Recommandation sur la sécurité du transport aérien A90-83

Réévaluation de la réponse à la Recommandation en matière de Sécurité Aérienne A90-83

Altimètres radar

Introduction

Les accidents mettant en cause un aéronef exploité selon les règles de vol à vue (VFR) dans des conditions météorologiques défavorables se produisent régulièrement et entraînent un nombre trop élevé de pertes de vie à chaque année. Ces accidents mettent en cause des pilotes professionnels, des pilotes privés et des pilotes d'affaires aux commandes d'appareils de l'aviation générale et d'appareils commerciaux affrétés, y compris des avions et des hélicoptères.

La fréquence avec laquelle ces accidents se produisent et le nombre de pertes de vie ont amené le Bureau canadien de la sécurité aérienne (BCSA) à entreprendre une étude systématique et exhaustive de la question. En mars 1990, au moment où l'étude était presque terminée, le BCSA a été remplacé par le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST). Le présent rapport a été publié sous la direction de ce nouvel organisme, le 13 novembre 1990.

Au cours des 20 dernières années, un certain nombre d'organismes gouvernementaux étrangers ont entrepris des mesures visant à mieux comprendre ces types d'accident. Les études récentes mettent en lumière la nature complexe de la décision de poursuivre le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables ainsi que les conséquences souvent funestes d'une telle décision. La présente étude de sécurité est la première analyse complète sur le sujet à être menée au Canada au cours des dernières années. Elle s'appuie sur les travaux antérieurs.

Le Bureau a approuvé la publication de la recommandation A90-81 dans le cadre du rapport intitulé Rapport au terme d'une étude de sécurité sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables (90-SP002), le 13 novembre 1990.

Recommandation du Bureau A90-83 (13 novembre 1990)

L'analyse des aéronefs accidentés n'a révélé que peu de lacunes au niveau de l'équipement, tant dans le cas d'avions que d'hélicoptères. Comme nous l'avons toutefois signalé, 27 des 33 accidents d'hélicoptère se sont produits dans des conditions de voile blanc et la plupart sont survenus à un moment où le pilote était encore maître de son appareil. De nombreux accidents VFR en IMCNote de bas de page 1 qui mettent en cause des hélicoptères se sont produits à la suite d'une descente involontaire qui s'est poursuivie à l'insu du pilote, au-dessus d'un relief uniforme, dans des conditions où il était souvent impossible de déterminer avec précision son altitude par rapport au sol. Le pilote aurait pu être alerté de la descente si l'aéronef avait été équipé d'un dispositif d'alarme automatisé tel un altimètre radar, indiquant qu'il se trouvait à proximité du sol. Cependant, seuls 2 des hélicoptères accidentés possédaient un altimètre radar. Compte tenu des conditions qui prévalaient lors de nombreux accidents d'hélicoptère survenus à la suite d'une descente involontaire qui s'est poursuivie à l'insu du pilote, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que tous les hélicoptères qui transportent des passagers lors de vols commerciaux soient munis d'altimètres radar.
Recommandation A90-83 du BST

Réponse de Transports Canada à la recommandation A90-83 (21 mars 1991)

En réponse à la recommandation, Transports Canada a simplement indiqué que le Groupe de travail sur les vols VFR de Transports Canada étudierait la question.

Évolution de l'évaluation du Bureau aux réponses de Transports Canada à la recommandation A90-83 (11 mai 2005)

Dans sa réponse diffusée en mars 1991, Transports Canada a indiqué que la recommandation A90-83 serait acheminée au Groupe de travail sur les vols VFR qui analyserait la question. Par la suite, au moment de faire le point sur la question, en juillet 1993, Transports Canada a déclaré que son Groupe de travail sur les vols VFR avait examiné la recommandation A90-83 et a conclu que ladite recommandation ne devait pas être adoptée. On indiquait que l'utilisation d'un altimètre radar offrait peu d'avantages pratiques au pilote qui devait maintenir ses références visuelles, et que le coût élevé de l'installation et de l'entretien dépassait largement tout avantage que cela pouvait apporter au pilote. Le personnel du BST était conscient du fardeau financier réel des exploitants, en raison de la conjoncture économique, mais il maintenait son argument de base voulant que l'installation d'un altimètre radar offre une protection contre toute descente involontaire dans des conditions IMC.

Compte tenu de la position de Transports Canada sur la question, le BST a jugé que la réponse de Transports Canada était insatisfaisante et le dossier de lacune a été classé comme étant actif. Au fil des ans, le BST devait surveiller les risques associés à la lacune définie dans la recommandation A90-83, afin de cerner les tendances. Comme des risques résiduels se manifestaient toujours et que la position de Transports Canada ne changeait pas, en ce sens, aucune mesure n'avait été prise ou proposée en vue de réduire ou d'éliminer la lacune. Donc, les réévaluations subséquentes sont demeurées insatisfaisantes.

La dernière réévaluation enregistrée au sujet de la réponse de Transports Canada à la recommandation A90-83 est datée du 11 mai 2005, et elle stipule que :

Une recherche des données du BST sur les accidents survenus pendant un vol VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instrumentsNote de bas de page 2 au Canada, de 1995 à 2004, a permis de relever 74 accidents qui, après un examen superficiel, remplissaient vraisemblablement les critères d'un « vol VFR qui s'est déroulé dans des conditions défavorables ». Ces 74 accidents représentaient environ 2,3 % de tous les 3252 accidents. Par ailleurs, 41 personnes avaient perdu la vie dans ces accidents, représentant environ 6 % de tous les 679 décès; de plus, 31 des 74 accidents, soit moins de 42 %, visaient des avions privés/de loisirs, tandis que 42 de 74 accidents touchaient des exploitations commerciales et 1 des 74 accidents visait l'aviation d'affaires. [Il est important de souligner que les statistiques d'une étude antérieure du BST indiquaient que 6 % de tous les accidents aériens étaient des vols VFR qui s'étaient déroulés dans des conditions IMC, et que ceux-ci avaient donné lieu à 26 % de tous les décès.]

Transports Canada et l'industrie de l'hélicoptère n'ont pas mis en œuvre les mesures spécifiquement recommandées par le BST. Pourtant, un nombre des mesures et des initiatives prises par Transports Canada et le milieu de l'aviation pour éviter les accidents liés aux vols VFR ayant lieu dans des conditions IMC s'appliqueraient de façon générale au pilotage d'hélicoptère. Toutefois, des données récentes, de 1995 à 2004, indiquent que les accidents attribuables à des hélicoptères volant dans de mauvaises conditions météorologiques continuent de se produire, soit 14 des 74 accidents impliquaient des hélicoptères. Il n'a pas été possible de déterminer si les conditions dangereuses sous-jacentes des récents accidents en question auraient été corrigées par les mesures préconisées dans la recommandation A90-83. Par conséquent, l'évaluation demeure insatisfaisante.

Néanmoins, comme les données utilisées pour étayer la recommandation A90-83 ont maintenant plus de 20 ans, le BST tentera, dans le cadre d'enquêtes actuelles et futures, de mieux définir la nature des conditions dangereuses menant à des accidents d'hélicoptère effectuant un vol VFR dans des conditions IMC et de présenter, le cas échéant, de « nouvelles » recommandations. Ainsi, rien ne justifie la prise d'autres mesures à l'égard de la recommandation A90-83 et le dossier est classé en veilleuse.

En conséquence, on a estimé que la réponse était insatisfaisante et le dossier a été classé en veilleuse.

Examen du Bureau concernant l'état du dossier de lacune de la recommandation A90-83 (1er octobre 2010)

Le Bureau a demandé à ce que toutes les recommandations en matière de sécurité aérienne en veilleuse ayant une évaluation autre qu'entièrement satisfaisante soient examinées pour déterminer si l'état du dossier de lacune était approprié. Après une évaluation initiale, il a été décidé qu'il fallait mettre à jour l'analyse des lacunes pour plusieurs de ces recommandations afin de confirmer si les risques qui y étaient associés étaient toujours considérables.

Mise à jour de l'analyse des lacunes de la recommandation A90-83 (12 octobre 2011)

Le Groupe de travail sur le vol VFR de Transports Canada (mis sur pied spécifiquement pour examiner plusieurs recommandations formulées dans le Rapport au terme d'une étude de sécurité sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables) a conclu que l'installation d'altimètres radar dans tous les hélicoptères commerciaux entraînerait des coûts élevés. En outre, le coût élevé de l'installation et de l'entretien éclipsait largement le peu d'avantages pratiques pour le pilote, qui doit maintenir des références visuelles.

Depuis la réévaluation de 2005, les données du BST démontrent que les vols VFR qui se déroulent dans des conditions météorologiques défavorables demeurent une menace importante pour la sécurité aérienne. Même si les accidents liés au vol VFR dans des conditions IMC ne représentent, de façon relative, qu'une petite partie, soit moins de 10 % de tous les accidents signalés, environ 55 % des accidents découlant de vol VFR dans des conditions IMC ont entraîné des décès, comparativement à 10 % pour tous les autres types d'accidents.

Plus particulièrement, la base de données sur l'aviation du BST a révélé qu'un rapport d'enquête avait été publié pour les 63 accidents d'hélicoptère, de 2005 à aujourd'hui. De ces 63 rapports, 4 d'entre eux, soit 6,3 %, portaient sur un vol VFR qui s'était déroulé dans des conditions météorologiques défavorables. Tous ces accidents, sauf un seul, ont causé des décès, entraînant la mort de 4 personnes.

Depuis la dernière évaluation de la réponse de Transports Canada à la recommandation A90-83, le BST a effectué plusieurs enquêtes sur les vols d'hélicoptère dans des conditions de voile blanc. Toutefois, aucune des constatations publiées ne citait l'absence d'altimètre radar comme étant un risque dans les accidents en question.

De façon intuitive, un altimètre radar semblerait améliorer grandement la connaissance du pilote relativement à sa hauteur au-dessus du sol en vol stationnaire à l'atterrissage dans des zones non aménagées (piste rudimentaire) et à l'atterrissage dans des zones exiguës, où une approche plus verticale peut s'avérer nécessaire. En outre, les altimètres radar favorisent une meilleure connaissance de la situation lors d'un vol involontaire dans des conditions IMC, pendant un vol de nuit et dans des conditions de journée blanche, de voile blanc ou de voile brun. Dans tous ces cas, les pilotes perdent leurs références par rapport à l'horizon et au sol. On est en droit de penser qu'un altimètre radar en bon état et bien utilisé pourrait présenter un avantage certain lorsqu'un hélicoptère s'engage involontairement dans des conditions IMC. Malheureusement, il n'y a aucune statistique tenant compte de ces hélicoptères qui sont sortis de conditions IMC à l'aide d'un altimètre radar.

Depuis la publication de la recommandation A90-83 du BST, des risques semblables ont été relevés par le National Transportation Safety Board (NTSB), qui a publié la recommandation en matière de sécurité aérienne suivante à l'intention de la Federal Aviation Administration (FAA) :

[TRADUCTION]
Recommande que la FAA prescrive l'installation d'altimètres radar dans tous les hélicoptères effectuant des vols commerciaux destiné à transporter des passagers dans des zones où des conditions de journée blanche ou de voile blanc se produisent souvent.
(A-02-35)

Le 12 octobre 2010, la FAA, appuyée par des membres de l'industrie de l'hélicoptère, a reconnu les avantages inhérents qui découlaient de l'utilisation d'un altimètre radar à bord d'hélicoptères commerciaux, et elle a publié un avis de projet de réglementation intitulé Air Ambulance and Commercial Helicopter Operations, qui, s'il est adopté, obligera les hélicoptères commerciaux à être équipés d'un altimètre radar. Si une telle exigence est adoptée, il reste à voir si Transports Canada harmonisera, oui ou non, sa réglementation à celle de la FAA, à cet égard.

Présentement, les risques associés au vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables demeurent importants, et Transports Canada n'a pas indiqué s'il prévoyait prendre des mesures en vue de réduire les risques associés aux hélicoptères commerciaux qui sont toujours exploités sans les avantages d'un altimètre radar. En conséquence, l'évaluation demeure insatisfaisante.

Compte tenu de l'évolution du dossier aux États-Unis, le Bureau croit que la présente recommandation devrait être prise en considération par Transports Canada. En conséquence, le Bureau modifie l'état du dossier en le rendant actif.

Suivi exercé par le BST (12 octobre 2011)

En conséquence, le personnel du BST exercera un suivi auprès de Transports Canada pour déterminer si d'autres mesures doivent être prises en vue de réduire les risques.

Lettre de Transports Canada — A90-83 (7 décembre 2011)

Après réception du dernier document de réévaluation A90-83, TC a envoyé une lettre au directeur, Direction des enquêtes aéronautiques contenant les éléments suivants :

[Traduction]
La présente est en réponse à votre lettre du 2 novembre 2011 adressée au directeur général, Aviation civile.

L'Aviation civile de Transports Canada (TCAC) souhaite organiser une réunion avec le BST pour bien comprendre le sens des recommandations. À la suite de cette réunion, un groupe de discussion sera créé pour examiner les recommandations et réaliser une évaluation des risques. TCAC s'attend à ce que l'examen et l'évaluation des risques liés à ces recommandations soient achevés avant la réévaluation annuelle du BST en 2012.

Le personnel du BST a été en mesure d'assurer la liaison avec TC et d'éclaircir la position du Bureau à l'égard de la lacune décrite dans la recommandation A90-83. Par la suite, le 12 janvier 2012, TC a retiré sa demande de réunion et a déclaré qu'une réponse officielle serait à venir.

Lettre de Transports Canada — A90-83 (7 mai 2012)

La réponse officielle de TC constitue une réponse globale faisant le point sur sa position concernant les 2 recommandations A90-81 et A90-83. La lettre comprenait les éléments suivants :

Recommandation du Bureau de la sécurité des transports du Canada A90-81

Le ministère des Transports exige que les pilotes professionnels d'hélicoptère subissent, au cours de leur contrôle annuel de la compétence du pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manœuvres de base du vol aux instruments.

Recommandation du Bureau de la sécurité des transports du Canada A90-83

Le ministère des Transports exige que tous les hélicoptères qui transportent des passagers lors de vols commerciaux soient munis d'altimètres radar.

Contexte

Transports Canada croit que ces recommandations avaient pour but de remédier au problème continu des hélicoptères pilotés selon les règles de vol à vue (VFR) qui s'engagent involontairement dans des conditions météorologiques de vol aux instruments et qui subissent une perte de maîtrise causant un accident. Le raisonnement étant qu'une vérification du niveau de compétence à l'égard des manœuvres de base du vol aux instruments dans le cadre de la vérification annuelle de la compétence du pilote (PPC) et l'ajout d'un altimètre radar pourraient aider les pilotes à garder la maîtrise de leur appareil durant une telle situation de vol et à se sortir des conditions de vol aux instruments. Ces types d'accidents représentent actuellement environ 10 % des accidents qui surviennent annuellement impliquant des hélicoptères enregistrés au Canada. De ces 10 %, approximativement 50 % sont cause de décès; la préoccupation est donc légitime.

L'analyse initiale du début des années 1990 avait rejeté les 2 recommandations en indiquant que l'adoption de ces mesures comme modifications réglementaires ne résoudrait pas le problème de façon efficace et que leur mise en œuvre serait coûteuse pour les exploitants.

Analyse

L'expression « vol involontaire dans des conditions météorologiques de vol aux instruments » donne à penser que les conditions surprennent le pilote, qui ne s'attendait pas à cette détérioration des conditions. La réalité est tout autre. Les pilotes d'hélicoptère ne sont pas tout à coup surpris de constater que le temps s'est détérioré. Le scénario habituel est le suivant : le pilote commence le vol en sachant que les conditions météorologiques le long de la route sont limitées et comprennent des zones de plafond bas ou de faible visibilité. En cette période actuelle dominée par la technologie informatique, il y a peu d'endroits où les prévisions météorologiques de base ne sont pas disponibles avant un vol. Même en l'absence d'une prévision, le plus rapide des hélicoptères permettra au pilote de constater que les conditions météorologiques à venir sont mauvaises, bien avant que l'aéronef s'approche de la zone d'obscurcissement ou du front.

Le problème réside dans la capacité inhérente unique de l'hélicoptère à voler à basse vitesse et dans le processus décisionnel du pilote. Le pilote est en mesure de ralentir l'appareil à un rythme de marche, ou même plus lent, de descendre à une altitude très basse, puis de se faufiler vers un endroit où les conditions sont meilleures. De cette manière, le pilote peut voler en utilisant des techniques visuelles dans des conditions qui seraient inacceptables (altitude trop basse dans un espace aérien non contrôlé) pour un vol aux instruments. Le danger qui existe est que le pilote peut alors soudainement perdre toute référence extérieure en raison d'une nouvelle détérioration des conditions et qu'il se retrouve piégé dans des conditions de vol aux instruments.

Lorsque cela se produit, plusieurs problèmes convergent et interagissent simultanément, et l'aéronef se trouve en danger imminent de subir un accident grave. L'hélicoptère est déjà à proximité du sol et piloté à une vitesse très basse, entouré d'obstacles inconnus. Une grande accélération est une réponse typique pour éviter de heurter le sol. L'hélicoptère peut effectivement cesser tout mouvement vers l'avant, et peut se déplacer latéralement, vers l'arrière ou vers le haut, plus haut dans les nuages. Les hélicoptères sont dynamiquement et statiquement instables et réagissent très rapidement aux commandes, en particulier dans l'axe de roulis. Tout virage peut rapidement devenir excessif, et l'hélicoptère aura tendance à piquer du nez pendant le virage. Le pilote sentira la panique le gagner, avec très peu de temps pour réagir et, en général, sans expérience récente du vol aux instruments.

La méthode proposée consiste à faire un virage à 180o, en évitant une inclinaison latérale trop rapide, sans monter ou descendre, tout en maintenant la vitesse anémométrique. C'est beaucoup demander à un hélicoptère instable, avec un pilote en état de panique sans expérience récente du vol aux instruments. Malheureusement, si l'hélicoptère vole dans de mauvaises conditions depuis un certain temps, il n'y a aucune garantie que de meilleures conditions météorologiques se trouvent derrière l'hélicoptère, et toute période prolongée passée dans les nuages ​​accentue la probabilité d'une perte de maîtrise à la suite du virage d'urgence à 180o.

Puisque l'hélicoptère était piloté par référence visuelle au moment où les références ont été perdues, il est très difficile de faire la transition vers le vol aux instruments. Une analyse rapide doit être effectuée pour vérifier que la vitesse anémométrique, l'altitude, le taux de virage et la puissance sont correctement maintenues tout en sachant que vous êtes très près du sol et que vous pourriez percuter un arbre ou une falaise au moment de passer au vol aux instruments.

Enfin, la réglementation canadienne actuelle n'exige pas que les aéronefs en vol VFR de jour soient équipés des instruments de base nécessaires pour accomplir ces manœuvres. Les indicateurs d'assiette, de vitesse verticale, de virage et d'inclinaison latérale ainsi que l'équipement gyroscopique directionnel ne sont pas obligatoires selon la réglementation en vigueur pour les appareils en vol VFR de jour. Afin d'intégrer les recommandations telles qu'elles sont rédigées, il serait nécessaire que tous les hélicoptères commerciaux soient munis de ces dispositifs, ainsi que d'une stabilisation automatique, afin de raisonnablement atteindre l'objectif de sécurité permettant une sortie d'urgence des conditions de vol aux instruments. Cela aurait pour effet d'augmenter considérablement les dépenses des exploitants, car ce matériel devrait être acheté, installé et entretenu, ce qui conduirait alors à une réduction de la charge utile de l'aéronef, sans compter le coût supplémentaire de la formation et de la vérification de tous les pilotes.

Initiatives de la FAA

Le BST a soulevé le fait que la Federal Aviation Administration (FAA) envisageait l'intégration de ces exigences aux lois américaines pour les missions d'évacuation sanitaire et les activités commerciales, et que l'harmonisation pourrait être une considération légitime pour TC. Il convient de signaler que les États-Unis ont 2 domaines d'activité où leurs taux d'accidents en hélicoptère sont bien au-dessus des normes mondiales et canadiennes : les activités d'évacuation sanitaire d'urgence et les excursions touristiques en hélicoptère, plus particulièrement à Hawaï.

Missions d'évacuation sanitaire aux États-Unis

Le secteur de l'évacuation sanitaire aux États-Unis diffère sensiblement du modèle canadien : aux États-Unis, la plupart des hélicoptères servant à l'évacuation sanitaire relèvent des hôpitaux et deviennent une source de revenus et un centre de coûts pour l'établissement hospitalier qu'ils desservent. Ils se rendent sur les lieux de l'accident et il ne s'agit pas uniquement d'hélicoptères monomoteurs pilotés par un seul pilote, même la nuit. Cette politique a donné lieu à de nombreux accidents mortels au cours des 20 dernières années. En outre, plusieurs accidents de nuit aux États-Unis survenus dans le cadre d'une évacuation sanitaire ont eu lieu avec des hélicoptères bimoteurs pilotés par un seul pilote qui a pris lui-même la décision de s'envoler.

Au Canada, presque toutes les missions nécessitent 2 pilotes à bord d'un hélicoptère bimoteur, et les activités doivent être menées en conformité avec les procédures de vol aux instruments. En outre, les missions canadiennes sont autorisées et gérées par des organismes médicaux centraux et la rentabilité de l'hôpital n'est pas prise en compte dans l'équation. La FAA a rencontré le National Transportation Safety Board (NTSB) dans le cadre de réunions tenues à Washington en 2009 pour discuter de ce qui devait être changé. Les missions canadiennes d'évacuation sanitaire ont été discutées, mais plutôt que d'adopter le modèle efficace et sécuritaire du Canada, les États-Unis ont choisi d'améliorer la technologie à bord de leurs hélicoptères plutôt que de restreindre les types d'hélicoptères qui peuvent être exploités dans ces conditions.

Il convient de signaler que le Canada a seulement connu un accident lié à une évacuation sanitaire qui a causé des blessures depuis la création de ce service dans le milieu des années 1970. L'harmonisation pour cet aspect des activités canadiennes n'aurait aucune utilité.

Activités touristiques aux États-Unis

Il y a eu de nombreux accidents d'hélicoptère dans le cadre d'excursions touristiques ces dernières années, particulièrement à Hawaï. Le problème provient de la formation continue de nuages à basse altitude au-dessus des zones montagneuses volcaniques. Les hélicoptères transportant des touristes tentent de passer par ces zones et perdent périodiquement leur référence visuelle, percutant des falaises avec des résultats catastrophiques. Il y a une forte incitation à effectuer les vols, puisqu'ils sont la principale source de revenus de ces entreprises. Toutefois, encore une fois, le non-respect des limites existantes imposées par la FAA relativement aux conditions météorologiques et la poursuite des activités en dépit de phénomènes obscurcissants sont la principale cause de ces accidents.

Enjeux particuliers
Règlement

SECTION II — EXIGENCES RELATIVES À L'ÉQUIPEMENT DE L'AÉRONEF
Aéronefs entraînés par moteur — Vol VFR de jour

605.14 Il est interdit d'effectuer le décollage d'un aéronef entraîné par moteur en vol VFR de jour, à moins que l'aéronef ne soit muni de l'équipement suivant :

  1. dans le cas d'un aéronef utilisé dans l'espace aérien non contrôlé, un altimètre;
  2. dans le cas d'un aéronef utilisé dans l'espace aérien contrôlé, un altimètre de précision réglable selon la pression barométrique;
  3. un indicateur de vitesse;
  4. un compas magnétique ou un indicateur de direction magnétique indépendant du système d'alimentation électrique;

Nota : Ce sont les seules exigences d'équipement de vol aux instruments pour un hélicoptère en vol VFR de jour. Un exploitant commercial peut avoir des hélicoptères munis d'équipement supplémentaire, mais il n'est pas nécessaire d'avoir de tels instruments à bord. Pénétrer dans des conditions météorologiques de vol aux instruments de façon involontaire avec l'équipement de base exigé par la réglementation canadienne actuelle ne permettrait pas au pilote de maîtriser l'appareil en ne se référant qu'aux instruments, peu importe la formation qu'il a suivie.

2. Certification des aéronefs

La plupart des hélicoptères ne répondent pas aux critères de stabilité nécessaires pour permettre un vol aux instruments sans l'ajout d'un pilote automatique. À moins que l'équipement ne soit ajouté, ils ne sont approuvés que pour le vol VFR et, dans certains cas, pour le vol VFR de nuit. Afin de répondre aux exigences de stabilité nécessaires pour permettre un vol aux instruments, la stabilisation automatique est normalement un ajout obligatoire.
Les exploitants n'ajoutent pas ces dispositifs parce que l'aéronef peut être utilisé pour un vol VFR sans aucune limitation, et l'ajout de tout équipement à la cellule de base entraîne un poids supplémentaire qui réduit la portée de l'aéronef et la charge utile qu'il peut transporter.
Si un pilote s'engage involontairement dans des conditions météorologiques de vol aux instruments sans dispositif de stabilisation, il doit piloter l'aéronef dans des conditions qui ne répondent pas aux critères de certification obligatoires en situation d'urgence. Il est évident que les chances de réussite dans ce scénario sont minces.

3. Capacité des aéronefs

Les hélicoptères sont tous soumis à des limites de distance franchissable comparativement aux engins similaires à voilure fixe. Après avoir pénétré dans des conditions de vol aux instruments, la plupart des pilotes d'hélicoptère n'ont pas la possibilité de prendre de l'altitude et de se diriger vers un aéroport équipé d'instruments. La plupart des hélicoptères ne disposent pas d'équipements de dégivrage autre que le système rudimentaire de dégivrage des moteurs, et les pilotes n'ont pas à leur disposition de feuilles de percée, de cartes ou le rayon d'action pour mener à bien l'atterrissage.
De plus, les instruments à bord de l'hélicoptère qui indiquent notamment la vitesse anémométrique sont fondés sur des instruments conçus pour les appareils à voilure fixe. Les hélicoptères volant aux faibles vitesses typiques du moment où survient une perte de références visuelles afficheront des relevés inexacts de la prise statique du tube de Pitot en raison de la déflexion de l'air vers le bas sous la barre des 20 à 30 nœuds, et peuvent même afficher une vitesse anémométrique nulle à un moment critique en situation d'urgence.

4. Limites des pilotes

La plupart des entreprises au Canada sont régies par des certificats d'exploitation en VFR, et la quasi-totalité des vols est effectuée pendant la journée. Contrairement à la situation qui prévaut pour les aéronefs à voilure fixe, de nombreux pilotes d'hélicoptère n'obtiennent jamais les compétences de vol aux instruments tout au long de leur carrière, parce que les vols IFR ne sont pas courants au Canada.
Par conséquent, de nombreux pilotes de vol VFR n'apprennent pas à utiliser les instruments de vol de l'appareil à un point tel qu'ils pourraient voler uniquement au moyen de ces instruments. Lorsqu'ils sont aux prises avec une situation d'urgence qui nécessite l'utilisation d'instruments, il est facile de comprendre pourquoi ces pilotes hésitent à recourir à un système inconnu, alors que leur carrière est fondée sur un système de contrôle visuel. Les hélicoptères volent généralement à très basse altitude au moment de la perte de références, de sorte que le temps de transition aux instruments avant qu'un accident se produise est extrêmement court. Même avec une formation annuelle et une procédure de vérification en place, une pratique de vol aux instruments limitée une fois par année et une seule vérification ne sont probablement pas suffisantes pour assurer les compétences nécessaires en cas d'urgence extrême.

5. Limites de l'entreprise

Il existe actuellement 2 systèmes de vérification en vol en place au Canada pour les exploitants régis par la partie 703 du RAC — le contrôle de la compétence du pilote mené par un pilote vérificateur agréé (PVA) et la vérification de la compétence du pilote (PCC), qui peut être réalisée par le pilote en chef de l'exploitant ou son délégué.

Dans les 2 cas, un exploitant peut ne pas disposer du personnel capable de dispenser une formation de vol aux instruments ou ne pas avoir à sa disposition un PVA ayant les qualifications appropriées en matière de vol aux instruments. Comme mentionné précédemment, le même exploitant peut ne pas avoir un hélicoptère muni de l'équipement de vol aux instruments approprié pour réaliser la formation ou le vol de vérification, tout en étant en totale conformité avec le Règlement de l'aviation canadien.

Conclusion

La pénétration involontaire dans des conditions de vol aux instruments repose sur 3 scénarios et causes primaires : des nuages à basse altitude, du brouillard durant le vol et des conditions de voile blanc ou brun lors de l'atterrissage ou du décollage. Les conditions de voile blanc peuvent également se produire durant le vol de croisière si un pilote survole une grande étendue gelée comme un lac où l'horizon est difficile à distinguer. Encore une fois, le pilote doit bénéficier de repères visuels appropriés et doit ressentir de l'inconfort pour qu'il ait une connaissance préalable du danger. Lorsque l'horizon s'obscurcit ou que les repères visuels sont indistincts ou peu nombreux, le pilote aura du mal à maintenir le niveau de vol et l'assiette en tangage peut osciller. Ces signes doivent servir d'avertissement préalable et des mesures appropriées doivent être prises.

Il existe des stratégies pour éviter les conditions de voile blanc ou brun qui reposent sur la vigilance et les techniques du pilote lorsque surviennent ces phénomènes, notamment l'évitement d'une pénétration involontaire dans des conditions de vol aux instruments en faisant demi-tour tôt ou en retardant le vol jusqu'à ce que les conditions respectent les exigences réglementaires en matière de vol à vue dans des zones non contrôlées. L'application de ces techniques prévient les accidents et sauve des vies. Selon l'information portant sur la prise de décisions, nous savons que la reconnaissance du danger et la connaissance des mesures à prendre sont essentielles pour choisir la bonne option.

Il est impératif d'exploiter son entreprise conformément à la réglementation existante en matière de vol VFR et de respecter les critères de certification de l'hélicoptère en vue de prévenir ces accidents. L'éducation et la prévention sont les éléments clés pour réduire ces accidents. Les exploitants qui insistent pour que leurs pilotes ne volent pas en cas d'intempéries et qui soutiennent ces décisions sont moins susceptibles d'avoir un accident.

Réponse de Transports Canada aux recommandations A90-81 et A90-93 du Bureau de la sécurité des transports

L'analyse actuelle de Transports Canada n'a pas changé par rapport à sa position initiale; la stratégie actuelle du pilote pour éviter le phénomène est le moyen évident et le plus efficace de prévenir ces accidents. La seule approche raisonnable consiste à s'assurer que les exploitants et les pilotes respectent les limites actuelles du Règlement de l'aviation canadien ainsi que la certification de leurs hélicoptères.

Suivi exercé par le BST (5 septembre 2012)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) ne conteste pas les affirmations de Transports Canada (TC) selon lesquelles les événements de vol VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) « par inadvertance » constituent une faible proportion du nombre total des « vols VFR en IMC ». Toutefois, le BST estime qu’étant donné le taux d’accidents mortels liés à ces événements, les efforts de la part de TC pour réduire les causes de tels événements sont inadéquats. En conséquence, la recommandation A90-83 vise principalement à fournir aux pilotes d’hélicoptère des altimètres radars qui agiraient en tant que dispositif d’avertissement automatisé conçu pour aider les pilotes à se sortir d’une situation de vol VFR en IMC.

Cette réponse reprend les exigences du Règlement de l’aviation canadien (RAC) visant à doter les hélicoptères VFR de jour d’un altimètre pour leur exploitation dans l’espace aérien non contrôlé, et d’un altimètre de précision ajustable en fonction de la pression barométrique, pour leur exploitation dans l’espace aérien contrôlé. Outre certains commentaires d’ordre général concernant les dépenses additionnelles nécessaires pour doter les hélicoptères au-delà des exigences courantes, la réponse ne mentionne pas les avantages d’utiliser un altimètre radar plutôt qu’un altimètre barométrique pour composer avec une descente par inadvertance en situation de vol VFR en IMC.

La comparaison qu’établit TC entre les États-Unis et le Canada concernant les hélicoptères commerciaux dans des situations de vol VFR en IMC, porte principalement sur les limites des ambulances aériennes aux États-Unis et un phénomène du tourisme régional. L’avis de projet de réglementation (NPRM) de la FAA, dont il est question dans l’évaluation du BST, s’intitule Air Ambulance and Commercial Helicopter Operations, et la recommandation du National Transportation Safety Board (NTSB) citée en référence et réclamant l’utilisation d’altimètres radars concernait des accidents d’hélicoptères commerciaux survenus par temps laiteux.

À l’heure actuelle, les risques associés aux vols VFR dans des conditions météorologiques adverses demeurent importants. TC admet que ce problème est bien réel, comme en fait foi le taux de perte de vie, et pourtant il ne prévoit prendre aucune mesure pour réduire les risques associés aux vols d’hélicoptère commerciaux sans l’avantage d’un altimètre radar, comme nous le décrivons dans la Recommandation A90-83. En conséquence, la réévaluation du Bureau demeure insatisfaisante.

Suivi exercé par le BST

Le Bureau a déterminé que, étant donné que le risque résiduel associé à la lacune décrite dans la Recommandation A90-83 est important, et puisque TC n’a pas indiqué qu’il prévoyait prendre d’autres mesures dans ce dossier, il est peu probable que d’autres réévaluations mènent à de nouveaux résultats.

Ainsi, le dossier de lacune est classé « en veilleuse ».