Moyens de lutte contre l’incendie à terre
Contexte
Aux petites heures du matin le 31 décembre 1994, un incendie a éclaté dans le convoyeur de déchargement du Ambassador pendant le déchargement d’une cargaison de phosphorite. Le feu s’est par la suite propagé jusqu’aux emménagements, et il a fallu quelque 28 heures d’efforts à l’équipage et à plusieurs services d’incendie externes pour maîtriser et éteindre l’incendie. Les installations portuaires n’ont pas été endommagées, personne n’a été grièvement blessé et aucune pollution n’a été signalée par suite de l’événement.
Le Bureau a déterminé qu’une section d’une des bandes du convoyeur a pris feu lorsque les convoyeurs ont été arrêtés, probablement parce que la bande est entrée en contact avec un rouleau surchauffé. Le rouleau avait probablement surchauffé par suite de la rupture d’un palier ou du blocage du rouleau par des déchets qui ont pu prendre feu à cause de la surchauffe du palier.
Le Bureau a conclu son enquête et publié le rapport M94M0057 le 9 octobre 1996.
Recommandation M96-06 du Bureau (novembre 1996)
Au cours des 10 dernières années, il y a eu 386 événements comportant des incendies ou des explosions à bord de navires dans des ports du Canada; environ 32 p. 100 de ces événements se sont produits en hiver. Quelque 20 p. 100 de tous les événements sont survenus dans des ports de Ports Canada; les autres se sont produits dans de petites installations relevant de Havres et ports de Transports Canada ou dans des ports du ministère des Pêches et Océans (MPO). Ces événements ont mis en évidence des lacunes dans les moyens de lutte contre l’incendie de certains ports et havres. Par exemple, une alimentation en eau insuffisante et une borne d’incendie trop éloignée ont nui à la lutte contre l’incendie et ont empêché de maîtriser un feu alors que la température était sous le point de congélation dans le convoyeur de déchargement du Algosoo qui subissait des réparations à Port Colborne (Ontario) en 1986 (rapport MCI-442 de la GCC). Trois ans plus tard, en septembre 1989, encore une fois à Port Colborne, il a fallu au service d’incendie local environ 12 heures pour maîtriser un autre feu dans un convoyeur de déchargement, cette fois à bord du H.M. Griffith (Rapport MCI-540 de la GCC).
En juillet 1991, dans le port de Vancouver (Colombie-Britannique), un incendie a détruit la base de Kitsilano et quatre navires de la Garde côtière canadienne (GCC) (Rapport no M91W0003 du BST). Les embarcations de lutte contre l’incendie qui se sont rendues sur les lieux n’étaient pas équipées pour combattre un feu d’une telle ampleur, et la canalisation d’alimentation en eau municipale ne fournissait pas une pression suffisante. Celle-ci s’est d’ailleurs rompue par la suite lorsqu’elle a été utilisée pour combattre le feu. Lors du récent incendie à Belledune (Nouveau-Brunswick), le manque de connaissances des techniques de lutte contre l’incendie à bord des navires, tant de la part de l’équipage du navire que du personnel des services d’incendie externes, a provoqué de la confusion.
Même si la plupart des navires sont munis d’un système de lutte contre l’incendie autonome capable d’atténuer les dangers que peut présenter un incendie en mer, ces mêmes navires peuvent voir leur capacité de lutte contre l’incendie considérablement réduite dans les ports, où une bonne partie de leur équipement principal et auxiliaire n’est pas en marche ou n’est pas rapidement utilisable. Ce ne sont pas seulement les navires qui risquent de subir des avaries importantes par le feu lorsqu’ils se trouvent au port; lorsqu’un incendie éclate à bord d’un navire à quai, il y a aussi de grands risques pour les installations portuaires (comme on a pu le constater à Kitsilano).
À l’intérieur des ports et havres, c’est généralement à l’administration du port qu’incombe la responsabilité de fournir un plan d’intervention d’urgence, y compris des ressources de lutte contre l’incendie, aux navires qui se trouvent dans le port. Ces plans d’urgence font souvent appel à l’assistance des services d’incendie municipaux, lesquels, dans bien des cas, n’ont pas de personnel formé pour la lutte contre l’incendie à bord des navires. Le Bureau croit que, vu le risque omniprésent d’incendie à bord des navires, il est essentiel d’avoir une équipe d’intervention bien formée et bien équipée afin de minimiser les conséquences d’un éventuel incendie non maîtrisé à l’intérieur d’un port ou d’un havre. Par conséquent, étant donné que certains ports et havres du Canada semblent dépourvus des installations et des ressources nécessaires pour combattre efficacement les incendies à bord des navires sur leur territoire, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports entreprenne une vérification spéciale des installations de lutte contre l'incendie dans les ports et les havres du Canada sous sa juridiction afin de s'assurer qu'elles permettent de maîtriser les incendies à bord des navires peu importe la période de l'année;
Recommandation M96-06 du BST
Réponse de Transports Canada à la recommandation M96-06 (février 1997)
Le ministère est responsable de la sûreté et de la sécurité de ses clients et du public aux installations portuaires publiques qui sont sous la juridiction du Canada. Les installations portuaires publiques gérées par le ministère sont conformes aux normes du Commissaire des incendies du Canada.
La majorité des installations portuaires publiques ne sont pas supervisées à temps plein. Certaines le sont, occasionnellement, par des représentants rémunérés à l’acte du ministère.
En vertu de l’article 8.(1) de la Loi sur les ports et installations portuaires publics, le gouverneur en conseil peut désigner un port public. Un port désigné comme port public ne comprend pas nécessairement d’installations portuaires publiques. Les installations privées sont souvent surveillées par leur exploitant ou propriétaire, sans participation du gouvernement. Un port désigné port public peut comprendre des installations portuaires privées et publiques. Il en va de même pour les ports non désignés comme ports publics, chacune des installations étant sous la surveillance de leur propriétaire ou exploitant respectif.
En cas d’incendie, la majorité des installations portuaires publiques ne peuvent compter que sur un petit groupe de pompiers volontaires locaux qui sont formés et équipés pour lutter contre des incendies mineurs et courants. La formation de ces pompiers ne comprend généralement pas l’entrée dans des espaces restreints pour combattre les flammes.
Actuellement, aucune exigence législative n’oblige les ports et les havres publics à avoir les ressources nécessaires pour éteindre des incendies à bord de navires. En vertu du droit du travail et des responsabilités légales, la participation de pompiers à terre aux interventions contre les incendies à bord de navires dépend toujours de ce qui suit : l’évaluation de l’incident et de la situation que font les pompiers locaux sur le terrain, lesquels sont formés et équipés pour lutter contre des incendies courants.
Les fonctionnaires du ministère, par l’entremise de représentants rémunérés à l’acte, encouragent les exploitants des installations portuaires et des navires à coordonner et à partager, dans la mesure du possible, leurs plans d’intervention en cas d’incendies (terminal, quai, navire).
Le ministère des Transports a pris acte de la recommandation. Des fonctionnaires du ministère communiqueront avec le directeur exécutif de l’Association canadienne des chefs de pompiers, afin d’évaluer les risques et de prendre les mesures correctives nécessaires, le cas échéant.
Évaluation par le Bureau de la réponse à la recommandation M96-06 (mars 1997)
Selon la réponse, l’Association canadienne des chefs de pompiers (ACCP) est responsable des normes et de la formation des services de pompiers à terre. Ainsi, Transports Canada (TC) communiquera avec l’ACCP
« afin d’évaluer les risques et de prendre les mesures correctives nécessaires ». De plus, TC prévoit émettre un Bulletin de la sécurité des navires aux exploitants de navires canadiens et aux agences responsables des navires étrangers au sujet de la préparation des navires qui sont utilisés par temps froid. Toutefois, aucun plan de mise en œuvre et aucune date ne sont associés aux mesures proposées. Les employés du BST qui ont communiqué avec des fonctionnaires du ministère n’ont obtenu aucun autre renseignement.
N’ayant obtenu aucune confirmation que les mesures indiquées seront prises dans un avenir rapproché, le BST considère que la réponse aux trois recommandations (M96-06, M96-07 et M96-08) dénote actuellement une intention satisfaisante.
Réévaluation par le Bureau de la réponse à la recommandation M96-06 (avril 2005)
En collaboration avec l’Association canadienne des chefs de pompiers (ACCP), Transports Canada a préparé un sondage qu’il a transmis, en septembre 2003, à plus de 150 services de pompiers au Canada. TC a ainsi répondu à la demande de vérification indiquée de la recommandation. Le Bureau estime que la réponse, jugée « en partie satisfaisante » (en octobre 2004), dénote maintenant une « intention satisfaisante ».
Le dossier a été classé inactif en 2005.
Réponse de Transports Canada à la recommandation M96-06 (novembre 2014)
Dans sa réponse en 2014, Transports Canada indique que 18 ports sont maintenant exploités à titre d’administrations portuaires canadiennes (APC). Les APC sont des sociétés autonomes, sans but lucratif. Elles sont constituées en vertu d’une loi fédérale et sont indépendantes du gouvernement fédéral. Selon la définition de la Loi sur la gestion des finances publiques, les APC ne sont pas des sociétés d’État; elles sont des mandataires de l’État dans leurs domaines d’activités, soit le transport et la navigation. Toutefois, en vertu de la loi, aucun pouvoir de donner des directives n’autorise le gouvernement fédéral à diriger ou à influencer les gestes posés par les APC. Elles sont régies par un conseil d’administration nommé par les groupes d’utilisateurs portuaires et les divers ordres du gouvernement. Elles fonctionnent selon des principes commerciaux et possèdent le pouvoir et la marge de manœuvre nécessaires pour déterminer leur orientation stratégique et prendre des décisions commerciales. Les APC doivent rendre des comptes aux Canadiens et aux Canadiennes. Transports Canada croit donc que les recommandations devraient être envoyées directement aux différentes administrations portuaires.
Les 18 APC doivent administrer, gérer et exploiter de façon autonome le port dont elles ont la responsabilité. Toutes les questions sur l’administration, la gestion et l’exploitation d’un port doivent être posées directement à l’administration portuaire en cause.
Sécurité et sûreté maritimes de Transports Canada (SSMTC) n’est pas responsable des ports et n’a pas le pouvoir de les réglementer; selon la réglementation, les membres des équipages doivent être en mesure de lutter contre un incendie à bord sans dépendre des installations à terre. TC est responsable du raccordement quai-navire, mais là encore, il s’agit d’une obligation des exploitants des navires. SSMTC n’a pas le pouvoir d’exiger que les ports soient dotés de matériel compatible ni même de les y obliger.
De plus, au moment de la récente réévaluation des recommandations, la sécurité-incendie faisait partie du Règlement sur les exercices d’embarcation et d’incendie. Elle ne fait toutefois plus partie de ce règlement à la demande des administrations portuaires qui jugeaient qu’elle était un dédoublement de leurs programmes.
Ports appartenant à Transports Canada : SSMTC ne croit pas que ces recommandations devraient viser les quelques petits ports qui appartiennent toujours à Transports Canada (TC). TC est actuellement propriétaire de 50 ports et installations portuaires publics. Un nouveau programme de transfert des installations portuaires a été annoncé dans le budget de 2014 en vertu duquel TC devrait vendre ou céder les dernières installations portuaires qui lui appartiennent. Une fois que le ministère ne sera plus propriétaire ni gestionnaire de ces ports, les nouveaux exploitants seront responsables de la sécurité-incendie.
Des 50 installations exploitées par TC, 41 fonctionnent comme des installations commerciales. Les 50 installations peuvent être classées comme suit :
- 10 installations reçoivent plus de 10 visites de bateaux par année
- 4 reçoivent entre 5 et 10 visites de bateaux par année;
- 24 reçoivent moins de 5 visites de bateaux par année;
- 3 ne pas sont pas considérées comme des installations (digues ou canaux); et
- 9 ont atteint la fin de leur vie utile et ont été fermées ou ne sont plus utilisées.
Suite aux changements des conditions d’exploitation et de l’amélioration de la préparation des services de lutte contre les incendies au cours des 8 dernières années, la position de TC est la suivante : les juridictions qui chapeautent les ports dont le ministère s’est départi sont responsables de s’assurer que les services de pompiers à terre reçoivent la formation appropriée. Les services de pompiers plus petits dont le territoire comprend une de ces installations portuaires en sont venus à reconnaitre les avantages d’être préparés pour répondre à des urgences mettant en cause des navires qui fréquentent les ports.
Depuis 2006, le risque résiduel ciblé dans les recommandations a diminué de façon significative. Par conséquent, Transports Canada croit que la réponse à ces recommandations devrait être jugée entièrement satisfaisante en ce qui a trait aux 50 petits ports qui appartiennent toujours à TC et qui seront vendus ou cédés dans un proche avenir.
Mise à jour de la réponse de Transports Canada à la recommandation M96-06 (février 2015)
Dans le complément d’information qu’il a fourni, Transports Canada indique qu’il cédera bientôt la responsabilité des 50 ports canadiens lui appartenant encore et que les nouveaux exploitants des ports devront être responsables de la sécurité-incendie.
TC a aussi fourni des renseignements, déjà transmis au BST en 2002, soit : la tenue de séances de sensibilisation à la sécurité-incendie en 2001; la tenue d’une série de cours par 2 consultants, au nom de TC; le tout pour sensibiliser les services de pompiers locaux aux particularités des incendies à bord de navires. En 2002, 49 exposés ont été présentés aux quatre coins du Canada, y compris à des administrations portuaires canadiennes, à des ports publics, à des chefs de pompiers et à des maires et conseillers municipaux. TC a aussi fourni aux services de pompiers municipaux un raccord international de jonction avec la terre pour lutter contre les incendies à bord de navires étrangers qui n’ont peut-être pas les raccords standards utilisés en Amérique du Nord.
TC a aussi présenté à nouveau le classement des 50 installations dont il est en ce moment responsable; il n’y avait aucun changement.
Ainsi, le 1er avril 2015, le BST a attribué le statut actif à la recommandation.
Réévaluation par le Bureau de la réponse à la recommandation M96-06 (mars 2016)
Lors de la publication de la recommandation en 1996, Transports Canada (TC) était l’organisme de réglementation de la plupart des ports canadiens, mais avait commencé à transférer la propriété et l’exploitation de certains ports à des parties intéressées. En 1998, la gestion de 18 ports a été cédée à différentes administrations portuaires canadiennes (APC). Il s’agissait de ports considérés essentiels au commerce intérieur et international du Canada et qui traitaient une grande partie du fret international et national du pays. Même si les APC sont assujetties aux lois fédérales, elles sont des unités commerciales autonomes qui ne reçoivent aucun financement du gouvernement fédéral et qui sont indépendantes de Transports Canada. À l’origine, TC était responsable de 549 ports. Dans sa réponse, il indique que seulement 50 ports lui appartiennent encore et que la sécurité-incendie incombe aux nouveaux exploitants des ports.
Au cours des 20 ans qui ont suivi la publication de la recommandation, on a signalé au BST 228 incendies à bord de navires amarrés à des ports canadiens, dont 56 à des ports qui sont maintenant gérés par des APC. Les 172 autres incendies se sont produits à des ports non gérés par des APC, notamment à des ports que TC n’a pas encore vendus ou cédés. La majorité de ces ports accueillent peu d’activités commerciales comparativement aux APC, et leurs ressources de lutte contre les incendies peuvent être limitées. En outre, dans certains cas, les interventions sont menées par des services d’incendie de pompiers volontaires. Parmi les 50 ports qui seront bientôt transférés, 9 sont fermés ou ne sont plus utilisés.
Même si la plupart des navires sont munis d’un système de lutte contre l’incendie autonome capable d’atténuer les dangers que peut présenter un incendie en mer, ces mêmes navires peuvent voir leur capacité de lutte contre l’incendie considérablement réduite dans les ports : les membres d’équipage formés peuvent être descendus à terre et une bonne partie de leur équipement principal et auxiliaire peut être éteint ou difficile d’accès. Dans les ports, les ressources de lutte contre les incendies sont complétées par les services de pompiers à terre. Il est donc important que des services de pompiers à terre soient disponibles tous les jours de l’année. Des 228 rapports d’incendie à bord de navires dans des ports du Canada, 61 se sont produits l’hiver. Les personnes qui luttent contre un incendie à bord d’un navire amarré à un port l’hiver doivent parfois relever des défis particuliers. Par exemple, lorsque la température est sous zéro, il est possible que les ressources à terre interviennent moins rapidement en raison de problèmes d’alimentation en eau ou de la distance séparant le navire de la borne d’incendie. Selon des renseignements obtenus des APC, 5 des 18 ports possèdent des ressources de lutte contre les incendies à bord de navires toute l’année; seulement 1 port a signalé qu’il n’avait pas besoin de telles ressources à longueur d’année compte tenu de ses activités saisonnières. D’autres données doivent être recueillies pour établir si la lacune de sécurité soulevée dans la recommandation demeure ou a été résolue aux ports non gérés par des APC.
Depuis la publication de cette recommandation en 1996, l’autorité de Transports Canada sur les ports a changé et les exploitants des ports sont maintenant responsables de la sécurité-incendie. Même si certains ports d’APC ont confirmé avoir les ressources nécessaires pour lutter contre les incendies à bord de navires à l’année, il est possible qu’un grand nombre d’autres ports, gérés ou non par des APC, n’aient pas cette capacité. Par conséquent, il est possible que la lacune de sécurité associée à la recommandation demeure à ces autres ports.
Le BST considère donc que la réponse à la recommandation est en partie satisfaisante.
Suivi exercé par le BST
Puisque les exploitants des ports sont désormais responsables de la lutte contre les incendies à bord des navires, le Bureau tiendra compte, dans ses prochaines enquêtes, de l’efficacité des interventions des ports à cet effet.
Le présent dossier est fermé.