Réévaluation des réponses de Transports Canada à la recommandation en matière de sécurité ferroviaire R00-03
Signalement des retards dans l'exploitation des trains
Introduction
Le 1er mars 1998 vers 15 h 31, heure normale des Rocheuses, le train de marchandises no A-447-51-01 (train 447) du Canadien National (CN) est entré en collision avec l’arrière du train de marchandises no C-771-51-28 (train 771) du CN, lequel était immobilisé au point milliaire 165,4 de la subdivision Edson du CN, près d’Obed (Alberta). Les deux membres de l’équipe du train 447, postés dans la locomotive de tête, ont subi des blessures graves et ont dû être évacués par ambulance. Le dernier wagon du train 771 et la locomotive de tête du train 447 ont déraillé et ont subi des dommages considérables. Aucune marchandise dangereuse ne s’est échappée.
Le Bureau a déterminé que la collision par l’arrière s’est produite parce que les membres de l’équipe du train 447, croyant que le train 771 était à au moins 1,5 mille plus loin, n’ont pas assuré une vigilance adéquate, de sorte qu’ils n’ont pas aperçu l’arrière du train 771 assez tôt pour être en mesure d’immobiliser leur train. L’hypothèse voulant que le train 711 ait été plus loin en avant était fondée sur l’interprétation d’un message transmis par l’automate vocal du système de détection en voie (WIS). Le manque d’information exacte quant à la position du train 771, une communication inadéquate d’information sur la nature des messages à diffusion générale du WIS destinés aux équipes d’exploitation, et le fait que l’arrière du train 771 était peu visible a contribué à l’accident.
Le Bureau a conclu son enquête et publié le rapport R98C0022 le 16 mai 2000.
Recommandation R00-03 (16 mai 2000)
La sécurité et l’efficacité de l’exploitation d’une compagnie ferroviaire sont tributaires en grande partie de communications précises et opportunes entre le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) et d’autres personnes dont le travail peut avoir un effet sur l’exploitation des trains ou peut en dépendre. L’interprétation des règles existantes n’incite pas toujours à signaler rapidement au CCF, aux trains et aux autres personnes dans le secteur qu’un train est retardé et présente un risque pour la sécurité. La communication immédiate de renseignements sur le retard possible d’un train incite les autres personnes touchées à prendre rapidement les mesures voulues. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports s’assure qu’on évalue si les règles actuelles du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada et les instructions actuelles des compagnies ferroviaires sont adéquates relativement au signalement immédiat des retards de trains à toutes les personnes intéressées lorsqu’il y a un risque pour la sécurité.
Recommandation R00-03 du BST
Réponse de Transports Canada (3 août 2000)
Transports Canada accepte l’esprit de la recommandation. Transports Canada continue de travailler avec l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) afin de s’assurer que les exigences du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) fournissent le plus haut niveau de sécurité et de clarté à l’industrie ferroviaire. À cet égard, Transports Canada s’est assuré que l’ACFC et ses membres ont pris conscience de la recommandation du Bureau. De plus, Transports Canada a communiqué avec l’ACFC et a demandé un examen du libellé de la règle 85 du REF.
La règle 85 sur le signalement des retards des trains déclare que :
« Le chef de train s’assurera que le CCF est informé rapidement de toute situation connue susceptible de retarder son train ou transfert. »Transports Canada affirme que le mot « rapidement » est interprété comme un avis immédiat.
Évaluation du Bureau (12 septembre 2000)
Transports Canada a informé le BST qu’il continue de travailler avec l’ACFC pour s’assurer que l’ACFC et ses membres prennent conscience de la recommandation du Bureau au sujet des règles et instructions actuelles des compagnies ferroviaires prescrivant le signalement immédiat des retards de trains à toutes les personnes intéressées lorsqu’il y a un risque pour la sécurité. Le ministère a écrit à l’ACFC pour demander une révision de la formulation des règles actuelles et de l’interprétation actuelle des exigences concernant le signalement des retards. Selon l’interprétation de Transports Canada, les règles exigent un signalement immédiat de tout retard de train.
Le BST n’a toutefois été informé d’aucune mesure de sécurité prise par l’industrie ferroviaire après que Transports Canada a exprimé son point de vue. Par conséquent, la réponse à la recommandation R00-03 est évaluée comme dénotant une intention satisfaisante.
Réévaluation du Bureau (juin 2003 et décembre 2003)
Transports Canada a demandé que l’équipe de révision des règles de l’ACFC révise la règle 85 du REF. Cependant, l’équipe de révision des règles ne s’est pas montrée disposée à modifier cette règle sans plus amples discussions. L’ACFC a soutenu que la règle 85 ne visait pas l’espacement ou le rapprochement des trains. Elle examinait par contre la possibilité de rédiger un nouveau livre de règlements et envisagerait de modifier la formulation de la règle 85. De plus, il a été souligné que comme cette règle touche plutôt l’administration que l’exploitation, elle pourrait être déplacée dans la section administrative du REF. Transports Canada considère que le dossier de cette recommandation reste en instance et renseignera le BST sur son évolution.
En décembre 2003, Transports Canada a communiqué de nouvelles informations indiquant que diverses discussions avaient eu lieu entre le ministère et l’ACFC au sujet de la révision de la règle 85 du REF.
Transports Canada, de concert avec l’ACFC, a étudié la mesure dans laquelle la règle 85 du REF et les autres instructions des compagnies ferroviaires sont adéquates en ce qui concerne le signalement immédiat de retards de trains à toutes les personnes intéressées lorsqu’il y a un risque pour la sécurité. Il a été déterminé que la règle 85 du REF n’est pas destinée à servir au signalement de retards dans l’espacement des trains, mais plutôt à informer le CCF que la vitesse d’un train ne peut pas être maintenue et que le train sera retardé.
Transports Canada a aussi fait remarquer que cet incident concerne un signal de marche à vue au sens de la règle 426 du REF, c’est-à-dire un signal de commande centralisée de la circulation (CCC) indiquant qu’un train peut avancer à la vitesse de marche à vue. Le REF définit la vitesse de MARCHE À VUE comme une vitesse qui permet l’arrêt en deçà de la moitié de la distance de visibilité d’un matériel roulant. Cette définition exige aussi que les employés soient en mesure de s’arrêter avant un aiguillage mal orienté et ne dépassent jamais la PETITE vitesse. (Note : La vitesse de marche à vue commande l’attention aux ruptures de rail.) Le REF définit la PETITE vitesse comme une vitesse ne dépassant pas 15 mi/h.
Le rapport d’enquête du BST indiquait que l’équipe ne respectait pas entièrement la règle 426 du REF puisqu’il est entré en collision avec l’arrière du train 771 (c’est-à-dire, la vitesse ne permettait pas l’arrêt en deçà de la moitié de la distance de visibilité du matériel). Transports Canada a communiqué cette information à l’ACFC afin qu’elle puisse mieux renseigner ses membres sur cet accident et attirer leur attention sur l’importance du respect des règles d’exploitation ferroviaires. Transports Canada considère que le dossier de cette recommandation est classé.
Réévaluation du Bureau (23 février 2004)
Transports Canada a indiqué avoir écrit à l’ACFC pour demander une révision de la formulation ou de l’interprétation des exigences en matière de signalement des retards. Le ministère a indiqué à l’ACFC que selon son interprétation des règles, tout retard de train devait être signalé immédiatement. Cependant, après une rencontre avec les représentants de l’industrie, il semble que Transports Canada ait été dissuadé. Les responsables des règles de l’industrie sont d’avis qu’une modification à la règle existante n’est pas possible, et Transports Canada n’a proposé aucune autre solution pour pallier la lacune en cause.
Comme cette lacune reste en instance et que Transports Canada considère le dossier comme étant classé, la réponse à la recommandation R00-03 a été réévaluée comme étant insatisfaisant.
Autre réponse de Transports Canada (28 juillet 2006)
Transports Canada a indiqué que le dossier de cette recommandation avait été réactivé. Cependant, le ministère n’avait pas de nouvelles informations à communiquer pour le moment.
Réévaluation du Bureau (25 août 2006)
Comme aucune mise à jour n’a été communiquée, l’évaluation que fait le BST de la réponse à la recommandation R00-03 reste insatisfaisante.
Réponse de Transports Canada (janvier 2010)
Transports Canada et l’ACFC n’arrivent pas à s’entendre sur l’interprétation des règles 84 et 85 du REF. Transports Canada et l’ACFC se rencontreront prochainement pour discuter des problèmes par rapport aux règles 84 et 85 du REF. La discussion portera entre autres sur le besoin de diffuser les retards des trains, leur emplacement, leur condition, etc., de façon à traiter des questions de la fatigue des équipes et de la prise de conscience des situations.
Réévaluation par le BST de la réponse à la recommandation R00-03 (16 septembre 2010)
Transports Canada (TC) a indiqué qu’il reconnaissait le manquement et qu’une réunion aurait lieu avec l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) pour discuter de ces questions. Toutefois, étant donné qu’une méthode secondaire pour éviter les collisions (p. ex. une méthode administrative, comme un avertissement par radio) n’a pas encore été envisagée, le BST évalue que la réponse à la recommandation R00-03 continue de dénoter une intention satisfaisante.
Réponse supplémentaire à la recommandation R00-03 (janvier 2012)
TC reconnaît que les renseignements non confirmés transmis par les équipes sur la position des trains sont parfois utiles, parfois non. Toutefois, cet accident prouve le bien-fondé de la position de TC et de la compagnie de chemins de fer. En effet, lorsque les membres de l’équipe ont entendu le message sur le balayeur d’ondes, ils ont mal interprété les renseignements non confirmés en croyant que le train 771 s’était déplacé et ceux-ci n’ont donc pas respecté la consigne de rouler à vitesse limitée. TC estime aussi que les règles de la CCC, lorsqu’elles sont respectées, sont plus sécuritaires que la régulation de l’occupation de la voie, car elles suppriment une partie du facteur humain, ce qui réduit les risques d’erreur humaine. L’utilisation de renseignements non confirmés pour contrôler les mouvements du train enlève toute efficacité au système de signalisation et viole la règle 126 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), qui sert justement à éviter ce genre de situations. Le système de la CCC réduit considérablement le nombre d’interactions humaines, ce qui diminue le nombre d’erreurs. Toutefois, un accroissement du nombre d’interactions humaines pourrait entraîner une augmentation du nombre d’erreurs du système, ce que tout le monde s’efforce d’éviter.
Depuis 2000, TC a examiné sa réponse à la recommandation du BST et toutes les mises à jour transmises ultérieurement à l’organisme, en plus d’évaluer avec les compagnies de chemins de fer la pertinence de la version actuelle du REF et des instructions sur le signalement immédiat des retards à toutes les personnes concernées en cas de risque et de manquement possible à la sécurité. TC a déterminé que la version actuelle du REF est adéquate et qu’aucun manquement à la sécurité n’existe. TC a conclu que toute proposition de modification aux règles d’exploitation actuelles ou toute autre méthode visant à éviter les collisions (avertissements par radio, etc.) n’améliorerait pas la sécurité des systèmes existants, et pourrait même la compromettre. Les questions associées aux facteurs humains et aux systèmes de commande intégrale des trains sont actuellement examinées par l’industrie. [Traduction]
Réévaluation par le BST de la réponse à la recommandation R00-03 (février 2012)
TC a examiné le manquement avec l’ACFC, mais a décidé de ne demander aucun changement aux règles ou aux instructions. TC a évalué la pertinence de la version actuelle du REF et des instructions sur le signalement immédiat des retards à toutes les personnes concernées en cas de risque pour la sécurité, et a déterminé que les règles actuelles sont adéquates. Étant donné que TC a effectué une évaluation, conformément à la recommandation, mais que le manquement à la sécurité n’a toujours pas été corrigé, le BST estime que la réponse à la recommandation R--003 est insatisfaisante.
Suivi exercé par le BST
Étant donné qu’aucune autre action n’est envisagée et qu’il est peu probable qu’une réévaluation régulière donne des résultats différents, le présent dossier est mis en veilleuse.
Réponse supplémentaire à la recommandation R00-03 (janvier 2013)
Transports Canada a fait une évaluation du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et des instructions des compagnies ferroviaires en vigueur concernant le signalement immédiat des retards de trains. TC estime que la version courante du REF (2008) couvre adéquatement le signalement des retards des trains.
TC prend note du fait que le rapport définitif du BST dit ce qui suit : « L’hypothèse voulant que le train 711 ait été plus loin en avant était fondée sur l’interprétation d’un message transmis par l’automate vocal du système de détection en voie (WIS). Le manque d’information exacte quant à la position du train 771, une communication inadéquate d’information sur la nature des messages à diffusion générale du WIS destinés aux équipes d’exploitation, et le fait que l’arrière du train 771 était peu visible ont contribué à l’accident. »
TC estime que les renseignements non confirmés transmis par les équipes sur la position des trains peuvent parfois poser problème, étant donné que ces renseignements peuvent être inexacts.
Réévaluation par le BST de la réponse à la recommandation R00-03 (7 mars 2013)
TC et l'industrie ont fait une évaluation du libellé du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et des instructions des compagnies ferroviaires en vigueur comme il apparaît dans la recommandation. TC estime que la version courante du REF couvre adéquatement le signalement des retards des trains. En outre, TC déclare que les renseignements non confirmés transmis par les équipes sur la position des trains peuvent parfois poser problème.
Ainsi, le Bureau estime maintenant que la réponse à la recommandation R00-03 est entièrement satisfaisante.
Suivi exercé par le BST
Malgré la présente évaluation, la lacune de sécurité, telle que l'a définie le BST, demeure une préoccupation pour le Bureau. Le BST continuera de surveiller cette lacune de sécurité dans les futures enquêtes.
La présente recommandation est classée fermé.