Mise en œuvre de nouvelles mesures relatives aux passages à niveau
Introduction
Le 28 septembre 2000 vers 7 h 45, heure avancée de l'Est, le train de voyageurs n° 85 de VIA Rail Canada Inc., roulant en direction ouest dans la subdivision Guelph de la Goderich-Exeter Railway Company, a heurté un véhicule automobile au passage à niveau public du point milliaire 33,54, près de Limehouse (Ontario). Les trois occupants du véhicule ont perdu la vie. Au moment de la collision, des travailleurs étaient près du passage à niveau et se préparaient à installer une canalisation pour un câble de fibre optique sous la chaussée près des rails.
Le Bureau reconnaît que le ministère des Transports a beaucoup travaillé dans les 10 à 13 dernières années à l'élaboration de nouveaux règlements sur les passages à niveau. Cependant, le Bureau s'inquiète du temps requis pour remplacer la réglementation existante qui est sommaire et essentiellement désuète. Le délai dans la promulgation d'une nouvelle réglementation ne fait pas progresser la sécurité aux passages à niveau au Canada.
À la suite de l'enquête du BST sur un accident précédent à un passage à niveau (rapport n° R99T0147 du BST), le 23 novembre 1999, quand un train de marchandises du Canadien National (CN) et un train de passagers de VIA Rail avaient déraillé au point milliaire 292,59 de la subdivision Kingston du CN près de Bowmanville (Ontario), le Bureau avait recommandé en 2001 que :
- Le ministère des Transports accélère la promulgation du nouveau règlement sur les passages à niveau.
Le ministre avait répondu que le ministère des Transports convenait de la nécessité de promulguer un nouveau règlement sur les passages à niveau, et était en voie d'achever le nouveau règlement sur les passages à niveau. Sa publication dans la partie 1 de la Gazette du Canada était prévue au printemps 2002.
Le projet de règlement sur les passages à niveau visait à fixer des normes de sécurité claires pour tous les passages à niveau. Le texte définirait aussi clairement les responsabilités à l'égard des passages à niveau qui incombent aux compagnies ferroviaires, aux autorités responsables d'un service de voirie et aux propriétaires de routes privées.
Le règlement attendu de Transports Canada sur les passages à niveau n'a pas été publié comme prévu en 2002. Il devait aborder les questions entourant les normes de sécurité aux passages à niveau et définir clairement les responsabilités des compagnies ferroviaires, des administrations routières publiques et des propriétaires de routes privées. Il devait traiter entre autres des mesures temporaires de sécurité qu'on doit prendre quand des travaux de construction sont en cours à un passage à niveau ou quand la visibilité des dispositifs d'avertissement est diminuée.
Le rapport n° R99T0147 du BST comprenait les commentaires suivants sur la pertinence des mesures visant à assurer la sécurité du public voyageur lorsque des travaux de construction sont en cours à un passage à niveau.
Les dangers et les conséquences particulièrement funestes des collisions entre des véhicules automobiles et des trains sont reconnus depuis longtemps. Pour atténuer ces risques, on s'est fié traditionnellement à la protection assurée par les dispositifs de signalisation automatique. Toutefois, quand des travaux de construction sont exécutés à un passage à niveau, il se peut que des conducteurs soient déconcertés par des stimuli contradictoires et ne voient pas les signaux des dispositifs de signalisation automatique comme étant une consigne claire qui les oblige à s'arrêter. Ni le Manual of Uniform Traffic Control Devices de l'Association des transports du Canada, ni la circulaire de l'ACFC, ni la réglementation actuelle de Transports Canada ne traitent de ce risque.
Le Règlement sur la sécurité des passages à niveau proposé par Transports Canada et le manuel qui lui est associé obligeront l'autorité responsable à mettre en place des mesures adéquates de contrôle de la circulation routière afin d'éviter que les travaux de construction ne constituent une menace pour la sécurité des automobilistes aux passages à niveau. Toutefois, ayant constaté que le règlement en question n'est toujours pas en vigueur, le Bureau a présenté récemment la recommandation no R01-05 dans laquelle il insistait sur la nécessité d'accélérer la publication du règlement. De plus, le Bureau craint qu'au moment de l'entrée en vigueur du règlement, une variété de procédures ponctuelles soient déjà établies dans de nombreux chantiers de construction et qu'avec une telle approche fragmentée, il ne soit pas possible de mettre en place des moyens de protection secondaires qui s'ajouteraient aux dispositifs de signalisation automatique de façon à assurer la sécurité pendant les travaux de construction exécutés à des passages à niveau. En l'absence de moyens de protection secondaires efficaces, les automobilistes canadiens pourraient être exposés à des risques.
L'introduction de moyens de protection secondaires n'est pas compliquée en soi, mais elle exigera un effort concerté des gouvernements et de l'industrie. Le Bureau estime que cette initiative pourrait être menée dans le cadre de Direction 2006. Ce programme, commandité par Transports Canada et par l'ACFC, est « ... le fruit d'un partenariat entre tous les niveaux d'administration publique, les compagnies de chemins de fer, les organismes oeuvrant dans le domaine de la sécurité, les corps de police, les syndicats et les groupes sociaux. Elle a pour but de diminuer de 50 pour cent d'ici l'an 2006 le nombre de collisions aux passages à niveau et d'intrusions sur les emprises ». À cet égard, Direction 2006 a de bonnes chances d'atteindre son objectif, en l'occurrence la réduction du nombre de collisions aux passages à niveau touchés par des travaux de construction.
Compte tenu des initiatives que les gouvernements et l'industrie peuvent prendre dans le cadre de Direction 2006, et en prévision de la mise en œuvre de la recommandation de sécurité n° R01-05, le Bureau a estimé qu'il n'était pas nécessaire de présenter une recommandation additionnelle pour le moment. Toutefois, le Bureau croit que, dans le cadre de Direction 2006, Transports Canada et l'ACFC ont l'occasion d'élaborer un ensemble de normes destinées à assurer la sécurité des automobilistes aux abords des passages à niveau près desquels des travaux de construction sont en cours. Ces normes pourraient faire en sorte qu'on donne aux automobilistes un préavis de l'arrivée des trains ainsi que des instructions claires et sans équivoque lorsqu'il s'agit de les faire arrêter. Quand ces mesures seront bien au point, Direction 2006 pourrait les diffuser auprès de toutes les compagnies ferroviaires du Canada et encourager ces dernières à les appliquer.
La grande lenteur du processus de réglementation face à cette problématique signifie que les automobilistes continuent d'être exposés à des risques. Même si le Bureau a déjà formulé une recommandation (R01-05) voulant que la promulgation du nouveau règlement sur les passages à niveau soit accélérée, il continue manifestement d'y avoir des délais. Par conséquent, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports mette en œuvre sans tarder de nouvelles mesures relatives aux passages à niveau, abstraction faite de l'étape à laquelle est rendue la réglementation proposée.
Recommandation R03-03 du BST
Réponse de Transports Canada R03-03 (juin 2003)
Transports Canada travaille en priorité à l'élaboration du Règlement sur la sécurité des passages à niveau, qui traitera des questions de sécurité soulevées par le BST. Cette élaboration est très technique et très complexe. Le ministère est déterminé à produire le règlement le plus complet possible pour accroître la sécurité des automobilistes aux abords de passages à niveau qui font l'objet de travaux de construction, d'entretien ou d'essais.
En raison de la complexité technique et financière du futur règlement, le ministère a tenu des consultations dans tout le Canada afin de consulter toutes les provinces et associations municipales sur le contenu et l'esprit de ce règlement. Dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, il est tenu d'estimer le coût de la mise en œuvre de ce règlement. Le Groupe de travail sur le Règlement sur les passages à niveau (GTRPN) examine actuellement ce coût et s'efforce de terminer ses travaux en ce qui concerne ce projet de règlement, les normes techniques et l'analyse coûts-avantages.
Transports Canada compte que le GTRPN aura terminé sa consultation à la fin de l'été. Cette consultation sera suivie de l'examen du projet de règlement par le ministère, qui prévoit que le règlement paraîtra dans la partie I de la Gazette du Canada cette année, puis dans la partie II de la Gazette du Canada dans six à huit mois. Le règlement n'entrera donc pas en vigueur avant la fin de l'été 2004.
De plus, l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC) élabore actuellement un document qui recommandera des méthodes de protection des passages à niveau par signaleur pour compléter le Règlement sur les passages à niveau. L'élaboration de ces méthodes progresse indépendamment de celle du règlement.
Avec l'industrie ferroviaire, le ministère hâtera la mise en œuvre de ces méthodes qui visent à accroître la sécurité des automobilistes qui approchent de passages à niveau qui font l'objet de travaux de construction. Il rencontrera l'ACFC en juin 2003 pour exprimer officiellement ses attentes et ses objectifs en ce qui concerne ces méthodes.
Le BST a reçu une version préliminaire de la nouvelle pratique recommandée de l'ACFC, dont l'énoncé sur le champ d'application se lit comme suit :
1. CHAMP D'APPLICATION
1.1 Les pratiques susmentionnées visent à ce qu'il y ait des procédures et instructions acceptables en place pour permettre aux cheminots d'assurer sans danger la protection manuelle aux passages à niveau dans les circonstances suivantes :
- la circulation routière libre représente un risque pour les travailleurs;
- des travaux sont en cours à un passage à niveau ou à proximité;
- les dispositifs d'avertissement automatiques ne fonctionnent pas comme prévu; ou
- les feux, les barrières et autres dispositifs de protection sont brisés ou endommagés.
1.2 Sauf indication contraire, la présente circulaire s'applique à la protection manuelle assurée par des employés de l'Ingénierie, par des entrepreneurs travaillant pour le compte des chemins de fer ou par d'autres personnes autorisées ou qualifiées. Les équipes de train et de locomotives tenues d'assurer la protection manuelle à des passages à niveau continueront d'être régies par les dispositions du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et par les instructions d'exploitation des chemins de fer individuels.
Évaluation par le Bureau de la réponse à R03-03 (février 2004)
Dans sa réponse, le ministre indiquait que Transports Canada avait pris des mesures pour faire avancer l'élaboration de la nouvelle réglementation sur les passages à niveau à titre prioritaire. Cependant, l'évolution du dossier a continué d'être ralentie par des exigences procédurales. L'élaboration par l'ACFC d'un projet de circulaire, « Pratiques recommandées pour la protection manuelle des passages à niveau », progresse mais n'a pas encore abouti. L'ACFC a travaillé à son projet de pratiques recommandées indépendamment de la réglementation de Transports Canada, et en a remis une version préliminaire au BST. Le Bureau reconnaît les efforts déployés et les mesures prises par Transports Canada et l'ACFC. Cependant, comme les mesures proposées pour la protection manuelle des passages à niveau restent à l'état d'ébauche pour le moment et qu'il continue d'y avoir des délais dans la mise au point des mesures prescrites, la réponse à la recommandation R03-03 est évaluée comme étant insatisfaisante.
Information supplémentaire (octobre 2004)
L’ACFC a raffiné et finalisé le document Pratiques recommandées pour la protection manuelle des passages à niveau indépendamment du règlement de Transports Canada et remis une copie finale au BST.
Réévaluation du Bureau (décembre 2006)
Le Bureau a reçu de l’ACFC une copie du document Pratiques recommandées pour la protection manuelle des passages à niveau. En conséquence, le Bureau estime maintenant qu’une attention entièrement satisfaisante a été accordée à la lacune.
Ce dossier est un dossier fermé.