Évaluation de la réponse à la recommandation A19-04 du BST

Correction des failles dans le cadre réglementaire du secteur de taxi aérien

Contexte

En mai 2015, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a lancé une enquête approfondie sur les questions de sécurité portant sur les risques qui persistent dans les activités de taxi aérien partout au Canada. L’enquête a examiné 15 ans de données afin de déterminer les problèmes de sécurité insuffisamment palliés dans les activités de taxi aérien au Canada. Elle s’est penchée sur l’ensemble des activités de taxi aérien et ne s’attardait qu’aux enjeux qui concernent tout le secteur, et non seulement des segments particuliers.

Le Bureau a conclu son enquête et a publié le rapport d’enquête A15H0001 le 7 novembre 2019.

Recommandation A19-04 du BST (novembre 2019)

Les dangers et risques inhérents au secteur du taxi aérien perdurent depuis plusieurs années, et des données montrent clairement la persistance des dangers opérationnels de 1998 à 2015. La SII a démontré que la réglementation et les normes ne peuvent pas suffire à assurer la sécurité dans le secteur, mais qu’elles prévoient des moyens de contrôle qui y contribueront. Cela dit, le cadre réglementaire comporte des failles, notamment en ce qui a trait à la formation et à la qualification du personnel, à la modernisation des aéronefs plus âgés et à la fatigue chez les techniciens d’entretien d’aéronef (TEA).

Formation et qualification

Le Règlement de l’aviation canadien (RAC) établit la formation que les exploitants sont tenus de donner. Dans les faits cependant, la formation peut varier énormément, comme l’ont indiqué plusieurs exploitants. Certains d’entre eux donnent seulement la formation prescrite par la réglementation, tandis que d’autres donnent de la formation additionnelle qui dépasse ces exigences, pour combler certains besoins ou mieux atténuer les risques dans leurs activités. Cependant, plusieurs exploitants ont mentionné que sans une réglementation et des normes actualisées contraignant tous les exploitants à respecter les mêmes règles, la situation n’est pas équitable.

Quoique la sous-partie 703 du RAC prévoie des exigences de formation obligatoires pour certaines activités à risque élevé spécialisées, comme les vols de nuit, aucune exigence de la sorte n’est imposée pour plusieurs autres activités spécialisées, comme les vols en montagne ou côtiers. De plus, aucun règlement ne couvre l’entraînement sur la ligne pour le secteur du taxi aérien. Les exigences de formation obligatoire pourraient ainsi ne pas couvrir les nombreux aspects uniques au secteur du taxi aérien. Sans formation spécialisée obligatoire pour les activités à risque élevé, les pilotes pourraient ne pas avoir les connaissances et compétences voulues pour assurer la sécurité des opérations aériennes.

En outre, les pilotes qui effectuent des vols d’évacuation aéromédicale gagneraient à suivre une formation spécialisée afin de mieux gérer les enjeux psychologiques et traumatiques de ce type d’opération.

La SII a également reconnu comme enjeu potentiel la qualification du personnel clé d’une compagnie de taxi aérien. Les enquêtes que le BST a menées durant la période de l’étude ont montré que les postes clés (p. ex., gestionnaire des opérations ou chef pilote) ne semblent pas recevoir suffisamment d’attention lorsque l’organisme de réglementation approuve l’embauche de titulaires. Il faut accorder plus d’attention aux compétences et qualités de ces titulaires, de même qu’aux exigences opérationnelles des postes clés chez un exploitant. Qui plus est, bien que les responsabilités de ces postes fassent l’objet d’exigences réglementaires, il n’y a aucune exigence de formation pour les personnes qui sont nommées.

Modernisation d’aéronefs plus âgés

La SII a aussi constaté la difficulté de moderniser les aéronefs plus âgés en installant, par exemple, un nouveau système avionique, car cela exigerait une modification à la définition de type d’origine de l’aéronef. Le processus d’approbation de TC exige la validation d’un certificat de type supplémentaire, ce qui peut être coûteux et astreignant; pour certains exploitants plus petits, les coûts peuvent être prohibitifs.

Fatigue chez les techniciens d’entretien d’aéronef

Les consultations auprès de l’industrie ont révélé que les TEA éprouvent souvent de la fatigue lorsqu’ils sont au travail, surtout en région éloignée ou ailleurs qu’à leur base d’attache. Leurs journées de service sont parfois longues, et les heures de service quotidiennes des TEA ne sont assujetties à aucun règlement de TC. Certains exploitants ont indiqué que souvent, les journées de service des TEA n’étaient pas définies par les exploitants et que des règlements sur les journées de service des TEA sont nécessaires.

Correction des failles

Certains exploitants ont signalé des failles dans la réglementation et les normes en vigueur. Les pratiques qu’ils recommandent surpassent parfois les exigences réglementaires courantes ou comprennent des concepts non prévus par la réglementation en vigueur, par exemple :

  • réaliser tous les vols selon les règles de vol aux instruments;
  • affecter 2 pilotes à toutes les opérations;
  • établir leurs propres exigences minimales particulières sur l’expérience de vol des pilotes

Toutefois, confrontés aux pressions concurrentes illustrées par le modèle des limites d’exploitation sûre, les exploitants pourraient choisir de simplement se conformer à la réglementation même si en déborder augmenterait la pression de sécurité (p. ex., ils peuvent limiter les dépenses en formation en ne donnant que celle prescrite par la réglementation, même quand une formation spécialisée sur le vol en région montagneuse ou sur les possibilités de survie pourrait atténuer les risques associés à l’exploitation). Le niveau de sécurité dans le secteur du taxi aérien demeurera inégal tant qu’il y aura des failles dans le cadre réglementaire, comme celles cernées par la SII.

Par conséquent, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports examine les failles cernées dans la présente enquête sur une question de sécurité en ce qui concerne la sous-partie 703 du Règlement de l’aviation canadien et les normes connexes, et actualise la réglementation et les normes pertinentes.

Recommandation A19-04 du BST

Réponse de Transports Canada à la recommandation A19-04 (janvier 2020)

TC est d’accord en principe avec la recommandation.

TC s’efforce de s’assurer que les règlements sont appropriés pour le secteur et travaille déjà sur les trois principaux domaines identifiés dans l’enquête sur une question de sécurité du transport aérien (SII), à savoir : la formation et les qualifications, la modernisation d’aéronefs plus âgés et la fatigue chez les techniciens d’entretien d’aéronefs (TEA).

  • Formation et qualifications : Deux initiatives en cours pourraient améliorer les exigences de formation et de qualification dans le secteur des taxis aériens afin de mettre davantage l’accent sur la gestion des types de risques opérationnels mis en évidence dans le rapport d’enquête tout en maintenant la compétence de l’équipage dans les manœuvres de base des aéronefs :
    • TC entreprend un examen des exigences de formation et de qualification dans toutes les sous-parties du Règlement de l’aviation canadien (RAC) comprenant : un examen des calendriers de contrôle de la compétence des pilotes, des exigences de qualification des capitaines de formation et des instructeurs, des exigences du programme de formation des exploitants, des manuels de pilotes de contrôle approuvés et des guides de test en vol et l’approbation élargie des dispositifs de formation au pilotage, en particulier pour les sous-parties 702 et 703. Cette initiative débutera par la communication et la consultation avec l’industrie en 2020 avec la rédaction de documents réglementaires d’ici 2022. La mise en œuvre des changements identifiés devrait être prévue en 2023.
    • Dans le cadre de la stratégie de transformation de Transports Canada et dans le cadre du projet d’examen réglementaire de l’aviation civile, un examen réglementaire est en cours pour examiner les irritants de « formation » liés à la formation, aux qualifications et aux licences du personnel. Cette série de mesures comprend les irritants des parties IV, VI et VII identifiés dans les travaux de 2015-2016 (avis de proposition de modification de 1999-2015, commentaires internes, etc.) ainsi que les irritants existants soulevés dans le rapport Fletcher 2013, les présentations Parlons-en et le Sondage du Conseil du Trésor de l’automne 2018 publié dans la Gazette du Canada I (GCI). Cette série de mesures réglementaires devrait être publié par GCI en 2020/21.
  • Améliorations apportées aux aéronefs plus anciens : TC met actuellement à jour le chapitre 523Note de bas de page 1 du Manuel de navigabilité des avions de catégorie normale, utilitaire, acrobatique et navette. Le but de cette mise à jour est de faciliter les changements de conception sur les avions de catégorie normale. Les changements faciliteront l’introduction de « technologies vitales » (indicateur d’angle d’attaque, affichages GPS de cartes mobiles par exemple) à un nombre accru d’aéronefs avec moins de charge administrative de certification que ce qui était requis en vertu des normes standardisées de navigabilité actuelles. TC prévoit avoir la documentation d’orientation requise pour appuyer ces changements soumis pour consultation par le biais du processus du Conseil consultatifs sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) au début de 2020.
  • Fatigue chez les TEA : TC travaille à résoudre le problème de la fatigue dans l’aviation. Plus précisément, TC a mis à jour les limites de temps de vol et de service pour les pilotes. Il apporte également son soutien et sa contribution aux modifications au Code canadien du travail (CTC) proposées par Emploi et Développement social Canada (EDSC). Ces modifications visent à mettre à jour le CTC afin de mieux s’aligner sur les normes internationales et d’améliorer l’équilibre travail-vie des employés. Ces initiatives pourraient avoir un impact positif sur la gestion de la fatigue. EDSC est actuellement en train de lancer une dernière série de consultations auprès des intervenants avant de rédiger des règlements connexes, qui devraient entrer en vigueur à la fin du printemps ou à l’été 2020.

Enfin, TC continue de travailler avec l’industrie pour améliorer la sécurité et donner suite aux recommandations du BST et fait de bons progrès. Le rapport souligne 22 recommandations actives comme pouvant améliorer la sécurité dans le secteur des taxis aériens, dont 18 s’adressent à TC. Nos efforts portent leurs fruits et le BST a évalué la réponse de TC à plus de 70% de ces recommandations comme étant « en partie satisfaisante » ou « intention satisfaisante ».

Nous reconnaissons qu’il reste encore beaucoup à faire. Les trois recommandations citées dans le rapport pour lesquelles TC a reçu une évaluation « évaluation impossible » par le BST démontrent l’engagement de TC à veiller à ce que les mesures réglementaires soient prises d’une manière qui réponde aux besoins de tous les intervenants. Dans les trois cas (A16-12 - Mise en œuvre du système de gestion de sécurité, A16-10 - Systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS) dans les hélicoptères et A17-01 - Systèmes d’Avertisseur de décrochage pour l’aéronef de type Beaver), TC a entrepris / ou entreprend actuellement une étude plus approfondie pour s’assurer que les mesures prises comblent les lacunes de sécurité identifiées d’une manière efficace qui peut être mise en œuvre par les exploitants canadiens. Des mises à jour détaillées sur les mesures prises par TC concernant ces trois recommandations ont récemment été communiquées au BST et attendent une réévaluation par ce dernier.

TC a reçu une cote « attention non satisfaisante » pour seulement deux des recommandations discutées dans le rapport. Dans ces cas, l’action proposée par le BST a été jugée irréalisable à mettre en œuvre (A90-84 - Instrumentation des hélicoptères et A13-03 – Ceintures-baudriers de passager en hydravion). Bien que TC ait déterminé qu’il 'était impossible de poursuivre l’action spécifique telle que recommandée par le BST, d’autres mesures d’atténuation ont été mises en place pour améliorer la sécurité des hydravions et réduire l’incidence des vols accidentels par mauvais temps par hélicoptères. Un exemple en est les changements au RAC qui amélioreront la sécurité des passagers et de l’équipage des hydravions, publiés dans la Partie II de la Gazette du Canada en mars 2019Note de bas de page 2. Le changement proposé oblige les passagers et l’équipage des hydravions commerciaux à neuf places ou moins doivent porter un vêtement de flottaison gonflable pendant que l’aéronef se déplace à la surface ou au-dessus d’un plan d’eau tandis que les hydravions de 10 à 19 places, les vêtements de flottaison continueront d’être obligatoires à bord pour tous les occupants; cependant, les occupants ne seront pas obligés de les porter et la formation obligatoire pour tous les pilotes d’hydravions commerciaux sur l’évacuation subaquatique d’un aéronef.

Évaluation par le BST de la réponse de Transport Canada à la
recommandation A19-04 (mars 2020)

Dans sa réponse, Transports Canada (TC) a indiqué qu’il est d’accord avec la recommandation A19‑04.

TC a initié le travail dans les trois secteurs suivants : formation et qualification, modernisation d’aéronefs plus âgés et fatigue chez les techniciens d’entretien d’aéronef (TEA). TC indique qu’il adoptera l’approche suivante pour régler la lacune de sécurité indiquée dans la recommandation A19-04 :

Formation et qualification

  • En 2020, TC entreprend un examen des exigences de formation et de qualification dans toutes les sous-parties du Règlement de l’aviation canadien (RAC), avec la mise en œuvre prévue en 2023, qui comprendra :
    • l’examen des calendriers de contrôle de compétence des pilotes;
    • les exigences de qualification de la formation des commandants instructeurs et des instructeurs;
    • les exigences du programme de formation des exploitants;
    • les manuels de pilotes inspecteurs approuvés et l’examen des guides de test en vol;
    • l’approbation élargie des dispositifs de formation au pilotage, particulièrement pour les sous-parties 702 et 703 du RAC.
  • Dans le cadre du projet d’examen réglementaire de l’Aviation civile de TC, un examen des désagréments de formation ayant trait à la formation, aux qualifications et aux licences du personnel est en cours. Ce dossier réglementaire devrait être publié dans la Partie I de la Gazette du Canada en 2020-2021.

Le Bureau voit positivement le fait que TC a déjà commencé un examen réglementaire et attend avec impatience la publication des détails des améliorations réglementaires proposées dans un avenir rapproché.

Par conséquent, la réponse à la recommandation A19-04 relative à la formation et aux qualifications est évaluée comme dénotant une intention satisfaisante.

Modernisation d’aéronefs plus âgés

  • TC met actuellement à jour le chapitre 523, Avions de catégorie normale, utilitaire, acrobatique et navette, du Manuel de navigabilité pour faciliter les changements de conception des avions de catégorie normale, qui rend l’introduction des « technologies de sauvetage » comme les indicateurs d’angle d’attaque et les affichages de système de positionnement mondial avec carte mobile plus facile. Le processus de consultation du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) devrait avoir lieu au début de 2020.

L’information présentée par TC ne contient pas suffisamment de détails pour faire une évaluation de l’efficacité des mises à jour proposées au chapitre 523 du Manuel de navigabilité pour régler la lacune de sécurité associée à la recommandation A19-04.

À l’égard de la réponse à la recommandation A19-04 relative à la modernisation d’aéronefs plus âgés, le Bureau estime que son évaluation est impossible.

Fatigue chez les techniciens d’entretien d’aéronef

  • Pour régler ce problème, TC appuie Emploi et Développement social Canada (EDSC) afin d’élaborer des modifications au Code canadien du travail.

Le Bureau reconnaît que TC a fourni des commentaires relativement aux modifications au Code canadien du travail par l’entremise d’EDSC. L’objectif de la recommandation A19-04 était d’examiner les lacunes cernées dans ce rapport d’enquête sur une question de sécurité (SII) concernant la sous-partie 703 du RAC et les normes connexes, et de mettre à jour les normes et règlements pertinents. Le préambule de la recommandation A19-04 fait référence au manque de réglementation sur les jours de service de vol pour les techniciens d’entretien d’aéronef et au fait que le RAC n’aborde pas actuellement ce sujet de quelque façon que ce soit. Le BST ne sait pas comment les mesures de TC/EDSC contribueront à régler cet aspect de la lacune de sécurité.

À l’égard de la réponse à la recommandation A19-04 relative à la fatigue chez les techniciens d’entretien d’aéronef, le Bureau estime que son évaluation est impossible.

Correction des failles

Le rapport d’enquête sur une question de sécurité a souligné des lacunes dans les normes et règlements existants qui ont été cernées par les exploitants. Ces lacunes vont au-delà de celles indiquées dans le préambule de la recommandation A19-04. Certaines pratiques recommandées des exploitants vont au-delà des exigences réglementaires actuelles. Tant et aussi longtemps que ces lacunes existent, il y aura un niveau inégal de sécurité dans le secteur taxi aérien. TC n’a pas fourni de réponse détaillée en ce qui a trait à la façon dont ils prévoient régler les lacunes dans les normes et le règlement indiqués dans le SII autres que les détails susmentionnés.

À l’égard de la réponse à la recommandation A19-04 relative à la correction des failles, le Bureau estime que son évaluation est impossible.

Suivi exercé par le BST

Le BST surveillera le progrès des mesures de TC pour atténuer les risques associés à la lacune de sécurité cernée dans la recommandation A19-04, et réévaluera la lacune annuellement ou au besoin.

Le présent dossier est classé actif.