Réévaluation de la réponse à la recommandation en matière de sécurité maritime M96-17
Gestion des affectations et de la fatigue des pilotes
Contexte
Le 11 décembre 1993, le vraquier Nirja, qui transportait une cargaison partielle d'acier, tentait d'aller s'amarrer à son poste dans le port de Hamilton (Ontario). Alors qu'il tournait pour entrer dans la darse dans de forts vents arrière, le Nirja n'a pas réussi à négocier le virage malgré l'assistance de trois remorqueurs, et il a heurté le pétrolier Hamilton Energy, qui était amarré bord à bord avec le chaland-citerne Provmar Terminal I à l'entrée de la darse. L'accident n'a fait ni blessé ni pollution, mais le quai et les navires en cause ont été endommagés.
Le Bureau a déterminé que le Nirja, alors qu'il était manœuvré dans des vents forts et sous la conduite d'un pilote, n'a pas réussi à négocier le virage à l'entrée de la darse et a heurté le Hamilton Energy parce qu'il n'a pas été arrêté sur la distance disponible. Le fait que les remorqueurs n'étaient pas attachés au navire, que l'ancre n'a pas été mouillée et que le rendement du pilote n'était probablement pas optimal a contribué à l'accident.
Le Bureau a conclu son enquête et a publié le rapport M93C0003 le 23 décembre 1996.
Recommandation M96-17 du BST (décembre 1996)
Le Bureau est préoccupé par deux éléments découlant de cet événement. Premièrement, les méthodes d'affectations actuelles permettent de longues plages de travail qui nuisent grandement au rendement des pilotes. Deuxièmement, il semble que l'Administration de pilotage des Grands Lacs et les pilotes ne comprennent pas bien les effets nuisibles de la fatigue sur le rendement et les stratégies d'atténuation de ces effets.
Comme les personnes qui occupent des postes critiques pour la sécurité sont susceptibles de commettre de graves erreurs de jugement lorsqu'elles sont fatiguées, et compte tenu des conséquences possibles de telles erreurs, le Bureau croit que dans le cadre du processus d'affectation des pilotes, on devrait appliquer à la lettre les dispositions relatives aux périodes obligatoires de repos.
Par conséquent, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports et l'Administration de pilotage des Grands Lacs mettent en œuvre, relativement aux affectations des pilotes, une politique et des modalités qui permettront aux pilotes de se reposer suffisamment de façon à atténuer le plus possible les effets négatifs de la fatigue sur le rendement.
Recommandation M96-17 du BST
Réponse de Transports Canada à la recommandation M96-17 (mai 1997)
Le ministère des Transports prend note de la recommandation. L'Administration de pilotage des Grands Lacs (APGL) est responsable de sa politique et de ses modalités d'exploitation. L'APGL et certains de ses pilotes ont déjà pris des mesures de précaution pour résoudre ces questions. Les conventions collectives en vigueur dans deux des districts de l'APGL contiennent actuellement un article visant à atténuer et à réduire certains effets négatifs du changement des heures de sommeil. L'APGL s'est donné l'objectif d'ajouter un article semblable dans les autres conventions collectives; le Ministère approuve cet objectif.
Évaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation M96-17 (juillet 1997)
Dans sa réponse à la recommandation M96-17, TC indique que l'Administration de pilotage des Grands Lacs et certains de ses pilotes ont déjà pris des mesures de précaution pour résoudre ces problèmes. D'autres documents obtenus par le BST mentionnent que l'Administration de pilotage des Grands Lacs et des groupes de pilotes (district de Cornwall et district no 1) reconnaissent que le travail par quart peut causer des troubles du sommeil, augmenter le niveau de fatigue et augmenter les risques pour la sécurité. Ainsi, en 1996, pour éliminer et atténuer certains des effets nuisibles des perturbations des rythmes circadiens, l'APGL a ajouté à sa convention collective un article qui stipule ce qui suit [traduction] :
Lorsqu'un pilote a travaillé pendant deux (2) nuits consécutives, il ne peut pas être appelé au travail avant 6 h le matin suivant. Le pilote conserve sa position sur la liste des affectations à tour de rôle au cas où ses services seraient requis avant la fin de sa période de repos. Le prochain pilote reposé sera alors appelé. Dans cet article, une nuit de travail représente une période de pilotage ou un transfert entre 16 h et 6 h ou une affectation qui se termine entre 0 h 01 et 8 h.
Il semble que durant la période de forte circulation de 1996, les pilotes des deux districts ont utilisé le nouvel article pour rétablir leur cycle de sommeil après des nuits de travail. Il semble aussi que d'autres districts de l'Administration de pilotage des Grands Lacs envisagent l'adoption d'un article semblable.
L'initiative de l'Administration de pilotage et des pilotes qui vise à atténuer les problèmes de fatigue est un pas dans la bonne direction. Toutefois, le nouvel article pourrait faire en sorte qu'on doive appeler plus de pilotes en congé pour remplacer les pilotes partis en repos. Des pilotes pourraient alors être dans une situation difficile et devoir décider s'ils sont assez reposés pour accepter des heures de travail supplémentaires. Des études ont démontré que les personnes qui manquent de sommeil ne sont pas toujours aptes à évaluer leur niveau de fatigue. Par conséquent, les pilotes qui portent le fardeau de décider s'ils sont assez reposés pour travailler sont susceptibles de commettre des erreurs de jugement liées à la fatigue. Il s'agit d'une préoccupation du Bureau similaire à une préoccupation communiquée précédemment en soutien à cette recommandation.
Toutefois, en tenant compte des nouvelles initiatives décrites dans la réponse de TC à la deuxième recommandation du Bureau (M96-18), les programmes de sensibilisation à la fatigue pourraient permettre aux pilotes de prendre des décisions plus éclairées au sujet de leurs heures de travail et de repos, notamment en vertu du nouvel article. Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation M96-17 dénote une attention en partie satisfaisante.
Réévaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation M96-17 (novembre 1999)
L'Administration de pilotage des Grands Lacs a préparé une trousse de formation sur la gestion de la fatigue et des ressources à la passerelle et l'a remise à ses 65 pilotes. Le Guide de gestion de la fatigue pour les pilotes maritimes canadiens est utilisé au cours de l'atelier de 6 heures sur la gestion de la fatigue qui est destiné aux pilotes et aux apprentis-pilotes maritimes.
Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation M96-17 dénote une attention entièrement satisfaisante.
Suivi exercé par le BST
Le présent dossier est fermé.