-06-07

    CN

    Saint-Georges (Québec)

    1

    O

    0 3

    R93H0025

    1993-12-13

    CP/CN

    Prescott (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R93Q0052

    1993-08-19

    CN

    Bruno Junction (Québec)

    0

    N

    0 0

    R93W0169

    1993-08-16

    CN

    Campbell (Saskatchewan)

    0

    N

    0 0

    R93V0155

    1993-08-13

    CN

    Longworth (Colombie-Britannique)

    2

    O

    0 0

    R93M0059

    1993-08-10

    VIA

    Moosehorn (Nouveau-Brunswick)

    0

    N

    0 0

    R93V0055

    1993-03-17

    CP

    Choate (Colombie-Britannique)

    0

    N

    0 1

    R92M0155

    1992-12-23

    CN

    Egerton (Nouvelle-Écosse)

    7

    N

    0 1

    R92Q0170

    1992-10-22

    CN

    Pointe Bleue (Québec)

    17

    N

    0 0

    R92T0242

    1992-09-01

    CN/VIA

    Acton (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R92T0193

    1992-08-01

    CP

    Heron Bay (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R92H0022

    1992-07-20

    CN

    Credit (Ontario)

    0

    O

    0 0

    R92V0112

    1992-06-08

    CN

    Sapperton (Colombie-Britannique)

    0

    N

    0 0

    R92V0068

    1992-04-12

    CP

    Forth Steele (Colombie-Britannique)

    0

    N

    0 0

    R92T0078

    1992-04-03

    CP

    Prescott (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R92V0061

    1992-04-02

    CP

    Shuswap (Colombie-Britannique)

    1

    O

    0 2

    R92T0077

    1992-04-02

    CN

    Nanticoke (Ontario)

    4

    N

    0 0

    R92T0047

    1992-02-20

    CP

    Britt (Ontario)

    0

    N

    0 0

    R91V0237

    1991-09-22

    CN

    Arnold (Colombie-Britannique)

    15

    N

    0 0

    R91H0026

    1991-09-09

    CN

    North Bay (Ontario)

    7

    O

    0 66

    R91T0162

    1991-07-26

    CP

    Romford (Ontario)

    0

    O

    0 0

    R91D0032

    1991-03-02

    VIA

    Bromptonville (Québec)

    0

    N

    0 0

    R91V0061

    1991-02-27

    CP

    Chemainus (Colombie-Britannique)

    4

    N

    0 0

    R91H0206

    1991-02-06

    CP/VIA

    Smiths Falls (Ontario)

    0

    N

    0 1

    R90E0208

    1990-11-06

    CN

    Oliver (Alberta)

    10

    O

    0 1

    R90V0201

    1990-10-27

    CN

    Conrad (Colombie-Britannique)

    12

    N

    0 0