Recommandation sur la sécurité du transport aérien A16-11

Réévaluation de la réponse à la recommandation A16-11 du BST

Normes des contrôles de compétence pilote

Contexte

Le 31 mai 2013, vers 0 h 11, heure avancée de l'Est, l'hélicoptère Sikorsky S-76A (immatriculé C-GIMY, numéro de série 760055), effectuant le vol Lifeflight 8 selon les règles de vol à vue, a décollé de nuit de la piste 06 à l'aéroport de Moosonee (Ontario) à destination de l'aéroport d'Attawapiskat (Ontario), avec 2 pilotes et 2 ambulanciers paramédicaux à bord. Alors que l'hélicoptère franchissait les 300 pieds au-dessus du sol pour atteindre son altitude de croisière prévue de 1000 pieds au-dessus du niveau de la mer, le pilote aux commandes a amorcé un virage à gauche en direction de l'aéroport d'Attawapiskat, situé à environ 119 milles marins au nord-ouest de l'aéroport de Moosonee. Vingt-trois secondes plus tard, l'hélicoptère a heurté des arbres puis a percuté le relief d'une zone broussailleuse et marécageuse. L'aéronef a été détruit par la force de l'impact et l'incendie qui a suivi. Le système de suivi par satellite de l'hélicoptère a transmis un message de décollage puis est devenu inactif. Le système de recherche et sauvetage par satellite n'a détecté aucun signal de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT). Vers 5 h 43, un aéronef de recherche et sauvetage a découvert l'endroit où l'hélicoptère s'était écrasé, à environ 1 mille marin au nord-est de la piste 06, et a déployé des techniciens en recherche et sauvetage. Toutefois, il n'y a eu aucun survivant.

Le Bureau a conclu son enquête et a publié le Rapport d'enquête A13H0001 le 15 juin 2016.

Recommandation A16-11 du BST (juin 2016)

Dans le cas du capitaine en cause dans l'accident, le contrôle de compétence pilote (CCP) s'est déroulé en fonction de l'attente qu'avait le pilote vérificateur agréé (PVA), c'est-à-dire que le capitaine servirait en tant que premier officier avant d'assumer immédiatement les fonctions de commandant de bord (CdB), et ce, jusqu'à ce qu'il acquière plus d'expérience pratique à bord d'une ambulance aérienne. Même si le PVA avait coché la case « P/O » (premier officier) sur le formulaire CCP du capitaine, la compagnie a néanmoins affecté ce dernier au rôle très exigeant de CdB, au départ d'un emplacement éloigné également très exigeant. En l'occurrence, pour éviter cette situation, l'unique recours du PVA aurait été de faire échouer au capitaine son CCP. À l'heure actuelle, un PVA ne dispose d'aucun moyen pour limiter un pilote aux tâches de commandant en second (SIC) si, selon son évaluation, le pilote n'est pas prêt à servir de CdB, et possiblement de capitaine d'aéronef multimoteur et à équipage multipilote responsable de l'exécution en toute sécurité de vols de nuit ou selon les règles de vol aux instruments (IFR) exigeants.

Les normes CCP actuelles, et les annexes CCP qui s'y rapportent, pour les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703, 704 et 705 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), font peu de distinction entre les CCP respectifs pour capitaines ou premiers officiers. Les annexes CCP pour avions relatives aux sous-parties 702, 703, 704 et 705 du RAC indiquent qu'il pourrait être impossible d'effectuer certaines vérifications de circulation au sol depuis le siège du SIC. Celles afférentes aux sous-parties 704 et 705 font également état d'exigences différentes pour le CdB et le SIC relativement aux atterrissages avec moteur en panne. Pour les pilotes d'hélicoptère, les annexes CCP relatives aux sous-parties 702, 703 et 704 précisent uniquement que les pilotes qui occupent la place de SIC pourraient être incapables d'effectuer toutes les vérifications de circulation au sol indiquées à l'annexe du CCP. Hormis ces petites variations, les pilotes d'avion et d'hélicoptère doivent satisfaire aux mêmes normes de performance, conformément à leur sous-partie respective, peu importe s'ils doivent servir de capitaine ou de premier officier après leur CCP. Il n'y a aucune exigence selon laquelle un capitaine doit faire preuve d'un niveau de compétence plus élevé correspondant à des responsabilités plus grandes.

En outre, les normes CCP ne tiennent pas compte des défis uniques liés au service potentiel de capitaine d'un aéronef multimoteur et à équipage multipilote dans d'exigeantes conditions de vol de nuit ou en mode IFR, ou les deux. Par conséquent, malgré des différences considérables au chapitre des responsabilités entre un capitaine et un premier officier, les 2 pilotes sont évalués selon la même norme, qui permet jusqu'à 4 écarts majeurs par rapport aux normes de qualification. Il peut y avoir écart majeur lorsque « le pilotage de l'aéronef indique une aptitude limitée » ou lorsque « les aptitudes et des connaissances techniques [indiquent] des niveaux limités de compétence technique et/ou de profondeur des connaissances ». Lorsqu'un pilote réussit le CCP pour un type d'aéronef particulier, ce CCP est transférable si le pilote passe à une autre compagnie qui exploite le même type d'aéronef.

À l'heure actuelle, les risques liés à l'affectation d'un pilote comme capitaine sont gérés par l'entremise des politiques internes d'une entreprise et des exigences de compagnies d'assurances ou d'entrepreneur. Pourtant, de nombreuses entreprises se fient à la réglementation pour établir les exigences minimales d'affectation d'un pilote aux fonctions de CdB. Comme le montre l'événement en question, Ornge RW savait que le capitaine avait eu des difficultés durant son CCP, et que le PVA avait noirci la case « P/O » (premier officier) sur son formulaire CCP. Or, comme il n'y a qu'une seule norme CCP pour les pilotes d'hélicoptère régis par la sous-partie 703, et comme suite à l'évaluation qu'elle a faite de son expérience, Ornge RW a choisi d'employer le capitaine en cause au poste de CdB sans aucune formation ni supervision additionnelles. En conséquence, la nuit de l'événement, le capitaine n'était pas adéquatement préparé à effectuer ses tâches.

D'autres pays ont reconnu ce problème. Par exemple, le paragraphe 61.58, titre 14 du Code of Federal Regulations (CFR) des États-Unis stipule qu'un pilote doit réussir un CCP pour CdB pour [traduction] « servir de CdB d'un aéronef à turboréacteurs ou dont la certification de type exige plus d'un membre d'équipage de conduite pilote ». Un pilote qui doit servir de SIC (c.-à-d., premier officier) n'est pas tenu de réussir le même CCP de CdB. Plutôt, les FARs prévoient des exigences moins strictes auxquelles doit satisfaire un pilote pour qu'il puisse servir de SIC à bord d'un aéronef dont la certification de type exige plus d'un pilote parmi les membres d'équipage de conduite. Il n'existe aucune distinction de la sorte au Canada pour les membres d'équipage qui vont occuper le siège de SIC.

Les normes CCP actuelles ne garantissent pas que les capitaines aient un niveau suffisant de compétence pour effectuer en toute sécurité les tâches opérationnelles d'un CdB. Par conséquent, il y a un risque que les pilotes régis par les sous-parties 702, 703, 704 et 705 continueront d'être affectés à des tâches de CdB sans qu'ils aient d'abord fait preuve d'un niveau suffisant de compétence à titre de capitaine.

C'est pourquoi le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports établisse des normes de contrôle de compétence pilote qui font la distinction entre les différentes tâches et responsabilités opérationnelles d'un commandant de bord et d'un commandant en second, et qui évaluent les compétences nécessaires pour les effectuer.
Recommandation A16-11 du BST

Réponse de Transports Canada à la recommandation A16-11 (septembre 2016)

Transports Canada souscrit à cette recommandation. De fait, indépendamment de cet accident tragique, TC a procédé à un examen approfondi du Manuel du pilote vérificateur agréé (PVA) au cours des 12 derniers mois et a l'intention de publier une révision avant le printemps 2017.

La 10e édition du Manuel du PVA comportera un ensemble regroupé et renforcé de directives sur les compétences non techniques à évaluer. Selon l'Échelle de notation à quatre points, on ajoutera les compétences en matière de direction et de gestion comme l'une des quatre compétences non techniques (CRM). Voici les sous-éléments de cette évaluation des compétences :

  1. utilisation d'autorité et d'assertivité;
  2. fourniture et maintien des normes;
  3. planification et coordination;
  4. gestion de la charge de travail.

Une copie préliminaire du Manuel sera fournie au BST au cours de l'automne 2016.

Mise à jour de Transports Canada (décembre 2016)

Indépendamment de l'enquête du BST et de la recommandation A16-11 découlant du rapport d'enquête sur l'accident d'Ornge, un examen approfondi du Manuel du pilote vérificateur agréé (PVA) mené au cours des deux dernières années a cerné une faiblesse générale des directives quant à la différence entre un CCP de commandant de bord et un CCP de commandant en second. Par conséquent, plusieurs améliorations ont été proposées pour la 10e édition. Après examen de la recommandation A16-11 du BST, une modification supplémentaire a été incorporée pour quantifier la distinction entre un CCP de commandant de bord et un CCP de commandant en second.

Voici des extraits de la 10e édition du Manuel du PVA qui devrait être publiée au cours du premier trimestre de 2017.

Paragraphe 6.39 (3) – Déclassement d'un CCP

En aucun cas une tentative de CCP échouée, au cours de laquelle le candidat était affecté au rôle de commandant de bord, ne pourra être considérée comme une tentative de CCP de commandant en second réussie.

Alinéa 6.6 (8)(a) – CCP sur simulateur / Affection du candidat à un siège

Le candidat occupera le siège pilote associé à la position attitrée à son poste.

Sous-alinéa 6.27 (4)(b)(i) – Exposé de vérification en vol – CCP / Poste attitré du membre d'équipage et affectation à un siège

Bien qu'il n'y ait aucune différence entre les attentes de rendement, le poste attitré du candidat (c.-à-d., commandant de bord ou commandant en second) doit être établi.

Alinéas 6.38 (1)(a) et (2)(a) – Tentative échouée de vérification en vol / Commandant en second par opposition à commandant de bord

Une vérification en vol sera évaluée comme étant un échec dans l'une des conditions suivantes :

Commandant en second

  1. un élément de la vérification en vol ayant reçu une note de un (1); ou
  2. cinq éléments de la vérification en vol ayant reçu une note de deux (2).

Commandant de bord

  1. un élément de la vérification en vol ayant reçu une note de un (1); ou
  2. trois éléments de la vérification en vol ayant reçu une note de deux (2).

Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation A16-11 (décembre 2016)

Dans sa réponse, TC a laissé savoir qu'il publiera une version révisée du Manuel du pilote vérificateur agréé (PVA) avant le printemps 2017. La nouvelle édition comportera des directives supplémentaires sur les compétences non techniques à évaluer. En outre, le Manuel révisé introduira une différence entre un CCP de commandant de bord et un CCP de commandant en second. Plus particulièrement, les modifications établiront une exigence pour faire en sorte que l'évaluation soit fondée sur le poste attitré du candidat, et que le seuil de réussite soit plus élevé pour un CdB que pour un SIC.

Le BST voit d'un bon œil ces propositions de modifications qui, une fois complètement mises en œuvre, réduiront considérablement la lacune de sécurité à l'origine de la recommandation.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A16-11 dénote une intention satisfaisante.

Réponse de Transports Canada à la recommandation A16-11 (octobre 2017)

TC est d'accord avec cette recommandation.

Le Manuel du PVA révisé a été publié le 4 juin 2017. Le manuel exige maintenant des évaluations des compétences techniques, établies par un contrôle du pilotage de l'aéronef et des compétences et connaissances techniques. Le pilote vérificateur évalue également les compétences non techniques : coopération, compétences en matière de leadership et de gestion, connaissance de la situation et prise de décisions. Toutes ces compétences sont notées sur une échelle d'évaluation à quatre points :

  1. Efficace : qui permet d'atteindre le résultat souhaité ou attendu – Points : 4.
  2. Acceptable : satisfaisant – Points : 3.
  3. Médiocre : pire que ce qui est habituel, attendu ou souhaité – Points : 2.
  4. Inacceptable : non satisfaisant – Points : 1.

Le chapitre 6 du manuel précise qu'une vérification en vol sera évaluée comme un échec si l'une des conditions suivantes s'applique :

  1. Commandant en second
    1. la note un (1) a été attribuée pour un élément de la vérification en vol; ou
    2. la note de deux (2) a été attribuée pour cinq éléments de la vérification en vol.
  2. Commandant de bord
    1. la note un (1) a été attribuée pour un élément de la vérification en vol; ou
    2. la note de deux (2) a été attribuée pour trois éléments de la vérification en vol.
  3. Pilote de relève en croisière
    1. la note un (1) a été attribuée pour un élément de la vérification en vol; ou
    2. la note de deux (2) a été attribuée pour trois éléments de la vérification en vol

TC estime avoir donné une attention entièrement satisfaisante à cette recommandation.

Évaluation par le Bureau de la réponse de Transports Canada à la recommandation A16-11 (mars 2018)

Le Bureau se réjouit de la promptitude des mesures prises pour réviser le Manuel du pilote vérificateur agréé (PVA), qui a été publié le 4 juin 2017. Celui-ci établit maintenant clairement la distinction entre les compétences, le niveau de maîtrise, les responsabilités et les tâches opérationnelles d'un commandant de bord et d'un commandant en second. Lors d'un contrôle de compétence pilote (CCP), les normes de rendement et critères d'évaluation du manuel tiennent compte des différences entre les responsabilités et les tâches opérationnelles d'un commandant de bord et d'un commandant en second.

Le Bureau est d'avis que la distinction entre les CCP des commandants de bord et commandants en second, maintenant décrite dans le Manuel du PVA révisé, réduira considérablement les risques liés à la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation A16‑11.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation dénote une attention entièrement satisfaisante.

Suivi exercé par le BST

Le présent dossier est fermé.