Réévaluation de la réponse à la recommandation en matière de sécurité aérienne A96-13
Détermination de la défaillance réacteur
Contexte
Le 19 octobre 1995, l'avion du vol 17 des Lignes aériennes Canadien International devait effectuer un vol régulier entre l'aéroport international de Vancouver et Taipei, à Taïwan. À bord se trouvaient 4 membres d'équipage de conduite, 8 agents de bord, 2 interprètes et 243 passagers. Au cours du décollage de la piste 26 et environ deux secondes après l'annonce de V1, l'équipage a entendu une détonation, la cellule a été fortement secouée et l'équipage a ressenti de fortes vibrations, ce qui a été attribué par la suite à un décrochage réacteur. Le commandant de bord a annoncé qu'il fallait interrompre le décollage. Après l'interruption de décollage, l'avion n'a pu s'arrêter sur la piste restante, et le train d'atterrissage avant s'est affaissé pendant que l'avion roulait sur le sol meuble au-delà de l'extrémité de piste. L'avion s'est immobilisé sur le nez à environ 400 pieds au-delà de l'extrémité de piste. Six passagers ont été légèrement blessés pendant l'évacuation d'urgence.
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a déterminé que le réacteur no 1 avait perdu de la puissance à un moment critique du décollage et que le décollage avait été interrompu à un moment et à une vitesse qui n'ont pas permis d'immobiliser l'avion sur la piste. Ont contribué à cet accident une mauvaise identification de la cause de la détonation et un manque de connaissances relatives aux caractéristiques de décrochage compresseur de réacteur. Un délai entre la saisie et l'analyse des données de contrôle d'état du réacteur a contribué à la perte de puissance du réacteur.
Le 18 octobre 1996, à l'issue de son enquête sur cet accident, le BST a transmis une recommandation en matière de sécurité aérienne à l'intention de Transports Canada.
Le Bureau a conclu son enquête et publié le rapport d’enquête aéronautique A95H0015 le 18 octobre 1996.
Recommandation A96-13 du Bureau (octobre 1996)
Le commandant de bord n'a pas reconnu la forte détonation comme étant un symptôme de décrochage compresseur de réacteur à taux de dilution élevé et il a cru qu'il s'agissait d'une bombe. Il a alors décidé d'interrompre le décollage même si la vitesse avait dépassé V1. Les pilotes de l'équipage de conduite étaient très expérimentés et avaient suivi de la formation au sol et en simulateur pendant toute leur carrière, mais ils n'avaient pas été formés à reconnaître une forte détonation comme étant le symptôme d'un décrochage compresseur de réacteur à taux de dilution élevé, et aucun des membres de l'équipage n'a remarqué les indications de perte de puissance dans le poste de pilotage.
Le pilote qui interrompt le décollage à une vitesse supérieure à V1 dans le cas d'un décollage sur piste courte fait courir plus de risques à l'avion que s'il poursuivait le décollage, et il ne doit pas tenter d'interrompre le décollage à moins d'avoir des raisons de croire qu'il ne peut pas poursuivre le vol sans danger ou que l'avion est incapable de voler. Le document Takeoff Safety Training Aid de la Federal Aviation Administration (FAA) stipule que pour éviter d'interrompre un décollage inutilement, les pilotes doivent apprendre à faire la distinction entre les situations qui peuvent compromettre un décollage et celles qui ne le peuvent pas. De plus, un rapport de Boeing intitulé Engine Plus Crew Error Events indique que dans le cas d'événements où il y a eu un problème de réacteur et que l'équipage a fait des erreurs, le fait de pouvoir reconnaître et de bien identifier des défaillances de réacteur semble avoir contribué de façon importante au dénouement des événements. Si les pilotes ne croient pas qu'une forte détonation est le symptôme possible d'un décrochage de compresseur, ils pourraient supposer que le bruit a été causé par une bombe (un événement bien moins probable) et interrompre inutilement le décollage.
Les erreurs de l'équipage sont souvent attribuées à des défaillances de moteur qui causent de grands bruits. Le rapport de Boeing indique en outre que le nombre d'événements mettant en cause des appareils à taux de dilution élevé a constamment augmenté au cours des cinq dernières années couvertes par l'étude.
Les équipages de conduite ont peu de ressources à leur disposition pour les aider à identifier rapidement des défaillances de moteur. Aucun motoriste ni aucun celluliste n'ont de renseignements spécifiques sur les caractéristiques des décrochages compresseur de réacteur à taux de dilution élevé. Le rapport de Boeing indique qu'il n'y a, à l'heure actuelle, aucun entraînement permettant aux équipages de conduite de reconnaître et d'identifier avec certitude les défaillances de moteur; les bruits, les vibrations et d'autres «indices» de défaillances moteur réelles ne sont pas simulés dans la plupart des simulateurs pour les équipages de conduite.
Compte tenu des risques associés aux décollages interrompus inutilement, le Bureau recommande que :
le ministère des Transports s’assure que les équipages de conduite qui volent sur des avions équipés de réacteurs à taux de dilution élevé sont en mesure de reconnaître un décrochage et un pompage de compresseur et de réagir correctement.
Recommandation A96-13 du BST
Réponse de Transports Canada à la recommandation A96-13 (janvier 1997)
La formation des équipages de conduite sur la reconnaissance des défaillances de moteurs et la manière d'y réagir fait partie de la formation initiale et périodique. Tous les équipages de conduite aux commandes d'aéronefs dotés de moteurs à taux de dilution élevé suivent cette formation dans des simulateurs homologués. Bien que les simulateurs présentent des degrés de perfectionnement technique différents, ils reproduisent pour la plupart des sons aussi réalistes que le permettent les données empiriques. Jusqu'à ce que les cellulistes et les motoristes élaborent des paramètres détaillant tous les différents types de décrochages de compresseurs, Transports Canada considérera cette formation comme raisonnable et adéquate.
Transports Canada suit actuellement les travaux du comité de l'Aerospace Industries Association (AIA) constitué pour traiter les enjeux de l'initiative « Propulsion System Malfunctions Plus Inappropriate Crew Responses » (défauts de fonctionnement des systèmes de propulsion associés à des réactions inappropriées des équipages). Transports Canada a été invité à participer à l'orientation des recherches du groupe. En fonction des résultats de ces travaux, Transports Canada veillera à apporter les améliorations nécessaires pour que les équipages de conduite puissent reconnaître un décrochage ou un pompage de compresseur et y réagir correctement.
De plus, Transports Canada publiera un article de fond sur cet événement dans son bulletin d'information « Sécurité aérienne – Nouvelles » distribué à tous les pilotes titulaires d'une licence. La reconnaissance d'un décrochage de compresseur de réacteur à taux de dilution élevé figurera parmi les points traités.
Évaluation par le Bureau de la réponse à la recommandation A96-13 (janvier 1997)
Dans sa réponse, Transports Canada (TC) indique que les pratiques de formation actuelles sont considérées comme adéquates jusqu'à ce que les cellulistes et les motoristes élaborent des paramètres détaillant tous les différents types de décrochages de compresseurs. Dans le même esprit, TC veillera à apporter les améliorations nécessaires en fonction des résultats obtenus par le comité de l'Aerospace Industries Association (AIA) aux États-Unis qui est chargé de l'initiative « Propulsion System Malfunction Plus Inappropriate Crew Responses » (défauts de fonctionnement des systèmes de propulsion associés à des réactions inappropriées des équipages). [À noter, la première réunion du comité de l'AIA a eu lieu après la réponse de TC (le personnel du BST y a participé; TC était absent). Lors de cette réunion, des représentants des motoristes ont indiqué qu'ils avaient les données nécessaires (au format numérique) à la simulation de divers défauts de fonctionnement des moteurs, y compris le décrochage et le pompage de compresseur, dans les simulateurs de vol.]
Également en réponse à la recommandation, TC a indiqué qu'un article sur cet événement serait publié dans son bulletin d'information « Sécurité aérienne – Nouvelles ». [L'événement lié au DC-10 a ultérieurement été le sujet de l'article de fond du bulletin « Sécurité aérienne – Nouvelles », numéro 1/97].
À court terme, cet article a probablement entraîné une prise de conscience accrue des symptômes de dysfonctionnement des moteurs à taux élevé de dilution (ainsi qu'un débat suscitant la réflexion sur les décollages interrompus). À long terme, un suivi approprié des initiatives de l'AIA par TC pourrait remédier à la lacune existante en matière de simulation réaliste des décrochages et pompages de compresseurs.
Le Bureau estime que la réponse à la recommandation dénote une intention satisfaisante.
Examen par le Bureau de l'état du dossier relatif à la recommandation A96-13 (avril 2014)
Le Bureau a demandé que la recommandation A96-13 soit examinée pour déterminer si l'état du dossier de lacune était approprié. Après une évaluation initiale, il a été décidé que la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation A96-13 devait être réévaluée.
Une demande de renseignements supplémentaires a été adressée à Transports Canada, dont la réponse donnera lieu à une réévaluation du dossier.
Le Bureau estime que la réponse démontre toujours une intention satisfaisante.
En conséquence, la recommandation A96-13 passe de nouveau à l'état actif.
Réponse de Transports Canada à la recommandation A96-13 (juillet 2015)
Le paragraphe 725.124 (50) des Normes, intitulé « Formation permettant de reconnaître une panne ou un mauvais fonctionnement de moteur » traite des critères de formation.
Réévaluation par le Bureau de la réponse à la recommandation A96-13 (mars 2016)
Dans sa réponse, Transports Canada a indiqué que les exigences en matière de formation inscrites au paragraphe 725.124 (50) des Normes de service aérien commercial (NSAC) permettaient de corriger ce problème. Les exigences en matière de formation énoncées dans les NSAC devraient considérablement réduire, voire éliminer, la lacune de sécurité soulevée par la recommandation A96-13.
Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A96-13 est entièrement satisfaisante.
Suivi exercé par le BST
Aucune autre mesure n'est requise.
Le présent dossier est fermé.