Rapport d'enquête sur une question de sécurité du transport aérien (SII)
Risques liés aux activités de taxi aérien au canada
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Améliorer la sécurité : Réduire les risques liés aux activités de taxi aérien au Canada
Résumé
Un segment particulier du secteur de l'aviation
Les taxis aériens offrent un large éventail de services aériens aux Canadiens. Des hélicoptères transportent des personnes blessées ou malades vers des hôpitaux. Des hydravionsNote de bas de page 1 assurent le transfert de navetteurs d'un port à l'autre dans les villes côtières. Des avions emmènent des ouvriers dans des lieux éloignés, fournissent des services de recherche et sauvetage, font parvenir des aliments, de l'équipement et des passagers à des collectivités. Ces services aériens vitaux ont aidé à bâtir le Canada et à subvenir aux besoins de sa population.
Cependant, les services de taxi aérien sont exploités dans un contexte très différent de celui des autres secteurs de l'aviation. Souvent, ils ne sont pas exploités selon des horaires déterminés, et ils desservent des régions éloignées aux espaces aériens non contrôlés, avec peu d'aérodromes ou d'aides à la navigation. Les aérodromes qui existent peuvent être petits, et les services et l'infrastructure, moins développés. L'accès à des rapports et prévisions météorologiques ou à des technologies de pointe peut être limité. Les exploitants sont souvent plus petits. Les équipages de conduite interviennent plus directement dans la gestion de nombreux risques opérationnels que dans d'autres secteurs, et les pilotes sont souvent en contact direct avec les clients. Les pilotes n'ont pas nécessairement le soutien opérationnel d'un régulateur des vols ou d'autre personnel. Les vols ont tendance à être plus courts, et les décollages et atterrissages, plus fréquents. Les aéronefs sont soumis à des conditions météorologiques plus difficiles, car ils volent à plus basse altitude et au-dessus de reliefs accidentés, côtiers ou septentrionaux. Les aéronefs sont souvent petits (transportant moins de 10 passagers selon la réglementation) et, dans de nombreux cas, ils sont plus anciens (certains ont plus de 70 ans), avec moins de technologie de pointe. Beaucoup de pilotes naviguent en utilisant des repères visuels au sol plutôt que d'utiliser uniquement les instruments. Les pilotes doivent parfois atterrir sur des pistes gravelées, des lacs ou des surfaces gelées, et les pilotes d'hélicoptères, sur des aires non aménagées.
Il y a davantage d'accidents et davantage de pertes de vie dans le secteur du taxi aérien que dans tous les autres secteurs de l'aviation commerciale au Canada. Les chiffres sont clairs. Au cours des 18 années entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2017, on a recensé 789 accidents de taxi aérien qui ont fait au total 240 morts. Cela correspond à 55 % des accidents et 62 % des pertes de vie qui ont eu lieu pendant cette période dans l'aviation commerciale au Canada (figure S1).
Dans la même période, dans le transport aérien au CanadaNote de bas de page 2, il n'y a eu que 93 accidents (6 % du total) et 15 pertes de vie (4 % du total).
Les accidents de taxi aérien entraînent d'importants coûts économiques et humains. Les problèmes de sécurité sous-tendant ces accidents sont connus, et ils persistent : les dangers et les risques ont été cernés, et des mesures d'atténuation ont été recommandés dans nombre d'études et d'examens, dans certains cas depuis presque 3 décennies. Pourtant, le secteur du taxi aérien continue de connaître un grand nombre d'accidents et de pertes de vie. Pourquoi est-ce que ces accidents continuent de se produire? Comment est-ce que la sécurité peut être améliorée dans le secteur?
L'enquête sur une question de sécurité
Pour répondre à ces questions, le BST a lancé la présente enquête sur une question de sécurité (SII). La SII consistait en 2 phases.
Phase 1 : Examen des données sur les événements et des rapports d'enquête
A la première phase de la SII, l'équipe d'enquête a examiné les données sur les événements du BST, les rapports d'enquête publiés et des rapports rédigés par d'autres organisations sur la sécurité dans le secteur du taxi aérien.
L'équipe a analysé 716 événements survenus dans le secteur du taxi aérien qui ont été signalés au BST de 2000 à 2014 (la période de l'étude), afin de déterminer s'ils révélaient des points communs ou des tendances.
Une analyse statistique a montré une tendance à la baisse du nombre total d'accidents de taxi aérien pendant la période de l'étude. Toutefois, il n'y a eu aucune tendance similaire à la baisse du nombre d'accidents mortels ou de pertes de vie au cours de cette période.
Afin de déterminer les types d'accidents qui se sont produits pendant la période de l'étude, l'équipe a d'abord utilisé le système établi par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Cependant, le système de l'OACI ne s'est avéré insuffisamment descriptif, car il a été conçu pour les opérations de transport aérien régulier plutôt que pour le secteur du taxi aérien. De plus, le système rend compte des résultats des accidents, et non des circonstances qui ont mené à un accident, lesquelles étaient importantes pour la présente analyse.
L'examen des rapports d'enquête du BST sur 167 des événements survenus dans la période de l'étude a été plus révélateur. En utilisant la méthode qualitative de la théorie ancrée, les enquêteurs ont élaboré un processus pour catégoriser les types d'accident selon les circonstances des accidents décrits dans les rapports. L'analyse des données a permis de comprendre comment les accidents se produisaient (grâce à des descriptions précises).
Elle a révélé que le plus grand nombre de morts, dans les accidents d'avion aussi bien que d'hélicoptère, résulte de vols ayant commencé dans des conditions météorologiques de vol à vue, puis s'étant poursuivis jusqu'à un point où le pilote a perdu ses repères visuels au sol. La principale différence était la manière dont les vols se terminaient : une perte de maîtrise ou un impact sans perte de contrôle.
Les pilotes aux commandes dans ces accidents avaient au total, en moyenne, 5000 heures d'expérience. Il semblerait donc que l'expérience du pilote n'atténue pas les risques que ces types d'accidents se produisent.
L'analyse des données sur les accidents a aussi révélé que les facteurs ayant contribué aux accidents de taxi aérien qui sont survenus pendant la période de l'étude s'inscrivaient dans 2 grandes catégories :
- acceptation de pratiques non sécuritaires (p. ex., surcharger l'aéronef, voler dans des conditions de givrage prévues, ne pas consigner les anomalies dans le carnet de bord, voler avec de l'équipement inutilisable, « braver le mauvais temps », et voler avec des réserves de carburant insuffisantes);
- gestion inadéquate des dangers opérationnels (p. ex., réaction inadéquate envers un aéronef en état d'urgence, coordination inadéquate de l'équipage menant à une approche non stabilisée, vol selon les règles de vol à vue la nuit, perte de repères visuels dans des conditions météorologiques limites, absence de balances pour les calculs de masse et centrage.
La SII n'a pas permis de dégager de conclusion sur le taux d'accidents dans le secteur canadien du taxi aérien selon les heures de vol ou selon le nombre de mouvements (décollages ou atterrissages). Les données pertinentes sont recueillies ou déclarées pour l'ensemble de l'aviation commerciale, mais pas pour des secteurs particuliers (comme celui du taxi aérien) ou des types d'aéronefs particuliers (p. ex., hydravions ou hélicoptères). En outre, les données sur les mouvements ne sont pas enregistrées pour des lieux où les taxis aériens sont plus susceptibles de se rendre, comme des aéroports non contrôlés, des régions éloignées ayant des zones d'atterrissage non aménagées ou des lacs.
Phase 2 : Entrevues auprès de l'industrie
A la deuxième phase de la SII, des enquêteurs du BST ont mené des entrevues avec 119 personnes de 32 exploitants, ainsi que 6 inspecteurs de l'aviation civile de Transports Canada, afin de mieux comprendre les pressions auxquelles l'industrie doit faire face et les problèmes rencontrés dans leurs activités quotidiennes. Environ 300 heures d'enregistrements audio ont fourni une excellente source d'information sur le secteur du taxi aérien.
Les renseignements recueillis durant ces consultations ont été classés en 19 thèmes de sécurité établis selon la méthode qualitative d'analyse de la théorie ancrée. De l'analyse supplémentaire au sein de chaque thème (en utilisant des données d'accidents, des études précédentes et des recommandations du BST) a produit les conclusions suivantes (tableau S1).
Thème de sécurité | Conclusion |
---|---|
1. Aérodromes et infrastructure | Les collectivités éloignées et nordiques canadiennes doivent être pourvues d'aérodromes aux installations et à l'infrastructure appropriées pour que les exploitants de taxis aériens puissent leur offrir des services aériens sûrs. |
2. Disponibilité de personnel qualifié | Un personnel qualifié est essentiel pour la sécurité; un personnel compétent est un élément clé de la gestion du risque. |
3. Évitement des collisions en vol | Des procédures et des services d'évitement du trafic sont absolument nécessaires pour atténuer le risque de collision. |
4. Interruptions et distractions | Des politiques d'entreprise et des procédures d'utilisation normalisées bien pensées sont essentielles pour réduire les risques d'interruption ou de distraction du personnel. |
5. Évacuations aéromédicales | La nature particulière des évacuations aéromédicales peut provoquer énormément de stress chez les pilotes, ce qui peut avoir des répercussions néfastes sur leur prise de décisions. |
6. Vols de nuit | Des repères visuels adéquats sont essentiels à la sécurité des vols de nuit. |
7. Technologie embarquée | La technologie évoluée, si employée dans une opération, peut améliorer sensiblement la sécurité des activités de taxi aérien. |
8. Possibilités de survie | La résistance de l'aéronef à l'impact, les exposés de sécurité et l'équipement de secours sont autant de facteurs essentiels pour accroître les possibilités de survie des occupants en cas d'accident. |
9. Renseignements météorologiques | L'exactitude des renseignements météorologiques est un élément essentiel de la planification des vols. Elle permet aux pilotes de prendre des décisions éclairées en fonction des conditions météorologiques. |
10. Acceptation de pratiques non sécuritaires | Si des pratiques non sécuritaires ne sont pas reconnues et des mesures d'atténuation ne sont pas prises, ou si de telles pratiques sont acceptées au fil du temps en tant que méthodes de travail « normales », le risque d'accident est augmenté. |
11. Fatigue | L'altération du rendement due à la fatigue a un effet négatif sur la sécurité aérienne. |
12. Entretien des aéronefs de taxi aérien | Le maintien des aéronefs en état de service est essentiel à la sécurité des vols. |
13. Pression liée à l'opération | Les pressions internes et externes, y compris la pression de produire des résultats, peut influer négativement sur la sécurité. |
14. Prise de décisions du pilote (PDM) et gestion des ressources de l'équipage (CRM) | La PDM et la CRM sont des compétences cruciales qui aident les équipages de conduite à gérer les risques associés aux opérations aériennes. |
15. Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes | Il est essentiel de donner de la formation aux pilotes et autre personnel d'opérations aériennes pour perfectionner les connaissances et compétences dont ils ont besoin pour gérer efficacement les divers risques associés aux opérations de taxi aérien. |
16. Formation des techniciens d'entretien d'aéronef | Les techniciens d'entretien d'aéronef qui travaillent pour des exploitants de taxis aériens doivent posséder de vastes connaissances techniques pour que la maintenance assure l'état de navigabilité des nombreux différents types et modèles d'aéronefs utilisés dans ce secteur. |
17. Gestion de la sécurité | La gestion efficace de la sécurité est importante pour que les exploitants puissent proactivement cerner les dangers et réduire les risques au plus bas niveau raisonnablement possible. |
18. Cadre réglementaire | Pour atteindre un niveau de sécurité acceptable, la réglementation doit suivre les progrès réalisés en aviation. |
19. Surveillance réglementaire | Un système de surveillance réglementaire rigoureux portant sur la promotion, la surveillance et le renforcement de la sécurité est essentiel pour que les exploitants obtiennent le soutien dont ils ont besoin afin de gérer efficacement les risques liés à leur activité et d'être conformes aux règlements. |
Améliorer la sécurité
Pour comprendre comment ces questions de sécurité interagissent entre elles, l'équipe d'enquêteurs a analysé les thèmes de sécurité au regard du modèle des limites d'exploitation sûre (figure S2).
Dans ce modèle, le secteur du taxi aérien (ou un exploitant individuel) est représenté par le point opérationnel (cercle bleu). La façon dont l'exploitant ou le secteur d'activité gère les dangers ou les risques inhérents détermine la position du point opérationnel. Le point opérationnel est en mouvement constant. Il y a échec du système si ce point traverse une des limites du domaine d'exploitation sécuritaire. Ces limites sont les suivantes :
- les facteurs économiques (au-delà de cette limite, les coûts financiers deviennent insoutenables);
- les facteurs liés à la charge de travail (au-delà de cette limite, il manque de temps ou de ressources);
- les facteurs liés à la sécurité (au-delà de cette limite, il y a préjudice potentiel pour les travailleurs, les passagers ou le public).Note de bas de page 3
La limite marginale indique la profondeur de la marge de sécurité : plus les mécanismes de défense sont fragiles ou rares, plus la marge de sécurité est mince. Si le point opérationnel traverse la limite marginale, la sécurité de l'activité diminue; puis, si le point opérationnel traverse la limite de la sécurité, il y aura échec (un accident ou incident).
Ces diverses pressions influent sur la dynamique du système et sont elles-mêmes influencées par divers intervenants dans le secteur du taxi aérien (figure S3).
Pour améliorer la sécurité dans les opérations de taxi aérien, tous les intervenants, ensemble, doivent adopter une culture où les pratiques non sécuritaires sont inacceptables. Fonctionner en toute sécurité doit devenir la norme.
Les 22 recommandations actives du BST qui s'appliquent au secteur du taxi aérien doivent être mise en œuvre. En outre, les intervenants doivent agir ensemble aux fins suivantes :
- changer la culture de sécurité en utilisant des moyens modernes de gestion de la sécurité pour soutenir la prise de décisions du pilote (PDM) et la gestion des ressources de l'équipage (CRM);
- investir dans des mesures qui accroîtront les pressions de sécurité dans les opérations de taxi aérien : PDM/CRM, formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes, formation des techniciens d'entretien d'aéronef, gestion de la sécurité, cadre réglementaire et surveillance réglementaire;
- investir dans des mesures qui réduiront les pressions sectorielles (p. ex. amélioration des renseignements météorologiques) et les pressions opérationnelles (p. ex., gestion de la fatigue);
- améliorer la collecte de données pour pouvoir mieux évaluer l'efficacité des mesures de sécurité.
Le BST a formulé 4 nouvelles recommandations à la suite de la présente SII. Elles sont abordées ci-dessous.
Éliminer l'acceptation de pratiques non sécuritaires
Pour améliorer la sécurité du secteur du taxi aérien, il serait important que les clients, les passagers, les équipages et les exploitants n'acceptent pas des pratiques non sécuritaires, même si la marge de sécurité semble suffisante, et qu'ils s'expriment pour empêcher qu'elles se produisent. Cela exige des stratégies, des campagnes d'information et de l'éducation pour changer les valeurs, les attitudes et les comportements afin de créer une culture où des pratiques non sécuritaires sont inacceptables.
Par conséquent, le Bureau recommande que
le ministère des Transports collabore avec les associations du secteur pour mettre au point des stratégies, des produits éducatifs et des outils qui aideront les exploitants de taxis aériens et leurs clients à éliminer l'acceptation de pratiques non sécuritaires.
Recommandation A19-02 du BST
Promouvoir des processus de gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité positive
Beaucoup d'exploitants font partie d'associations, comme l'Association du transport aérien du Canada (ATAC), l'Association canadienne de l'hélicoptère (ACH), l'Association québécoise du transport aérien (AQTA), la Floatplane Operators Association (FOA) et la Northern Air Transport Association (NATA). De telles associations sont bien placées pour influer sur la sécurité dans le secteur et pourraient servir au partage de pratiques exemplaires, d'outils et de données sur la sécurité propres au secteur du taxi aérien. Elles pourraient également offrir de l'aide et de la formation pour mettre en œuvre une gestion de la sécurité axée sur la prévention qui englobe une culture de sécurité positive.
Par conséquent, le Bureau recommande que
les associations du secteur (p. ex., ATAC, ACH, AQTA, FOA, NATA) prônent des processus de gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité auprès des exploitants de taxis aériens, pour corriger les lacunes de sécurité cernées dans cette enquête sur une question de sécurité, par la formation et par le partage de pratiques exemplaires, d'outils et de données sur la sécurité propres au secteur du taxi aérien.
Recommandation A19-03 du BST
Correction des failles dans le cadre réglementaire du secteur de taxi aérien
Certains exploitants interviewés pour cette SII ont signalé des failles dans la réglementation et les normes en vigueur. Certains exploitants ont recommandé des pratiques qui vont au-delà des exigences réglementaires actuelles ou qui tiennent compte de concepts qui ne sont pas encore abordés par la réglementation. Par exemple, des exploitants effectuent tous les vols selon les règles de vol aux instruments, affectent 2 pilotes à toutes les opérations ou établissent leurs propres exigences minimales sur l'expérience de vol des pilotes.
Toutefois, confrontés à des pressions concurrentes, les exploitants pourraient choisir de simplement se conformer à la réglementation même si en déborder augmenterait la pression de sécurité. Par exemple, ils pourraient limiter les dépenses en formation en ne donnant que celle prescrite par la réglementation, même quand une formation spécialisée sur le vol en région montagneuse ou sur les possibilités de survie atténuerait les risques associés à l'exploitation.
Le niveau de sécurité dans le secteur du taxi aérien demeurera inégal tant qu'il y aura des failles dans le cadre réglementaire, comme celles cernées par la SII.
Par conséquent, le Bureau recommande que
le ministère des Transports examine les failles cernées dans la présente enquête sur une question de sécurité en ce qui concerne la sous-partie 703 du Règlement de l'aviation canadien et les normes connexes, et actualise la réglementation et les normes pertinentes.
Recommandation A19-04 du BST
Collecter des données sur les activités particulières au secteur du taxi aérien
Les données sur les activités (p. ex., le nombre d'heures de vol ou le nombre de décollages ou d'atterrissages) servent à calculer les taux d'accidents au Canada. Cependant, les données sur les activités sont recueillies ou déclarées pour l'ensemble de l'aviation commerciale, et non pour des secteurs particuliers (comme celui du taxi aérien) ou des types d'aéronefs particuliers (p. ex., hydravions ou hélicoptères). Sans données sur les heures de vol et les mouvements qui soient classées en fonction des sous-parties du RAC et du type d'aéronef, il sera plus difficile pour les intervenants du secteur du taxi aérien d'évaluer les risques et de déterminer l'efficacité réelle des stratégies d'atténuation mises en œuvre pour améliorer la sécurité.
Par conséquent, le Bureau recommande que
le ministère des Transports exige que tous les exploitants commerciaux rassemblent et déclarent les données sur les heures de vol et les mouvements pour leurs aéronefs par sous-partie du Règlement de l'aviation canadien et par type d'aéronef, et que le ministère des Transports publie ces données.
Recommandation A19-05 du BST
Prochaines étapes pour le BST
Le BST, pour sa part, entend donner suite à la présente SII en prenant les mesures suivantes :
- il communiquera les points saillants et les conclusions de la SII à Transports Canada, aux exploitants de taxis aériens, aux associations du secteur, aux clients, aux passagers et au grand public;
- il mènera des activités de sensibilisation du secteur du taxi aérien afin de communiquer les messages de sécurité de cette SII et d'aider les intervenants à comprendre leur responsabilité dans la création d'une culture où les pratiques non sécuritaires sont inacceptables et où les dangers opérationnels sont gérés de façon adéquate;
- il suivra les enquêtes sur des accidents de taxi aérien et les tendances en la matière dans les 5 années à venir, et communiquera ses constatations aux intervenants au moyen de ses activités de sensibilisation.
1.0 Introduction
Les taxis aériens offrent un large éventail de services aériens aux Canadiens. Des hélicoptères assurent le transport de personnes blessés ou malades vers des hôpitaux. Des hydravionsNote de bas de page 4 assurent le transfert des navetteurs d'un port à l'autre dans les villes côtières et le transport d'amateurs de chasse et de pêche vers des lacs éloignés. Les taxis aériens emmènent les ouvriers aux mines, aux sites d'extraction de pétrole et de gaz ou aux centrales hydroélectriques dans les régions sans routes. Ils assurent également le transport de personnes qui travaillent en foresterie, en exploration des ressources, en construction et en montage de lignes électriques. Ils fournissent des services de recherche et sauvetage. Ils secondent les opérations de transport aérien commercial en transportant des personnes qui vivent dans des collectivités éloignées jusqu'aux grands aéroports d'où elles pourront poursuivre leur voyage. Utilisant de petits aéronefs pour livrer des aliments et de l'équipement et transporter des passagers, les taxis aériens sont le seul moyen d'accéder aux collectivités de nombreuses régions éloignées du nord du Canada. Ces services aériens vitaux ont aidé à bâtir le Canada et à subvenir aux besoins de sa population.
1.1 Contexte opérationnel
Les taxis aériens sont exploités dans des environnements fort variés, et leur contexte opérationnel est très différent de celui auquel sont habitués la plupart des Canadiens qui voyagent en vol régulier.
Les compagnies de transport aérien offrent des services réguliers d'un aéroport à l'autre et effectuent principalement leurs vols dans des espaces aériens contrôlés (c.-à-d. assujettis au contrôle de la circulation aérienne). Leurs activités sont plus structurées et prévisibles, ne variant guère au quotidien. Elles disposent de renseignements météorologiques précis, d'une technologie de pointe et d'aérodromes dotés de pistes, et elles bénéficient du soutien de régulateurs des vols et d'autres employés. Grâce à l'infrastructure et au caractère prévisible de leurs activités, les compagnies de transport aérien contrôlent le risque dans une large mesure.
Les taxis aériens, par contre, ne sont pas toujours exploités selon des horaires déterminés. Souvent, ils se rendent dans des régions éloignées aux espaces aériens non contrôlés, sans aérodrome ni piste, ni aide à la navigation. Il arrive qu'ils n'aient pas accès à des rapports météorologiques sur les conditions actuelles et prévues ou à la technologie de pointe. Quelquefois, les pilotes n'ont pas le soutien d'un régulateur des vols (devant alors réguler eux-mêmes leurs vols) ou d'autre personnel.
Les taxis aériens et le transport aérien régulier sont assujettis à différentes sous-parties du Règlement de l'aviation canadien (RAC), tout comme les exploitants de services de travail aérien et de navette. Chaque type d'opération est défini dans l'encadré. Par rapport aux services aériens de navette ou de transport régulier, les exigences réglementaires visant la formation, les procédures d'utilisation normalisées (SOP) et l'équipement de bord, entre autres, sont moins strictes pour les services de taxi aérien.
Opérations aériennes commerciales assujetties au RAC
Bien que les activités de taxi aérien soient variées, elles sont toutes régies par le même règlement : la sous-partie 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Le RAC a été rédigé de manière à reconnaître les différences entre les segments du secteur, les avions plus petits (définis par le nombre de sièges homologué) étant assujettis à une réglementation moins stricte. Le RAC définit comme suit l'activité de taxi aérien :
703.01 La présente sous-partie s'applique à l'utilisation par un exploitant aérien canadien, dans le cadre d'un service de transport aérien ou d'un travail aérien comportant des excursions aériennes, des aéronefs suivants :
- un aéronef monomoteur;
- un aéronef multimoteur, autre qu'un avion à turboréacteurs, dont la MMHD [masse maximale au décollage certifiée] ne dépasse pas 8 618 kg (19 000 livres) et dont la configuration prévoit au plus neuf sièges, sans compter les sièges pilotes;
- b.1) un hélicoptère multimoteur certifié pour utilisation par un seul pilote et utilisé en vol VFR [règles de vol à vue];
- tout aéronef dont l'utilisation est autorisée sous le régime de la présente sous-partie par le ministre.
D'autres activités commerciales assujetties au RAC sont abordées dans le présent rapport :
- l'exploitation d'une entreprise de transport aérien (sous-partie 705) utilisant des aéronefs de 20 sièges ou plus, servant généralement pour des vols commerciaux avec passagers;
- les services aériens de navette (sous-partie 704) utilisant des aéronefs de 10 à 19 sièges ou plus, servant généralement pour des vols commerciaux et des vols nolisés sur demande;
- le travail aérien (sous-partie 702) utilisant des aéronefs pour des opérations particulières, comme la lutte contre les incendies de forêt ou la pulvérisation de pesticides sur les cultures.
En juillet 2018, il y avait environ 500 exploitants de taxis aériens, 87 exploitants de services aériens de navette et 38 exploitants d'entreprise de transport aérien régulier agréés au CanadaNote de bas de page 5. Les exploitants de ces 3 secteurs exploitent au total plus de 6000 aéronefs commerciaux immatriculésNote de bas de page 6.
Les opérations de taxi aérien sont exposées à plus de dangers et à des dangers différents par rapport à d'autres types d'aviation commerciale, et leur contexte opérationnel a une incidence sur les mesures d'atténuation pouvant être mises en place pour gérer les risques en vol, à l'aéroport et au sein de l'entreprise.
Les vols individuels ont tendance à être plus courts, et les décollages et atterrissages, plus fréquents. Les aéronefs sont soumis à des conditions météorologiques plus difficiles, car ils volent à plus basse altitude et au-dessus de reliefs accidentés, côtiers ou septentrionaux. Beaucoup de pilotes naviguent selon les règles de vol à vue (VFR) en établissant des repères visuels au sol au lieu d'utiliser uniquement les instruments.
Les aéroports où ces aéronefs atterrissent sont plus petits que les grands aéroports du pays et se trouvent souvent dans des endroits éloignés où les services et l'infrastructure sont moins développés. Les pilotes (en particulier d'hélicoptères) sont donc parfois amenés à atterrir sur des aires d'atterrissage non aménagées, des pistes gravelées, des lacs ou des surfaces gelées.
Les exploitants de taxis aériens sont souvent plus petits et ont moins de personnel que les exploitants de services aériens de navette et de transport aérien régulier. En outre, les équipages de conduite interviennent plus directement dans la gestion de nombreux risques opérationnels que dans d'autres secteurs; la plupart des exploitants ont recours à la régulation des vols par le pilote, et les pilotes sont souvent en contact direct avec les clients. Les aéronefs sont plus petits que ceux utilisés dans les services aériens de navette et de transport aérien régulier (maximum de 9 passagers) et, dans de nombreux cas, ils sont plus anciens (certains ont plus de 70 ans).
En raison de la nature des activités de taxi aérien, les exploitants sont soumis à d'autres pressions qui sont propres à ce secteur. Voici quelques exemples :
- Dès la débâcle printanière, les compagnies qui organisent des séjours de pêche sauvage doivent parfois travailler à la hâte pour préparer les pourvoiries éloignées avant l'ouverture de la saison de pêche.
- Les exploitants qui assurent le transport par hydravion de passagers en provenance ou à destination de camps éloignés doivent surveiller de près les températures l'automne afin de garantir le retour des chasseurs et de leur gibier avant le gel des lacs. À la fin de la saison, ils doivent également fermer les camps et dans certains cas interrompre leurs activités pour l'hiver.
- Les pilotes qui effectuent des évacuations aéromédicales peuvent se sentir contraints d'effectuer un vol, ce qui peut compromettre leur jugement. Même s'ils ne sont pas informés de la gravité de la maladie ou des blessures du patient, ils peuvent tirer certaines conclusions si, par exemple, du matériel de traumatologie est embarqué à bord de l'aéronef.
- Les compagnies et les pilotes peuvent se sentir obligés d'évacuer une équipe de topographes avant qu'une grosse tempête ne les isole pendant des jours.
- Certains pilotes se rendent parfois sur plusieurs sites dans une même journée pour ramener ou déposer des travailleurs, ce qui les force à modifier constamment leurs opérations en fonction des conditions météorologiques, des vents, de la géographie, des horaires, de l'équipement et des différentes configurations de l'aéronef.
Outre ces défis, les compagnies, le personnel et les aéronefs qui participent à des activités de taxi aérien prennent souvent part à des opérations régies par d'autres sous-parties du RAC, comme les services aériens de travail ou de navette et de transport aérien régulier. Les compagnies doivent donc respecter les dispositions particulières de différentes sous-parties de la réglementation, ce qui peut compliquer la logistique et la planification.
1.2 Taux et nombre d'accidents d'aéronef au Canada
Le taux d'accidents d'aéronef, c'est-à-dire le nombre d'accidents en fonction des heures de vol ou du nombre de mouvements (décollages ou atterrissagesNote de bas de page 7), est un des indicateurs clés de la sécurité aérienne et fournit une estimation du risque d'accident. En l'absence de données sur le taux, l'enquête sur une question de sécurité (SII) n'avait accès qu'à des données de fréquence (par exemple, le nombre d'accidents et le nombre de pertes de vie).
1.2.1 Taux d'accidents pour l'ensemble des aéronefs immatriculés au Canada, de 2000 à 2017
Le taux d'accidents peut être calculé pour l'ensemble des aéronefs immatriculés au Canada, nombre qui comprend les aéronefs commerciaux et privés, à l'exclusion des avions ultralégersNote de bas de page 8. Ce taux d'accidents global donne une indication des tendances au Canada en matière d'accidents pour tous les aéronefs commerciaux et privés. Le taux peut être établi selon le nombre d'heures de vol ou le nombre de mouvements. Ce calcul a été fait pour les années 2000 à 2017.
À la fin de cette période, en 2017, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) avait enregistré 198 accidents, au Canada et à l'étranger, d'avions ou d'hélicoptères immatriculés au Canada. Ce nombre se situe à 2 % des résultats de l'année précédente (194), à 9 % sous la moyenne quinquennale (217) et à 14 % sous la moyenne décennale (231).
Chaque année, les données sur les heures de vol sont collectées pour l'ensemble des aéronefs immatriculés au Canada. À partir de ces données, Transports Canada fournit une estimation du nombre total d'heures de vol annuelles, au Canada et à l'étranger, des aéronefs immatriculés au Canada. Son estimation pour 2017 est de 4 565 000 heures, ce qui est environ 2 % de plus que l'estimation de l'année précédente. Le taux d'accidents était donc de 4,3 accidents par 100 000 heures de vol en 2017. Au cours des 18 années de 2000 à 2017, le taux d'accidents par 100 000 heures de vol a constamment baissé (figure 1)Note de bas de page 9.
Ce taux d'accidents se rapporte aux activités de l'ensemble des aéronefs immatriculés au Canada, y compris leurs activités à l'étranger. Comme il n'existe aucune estimation des activités liées à l'exploitation des taxis aériens en particulier, il est impossible de déterminer le taux d'accidents par heures de vol pour ce secteur seulement.
Des données sur les mouvements sont collectées pour tous les aéronefs civils immatriculés au Canada et à l'étranger exploités au Canada. À partir de ces données, Statistique Canada estime qu'il y a eu au total 6 122 671 mouvements d'aéronefs civils au Canada en 2017. (Ce nombre ne comprend pas les mouvements d'avions immatriculés au Canada à l'extérieur du pays.) L'estimation pour 2017 est légèrement supérieure à celle de 2016 et se situe entre les moyennes quinquennale (6 006 231) et décennale (6 217 814).
En 2017, il y a eu 195 accidents d'avion et d'hélicoptère au Canada (y compris des accidents d'aéronefs immatriculés à l'étranger). Ce total est près de celui de l'année précédente (196), mais il est inférieur de 11 % à la moyenne quinquennale (219) et de 17 % à la moyenne décennale (234). Le taux d'accidents d'avion et d'hélicoptère dans l'aviation civile au Canada était ainsi de 3,2 accidents par 100 000 mouvements.
Le taux d'accidents par mouvements a baissé constamment au cours des 18 années entre 2000 et 2017 (figure 2)Note de bas de page 10. Les estimations et les données utilisées pour calculer ce taux s'appliquent toutefois à l'ensemble du secteur de l'aviation commerciale, et il est impossible de calculer ce taux pour le seul secteur du taxi aérien
Qu'il s'agisse du taux selon les heures de vol pour les aéronefs immatriculés au Canada et exploités au pays et à l'étranger ou qu'il s'agisse du taux selon le nombre de mouvements pour les aéronefs immatriculés au Canada ou à l'étranger exploités au pays, dans les 2 cas, le taux d'accidents a baissé constamment dans les 18 dernières années.
1.2.2 Nombre d'accidents dans le secteur du taxi aérien, de 2000 à 2017
Il est impossible de calculer le taux d'accidents seulement pour les taxis aériens, que ce soit par heures de vol ou par nombre de mouvements, car ces données ne sont pas recueillies en fonction de chacune des sous-parties du RACNote de bas de page 11.
Quoiqu'on ne dispose pas de données sur les activités pour déterminer le taux d'accidents seulement pour le secteur du taxi aérien, on a noté une tendance à la baisse du nombre total d'accidents de taxi aérien au cours de la période de 18 ans de 2000 à 2017Note de bas de page 12, en particulier après 2008. Cela concorde avec la réduction notée pour l'ensemble des aéronefs immatriculés au Canada (voir la section 1.2.1 Taux d'accidents pour l'ensemble des aéronefs immatriculés au Canada, de 2000 à 2017).
Cependant, malgré la tendance à la baisse du nombre total d'accidents, le nombre d'accidents mortels et de morts n'a pas affiché de tendance prononcée à la baisseNote de bas de page 13,Note de bas de page 14 (figure 3).
Le nombre de certificats d'exploitation aérienne dans le secteur du taxi aérien de 2000 à 2017 a également baissé (figure 4). Ce nombre peut donner une idée du niveau d'activité dans le secteur, montrant une baisse du nombre d'exploitants de taxis aériens au fil du temps. Toutefois, sans données précises sur les heures de vol ou les mouvements de taxis aériens, il est impossible de déterminer les facteurs qui contribuent à la baisse générale observée.
1.3 Un secteur préoccupant
La sécurité dans le secteur du taxi aérien est un sujet qui préoccupe et qui fait l'objet de nombreux examens et études (annexe A) depuis plus de 27 ans. En raison de son contexte opérationnel, ce secteur de l'aviation commerciale est exigeant et connaît un nombre élevé d'accidents, et surtout, d'accidents mortels.
Au cours des 18 années entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2017, on a recensé 789 accidents de taxi aérien qui ont fait au total 240 morts. Cela correspond à 55 % des accidents et 62 % des pertes de vie qui ont eu lieu pendant la même période dans l'aviation commerciale au Canada. Par contraste, les compagnies de transport aérien régulier au Canada ont connu 93 accidents (6 % du total) et 15 pertes de vie (4 % du total) au cours de la même période (figure 5).
1.4 Coûts économiques et humains des accidents
Outre les coûts humains évidents d'un accident (morts et blessures des personnes touchées, par exemple passagers, de membres d'équipage, des personnes au sol), les coûts économiques peuvent être importants et incluent les éléments suivants :
- dommages matériels à l'aéronef;
- perte d'utilisation de l'aéronef;
- nettoyage des lieux d'accident contaminés;
- coûts liés au retard ou à l'annulation de vols;
- fermeture d'aéroport ou perturbation des activités;
- perte de bagages et de cargaisons;
- coûts d'activités de recherche et sauvetage;
- coût d'intervention immédiate de la compagnie en cause dans l'accident;
- coût des enquêtes sur les accidents menées par les gouvernements, les exploitants, les constructeurs et d'autres intervenants;
- indemnités d'assurance et litiges;
- augmentation des primes d'assurances;
- perte de réputation pour l'exploitant, le constructeur ou l'industrie;
- perte de contrats ou de clientèle future pour l'exploitant.
Vu le grand nombre d'accidents mortels dans le secteur du taxi aérien, les coûts économiques et humains sont élevés. Beaucoup d'accidents et de pertes de vie dans le secteur du taxi aérien pourraient être évités, et de nombreux accidents sont dus à des dangers et à des risques récurrents et persistants. Bien que ces dangers et ces risques aient fait l'objet de plusieurs examens et de recommandations préconisant des mesures d'atténuation, ils continuent de provoquer des accidents. Le nombre d'accidents a globalement baissé, mais ces dangers et ces risques perdurent depuis des décennies, malgré les améliorations des connaissances, de la technologie et des pratiques qui pourraient les atténuer.
1.5 Enquête sur une question de sécurité
À la lumière des données sur les accidents et compte tenu des dangers et des risques persistants et récurrents auxquels font face les taxis aériens, le BST a lancé une SII en mai 2015. Une enquête de ce type est lancée lorsque :
des événements ayant des caractéristiques communes et qui, avec le temps, ont établi un fil conducteur. Ce fil conducteur comprend un ou plusieurs risques de sécurité importants déjà cernés par le BST ou par d'autres organisations d'autres pays au cours de leurs enquêtes, ou une question d'intérêt issue d'analyses statistiquesNote de bas de page 15.
La présente enquête visait à comprendre les dangers et facteurs de risque du secteur du taxi aérien au Canada, et pas uniquement les dangers et facteurs de risque d'un segment précis (comme l'exploitation d'hélicoptères ou d'hydravions). Elle comprenait un examen de la documentation (recommandations du BST et études précédentes), une analyse des données du BST sur les événements, et une consultation auprès de l'industrie pour obtenir des données qualitatives.
Son objectif était de répondre, grâce aux renseignements issus de toutes ces sources, aux questions suivantes :
- Quels sont les dangers et facteurs de risque des activités de taxi aérien, étant entendu que leur contexte opérationnel contribue à des accidents?
- Comment les dangers et facteurs de risque sont-ils gérés?
- Quelles autres mesures d'atténuation faut-il prendre pour améliorer la sécurité dans les activités de taxi aérien au Canada?
La SII visait à cerner les questions de sécurité systémiques sous-jacentes qu'il faut résoudre afin de réduire les risques permanents menaçant les activités de taxi aérien partout au Canada.
2.0 Des inquiétudes de longue date
2.1 Études précédentes sur la sécurité des activités de taxi aérien
Au moins 17 études ont cherché à cerner et à comprendre les dangers et les risques liés au secteur du taxi aérien. Elles ont été menées par des organisations comme Transports Canada (TC), le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST), la Federal Aviation Administration des États-Unis, le coroner en chef de la Colombie-Britannique, et divers organismes du gouvernement fédéral canadien. L'annexe A présente une liste détaillée de ces études.
Comme chaque étude a été menée par un groupe ou un organisme se préoccupant d'un sujet particulier, la liste complète des problèmes établis est longue : il en existe des douzaines, certains d'ordre général (culture et mentalités dans le secteur du taxi aérien au Canada), certains plus spécifiques (vols de nuit selon les règles de vol à vue) et certains extrêmement spécifiques (survie après impact lors d'accidents d'aéronefs civils en travail aérien en Alaska, de 2004 à 2009). Il fallait probablement s'attendre à ce que la liste soit aussi longue, compte tenu, notamment, de la diversité des aéronefs, du personnel, de la topographie et des exigences opérationnelles de ce secteur. Il y a pourtant des similitudes : certains problèmes reviennent dans plusieurs études (11 au total) :
- processus décisionnel et facteurs humains;
- formation;
- conditions météorologiques;
- limites de l'équipement des aéronefs;
- compétences des pilotes;
- perte des repères visuels;
- possibilités de survie du pilote ou des occupants;
- transition vers les systèmes de gestion de la sécurité;
- surveillance par TC;
- infrastructure et financement;
- pressions opérationnelles.
2.2 Recommandations actives du BST
Sur les 37 recommandations actives du BST sur la sécurité du transport aérien, 22sont applicables aux activités de taxi aérien au Canada (annexe B) Note de bas de page 16. Une de ces recommandations date de plus de 20 ans.
Le tableau 1 montre une ventilation des recommandations actives du BST qui s'appliquent aux activités de taxi aérien, selon la durée de la période à l'état actif.
Période à l'état actif | Nombre de recommandations |
---|---|
Moins de 8 ans | 21 |
Plus de 20 ans | 1 |
Total | 22 |
2.3 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance du BST indique les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sécuritaire. Les enjeux figurant sur la Liste de surveillance 2018 ont fait l'objet de faits établis de rapports d'enquête, de préoccupations liées à la sécurité communiquées par le Bureau et de recommandations du Bureau. Certains d'entre eux figurent sur la Liste de surveillance depuis 2010, tandis que d'autres y ont été ajoutés en 2018. Tous nécessitent un effort concerté des organismes de réglementation et des intervenants de l'industrie afin d'obtenir des améliorations.
Le tableau 2 indique 5 grands enjeux de sécurité de la Liste de surveillance 2018 concernant l'ensemble des opérations aériennes au Canada.
Enjeu | Contexte | Mesures à prendre |
---|---|---|
Risque de collisions dues aux incursions sur piste |
|
Cet enjeu restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :
|
Sorties en bout de piste |
|
Cet enjeu restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :
|
Gestion de la sécurité et surveillance |
|
Cet enjeu restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :
|
Lenteur de la réaction aux recommandations du BST |
|
Cet enjeu restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :
|
Gestion de la fatigue dans le transport ferroviaire, maritime et aérien |
|
Cet enjeu restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :
|
* Gouvernement du Canada, Gazette du Canada, Partie II, vol. 152, no 25 (7 décembre 2018), Règlement modifiant le Règlement de l'aviation canadien (parties I, VI et VII – heures de travail des membres d'équipage de conduite et périodes de repos)
3.0 Méthode d'étude
3.1 Sources de données
Des données quantitatives et qualitatives ont été collectées et analysées pour les besoins de la présente enquête sur une question de sécurité (SII).
Dans le cadre de l'analyse, les données du Bureau de la sécurité des transports (BST) ont été limitées à la période de 2000 à 2014 – la « période de l'étude » –, afin de n'utiliser que les données d'enquêtes terminées et de rapports d'enquête publiés. Les données présentées à la section 1.2 Taux et nombre d'accidents d'aéronef au Canada du présent rapport ont été mises à jour pour inclure les années 2000 à 2017, afin de saisir les tendances globales au Canada.
L'analyse qualitative a été réalisée au moyen d'une étude fondée sur la théorie ancrée dans des données empiriques (ou théorie ancrée) Note de bas de page 17 et la méthode d'analyse comparative constante des données Note de bas de page 18.
Le tableau 3 résume les sources de données, les méthodes d'analyse et les périodes d'analyse.
Description des données et période de l'étude | Méthode générale d'analyse et taille de l'échantillon | Processus d'analyse qualitative |
---|---|---|
Accidents de taxi aérien signalés au BST de 2000 à 2014 |
|
|
Données issues des entrevues avec certains exploitants de taxis aériens et des inspecteurs de Transports Canada (TC) |
|
|
Les 2 ensembles de données ont été analysés selon une méthode intégrée |
|
|
* Des 167 rapports d'enquête, tous sauf 5 ont été classés dans la catégorie « accidents »; les 5 « incidents » pour lesquels des rapports d'enquête ont été publiés ont été inclus afin que l'équipe de la SII puisse comprendre les facteurs causals et contributifs des risques de collision au sol ou de collision en vol. Ces 5 incidents ont été exclus de l'analyse quantitative, qui portait uniquement sur les accidents. L'information issue des rapports publiés par le BST a servi à établir les catégories d'accidents.
** J. W. Creswell, Qualitative Inquiry and Research Design: Choosing Among Five Approaches, 2e édition (Sage Publications : Thousand Oaks, 2007), p. 64–68.
*** D. D. Woods, J. Schenk et T. T. Allen, « An initial comparison of selected models of system resilience », dans C. P. Nemeth, E. Hollnagel et S. Dekker (rédac.), Resilience Engineering Perspectives, Volume 2: Preparation and Restoration (CRC Press, 2009), pp. 183–213).
Les sections 3.2, 3.3 et 3.4 du présent rapport décrivent de manière plus profonde comment les données recueillies lors de chaque phase de la SII ont été analysées.
3.2 Données sur les événements et rapports d'enquête publiés du BST
3.2.1 Données sur les événements
La première phase de la SII consistait en une analyse des données sur tous les accidents qui se sont produits au cours d'activités de taxi aérien et qui ont été signalés au BST du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2014. Cette période de 15 ans a été choisie parce que l'intervalle est suffisant pour faire ressortir les tendances et que les rapports d'enquête ont été publiés. L'ensemble de données issu du Système d'information sur la sécurité aérienne (SISA) du BST contenait 716 accidents. On a tabulé et examiné les données sur ces accidents afin d'établir les tendances, les anomalies ou les points d'intérêt en tenant compte des facteurs suivants :
- année de l'événement;
- accidents mortels et accidents non mortels;
- nombre de morts;
- type d'aéronef (hydravion ou hélicoptère);
- catégorie d'événement aéronautique de l'Organisation de l'aviation civile internationale (voir la section 4.1.2.1 Avions).
3.2.2 Examen des rapports d'enquête publiés
Au cours de la période de l'étude, le BST a publié des rapports d'enquête sur 162 des 716 accidents de taxi aérien et sur 5 incidents de taxi aérien, pour un total de 167 rapportsNote de bas de page 19. Ces rapports ont été analysés pour en extraire les dangers communs, les faits établis quant aux causes, aux facteurs contributifs et au risque, et les recommandations. Les renseignements issus des rapports ont été comparés, puis successivement classés en types d'accident descriptifs. Les questions suivantes ont orienté l'analyse :
- Quelles sont les conditions dangereuses et quels sont les actes dangereuxNote de bas de page 20 qui ont causé des accidents ou y ont contribué?
- Dans quelle mesure ces conditions et ces actes dangereux sont-ils gérés, ou mal gérés?
- Quelles sont les mesures d'atténuation mises en œuvre pour gérer les dangers et facteurs de risque connexes?
- Existe-t-il des facteurs récurrents liés à certains types d'accidents?
- Existe-t-il des facteurs récurrents liés aux accidents mortels?
Les descriptions et explications de chaque type d'accident ont été rédigées puis révisées. Il y a un type d'accident et une description pour chaque catégorie. Cette approche s'agit d'une étude de méthode ancrée. La méthode d'analyse comparative constante a été utiliséeNote de bas de page 21.
Les autres accidents de taxi aérien (554 accidents signalés pour lesquels aucun rapport d'enquête n'a été publié) ont été ensuite classés selon les types d'accidents établis au cours de la SII en utilisant les renseignements limités figurant dans les résumés d'événements du SISANote de bas de page 22.
Les tendances qu'on a cernées relativement aux dangers contribuant à certains types d'accidents ont donné du poids à la préoccupation du Bureau sur le taux plus élevé d'accidents chez les exploitants de taxis aériens par rapport aux exploitants de services aériens de navette, de travail et de transport aérien régulier. Le contexte opérationnel (p. ex., hélicoptère effectuant un vol selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments, aéronef à voilure fixe nécessitant une coordination des membres de l'équipage ou hydravion exploité en surcharge) est le facteur dominant qui est apparu dans chaque type d'accident. Il a toutefois fallu collecter d'autres données que celles contenues dans les rapports d'accident pour valider les dangers et facteurs de risque, expliquer les questions de sécurité sous-jacentes, repérer les mesures d'atténuation en place et déterminer quelles mesures d'atténuation devaient être prises. Le BST voulait découvrir ce qui se passait dans le secteur.
3.3 Information issue des consultations auprès de l'industrie
Au cours de la deuxième phase de la SII, les exploitants de taxis aériens ont été invités à participer à un sondage par courriel ainsi qu'à des entrevues dirigées. Ce sondage et ces entrevues ont permis de valider les résultats de l'analyse menée au cours de la première phase de la SII et d'obtenir plus de renseignements sur les dangers, les mesures d'atténuation en place et les mesures d'atténuation à prendre dans le secteur du taxi aérien.
3.3.1 Sondage
Lorsque la SII a été lancée (en mai 2015), environ 550 compagnies détenaient un certificat d'exploitation aérienne pour mener des activités de taxi aérien au Canada. En mars 2016, un sondage de 4 questions sur des problèmes de sécurité a été envoyé à 524 adresses courriel confirmées, ce qui représente une grande partie des titulaires de certificat d'exploitation aérienne. Le taux de participation a cependant été faible : moins de 2 %. Il a été impossible de déterminer pourquoi ce taux a été si bas. Le peu d'information recueilli par le sondage a été inclus dans l'analyse des transcriptions des entrevues à titre d'information complémentaire, mais ne fait pas partie des données de base de l'enquête.
3.3.2 Entrevues
3.3.2.1 Entrevues avec les exploitants
Les 550 exploitants de taxis aériens dont l'adresse de courriel était valide et qui étaient disponibles ont été invités à participer à des entrevues. La sélection des exploitants rencontrés s'est faite selon une stratégie d'échantillonnage dirigé et stratifiéNote de bas de page 23, qui comprenait en outre des stratégies de variation maximaleNote de bas de page 24 et axées sur la théorieNote de bas de page 25.
On utilise les stratégies d'échantillonnage dirigé en recherche qualitative pour mieux comprendre le thème ou le phénomène sur lequel porte l'enquête (dans ce cas-ci, les dangers et les risques inhérents à l'exploitation de taxis aériens au Canada). On utilise une telle stratégie non seulement pour sélectionner l'échantillon, mais aussi pour l'analyse.
Les facteurs pris en compte dans la stratégie d'échantillonnage ont été dérivés de l'analyse des rapports d'enquête du BST :
- répartition géographique au Canada;
- opérations avec des aéronefs à voilure fixe (avions) et à voilure tournante (hélicoptères);
- opérations à un seul pilote et à équipage multiple;
- opérations spécialisées (hydravions, évacuations aéromédicales [MEDEVAC]).
La stratégie d'échantillonnage dirigé a été utilisée pour atteindre la « saturation » dans les domaines de cette analyse jugés comme importants et contributifs. On considère avoir atteint la saturation de description ou d'explication lorsque l'on constate la répétition constante de cas similaires, et qu'on cesse de trouver de nouveaux renseignements qui générerait de nouvelles propriétés. En analyse quantitative, cette saturation est un « signal d'arrêt » : lorsqu'on atteint la saturation, la collecte et l'analyse des données cessentNote de bas de page 26.
Quelque 119 personnes de 32 exploitants ont participé aux entrevues. Des individus travaillant chez un exploitant étaient invités à participer.
Les exploitants qui ont participé à ces entrevues possédaient des flottes de 1 à plus de 40 aéronefs. Certains d'entre eux détenaient uniquement un certificat d'exploitation aérienne émis en vertu de la sous-partie 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), tandis que d'autres détenaient des certificats d'exploitation aérienne émis en vertu de plus d'une sous-partie du RAC (702, 703, 704 ou 705).
Du personnel travaillant à tous les échelons et occupant divers postes dans différents types d'opérations a été interviewé :
- seul pilote ou équipage multiple;
- avion, hydravion et hélicoptère;
- règles de vol à vue et règles de vol aux instruments;
- évacuations aéromédicales (MEDEVAC).
3.3.2.2 Entrevues avec l'organisme de réglementation
Outre le personnel des exploitants, 6 inspecteurs de l'aviation civile de l'administration centrale et des bureaux régionaux de TC ont été interrogés. La liste de ces inspecteurs avait été transmise par TC.
3.3.2.3 Questions posées lors des entrevues et résumé
Les entrevues ont été guidées à l'aide d'un questionnaire standard portant sur :
- le type de vols opérationnels effectués par la compagnie;
- les facteurs présentant le risque le plus menaçant pour la sécurité;
- les principaux types d'accidents définis à la phase 1 de la SII;
- les mesures d'atténuation en place;
- les mesures d'atténuation à prendre.
Les entrevues ont produit environ 300 heures d'enregistrements. L'enregistrement de chacune des entrevues a été résumé sur papier pour les besoins d'analyse afin de cerner les dangers courants, les types d'accidents, les mesures d'atténuation en place et les mesures d'atténuation à prendre. Les transcriptions ont été comparées, puis classées itérativement selon les différents types de problèmes de sécuritéNote de bas de page 27.
Les transcriptions sommaires des entrevues ont été analysées par l'entremise d'une étude de théorie ancrée qui utilisait la méthode d'analyse comparative constanteNote de bas de page 28. On a d'abord utilisé un codage exploratoire pour analyser les transcriptions sommaires Note de bas de page 29. Lorsque la description ou l'explication a commencé à prendre forme, on a analysé les autres transcriptions sommaires jusqu'à ce que les thèmes de sécurité « arrivent à maturité » et qu'il semble que la saturation (ou quasi-saturation) soit atteinte. À ce stade, les thèmes de sécurité ont été formulés et présentés à des experts, qui ont raffiné les descriptions de ces thèmes de sécurité en fonction de leur expérience dans le secteur. Ce processus a été long et rigoureux, et il a permis de mieux comprendre des phénomènes complexes dans lesquels les interrelations entre facteurs empêchent habituellement l'analyse numérique traditionnelle.
3.4 Donner un sens aux données
Les thèmes de sécurité qui sont ressortis de ce processus (19 au total) ont été retenus comme principale source d'information pour la comparaison croisée. Les résultats de l'étude documentaire (faits établis et recommandations de rapports d'enquête sur des accidents publiés, de même qu'études de sécurité antérieures) ont été ajoutés à ces thèmes de sécurité. Les thèmes de sécurité étoffés ont ensuite fait l'objet d'une comparaison croisée plus poussée, selon la méthode d'analyse comparative constante des données.
Il en est ressorti 3 thèmes plus généraux, nommés « pressions ».
Ces pressions ont ensuite été mises en correspondance avec le modèle des limites d'exploitation sûre, qui consiste en une explication théorique de la structure et du mode de fonctionnement de systèmes tels que le secteur du taxi aérien. Grâce à ce modèle, il a été possible de raffiner encore une théorie afin d'expliquer les dangers et les facteurs de risque qui persistent dans les activités de taxis aériens au Canada.
La section 4.1, Information issue des données sur les événements et des rapports d'enquête publiés du BST La section 4.2, Information issue des consultations auprès de l'industrie, La section 5.0, Discussion, section 4.0, Renseignements recueillis durant l'enquête section 5.3, Information issue de la phase 1 et de la phase 2, Note de bas de page 30 La section 6.0, Conclusion,4.0 Renseignements recueillis durant l'enquête
4.1 Information issue des données sur les événements et des rapports d'enquête publiés du BST
4.1.1 Données pour la période de l'étude (2000 à 2014)
De 2000 à 2014, il y a eu 716 accidents dans le secteur du taxi aérienNote de bas de page 31. De ces 716 accidents, 100 ont été mortels et ont causé 227morts (93 membres d'équipage, 133 passagers et 1 personne au sol) et des blessures graves à 150 autres personnes (47 membres d'équipage, 99 passagers et 4 personnes au sol).
On a noté une tendance à la baisse du nombre total d'accidents de taxi aérien durant la période de l'étude (figure 6)Note de bas de page 32,Note de bas de page 33. Toutefois, contrairement au nombre total d'accidents, il n'y a eu aucune tendance à la baisse du nombre d'accidents mortels ou de pertes de vie au cours de la période de l'étudeNote de bas de page 34.
Au cours de cette période de 15 ans, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enregistré une moyenne de 6,7 accidents mortels de taxi aérien par an et de 15,1 morts par an.
Dans cette période, les accidents de taxi aérien comptaient pour 56 % des accidents survenus dans le secteur de l'aviation commerciale au Canada et 64 % des pertes de vie. En comparaison, les compagnies de transport aérien régulier au Canada ont connu peu d'accidents (80, soit 28 % du total) ou de pertes de vie (14, soit 4 %) au cours de la même période (figure 7).
4.1.2 Accidents par type d'aéronef et d'activité
Les accidents de cet ensemble de données ont été classés dans les catégories suivantes : avions, hélicoptères, hydravions et évacuations aéromédicales (MEDEVAC), ainsi que dans les catégories d'événement de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
4.1.2.1 Avions
De 2000 à 2014, il y a eu 476 accidents d'avion dans le secteur du taxi aérien, dont 65 (14 %) ont été mortels. Au cours de cette période, le nombre total d'accidents d'avion de ce secteur a diminué, mais aucune tendance claire n'a pu être établie concernant le nombre d'accidents mortels et de morts (figure 8)Note de bas de page 35.
Conformément à la tendance à la baisse du nombre total d'accidents, dans la dernière année de la période de l'étude (2014), il n'y avait que 18 accidents, dont 1 mortel (2 morts). Ces chiffres sont bien inférieurs aux moyennes décennales précédentes de 30,5 accidents, 4,6 accidents mortels et 12,4 morts.
4.1.2.2 Hélicoptères
Au cours de la période de l'étude, 35 des 240 accidents d'hélicoptère (15 %) dans le secteur du taxi aérien ont été mortels. Il y a eu en moyenne 16 accidents d'hélicoptère par an (16,9 accidents au cours de la décennie avant 2014), avec un sommet de 31 accidents en 2006 (figure 9). Contrairement aux avions, il n'y a pas eu de baisse évidente du nombre d'accidents d'hélicoptère Note de bas de page 36.
Au cours de la dernière année de la période de l'étude, il y a eu 14 accidents d'hélicoptère, dont aucun n'a été mortel.
4.1.2.3 Hydravions
Sur les 476 accidents d'avion qui se sont produits pendant la période de l'étude, 168 (soit 35 %) mettaient en cause des hydravions. À l'instar des faits observés sur l'ensemble des accidents d'avion, le nombre total d'accidents d'hydravion au cours de la période de l'étude a diminué graduellement. Cependant, le nombre d'accidents mortels et de morts n'a révélé aucune tendance particulière (figure 10) Note de bas de page 37.
En 2014, il y a eu 4 accidents d'hydravion, ce qui est inférieur aux chiffres des 2 années précédentes (8 accidents par an) et à la moyenne décennale (10,7 accidents par an). Aucun des accidents d'hydravion en 2014 n'a été mortel, alors qu'au cours des 10 années précédentes, il s'est produit chaque année, en moyenne, 2,0 accidents mortels et 6,1 morts.
4.1.2.4 Évacuations aéromédicales
Pour effectuer des évacuations aéromédicales, les exploitants de taxis aériens utilisent des avions et des hélicoptères. Au cours de la période de l'étude, il y a eu 28 accidents lors d'évacuations aéromédicales, dont 4 mortels ayant fait 8 morts. La décennie précédant 2014 affiche une moyenne de 2,1 accidents par an, dont 0,3 accident mortel et 0,6 mort par an (figure 11).
4.1.3 Accidents selon les catégories d'événements de l'Organisation de l'aviation civile internationale
Il est possible de scruter davantage les accidents en examinant les événements qui y ont contribué ou qui étaient en cause. L'enquête sur des questions de sécurité (SII) a analysé les accidents et les risques de collision afin de les classer dans les catégories d'événements établies par l'OACI. La taxonomie utilisée par l'OACI permet de classer les événements dans plusieurs catégories. Par exemple, si une panne de moteur survenait et était suivie d'une perte de maîtrise, l'événement serait classé dans 2 catégoriesNote de bas de page 38.
Les figures 12 et 13 donnent une répartition des catégories d'événements de l'OACI les plus courantes pour les accidents d'avion et d'hélicoptère, respectivement. La première catégorie d'événement de l'OACI, pour les accidents tant d'avion que d'hélicoptère, a été la perte de maîtrise en vol. La catégorie des collisions avec des obstacles lors du décollage et de l'atterrissage est en deuxième position pour les 2 types d'aéronefs. L'impact sans perte de contrôle est la troisième catégorie d'accidents d'hélicoptère et la cinquième pour les avions. La panne ou le mauvais fonctionnement d'un circuit ou d'un composant (faisant partie du groupe motopropulseur) est la quatrième catégorie d'événements tant pour les avions que pour les hélicoptères.
4.1.4 Types d'accidents survenant dans les activités de taxi aérien
4.1.4.1 Établissement de types d'accidents précis à l'aide des données issues des rapports d'enquête publiés du BST
Au cours de la période de l'étude, le BST a publié 167 rapports d'enquête sur des événements liés aux taxis aériens (162 accidents et 5 incidents). Parmi ces événements, 110 mettaient en cause des avions, et 57, des hélicoptères.
Lorsque chaque événement a été classé dans une ou plusieurs catégories de l'OACI, il est apparu que ces catégories, qui avaient été conçues spécifiquement pour les opérations de transport aérien régulier, ne décrivaient pas utilement les types d'accidents survenant dans les opérations de taxi aérien au Canada. Pour résoudre ce problème, l'équipe de la SII a appliqué la théorie ancrée (décrite à l'annexe C) pour établir des types d'accidents descriptifs, c'est-à-dire des types d'accidents décrivant les circonstances aussi bien que le résultat. Les types d'accidents dont il est question dans la présente enquête ne constituent pas des catégories discrètes et ne créent pas une nouvelle taxonomie. Ces catégories ont servi à aider l'équipe de la SII à comprendre comment les accidents se déroulaient et pourquoi, plutôt que simplement compter le nombre d'accidents.
Des renseignements sur les éléments suivants ont été saisis pour chaque événement :
- type d'accident;
- équipement et conditions météorologiques;
- pilote, exploitant et aéronef;
- facteurs causals et contributifs;
- facteurs de risque;
- mesures de sécurité prises ou recommandations.
La démarche a établi 14 types d'accidents d'avion et 9 types d'accidents d'hélicoptère (soit 23 au total)Note de bas de page 39.
Les données ont ensuite été examinées pour trouver les différences ou les similitudes entre les 23 types d'accidents. Six types d'accidents étaient communs aux avions et aux hélicoptères :
- règles de vol à vue (VFR) + perte des repères visuels + perte de maîtrise + collision avec le relief ou un plan d'eau;
- VFR + perte des repères visuels + impact sans perte de contrôle (CFIT);
- risque de collision ou de collision en vol;
- problèmes de maintenance;
- problèmes de fabrication;
- exceptions.
Malgré ces similitudes, les rapports ont montré que les facteurs contributifs et les risques sous-jacents des accidents d'avion et d'hélicoptère sont plutôt différents. Par conséquent, les avions et les hélicoptères ont fait l'objet d'analyses distinctes dans cette partie de la SII.
4.1.4.2 Quels sont les éléments qui ont contribué à ces accidents?
La répartition des données en 23 types d'accidents a brossé un tableau des genres d'accidents qui se sont produits au cours de la période de l'étude. Les rapports d'enquête publiés par le BST ont permis de comprendre comment (description) et pourquoi (dangers et facteurs de risque) ces accidents se sont produits. Ils précisaient également l'expérience des pilotes en cause (temps de vol total moyen).
Les tableaux et sections qui suivent résument les types d'accidents observés dans les 167 rapports d'enquête publiés, les caractéristiques le plus souvent associées à ces accidents, ainsi que les dangers et facteurs de risque le plus souvent cités dans les faits établis de chaque rapport.
Type d'accident | Caractéristiques de vol souvent associées à ce type d'accident | Temps de vol total moyen du pilote aux commandes | Dangers et facteurs de risque le plus souvent cités comme faits établis dans les rapports d'enquête publiés du BST |
---|---|---|---|
Approche et atterrissage + Nbre d'accidents : 7 |
|
5122 heures |
|
Approche et atterrissage + équipage multiple Nbre d'accidents : 13 |
|
3416 heures |
|
Liés à la maintenance Nbre d'accidents : 5 |
|
8657 heures |
|
Liés à un défaut de fabrication Nbre d'accidents : 11 |
|
3249 heures |
|
Conditions de décollage Nbre d'accidents : 4 |
|
3311 heures |
|
Hydravion + Nbre d'accidents : 16 |
|
2061 heures |
|
Hydravion + Nbre d'accidents : 6 |
|
4212 heures |
|
Liés au carburant Nbre d'accidents : 10 |
|
912 heures |
|
VFR + Nbre d'accidents : 11 |
|
6219 heures |
|
VFR + Nbre d'accidents : 6 |
|
4170 heures |
|
Givrage Nbre d'accidents : 5 |
|
2920 heures |
|
Risque de collision ou de collision en vol Nbre d'accidents : 6 |
|
Aucun nombre d'heures de vol de pilote dans les rapports |
|
Exceptions Nbre d'accidents : 10 |
|
3708 heures |
|
Type d'accident | Caractéristiques de vol souvent associées à ce type d'accident | Temps de vol total moyen du pilote aux commandes (heures) | Dangers et facteurs de risque le plus souvent cités comme faits établis |
---|---|---|---|
Effets aérodynamiques sur la maîtrise + perte de maîtrise Nbre d'accidents : 11 |
|
5792 heures |
|
Liés à la maintenance Nbre d'accidents : 10 |
|
1800 heures |
|
Liés à un défaut de fabrication Nbre d'accidents : 10 |
|
6185 heures |
|
VFR + perte des repères visuels + CFIT Nbre d'accidents : 10 |
|
6837 heures |
|
VFR + perte des repères visuels + perte de maîtrise Nbre d'accidents : 7 |
|
2617 heures |
|
Liés à la formation Nbre d'accidents : 3 |
|
4683 heures |
|
Risque de collision ou de collision en vol Nbre d'accidents : 2 |
|
1800 heures et 6650 heures* |
|
Exceptions Nbre d'accidents : 4 |
|
5325 heures |
|
* Temps de vol total des pilotes en cause dans la collision en vol
4.1.4.3 Examen des accidents signalés au BST, selon les types d'accidents
Pour mettre en contexte les données des rapports terminés du BST, l'ensemble des 716 accidents de taxi aérien (476 avions et 240 hélicoptères) ont été analysés et classés selon les types d'accidents nouvellement définis – 19 catégories citées, plus 1 catégorie « Exception » et 1 catégorie « Autre » pour les avions et pour les hélicoptères. Ce travail a produit au total 23 types d'accidents qui ont servi à analyser les rapports d'enquête publiés du BST.
4.1.4.3.1 Événements mettant en cause des avions
La figure 14 donne des statistiques sommaires sur les types d'accidents dans les événements mettant en cause des avions. Dans les 476 accidents d'avion, les types d'accidents les plus courants étaient ceux liés aux facteurs suivants :
- approche et atterrissage avec un seul pilote (26 %);
- maintenance (14 %);
- conditions de décollage (13 %);
- approche et atterrissage avec équipage multiple (11 %);
- perte de maîtrise de l'hydravion (5 %).
Le plus grand nombre de pertes de vie est attribuable aux accidents d'hydravion causés par une perte de maîtrise (34 morts), puis aux accidents VFR + perte des repères visuels + impact sans perte de contrôle (26 morts).
Les pilotes en cause dans les accidents liés à la maintenance avaient en moyenne 8657 heures de vol, ce qui est le temps de vol moyen le plus élevé. Les pilotes en cause dans les accidents liés au carburant avaient en moyenne 912 heures de vol, ce qui est le temps de vol moyen le moins élevé.
4.1.4.3.2 Événements mettant en cause des hélicoptères
La figure 15 donne des statistiques sommaires sur les types d'accidents dans les événements mettant en cause des hélicoptères. Dans les 240 accidents d'hélicoptère, les types d'accidents les plus courants étaient ceux liés aux facteurs suivants :
- effets aérodynamiques sur la maîtrise avec perte de maîtrise (17 %);
- problèmes de maintenance (14 %);
- VFR + perte des repères visuels + CFIT (12 %)
- problèmes de fabrication (5 %);
- formation (5 %).
Le plus grand nombre de pertes de vie est attribuable aux accidents d'hélicoptère de la catégorie VFR + perte des repères visuels + CFIT (14 morts), puis à des accidents VFR + perte des repères visuels + perte de maîtrise (13 morts).
Les pilotes en cause dans les accidents VFR + perte des repères visuels + CFIT comptaient, en moyenne, le plus haut total d'heures de vol (6837 heures). Les pilotes en cause dans les accidents liés à la maintenance comptaient, en moyenne, le plus faible total d'heures de vol (1800 heures).
L'analyse des données d'accidents du BST sur 15 années a révélé des similarités aux résultats d'études précédentes, relevées par l'examen de la documentation. Il semble donc que les dangers n'ont pas changé depuis plusieurs années.
Ces données du BST indiquent les types d'accidents qui se produisent dans ce secteur. L'étape suivante consistait à valider ces résultats en consultant les exploitants du secteur, c'est-à-dire en leur demandant quels étaient, selon eux, les plus grands risques de sécurité dans leurs activités quotidiennes, et comment ils géraient ces risques.
4.2 Information issue des consultations auprès de l'industrie
Les consultations auprès de l'industrie qui ont eu lieu en 2016 dans le cadre de la présente SII ont permis de mieux comprendre les risques les plus graves aux yeux des exploitants, les mesures qu'ils prennent pour les atténuer, et ce qui, selon eux, reste à faire. Il est à noter que ces renseignements représentent les opinions de ceux qui ont participé à la SII, et que ces opinions n'ont pas fait l'objet d'une validation indépendante par le BST. Par ailleurs, ces observations ne tiennent pas compte des initiatives en cours des fournisseurs de services ou de l'organisme de réglementation.
Les renseignements recueillis durant ces consultations ont été classés en 19 thèmes de sécurité établis selon la méthode de la théorie ancrée :
- Aérodromes et infrastructures
- Disponibilité de personnel qualifié
- Évitement des collisions en vol
- Interruptions et distractions
- Évacuations aéromédicales (MEDEVAC)
- Vols de nuit
- Technologie embarquée
- Possibilités de survie
- Renseignements météorologiques
- Acceptation de pratiques non sécuritaires
- Fatigue
- Entretien des aéronefs de taxi aérien
- Pression liée à l'opération
- Prise de décisions du pilote (PDM) et gestion des ressources de l'équipage (CRM)
- Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes
- Formation des techniciens d'entretien d'aéronef (TEA)
- Gestion de la sécurité
- Cadre réglementaire
- Surveillance réglementaire
La présente section résume les opinions exprimées par les exploitants sur chacun des thèmes de sécurité et les problèmes de sécurité connexes, ainsi que les mesures qu'ils prennent pour gérer ces questions et les mesures additionnelles qui, selon eux, pourraient être prises. Des faits établis par le BST dans les rapports d'enquête publiés durant la période de l'étude (2000 à 2014), des recommandations du BST, ainsi que des faits établis et des recommandations d'études de sécurité précédentes sur le secteur du taxi aérien fournissent du contexte additionnel pour chacun des thèmes ci-dessus (pour de plus amples renseignements sur ces études, voir la section 2.0 Des inquiétudes de longue date).
La section 5.0 Discussion revient sur l'information présentée à la section 3.0 Méthode d'étude et à la section 4.0 Renseignements recueillis durant l'enquête, selon la structure et l'ordre des thèmes de sécurité présentés dans cette section.
4.2.1 Thème de sécurité : Aérodromes et infrastructure
4.2.1.1 Contexte
Le transport aérien est souvent le seul mode de transport fiable à l'année pour desservir les collectivités nordiques et éloignées. Celles-ci en dépendent pour : obtenir des aliments frais, des médicaments et d'autres biens; obtenir des soins de santé; assurer des évacuations médicales d'urgence; appuyer l'exploration, le développement économique et le tourisme; et permettre les déplacements à l'extérieur de la collectivité.
Le nord, en particulier, présente des défis et des risques inhérents pour le transport aérien. La population y est disséminée en petites collectivités sur de vastes étendues de terrain inhospitalier. Les opérations aériennes peuvent se dérouler dans des conditions météorologiques extrêmes, notamment par temps froid, et durant des périodes de noirceur prolongées. Outre ces rudes conditions d'exploitation, des volumes de passagers faibles et sporadiques engendrent un domaine d'exploitation difficile et coûteux pour le secteur du taxi aérien.
Au vu de l'importance du transport aérien dans les collectivités nordiques et éloignées, l'infrastructure d'aviation civile dans le Nord a récemment fait l'objet d'un audit par le vérificateur général du CanadaNote de bas de page 40. Cette infrastructure comprend le balisage lumineux, des aides à la navigation, des pistes ainsi que des renseignements sur les conditions météorologiques et l'état des pistes. Tous ces éléments sont cruciaux pour assurer la sécurité et l'accessibilité de ces aérodromes.
Divers intervenants se partagent la responsabilité de l'état de cette infrastructure. Transports Canada (TC) établit la réglementation sur l'infrastructure du transport aérien et supervise la conformité à ces règlements. Les exploitants des aéroports veillent à ce que les aéroports respectent la réglementation; ces exploitants peuvent être des municipalités, le gouvernement (fédéral, provincial ou territorial), des autorités locales ou des entreprises privées. NAV CANADA, comme fournisseur de services de navigation aérienne, est responsable des approches aux instruments et des aides à la navigation.
4.2.1.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.1.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Divers aspects des petits aérodromes nordiques et éloignés figurent parmi les problèmes qui, selon les exploitants, posent un risque élevé pour la sécurité.
Beaucoup d'exploitants ont exprimé des préoccupations au sujet du mauvais état des pistes et des pistes courtes. Leurs inquiétudes portaient notamment sur l'absence de comptes rendus de l'état des pistes pour certains aéroports et l'absence d'indications sur les limites de performance d'aéronefs au décollage et à l'atterrissage sur des pistes courtes, meubles ou gravelées.
Certaines limites d'autres infrastructures ont aussi été soulevées, dont l'insuffisance de l'éclairage, l'entretien inadéquat de l'infrastructure à certains endroits et l'équipement de dégivrage parfois absent, parfois inadéquat Note de bas de page 41.
4.2.1.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Certains exploitants offrent une formation enrichie sur la performance de leurs aéronefs pour les opérations sur piste courte.
Certains ont élaboré des procédures d'utilisation normalisées (SOP) pour aider les équipages de conduite à composer avec les limites de l'infrastructure pour leurs opérations particulières. Ces SOP prévoient un exposé avant vol obligatoire qui aborde les limites de l'infrastructure.
D'autres SOP comprennent la directive de ne pas décoller si des conditions de givrage sont prévues et qu'aucun équipement de dégivrage n'est disponible à la destination. Certains exploitants qui desservent des destinations sans équipement de dégivrage ont muni leurs aéronefs de pulvérisateurs de dégivrage portables pour parer au risque de givre pendant que l'aéronef est au sol. En outre, certains exploitants utilisent au besoin des housses d'aéronef.
Par ailleurs, certains exploitants exigent que seuls un pilote chevronné ou le commandant de bord effectuent les atterrissages et décollages sur les pistes d'atterrissage éloignées. Des exploitants ont également dit exiger des équipages de conduite de se renseigner avant leur départ sur l'état actuel des pistes à la destination.
Une compagnie effectue une évaluation des risques avant chaque départ pour tenir compte des conditions changeantes des pistes. Des exploitants ont mentionné qu'ils emploient des personnes locales averties dans les aérodromes distants. Ces personnes peuvent partager leurs connaissances personnelles sur l'état de la piste ou les conditions météorologiques locales, et les exploitants estiment qu'il est utile pour leurs équipages de conduite de connaître la topographie locale dans les environs des aérodromes éloignés.
4.2.1.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
De nombreux exploitants demandent d'instaurer plus d'approches par navigation de surface (RNAV) et d'approches par guidage vertical aux aéroports éloignés.
Les exploitants ont dit avoir besoin de plus de comptes rendus météorologiques de stations AWOS (système automatisé d'observation météorologique) et d'images de caméras météo pour les aérodromes éloignés (voir aussi la section 4.2.9 Thème de sécurité : Renseignements météorologiques).
Certains ont aussi exprimé la nécessité de comptes rendus plus précis de l'état des pistes et d'un meilleur entretien des pistes aux aérodromes nordiques et éloignés. Des exploitants ont dit que les bases éloignées devraient obligatoirement avoir de l'équipement de dégivrage.
Enfin, les exploitants estiment qu'il est essentiel de donner une formation sur la prise de décisions du pilote (PDM) pour parer aux problèmes d'infrastructure (voir aussi la section 4.2.14 Thème de sécurité : Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage).
4.2.1.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 6 faits établis concernant l'infrastructure :
- L'enquête sur un événement de perte de maîtrise causée par le givrage de la cellule, survenu en 2004, a permis de constater l'absence d'équipement pour détecter adéquatement le givre sur l'aéronef et pour dégivrer adéquatement les aéronefs à l'aéroportNote de bas de page 42.
- Des obstacles et la topographie au-delà de l'aire de dépassement de piste ont été des facteurs causals et contributifs lors de sorties en bout de piste en 2006 et en 2011Note de bas de page 43.
- Une sortie en bout de piste s'est produite en 2007 à un aéroport qui n'avait pas de service de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronef. Résultat, l'intervention d'urgence a tardé le temps que le service d'incendie municipal arrive sur les lieuxNote de bas de page 44.
- En 2009, dans un événement d'impact sans perte de contrôle (CFIT), les pilotes ne disposaient pas des renseignements à jour nécessaires sur les conditions de piste pour déterminer la contamination de la piste et la performance à l'atterrissageNote de bas de page 45.
- En 2010, dans un événement d'impact avec des oiseaux lors du décollage et collision avec le relief, un canon devant effaroucher les oiseaux ne fonctionnait pasNote de bas de page 46.
4.2.1.4 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Des vols vers certaines régions éloignées ou collectivités nordiques où l'infrastructure des aérodromes est limitée pourraient se dérouler dans des conditions de sécurité inférieures. | Sont nécessaires :
|
Conclusion : Les collectivités éloignées et nordiques canadiennes doivent être pourvues d'aérodromes aux installations et à l'infrastructure appropriées pour que les exploitants de taxis aériens puissent leur offrir des services aériens sûrs.
4.2.2 Thème de sécurité : Disponibilité de personnel qualifié
4.2.2.1 Contexte
Pour qu'il reste viable, le secteur du taxi aérien a besoin d'un effectif suffisant de personnel qualifié. Il a également besoin de ressources suffisantes pour embaucher, former et fidéliser les pilotes, techniciens d'entretien d'aéronef (TEA) et autres pour travailler dans les environnements difficiles où évoluent les taxis aériens. Toutefois, le secteur a des défis à relever : rotation de personnel, démographie et difficultés de recrutement.
Même si certains font toute leur carrière dans le secteur du taxi aérien, surtout dans le segment du transport par hélicoptère, le secteur ne sert souvent que de terrain de formation pour les nouveaux employés, qui passent ensuite aux transporteurs aériens plus grands pour y poursuivre leur carrière. Parallèlement, des pilotes et des TEA chevronnés prennent leur retraite dans tous les secteurs de l'aviation. Le transfert de leurs connaissances au personnel moins aguerri est d'autant plus important. Cette vague de départs à la retraite intensifiera la demande pour des pilotes de service aérien de navette et de transport aérien régulier. En conséquence, le secteur du taxi aérien connaîtra une pénurie de pilotes professionnels adéquatement formés et une augmentation du nombre de pilotes moins expérimentés.
De plus, d'importants obstacles compliquent le recrutement de nouvelles personnes pour faire carrière dans le secteur de l'aviation. Le coût d'une formation au pilotage peut être hors de portée. Dans le cas des TEA, il est de plus en plus difficile de recruter des jeunes, étant donné la concurrence d'autres secteurs pour ces ressources. D'autres métiers (menuisier, électricien, etc.) peuvent paraître plus attrayants que celui de TEA, étant aussi rémunérateurs et n'exigeant pas nécessairement de déménagement.
Ces défis — rotation élevée du personnel, changements démographiques et obstacles au recrutement — contraignent le secteur à continuellement embaucher et former des pilotes et des TEA qui ont besoin de perfectionnement professionnel en milieu de travail pour progresser dans leur carrière.
4.2.2.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.2.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
La plupart des questions de sécurité que les exploitants ont évoquées portaient sur les pénuries de personnel, la formation des nouveaux venus dans le secteur, les risques liés à l'embauche de personnel inexpérimenté et l'insuffisance de personnel chevronné pour effectuer le travail à accomplir.
Pénuries de personnel
Le taux de rotation élevé des pilotes dans le secteur du taxi aérien s'explique principalement par leur embauche par des transporteurs aériens plus grands. En même temps, les pilotes de taxi aérien les plus expérimentés prennent leur retraite en grand nombre. Étant donné la fréquence des départs de pilotes, il est doublement important que les pilotes expérimentés transmettent leurs connaissances aux nouveaux. Or, ce n'est pas toujours le cas : certains pilotes expérimentés peuvent quitter leurs fonctions avec un préavis plutôt court.
Selon plusieurs exploitants, il est généralement difficile de trouver des candidats qualifiés au Canada pour remplacer des pilotes ou en embaucher davantage. Le taux de rotation élevé dans le secteur limite le bassin de pilotes au niveau d'expérience intéressant pour les exploitants. Les exploitants d'hélicoptères connaissent des difficultés particulières pour recruter du nouveau personnel. De nombreux exploitants craignent que la nouvelle réglementationNote de bas de page 47 qu'a proposée Transports Canada (TC) pour régir le nombre d'heures et de jours de service de vol ne fasse qu'empirer la pénurie de pilotes, car ils devront embaucher plus de pilotes pour accomplir la même quantité de travail. Certains ont affirmé que si cette réglementation proposée entrait en vigueur, ils essaieraient d'embaucher plus de pilotes, mais ils prévoient que ce sera difficile étant donné la pénurie.
Il y a pénurie non seulement chez les pilotes, mais aussi chez les TEA : la pénurie de TEA à l'échelle de l'industrie touche les exploitants dans tous les secteurs, y compris celui du taxi aérien.
Beaucoup d'exploitants estimaient que les préférences et les attitudes de nouvelles recrues potentielles y sont pour quelque chose. Certains voyaient la culture des jeunes adultes comme un obstacle à l'embauche. D'après eux, les jeunes pilotes et TEA considéraient leur travail en aviation comme un « boulot » et non une carrière. Ils estimaient de plus que les recrues plus jeunes avaient une éthique de travail variable et manquaient de motivation et de passion. Ils ont également évoqué la difficulté de trouver des pilotes qui acceptent de travailler dans de petites collectivités, parce que les jeunes veulent vivre et travailler dans les centres plus grands. Les exploitants ont également noté chez le personnel plus jeune une réticence à travailler temporairement dans des endroits éloignés démunis d'infrastructure moderne comme le service Internet.
Formation du nouveau personnel
La courbe d'apprentissage est raide pour les nouveaux pilotes. Ils doivent apprendre non seulement le pilotage d'un aéronef particulier, mais aussi le mode d'opération de la compagnie et de l'ensemble du secteur du taxi aérien. Or, ils peuvent avoir acquis leurs connaissances dans un environnement de formation proche d'un aéroport, et non dans des endroits plus représentatifs des opérations journalières du secteur. En outre, les pilotes plus jeunes qui font leurs premiers pas en aviation ne bénéficient d'aucun programme de mentorat officiel.
Des exploitants ont mentionné que certains pilotes fraîchement sortis d'écoles de pilotage commercial n'avaient pas été formés ni préparés pour les postes de premier échelon qu'ils devraient normalement occuper (voir aussi la section 4.2.15 Thème de sécurité : Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes). Des exploitants ont dit craindre que l'expérience de vie des nouveaux pilotes ne leur ait pas donné l'occasion de perfectionner les compétences qui les aideraient à travailler de façon autonome en régions éloignées. De façon plus générale, les exploitants croyaient que les nouveaux pilotes pourraient ne pas avoir la souplesse ou l'adaptabilité qu'ils considéreraient comme nécessaires pour travailler dans les collectivités plus petites et éloignées.
Risque lié à l'inexpérience
Une proportion élevée de personnel inexpérimenté est considérée comme la source d'un plus grand risque pour la sécurité. Voir cependant, à ce sujet, la section 4.2.2.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème, car un seul type d'accident (accidents liés au carburant) impliquait des pilotes ayant une faible expérience.
La présence d'un grand nombre de pilotes inexpérimentés complique le recours à des stratégies de réduction des risques comme le jumelage avec des membres d'équipage plus chevronnés pour les encadrer. Les exploitants reconnaissent que le niveau d'expérience et de formation des pilotes influence le type de tâche que l'on peut leur confier et qu'ils peuvent exécuter. Certains pilotes pourraient avoir plus d'expérience que d'autres pour certains types de tâches (p. ex., utilisation de longue élingue en hélicoptère ou atterrissage d'un aéronef sur un esker gravelé).
Pénurie de personnel chevronné
Certains exploitants ont fait valoir que les pilotes disponibles aujourd'hui possèdent moins d'expérience du secteur et moins d'heures de vol que par le passé, et que ce déficit touche autant les postes de commandant de bord que de premier officier. Par conséquent, il se pourrait que les exploitants n'aient pas assez de pilotes expérimentés pour répondre à leurs besoins. Plusieurs exploitants ont dit craindre que l'expérience des pilotes soit inadéquate pour le type d'aéronef qu'ils exploitent, et que certains pilotes soient affectés à des fonctions de commandant de bord d'aéronefs haute performance et complexes même s'ils ont très peu d'expérience.
Ce problème touche également les opérations spécialisées. Pour pouvoir obtenir des contrats de service d'évacuation aéromédicale (MEDEVAC), il faut des pilotes ayant un nombre substantiel d'heures de vol. Par conséquent, il devient difficile de trouver et d'embaucher des pilotes ayant l'expérience requise. Certains exploitants ont également dit qu'il était de plus en plus difficile de trouver des pilotes d'hydravion d'expérience, y compris des pilotes saisonniers qui ne travailleront que du printemps à l'automne.
4.2.2.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Les exploitants préféreraient parer aux problèmes de sécurité en embauchant du personnel plus expérimenté. Certains ont établi pour l'embauche de nouveaux pilotes un nombre minimal d'heures de vol propre à leur entreprise, allant de 1000 à 3000 heures. D'autres privilégient les candidats ayant de l'expérience des aéronefs à turbine. Dans certains cas, ce n'est pas la compagnie qui a établi ces exigences minimales, mais ses clients. Par exemple, certains contrats stipulent que les pilotes doivent avoir un nombre minimal d'heures de vol à leur actif (p. ex., 2000 heures). Certains exploitants ont dit qu'ils embauchent rarement des pilotes qui n'ont que peu d'heures de vol.
Les exploitants ont également mentionné qu'ils exigent un nombre minimal d'heures de vol des pilotes souhaitant accéder au rang de commandant de bord, et qu'ils essaient d'embaucher des pilotes déjà qualifiés en tant que commandants de bord
D'autres ont dit qu'ils recherchent des pilotes qui possèdent de l'expérience d'instruction, estimant que les instructeurs de vol connaissent mieux la réglementation. Dans le cas d'une compagnie à opérations diversifiées assujetties à plusieurs sous-parties du Règlement de l'aviation canadien (RAC), les nouveaux pilotes commencent habituellement comme instructeurs à bord de petits aéronefs de la compagnie et progressent ensuite vers les aéronefs plus grands. Une autre compagnie, lorsqu'elle engage de nouveaux pilotes et examine les qualifications des candidats, vérifie leurs compétences selon le type d'aéronef ainsi que leur nombre total d'heures de vol. Certains exploitants ont dit qu'en général, ils embauchent des pilotes qui ont de l'expérience de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR).
Plusieurs exploitants bien établis ont mentionné qu'ils n'embauchaient que des TEA brevetés et aucun apprenti. Toutefois, étant donné la rareté de pilotes et de TEA d'expérience, certains exploitants optent plutôt pour le recrutement, l'embauche, la formation, le perfectionnement et la fidélisation.
Pour attirer de nouveaux employés à long terme, une des stratégies employées consiste à profiter des journées carrières dans les écoles secondaires locales pour intéresser des candidats à une carrière en aviation.
Les exploitants appliquent diverses mesures de recrutement. La liste ci-dessous indique des stratégies de recrutement pour le personnel navigant d'hélicoptères autant que d'avions :
- établissement d'une bonne entente avec le collège local ayant récemment formé des TEA; les exploitants sont ainsi plus au fait des candidats prometteurs de la prochaine promotion;
- mise en place d'un processus d'embauche élaboré, allant au-delà des vérifications habituelles de références et de l'expérience de pilotage, pour inclure des étapes comme un examen médical approfondi ou des évaluations sur simulateur de vol;
- embauche de pilotes d'hélicoptère à plein temps plutôt que contractuels;
- si une compagnie engage des pilotes peu expérimentés, embauche de candidats plus jeunes qu'elle pourra former et perfectionner dans une perspective à long terme.
Certains exploitants ont pris des mesures pour perfectionner le personnel inexpérimenté, par exemple :
- Jumelage durant un certain temps d'un commandant de bord nouvellement embauché ou promu avec des premiers officiers expérimentés;
- affectation des nouveaux pilotes à la maintenance ou à d'autres fonctions au sol, comme la régulation des vols, avant de leur confier un poste de pilote. Ainsi, ces pilotes peuvent apprendre les rouages de la compagnie, et la compagnie peut mieux les connaître;
- élaboration de politiques en matière de jumelage, par exemple une politique interdisant le jumelage de pilotes inexpérimentés, en vertu de laquelle un novice doit être associé à un pilote plus expérimenté. Par exemple : utiliser une liste des pilotes inexpérimentés pour optimiser les jumelages et éviter d'apparier 2 membres d'équipage moins expérimentés; ou mettre en place une politique en vertu de laquelle un nouveau pilote devra accumuler 1000 heures de vol avec un pilote expérimenté avant de pouvoir être apparié avec un autre pilote;
- mise en place d'un programme de mentorat de pilotes appariant des pilotes débutants avec des pilotes chevronnés. De nombreux exploitants font ainsi pour favoriser le transfert des connaissances au sein de la compagnie. Ce programme de mentorat pourrait aussi servir à intégrer les nouveaux commandants de bord de la compagnie;
- affectation de 2 pilotes pour toutes les opérations aériennes (c.-à-d. aucun vol avec un seul pilote) afin d'atténuer le risque associé aux pilotes moins expérimentés qui volent seuls;
- utilisation de la planification de la relève pour perfectionner de nouveaux pilotes et assurer leur progression à des aéronefs plus grands ou aux fonctions de commandant de bord. Certaines compagnies prennent également en compte les recommandations de pairs avant de promouvoir un pilote au rang de commandant de bord;
- embauche de pilotes ayant moins d'heures de vol à leur actif, puis les former en vertu des exigences opérationnelles de la compagnie, plutôt que d'embaucher des pilotes expérimentés. Par exemple, certains exploitants d'hydravions préfèrent embaucher des pilotes brevetés, sans qualification sur hydravion, et les former en vue d'obtenir cette qualification. Ces pilotes exploiteraient alors les hydravions en vertu des procédures particulières de la compagnie. Dans la même veine, plusieurs exploitants ont dit préférer embaucher des pilotes avec moins d'heures de vol à leur actif pour les former en vertu de leurs propres exigences opérationnelles;
- offre d'un entraînement sur la ligne aux équipages de conduite. Un exploitant ayant un large éventail d'activités aériennes donne de 40 à 50 heures de formation en vol en plus d'effectuer régulièrement des vérifications en service de tous les membres d'équipage;
- élaboration de procédures d'utilisation normalisées (SOP) expressément conçues pour répondre aux besoins de pilotes moins expérimentés;
- location d'un hydravion de taille moyenne pour l'été afin d'aider les pilotes moins expérimentés de la compagnie à passer de ses petits hydravions à ses grands hydravions.
Les exploitants ont recours à diverses stratégies pour rehausser la fidélisation du personnel, par exemple :
- rémunération et avantages sociaux concurrentiels et attrayants pour conserver les employés expérimentés;
- rémunération annuelle pour s'assurer du retour des pilotes saisonniers la saison suivante;
- embauche de candidats locaux, les employés locaux étant plus susceptibles de demeurer au service d'une compagnie dans leur ville de résidence;
- pour les exploitants de taxis aériens qui assurent aussi des services aériens de navette ou de transport aérien régulier : possibilités de perfectionnement ou de promotion à des aéronefs plus grands de la compagnie;
- obtention des pilotes nouvellement embauchés de signer une garantie de formation faisant que la compagnie puisse récupérer tout ou partie des dépenses en formation si le pilote démissionne avant la fin de la garantie (habituellement 2 ans);
- possibilité pour les premiers officiers ayant moins d'heures de vol comme commandant de bord d'accéder au rang de commandant de bord en suivant un programme de formation enrichie offert par la compagnie;
- pour favoriser la fidélité des TEA, établissement d'un horaire de travail défini leur permettant de planifier leur vie personnelle.
4.2.2.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants estimaient qu'une révision des critères d'expérience s'imposait. Pour éviter les difficultés liées à un manque de personnel chevronné, un exploitant d'hélicoptères a suggéré de faire valoir aux clients que le fait d'exiger un minimum de 2000 heures de vol n'est pas nécessairement un gage d'atténuation du risque.
Par contre, d'autres ont suggéré d'augmenter le nombre d'heures de vol requis pour obtenir une licence de pilote de ligne (ATPL). Cela freinerait l'hémorragie de pilotes expérimentés du secteur du taxi aérien vers les services aériens de navette et de transport aérien régulier.
Des exploitants estimaient que les établissements d'enseignement devraient mieux préparer les pilotes et les TEA. D'ailleurs, ils ont fait plusieurs observations sur les normes d'éducation dans les écoles de pilotage. Ils ont constaté un manque d'uniformité dans les normes de formation chez les nouveaux diplômés de différents collèges et différentes écoles de pilotage. Les exploitants estimaient en outre que les écoles de pilotage devraient mieux former les pilotes au vol côtier et à la prise de décisions en cas de problèmes météorologiques.
Des exploitants ont dit que les écoles de métiers doivent préparer les apprentis TEA aux défis du travail dans le Nord ou en régions éloignées. Selon eux, la plupart des nouveaux TEA ignorent actuellement tout des conditions de travail dans ces endroits.
Ils ont suggéré d'autres mesures pour former et perfectionner le personnel inexpérimenté :
- On a discuté d'offrir plus de mentorat aux novices en aviation, ainsi que de la possibilité d'établir un programme de mentorat à l'échelle du secteur. Certains exploitants estimaient que les nouveaux pilotes devraient participer à un programme de mentorat durant leurs 1000 premières heures de vol.
- On a suggéré de réviser les procédures et de former les pilotes tout au long de l'année, plutôt qu'une fois par année, pour maintenir un niveau de compétence élevé.
- En général, les exploitants ont dit qu'au lieu d'être normative, la formation devrait être axée sur les compétences ou sur la performance.
- Certains ont suggéré des formations dans des domaines spécifiques, pour assurer l'efficacité des opérations journalières et améliorer la prise de décisions : approches IFR, exploitation d'un hydravion à flotteurs (exigeant une qualification spéciale au-delà de la qualification sur hydravion) et gestion du risque. (Voir aussi la section 4.2.15 Thème de sécurité : Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes et la section 4.2.14 Thème de sécurité : Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage.)
- Il a été suggéré de réglementer la compétence pilote pour les aéronefs haute performance à un seul pilote.
- Des compagnies ont avancé qu'il faudrait une politique sur le jumelage de membres d'équipage inexpérimentés. La pratique devrait être gérée efficacement en fournissant au responsable de l'affectation des équipages de la compagnie une liste des nouveaux commandants de bord et premiers officiers.
- Certaines observations sur la formation et le perfectionnement visaient les inspecteurs de TC : les inspecteurs de TC devraient effectuer davantage de vols de contrôle afin de mieux évaluer la sécurité dans le secteur. En outre, TC doit créer un environnement dans lequel ses inspecteurs débutants peuvent avoir un inspecteur chevronné comme mentor.
La rémunération est un élément stratégique de gestion du personnel. Le juste salaire en fonction du type de travail effectué est souvent revenu dans les propos comme un moyen d'améliorer le recrutement et la fidélisation. Il a aussi été question d'une meilleure rémunération des pilotes instructeurs.
4.2.2.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête publiés au cours de la période de l'étude n'a révélé aucun fait établi spécifique à ce thème. Toutefois, des faits ont été établis au sujet de la formation du personnel disponible : voir la section 4.2.15 Thème de sécurité : Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes.
L'examen des événements d'aviation à la phase 1 de la présente étude a permis d'établir que dans une seule catégorie d'accidents, des pilotes ayant relativement moins d'heures de vol à leur actif étaient en cause. Dans tous les autres scénarios d'accident, les pilotes en cause comptaient en moyenne un nombre élevé d'heures de vol.
4.2.2.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.2.4.1 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 2 recommandations pertinentes pour le présent thème :
RS 24 Les associations de l'industrie et les unités de formation au pilotage devraient encourager les élèves du secondaire à se lancer dans une carrière de pilote affecté à des services de taxi aérien en régime VFR [règles de vol à vue], en ciblant plus particulièrement les collectivités du Nord ou celles éloignées.
MI 24 Les exploitants aériens devraient embaucher des élèves du secondaire pour travailler pendant l'été afin d'acquérir de l'expérience dans le domaine du taxi aérienNote de bas de page 48.
4.2.2.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Il pourrait ne pas y avoir assez de personnel qualifié pour que les exploitants de taxis aériens assurent la sécurité dans leurs activités. |
|
Conclusion : Un personnel qualifié est essentiel pour la sécurité; un personnel compétent est un élément clé de la gestion du risque.
4.2.3 Thème de sécurité : Évitement des collisions en vol
4.2.3.1 Contexte
Il est essentiel de maintenir l'espacement (distance minimale entre aéronefs) pour prévenir les collisions en vol et autres accidents. Le contrôle de la circulation aérienne est crucial pour maintenir l'espacement; toutefois, aux environs d'aérodromes sans contrôle de la circulation aérienne (appelés aérodromes non contrôlés), des procédures spéciales sont nécessaires pour maintenir efficacement cet espacement. Ces procédures sont établies dans le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC).
À défaut de contrôle de la circulation aérienne, la meilleure façon d'éviter les collisions en vol consiste à voir et à être vu, à entendre et à être entendu (en transmettant sur des fréquences radio). Il y a donc un avantage pour la sécurité si l'ensemble du trafic syntonise la même fréquence.
D'après le bulletin Sécurité aérienne – Nouvelles de Transports Canada :
Les facteurs de risque associés au vol dans le voisinage d'aérodromes non contrôlés peuvent être grandement réduits grâce à une acuité visuelle et auditive aiguë, combinée à la connaissance et au respect des règles et des procédures établies. Utilisés conjointement avec des comptes rendus de position fournis en temps opportun et la communication d'intentions entre les pilotes, ces moyens permettent d'avoir une vue d'ensemble de la situation et la renforcent, en plus, ultimement, d'aider les pilotes à éviter tout abordageNote de bas de page 49.
Malgré ces procédures et mesures pour assurer la communication radio, des aéronefs qui effectuaient des vols selon les règles de vol à vue (VFR) sont entrés en collision ou ont évité une collision de justesse dans des espaces aériens non contrôlés. Pour qu'elles soient efficaces, les procédures de communication doivent être respectées par tous les aéronefs qui volent dans un espace aérien non contrôlé.
Outre les défis que pose l'espace aérien non contrôlé dans les environs d'aérodromes éloignés, un mélange important de vols IFR et VFR aux aéroports contrôlés engendre des situations complexes qui peuvent accroître le risque de collision.
4.2.3.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.3.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Les exploitants s'accordaient pour dire que les vols dans les zones à espace aérien non contrôlé ou à circulation dense figurent parmi les questions de sécurité associées aux risques les plus élevés.
Ce thème est ressorti de discussions sur les opérations à destination et au départ d'aérodromes non contrôlés, en particulier ceux dans le nord et dans d'autres régions éloignées. À ces aérodromes, la communication peut être limitée et les renseignements météorologiques et sur l'état des pistes sont souvent insuffisants. De plus, les services de navigation dans ces endroits ont été qualifiés d'insuffisants.
Les approches sans guidage vertical vers les pistes plus courtes et celles sans navigation de surface (RNAV) peuvent représenter des problèmes de sécurité. On a critiqué la lenteur perçue de NAV CANADA à mettre en place des approches RNAV aux aérodromes nordiques.
Les communications radio sont clairement une question de sécurité : les exploitants ont dit que les fréquences obligatoires étaient souvent surchargées, et que certains exploitants ne les utilisaient pas, comme requis, pour leurs communications.
L'encombrement de l'espace aérien causé par un mélange de vols VFR et IFR a été désigné comme un danger. En particulier, le trafic d'hydravions à proximité d'aéroports aux opérations IFR continues, comme à l'aéroport international de Vancouver (CYVR), a été mentionné. Des exploitants ont dit craindre que l'effectif de NAV CANADA à CYVR soit insuffisant pour gérer efficacement tout le trafic VFR. Ils se soucient également du fait que les procédures pour éviter les trajectoires de vol du trafic IFR à CYVR obligent des équipages naviguant en VFR à survoler l'eau quand l'état de la mer est tel qu'il serait dangereux d'effectuer un amerrissage d'urgence.
4.2.3.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Les exploitants ont pris plusieurs mesures pour éviter les collisions dans les aires de trafic mixte IFR/VFR et aux aérodromes éloignés.
Étant donné le manque de comptes rendus radio aux aérodromes non contrôlés, plusieurs exploitants veillent à ce que les pilotes respectent les exigences de compte rendu de position sur la fréquence obligatoire applicable.
Les exploitants qui volent dans le même secteur ont dit à l'équipe de l'enquête sur une question de sécurité (SII) qu'ils collaboraient entre eux afin que tous sachent où et quand leurs vols se dérouleraient.
De plus, pour atténuer le risque associé aux trajectoires de départ à basse altitude imposées à CYVR pour séparer le trafic IFR et VFR, les exploitants d'hydravions ont fixé des limites aux conditions de vent dans lesquelles ils effectuent des vols. Ils veulent ainsi éviter de voler dans ces trajectoires à basse altitude au-dessus d'une mer agitée dans les environs de CYVR.
4.2.3.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Des exploitants ont suggéré de mettre en place un système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B). Cettetechnologie de surveillance détermine la position d'un aéronef par un système de positionnement par satellites et la transmet périodiquement pour en permettre le suivi.
Ils ont également dit qu'étant donné l'actuelle surcharge des fréquences radio, des fréquences additionnelles sont nécessaires dans l'espace aérien non contrôlé. Des mesures s'imposent pour s'assurer que les pilotes respectent les exigences de compte rendu de position sur la fréquence obligatoire applicable.
Pour ce qui est du problème de trafic mixte IFR/VFR à proximité d'aérodromes non loin d'un hydroaérodrome, des exploitants ont suggéré que des procédures pourraient être élaborées et que les procédures en place pourraient être révisées pour faire en sorte que le trafic VFR évite tout conflit avec le trafic IFR ou d'autre trafic VFR dans les zones encombrées.
Plusieurs des mesures suggérées d'atténuation des problèmes d'infrastructure aux aérodromes éloignés (voir la section 4.2.1 Thème de sécurité : Aérodromes et infrastructure) contribueraient également à l'évitement de collisions en vol.
4.2.3.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 3 faits établis concernant une collision en vol. Tous ces faits démontraient des problèmes de diffusion de renseignements à des aérodromes non contrôlés :
- Les pilotes en cause dans un événement survenu en 2004 n'utilisaient pas la même fréquenceNote de bas de page 50.
- Dans un événement survenu en 2008, le pilote n'avait qu'une seule radio VHF-AM à bordNote de bas de page 51.
- Dans un événement survenu en 2007, le défaut de communiquer la position d'un aéronef a mené à une collisionNote de bas de page 52.
4.2.3.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.3.4.1 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 1 recommandation pertinente pour le présent thème :
RS 20 NAV CANADA devrait promouvoir les avantages que procure la présence d'observateurs et de communicateurs dans les stations radio d'aérodromes communautaires aux aérodromes nordiques où le service n'existe pas actuellementNote de bas de page 53.
4.2.3.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
L'absence de services de navigation aérienne dans certaines régions ainsi que le non-respect de procédures de communication établies peuvent entraîner une réduction du niveau de sécurité. |
|
Conclusion : Des procédures et des services d'évitement du trafic sont absolument nécessaires pour atténuer le risque de collision.
4.2.4 Thème de sécurité : Interruptions et distractions
4.2.4.1 Contexte
Les interruptions et distractions peuvent compliquer l'exécution d'une tâche, principalement parce qu'elles perturbent le déroulement de l'activité particulière en cours. Le personnel peut se sentir bousculé et tiraillé entre diverses tâches de priorités variables. Les interruptions et distractions peuvent augmenter la charge de travail, même lorsque la charge réelle est raisonnable et stable. Par conséquent, le personnel se concentre sur une ou quelques tâches et en néglige d'autres, ce qui est une réaction typique à une charge de travail excessive.
En aviation, les interruptions et distractions peuvent nuire aux pilotes durant les vols, les inspections extérieures visuelles de l'aéronef et les exposés météorologiques ou sur les mesures de sécurité. Elles peuvent aussi affecter le personnel de maintenance qui lui aussi effectue des tâches essentielles à la sécurité.
4.2.4.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.4.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Pour les exploitants, l'effet de la distraction sur la maintenance est un des plus grands risques pour la sécurité, car elle peut mener à des erreurs de maintenance et menacer la sécurité. Par exemple, les techniciens d'entretien d'aéronef (TEA) peuvent être distraits par leur téléphone cellulaire pendant l'exécution de travaux de maintenance essentiels à la sécurité.
D'autres exemples d'interruptions et de distractions ont été cités :
- Un pilote utilisant son téléphone cellulaire dans le poste de pilotage durant des manœuvres au sol ou en vol peut être distrait des activités essentielles à la sécurité.
- Les distractions et interruptions durant les exposés météorologiques et sur les mesures de sécurité peuvent détourner l'attention et nuire à la compréhension des renseignements communiqués.
- Durant la planification du vol, les interruptions et distractions peuvent faire omettre un élément crucial.
- Un pilote peut être distrait par le comportement des passagers, y compris ceux qui sont en état d'ébriété.
4.2.4.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
En discutant des façons de gérer les interruptions et distractions, les exploitants ont parlé de favoriser un environnement dans lequel le personnel est encouragé à prendre le temps nécessaire pour bien faire le travail.
La plupart des autres mesures d'atténuation visent les téléphones cellulaires. Certaines compagnies ont adopté une politique d'interdiction des téléphones cellulaires dans les hangars; les employés doivent laisser ces appareils dans un casier ou dans la salle de pause. D'autres ont mentionné qu'elles gèrent d'une façon plus générale l'utilisation des téléphones cellulaires durant les heures de travail et qu'elles réduisent au minimum leur utilisation durant les vols.
Pour gérer les effets des distractions sur la maintenance, de nombreuses compagnies ont adopté un processus de double inspection de la plupart des travaux de maintenance. Elles obtiennent ainsi une vérification indépendante des travaux de maintenance essentiels à la sécurité au-delà du nombre de vérifications par double inspection stipulé par les règlements.
4.2.4.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les compagnies qui n'ont aucune politique ni stratégie sur l'utilisation des téléphones cellulaires doivent en élaborer pour gérer l'utilisation professionnelle ou personnelle des téléphones cellulaires, dans le hangar de maintenance et durant les vols.
4.2.4.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête publiés au cours de la période de l'étude a révélé 2 faits établis concernant la distraction :
- En 2008, dans un événement de perte de maîtrise et collision avec le relief, un pilote avait oublié de retirer une housse du moteur avant le vol, probablement en raison d'une distraction durant la procédure routinièreNote de bas de page 54.
- En 2010, dans un événement de panne d'alimentation carburant et d'atterrissage forcé, le pilote, distrait pendant qu'il communiquait avec le centre d'information de vol par téléphone cellulaire, s'est perdu parce qu'il n'a pas traité en priorité une panne électrique et la navigationNote de bas de page 55.
4.2.4.4 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Les interruptions et les distractions peuvent entraîner une augmentation de la charge de travail; par conséquent, le personnel se concentre sur une ou quelques tâches au détriment d'autres. | Une politique ou stratégie de gestion devrait être mise en place pour gérer l'utilisation (professionnelle ou personnelle) des téléphones cellulaires dans le hangar de maintenance et durant les vols. |
Conclusion : Des politiques d'entreprise et des procédures d'utilisation normalisées bien pensées sont essentielles pour réduire les risques d'interruption ou de distraction du personnel.
4.2.5 Thème de sécurité : Évacuations aéromédicales
4.2.5.1 Contexte
Presque chaque province et territoire fait appel à un service d'ambulance aérienne (évacuation aéromédicale, ou MEDEVAC) : la géographie du Canada et la répartition de sa population ont naturellement imposé le recours à ces services Note de bas de page 56. La plupart des vols d'évacuation médicale servent à transférer des patients en état stable vers des centres hospitaliers plus spécialisés, mais certains sont des évacuations d'urgence en situation de vie ou de mort, qui se déroulent souvent la nuit ou dans des conditions météorologiques défavorables Note de bas de page 57. De telles opérations posent deux types de dangers : des dangers physiques associés à l'atterrissage sur des aires non aménagées ou sur des hélisurfaces, ou associés aux vols vers des aérodromes éloignés dans des conditions météorologiques défavorables; des dangers psychologiques provoqués par la pression d'effectuer le vol même dans des conditions météorologiques limites.
4.2.5.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.5.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Des exploitants ont dit à l'équipe de l'enquête sur des questions de sécurité que plusieurs aspects des opérations d'évacuation aéromédicale, par aéronef à voilure fixe ou tournante, figurent parmi les plus grandes sources de risque. La décision d'un équipage d'évacuation aéromédicale d'effectuer un vol peut être influencée par gravité de l'état d'un patient malgré l'information pertinente pour la sécurité du vol, ce qui peut précipiter d'autres décisions opérationnelles. De plus, les équipages de conduite ne reçoivent que peu ou pas de formation sur les circonstances pouvant les traumatiser ou les troubler lorsqu'ils transportent des patients.
Comme dans d'autres activités de taxi aérien, les aéronefs qui effectuent des évacuations aéromédicales peuvent se rendre dans des collectivités éloignées, et les hélicoptères peuvent atterrir sur des aires non aménagées. Les hélicoptères qui effectuent des évacuations aéromédicales doivent cependant composer avec des dangers additionnels sur place, comme des lignes électriques, des véhicules et des arbres. Quand un hélicoptère arrive à un hôpital, le pilote atterrit selon les règles de vol à vue (VFR) sur l'hélisurface de l'établissement. Dans cet environnement, des structures (p. ex., bâtiments, lignes électriques) peuvent présenter des dangers selon les vents et conditions météorologiques. L'équipage de conduite doit également assurer la coordination avec les ambulances au sol qui conduiront le patient à l'hôpital.
D'autres aspects des évacuations aéromédicales contribuent aussi au risque. Par exemple, chez certains exploitants, l'équipage de conduite commence sa journée de service quand il est appelé pour un vol, mais il peut avoir été en disponibilité pendant plusieurs heures avant cet appel, ce qui crée un risque de fatigue.
Certains exploitants ont remis en question la sécurité des aéronefs monomoteurs pour les évacuations aéromédicales par tous temps.
Par ailleurs, certains exploitants doivent réaménager l'intérieur de l'aéronef avant d'effectuer un vol aéromédical. Cela peut compliquer la programmation des vols et exiger des mesures additionnelles, comme de nouveaux calculs de masse et centrage selon les modifications de la configuration.
4.2.5.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Beaucoup d'exploitants ont pris des mesures pour parer à ces problèmes, principalement par des procédures, une préparation des équipages et la maintenance.
Procédures propres aux évacuations aéromédicales
- En cas d'appel d'évacuation aéromédicales, ne pas effectuer les atterrissages de nuit sur des aires non aménagées.
- Sur les lieux d'une intervention, effectuer des survols de reconnaissance à haute et à basse altitude avant d'atterrir.
- Atterrir de nuit sur une hélisurface seulement lorsque celle-ci est suffisamment éclairée.
- Maintenir une distinction nette entre les opérations médicales et les opérations aériennes pour éviter que des problèmes médicaux ne détournent l'attention de l'équipage de conduite et n'affectent leur prise de décisions.
- Considérer l'équipe médicale de bord comme faisant partie de l'équipage : lui faire un exposé avant vol et la tenir au courant du déroulement du vol.
- Demander à l'équipage de conduite de faire participer le régulateur des vols et l'équipe médicale de bord à la décision d'accepter ou non un vol.
- Avoir des aéronefs réservés aux évacuations aéromédicales; ainsi, il est possible de prévoir à l'horaire des équipages de conduite pour ce type particulier de vol, et les aéronefs sont aménagés avec tout l'équipement nécessaire et prêts à partir dès la réception d'un appel.
- Utiliser un processus de suivi qui consigne le moment et les raisons de refus d'un vol (p. ex., conditions météorologiques, aéronef inutilisable) pour permettre l'analyse des tendances.
Procédures générales de sécurité
- Effectuer un exposé pour les membres d'équipage au début du quart de travail.
- Effectuer tous les vols selon les règles de vol aux instruments.
- Recourir à un régulateur des vols compétent pour tous les vols.
- Utiliser un système de suivi par satellite pour surveiller le déroulement des vols.
Préparation des équipages
- Accorder au personnel plus de temps de repos entre les périodes de service, s'il le demande.
- Donner aux équipages de conduite une formation sur la gestion du stress dû à un incident critique, les facteurs humains et la gestion des ressources aéromédicales.
- Examiner les rapports d'heures supplémentaires pour trouver les situations potentielles de fatigue.
Maintenance
- Avoir en tout temps un aéronef de rechange prêt pour les évacuations aéromédicales.
4.2.5.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Des exploitants estiment que la journée de service des équipages de conduite d'évacuations aéromédicales devrait comprendre la période de disponibilité des pilotes. Certains l'incluent déjà, mais plusieurs ne le font pas.
Des exploitants ont aussi soutenu qu'une fréquence radio exclusive est nécessaire pour que les équipages de conduite des évacuations aéromédicales puissent communiquer directement avec les premiers intervenants (services de police, d'incendie) au sol en faisant route vers une urgence. Entre autres avantages, les premiers intervenants pourraient ainsi transmettre aux équipages de conduite des renseignements utiles sur l'aire d'atterrissage.
4.2.5.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude n'a révélé que peu de faits établis spécifiques aux évacuations aéromédicales
- Une enquête sur un événement de 2014 a permis d'établir des faits sur le réaménagement de l'aéronef pour des évacuations aéromédicales Note de bas de page 58
4.2.5.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.5.4.1 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 1 recommandation pertinente pour le présent thème :
RS 35 Les exploitants aériens et les pilotes ne devraient pas être mis au courant de l'état du patient avant ou pendant un vol destiné à une évacuation médicale (MEDEVAC). Seules les exigences concernant la cabine, comme la température ou l'altitude, devraient être mentionnéesNote de bas de page 59.
4.2.5.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
La prise de décisions opérationnelles est plus complexe, et peut être compromise quand un pilote ou un équipage de conduite prend en compte l'état d'un patient. |
|
Conclusion : La nature particulière des évacuations aéromédicales peut provoquer énormément de stress chez les pilotes, ce qui peut avoir des répercussions néfastes sur leur prise de décisions.
4.2.6 Thème de sécurité : Vols de nuit
4.2.6.1 Contexte
Les vols de nuit sont foncièrement plus risqués que les vols de jour : il y a moins de repères visuels quand on décolle ou atterrit dans l'obscurité, et les pilotes sont vulnérables à des illusions (p. ex., illusion de trou noir) qui peuvent mener à des accidents. Le risque est plus grand la nuit pour certains types d'accidents, comme l'impact sans perte de contrôle (CFIT) et l'entrée par inadvertance d'un vol selon les règles de vol à vue (VFR) dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC)Note de bas de page 60. Pour les vols VFR de nuit, la réglementation actuelle ne définit pas ce qu'est un repère visuel à la surface : ainsi, les pilotes pourraient poursuivre leur vol VFR dans des régions sans éclairage artificiel ou ambiant de centres urbains ou d'autres endroits peuplés.
4.2.6.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.6.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Quand on leur a demandé les problèmes qui posaient le plus grand risque pour les activités de taxi aérien, plusieurs exploitants ont mentionné les vols VFR de nuit, étant donné leurs risques inhérents. Plus précisément, dans les régions qui offrent peu d'éclairage artificiel, les équipages de conduite pourraient ne pas avoir suffisamment de repères visuels pour effectuer sans risque des vols VFR de nuit.
4.2.6.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Des exploitants ont mentionné plusieurs mesures d'atténuation pour gérer les vols de nuit; ces mesures concernent l'équipage de conduite, la formation, les procédures et l'équipement.
Équipage
- Affecter 2 membres d'équipage à ces vols; les 2 pilotes peuvent avoir la qualification de commandant de bord.
- Accorder aux équipages des périodes adéquates et des installations convenables pour se reposer.
Formation
- Donner une formation sur les vols de nuit.
- Donner de la formation additionnelle au-delà des exigences pour la compétence pilote stipulées dans la réglementation.
- Fournir de l'entraînement sur simulateur, dans la mesure du possible.
Procédures
- Élaborer des SOP rigoureuses et s'assurer que le personnel les respecte.
- Effectuer tous les vols de nuit selon les règles de vol aux instruments (IFR), peu importe les conditions météorologiques.
- Faire des exposés au début du quart de travail pour passer en revue l'information de sécurité de vol; par exemple, une vue d'ensemble des conditions météorologiques (comptes rendus météorologiques de pilote [PIREP]), des dangers connus, de l'état de l'équipement, etc.
Équipement
- Munir les aéronefs de phares d'atterrissage à grande puissance.
- Demander un meilleur balisage lumineux aux aéroports nordiques.
- Munir les aéronefs d'un appareil du système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) et d'un système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS).
4.2.6.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Des exploitants ont dit que les aéroports éloignés devraient être munis d'approches GPS; actuellement, certains aéroports n'ont aucune approche GPS publiée.
Certains ont également indiqué qu'aux aéroports éloignés offrant des services limités, les comptes rendus des conditions météorologiques doivent être améliorés, étant donné les risques plus élevés de perte de repères visuels la nuit. Ils ont ajouté que les rapports sur les conditions aéroportuaires doivent aussi y être améliorés.
Des exploitants ont demandé que l'on établisse une longueur de piste minimale standardisée aux aéroports nordiques et éloignés.
Pour les vols d'hélicoptère de nuit, certains exploitants effectuant des évacuations aéromédicales ont suggéré l'utilisation de lunettes de vision nocturne.
4.2.6.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 12 faits établis concernant les vols de nuit dans le secteur du taxi aérien. La plupart de ces faits établis concernaient les illusions visuelles, la désorientation ou la perte de repères visuels qui compromettent le jugement des pilotesNote de bas de page 61.
D'autres faits établis concernaient spécifiquement des problèmes aux aérodromes, y compris le peu de repères visuels et d'aides à la navigationNote de bas de page 62. D'autres ont mentionné le manque d'expérience récente au vol de nuitNote de bas de page 63, l'absence de SOP pour les vols de nuitNote de bas de page 64 et l'absence, dans la réglementation, d'une définition d'un repère visuel à la surfaceNote de bas de page 65.
Le BST a 1 recommandation active pertinente à l'égard de ce thème :
Le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d'éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
Recommandation A16-08 du BST
4.2.6.4 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Dans les vols de nuit, un manque de repères visuels peut réduire le niveau de sécurité. |
|
Conclusion : Des repères visuels adéquats sont essentiels à la sécurité des vols de nuit.
4.2.7 Thème de sécurité : Technologie embarquée
4.2.7.1 Contexte
L'automatisation qui existe maintenant en aviation est devenue une des principales ressources dans la prise de décisions importantes et dans l'amélioration de la sécurité. Les exploitants de taxis aériens tirent parti d'une vaste gamme de technologies, allant d'appareils de base du système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) jusqu'aux systèmes de pilotage automatique et aux postes de pilotage à écrans électroniques Note de bas de page 66. Ce secteur compte toutefois beaucoup d'aéronefs qui sont encore munis d'instruments traditionnels et de systèmes élémentaires, et certains ont été construits il y a plus de 70 ans.
Moderniser un aéronef plus âgé en remplaçant les systèmes de navigation ou en installant des écrans électroniques exige une modification à la définition de type originale. Pour cela, Transports Canada (TC) exige un certificat de type supplémentaire, ce qui suppose un processus lourd et coûteux. Pour certains exploitants plus petits, qui exploitent peut-être 1 ou 2 aéronefs plus âgés, une telle modernisation est hors de prix.
La principale question de sécurité est le manque de technologie embarquée, mais certains exploitants ont une automatisation si poussée que le problème est alors celui d'une dépendance excessive à la technologie. Les pilotes qui ont l'habitude de se fier à des systèmes automatisés peuvent s'estimer parfaitement capables de contrôler la trajectoire de l'aéronef uniquement au moyen de ces systèmes. Ils peuvent dès lors manquer d'assurance si un ou l'autre des systèmes fait défaut ou s'ils doivent piloter et gérer l'aéronef manuellement.
Ce manque d'assurance provient habituellement d'une combinaison de méconnaissance des systèmes automatisés et d'un manque de compétence pour piloter et gérer l'aéronef manuellement Note de bas de page 67. Par exemple, les pilotes qui se fient trop au GPS peuvent en dépendre pour exécuter toutes leurs tâches de navigation. Par conséquent, leurs compétences de navigation, comme la lecture de carte ou la planification de vol, pourraient s'étioler. Cela pourrait créer des conditions dangereuses. Par exemple, un pilote volant dans des conditions de visibilité réduite et comptant sur le GPS pour la navigation risque de ne pas être attentif au trafic et aux obstacles.
4.2.7.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.7.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Aucun exploitant n'a relevé ce thème particulier parmi les risques les plus menaçants pour la sécurité. Toutefois, on l'a mentionné dans d'autres contextes.
L'adoption de nouvelles technologies dans ce secteur est en transition. Les exploitants ont décrit une situation confuse où la technologie installée peut être inégale au sein des flottes des divers exploitants et à l'échelle du secteur.
Par exemple, des exploitants ont mentionné que tous les aéronefs ne sont pas munis d'un transpondeur. Quoiqu'ils ne soient pas obligatoires, des transpondeurs seraient utiles pour les autres aéronefs qui sont munis d'un système d'alerte de trafic et d'évitement de collision (TCAS).
Souvent, les exploitants installent une nouvelle technologie uniquement si elle s'avère nettement rentable. Par conséquent, les pilotes peuvent être privés de technologies assurant une meilleure sécurité, et ils peuvent avoir à s'adapter à différentes technologies utilisées à bord de différents aéronefs. Cette situation peut affecter leur performance et leur prise de décisions. De plus, les pilotes qui sont très habitués aux instruments traditionnels pourraient avoir de la difficulté à utiliser une nouvelle technologie.
Par contre, il y a aussi des risques à être trop dépendant des nouvelles technologies. Des exploitants ont dit craindre que la dépendance vis-à-vis de l'automatisation entraîne une dégradation des compétences de pilotage de base. Ce problème apparaît déjà dans les écoles de pilotage, où les nouveaux pilotes peuvent être formés sur des aéronefs avec poste de pilotage à écrans électroniques. Les instruments modernes et traditionnels fournissent des renseignements semblables, mais les postes de pilotage à écrans électroniques ne préparent pas les nouveaux pilotes à voler avec des instruments traditionnels, ce qu'ils devront probablement faire en début de carrière. Beaucoup d'exploitants ont évoqué une dépendance excessive à la navigation par GPS. Selon eux, les compétences de base de lecture de cartes se sont étiolées, ce qui pourrait contribuer à ce que des pilotes exécutent des vols dans des conditions météorologiques défavorables (« braver le mauvais temps »).
4.2.7.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Certaines compagnies ont pris les devants en adoptant des mesures pour parer à ces problèmes. Une des mesures courantes consiste à installer de nouvelles technologies pour améliorer la sécurité :
- GPS;
- systèmes d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS);
- TCAS ou système anticollision embarqué (ACAS);
- transpondeurs mode C;
- instruments moteur numériques et données numériques sur le carburant;
- organiseurs électroniques de poste de pilotage Note de bas de page 68;
- contrôle de charge assisté par ordinateur pour les calculs de masse et de centrage.
De plus, certains exploitants modifient leurs aéronefs pour y aménager un poste de pilotage à écrans électroniques, ou achètent de nouveaux aéronefs qui en sont dotés.
Certains exploitants se servent d'applications logicielles pour la planification des vols, les cartes, la météo, les renseignements sur les aéroports, la gestion de documents et la tenue de carnet de vol.
Quelques exploitants ont adopté ou sont en voie d'adopter les lunettes de vision nocturne pour leurs opérations héliportées.
Certains exploitants ont dit qu'ils avaient installé des systèmes à lumière pulsée sur les aéronefs afin de les rendre plus visibles pour les autres aéronefs et d'éviter des impacts d'oiseaux.
Certains exploitants ont installé des dispositifs coupe-câble sur les hélicoptères afin de réduire les risques de collision avec des câbles lors des vols à basse altitude.
4.2.7.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants ont répété à maintes reprises que la réglementation devrait imposer l'utilisation de certaines technologies à bord de tous les aéronefs de ce secteur d'activité, y compris les TCAS, les transpondeurs et les systèmes de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B). Ils souhaiteraient également que l'organisme de réglementation fournisse des lignes directrices actualisées sur l'adoption et l'utilisation de lunettes de vision nocturne.
Des exploitants ont exprimé le besoin de mettre l'accent sur les compétences de base de pilotage manuel et de navigation/lecture de cartes, tant à l'école de pilotage que dans la formation périodique obligatoire.
Plusieurs exploitants ont des aéronefs de marque et de modèle identiques, mais dont les instruments et interrupteurs sont disposés différemment. Il faudrait normaliser l'aménagement des postes de pilotage pour aider les équipages de conduite qui pilotent plus d'un aéronef du même modèle à voler en toute confiance.
4.2.7.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Technologies qui pourraient améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien
- Systèmes d'avertissement et d'alarme d'impact
- Systèmes de surveillance du trafic et d'évitement des collisions
- GPS
- Organiseurs électroniques de poste de pilotage
- Suivi de vols automatisé
- Transpondeurs
- Postes de pilotage à écrans électroniques
- Outils pour calculer la masse et le centrage
- Indicateurs d'angle d'attaque
- Enregistreurs légers embarqués
- ADS-B
- Lunettes de vision nocturne
- Avertisseurs de décrochage dans certains aéronefs plus âgés
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 12 faits établis quant aux risques concernant la technologie embarquée. Plusieurs d'entre eux concernent une absence de technologie que la réglementation n'exige pas pour les opérations de taxi aérien, mais qui pourrait réduire le risque d'un accident, entre autres : TCASNote de bas de page 69; avertisseur de proximité du sol ou radioaltimètreNote de bas de page 70; instruments d'évitement du relief ou TAWSNote de bas de page 71; indicateur de vitesse verticale instantanéeNote de bas de page 72.
Plusieurs constatations mettaient aussi en cause la dépendance au GPS ou les difficultés à l'utiliser comme facteurs contributifs au risqueNote de bas de page 73.
4.2.7.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.7.4.1 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 2 recommandations pertinentes pour ce thème :
RS 25 Les unités de formation au pilotage devraient insister auprès des élèves inscrits à un cours de pilote professionnel sur l'importance d'apprendre et d'entretenir des compétences en navigation VFR [règles de vol à vue] sans l'utilisation d'aides électroniques à la navigation.
RS 31 Transports Canada devrait continuer de publier des articles dans Sécurité aérienne – Nouvelles et Sécurité aérienne – Vortex sur l'utilisation sûre et appropriée du système de positionnement mondial (GPS) et sur les dangers associés à sa mauvaise utilisationNote de bas de page 74.
4.2.7.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
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Conclusion : La technologie évoluée, si employée dans une opération, peut améliorer sensiblement la sécurité des activités de taxi aérien.
4.2.8 Thème de sécurité : Possibilités de survie
4.2.8.1 Contexte
Les risques d'un accident d'aéronef sont faibles comparativement à d'autres modes de transport, et ces accidents offrent souvent des chances de survie. Toutefois, pour survivre à un accident, les occupants de l'aéronef doivent être protégés des blessures dues à l'impact, évacuer l'appareil, et résister aux conditions ambiantes jusqu'à ce qu'ils soient repérés par les premiers intervenants.
L'augmentation de la résistance à l'impact accroît les possibilités de survie lors d'un impact. Grâce à plusieurs changements apportés aux aéronefs modernes, comme les améliorations structurelles, la modification des sièges et les normes d'inflammabilité des matériaux d'aménagement intérieur, les passagers ont plus de chances de survivre à l'impact et échapper à un incendie après impact. Toutefois, de nombreux aéronefs utilisés pour le taxi aérien sont anciens et ne bénéficient pas de ces caractéristiques.
Les possibilités de survie sont également accrues lorsque l'équipage de conduite et les passagers :
- savent à l'avance comment agir (exposés, formation);
- prennent les bonnes mesures pendant l'urgence (positions de protection contre l'impact, repérage et utilisation des sorties, procédures postévacuation);
- portent l'équipement de sécurité approprié (p. ex., casques pour les pilotes d'hélicoptère, vêtements de flottaison individuels [VFI] dans les hydravions, ceintures de sécurité et ceintures-baudriers);
- ont l'équipement de survie nécessaire et savent l'utiliser (p. ex., radiobalises de repérage d'urgence [ELT], radeaux de sauvetage, VFI).
Les passagers prêtent habituellement peu d'attention aux exposés avant vol et aux cartes de mesures de sécurité. Une étude menée en 2006 par l'Australian Transportation Safety Bureau, intitulée Public Attitudes, Perceptions and Behaviours Towards Cabin Safety Communications, a établi que 65 % des passagers ne lisaient pas ces cartesNote de bas de page 75. Les caractéristiques et les procédures de sécurité de chaque aéronef sont différentes; les passagers doivent donc prêter attention aux outils de sécurité fournis, car ces renseignements pourraient s'avérer essentiels pendant une urgence. Les mesures opérationnelles visant à améliorer les possibilités de survie ont porté principalement sur les exposés avant vol et avant atterrissage, la carte des mesures de sécurité et la signalisation utilisée pour communiquer l'information de sécurité et d'urgence aux passagers.
Enfin, dès que les occupants ont évacué l'aéronef, ils doivent être repérés et secourus rapidement. Les aéronefs sont équipés d'ELT, et les signaux de ces dispositifs sont surveillés. Pour être efficace, l'ELT doit survivre à l'impact, s'actionner et émettre un signal. Sur ces points, les ELT se sont révélés vulnérables dans de nombreux accidents.
La possibilité de survie est une question particulièrement préoccupante dans les accidents d'hydravion, lesquels constituent une cause majeure de mortalité dans le secteur du taxi aérien. D'après Transports Canada (TC)Note de bas de page 76, il y a eu 168 morts dus à des accidents d'hydravion de 1976 à 1990, soit en moyenne 11,2 par an. De 1990 à 2009, ce taux a chuté : 77 morts, soit en moyenne 3,85 par an. Tous les accidents de l'étude précédente avaient été considérés comme comportant une chance de survie. Toutefois, ni les passagers ni les membres de l'équipage ne portaient de VFI au moment de l'accident, bien que plusieurs survivants aient enfilé un VFI après l'amerrissage forcé de l'hydravion.
La différence la plus notable dans les causes de mortalité entre les accidents d'hydravion et les accidents d'avion terrestre est la fréquence des noyades. Dans beaucoup d'accidents sur l'eau, l'aéronef s'immobilise à l'envers. La gravité des blessures détermine la capacité des occupants à évacuer l'avion. Ainsi, pour survivre à l'accident, les membres de l'équipage et les passagers doivent avant tout s'assurer d'utiliser correctement les dispositifs de retenue, savoir où se trouvent les sorties et comment les utiliser, porter un VFI et savoir comment le gonfler une fois dehors, et évacuer l'aéronef le plus vite possible.
4.2.8.2 Ce que nous ont dit les exploitants et les inspecteurs de Transports Canada sur ce thème
4.2.8.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Les exploitants n'ont mentionné aucun aspect des possibilités de survie en parlant des problèmes qui, selon eux, présentent le plus grand risque pour la sécurité. Les exploitants d'hydravions ont cependant parlé de modifications proposées aux règlements visant des questions liées aux possibilités de survie.
Des modifications au Règlement de l'aviation canadien (RAC) annoncées le 25 février 2019 exigeront que les passagers et les membres d'équipage portent un VFI à bord de tout hydravion lorsqu'il est sur l'eau ou survole un plan d'eau. Elles s'appliqueront aux opérations assujetties à la sous-partie 703*. Ces modifications exigeront des pilotes d'hydravions commerciaux à voilure fixe qu'ils suivent une formation initiale et périodique sur l'évacuation subaquatique, mesures qui toucheront les opérations assujetties aux sous-parties 703 et 704. Les exploitants ont un délai de 18 mois pour se conformer à la nouvelle réglementation sur les VFI, et de 36 mois pour suivre une formation sur l'évacuation subaquatique.
Durant la tenue des entrevues dans le cadre de la SII, ces modifications étaient à l'étape de proposition. Elles découlaient d'une recommandation du BST faite en mars 2011 à la suite d'un événement impliquant un hydravion** : que tous les occupants d'hydravions commerciaux portent un VFI en cours de vol.
* Gouvernement du Canada, Gazette du Canada, Partie II, volume 153, no 5 (6 mars 2019), Règlement modifiant le Règlement de l'aviation canadien (parties I, VI et VII – Exploitation d'hydravions)
** Rapport d'enquête aéronautique A09P0397 du BST.
Plusieurs exploitants d'hydravions ont dit craindre que le port d'un VFI n'empêche les membres d'équipage ou les passagers de se déplacer librement ou d'évacuer l'aéronef en cas de gonflement du VFI avant ou pendant la sortie. Ils ont également affirmé que la modification au Règlement de l'aviation canadien (RAC) pour exiger une formation en évacuation subaquatique pour les pilotes d'hydravions commerciaux ne serait probablement pas bien accueillie par l'ensemble des exploitants d'hydravions. C'est tout particulièrement le cas parmi les exploitants plus chevronnés, qui estiment que ce type de formation n'est pas nécessaire.
Certains exploitants d'hydravions ont mentionné des problèmes d'évacuation propres à certains types d'aéronefs.
Les inspecteurs de TC interrogés dans le cadre de cette SII déplorent la variabilité de la qualité des exposés aux passagers de vols d'hydravion au sein même d'une compagnie et entre les divers exploitants.
Dans les activités héliportées, certains exploitants se sont dits préoccupés par la variabilité dans le port du casque par les pilotes ainsi que par la perception des clients sur le port du casque.
4.2.8.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Les exploitants gèrent les problèmes de possibilités de survie en prenant des mesures concernant, entre autres, les exposés, les VFI et autres dispositifs de flottaison, les issues modifiées et leur fonctionnement, ainsi que le suivi et le repérage des aéronefs.
Certains exploitants ont signalé des mesures prises par leurs clients. Un exploitant, par exemple, a indiqué que certains de ses clients exigeaient que les membres de son personnel portent un VFI à bord de l'aéronef et qu'ils aient suivi une formation supplémentaire.
Exposés
- Inclure une démonstration et une simulation sur la manière d'enfiler les VFI afin que les passagers sachent comment les utiliser avant d'embarquer dans l'aéronef.
- Ajouter une vidéo à l'intention des passagers sur les mesures de sécurité qui insiste sur l'importance de ne pas gonfler un VFI avant d'avoir évacué l'aéronef.
- Mettre à jour les exposés aux passagers pour y inclure des renseignements sur les VFI et l'évacuation de l'aéronef.
VFI et autres vêtements de flottaison
- Exiger que tous les passagers portent un VFI lorsqu'ils sont à bord de l'aéronef.
- Lorsqu'un hélicoptère survole un plan d'eau à quelque distance que ce soit de la rive, avoir des radeaux de sauvetage et des combinaisons d'immersion et veiller à ce que les VFI soient portés ou à portée de main.
Issues modifiées
- Modifier les poignées de porte sur les de Havilland DHC-2 Beaver et installer des fenêtres largables afin de faciliter l'évacuation des occupants.
Suivi et repérage des aéronefs
- Installer des radiobalises de repérage d'urgence de 406 MHz ou transporter des balises de détresse personnelles SPOT (dispositifs de messagerie utilisant le système mondial de positionnement pour navigation satellite [GPS]) à bord des aéronefs.
- Installer un système de suivi par satellite.
- Doter les aéronefs d'un téléphone satellite pour communiquer dans les régions éloignées.
Autre
- Instaurer des politiques imposant le port du casque aux pilotes d'hélicoptère ou, s'il est facultatif, prévoyant des mesures incitatives, comme des plans d'achat.
- Informer les clients des raisons pour lesquelles les pilotes d'hélicoptère portent un casque alors que les passagers n'y sont pas tenus.
4.2.8.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants ont fait les suggestions suivantes :
- installer des fenêtres largables chaque fois que cela est possible et pertinent pour le type d'aéronef;
- présenter aux passagers des exposés de sécurité plus rigoureux avant le départ;
- établir des exigences claires pour que tous les VFI restent conformes après leur utilisation continue;
- mener davantage de recherches avant de mettre en œuvre les nouveaux règlements sur les VFI;
- adopter une politique rendant le port du casque obligatoire pour les membres d'équipage des hélicoptères.
4.2.8.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
4.2.8.3.1 Faits établis par le BST
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé plus de 100 faits établis concernant la survie des occupants après un accident. Des faits ont été constatés sur l'équipement de survie, les exposés aux passagers, les ELT, les VFI, des cargaisons dans la cabine, le port du casque à bord des hélicoptères et les ceintures de sécurité.
Équipement de survie
Certains aéronefs n'avaient pas l'équipement de survie exigé Note de bas de page 77. Dans d'autres cas, l'équipement de survie se trouvait à bord, mais les occupants ont eu des difficultés à le trouver ou à y accéder Note de bas de page 78. Dans quelques cas, la capacité des passagers d'utiliser l'équipement de survie les a aidés à survivre Note de bas de page 79.
Exposés sur la sécurité pour les passagers
De nombreuses constatations signalaient des exposés incomplets ou des cartes des mesures de sécurité inadéquates Note de bas de page 80. Les passagers qui ne disposent pas des renseignements essentiels sur la sécurité peuvent avoir des difficultés à évacuer l'aéronef après un accident.
Radiobalises de repérage d'urgence
Une enquête sur un événement de 2009 a permis de constater qu'un ELT avait aidé à repérer rapidement le lieu de l'accident Note de bas de page 81. Cependant, l'absence d'émission ou de réception d'un signal de l'ELT d'un aéronef a été beaucoup plus souvent constatée, et ce, en raison des limites de l'ELT, y compris la manière dont l'ELT avait été fixé sur l'aéronef, le délai prévu d'émission du premier signal ou la dislocation de l'antenne de l'ELT pendant l'accident Note de bas de page 82.
Vêtements de flottaison individuels
Certains rapports ont abordé le risque de noyade quand un aéronef entre en collision avec un plan d'eau et que les occupants ne portent pas un VFI même si des VFI sont fournis Note de bas de page 83. Dans quelques événements, des VFI n'étaient pas fournis ou n'étaient pas aisément accessibles Note de bas de page 84.
Cargaison dans la cabine
De nombreuses enquêtes ont constaté que des cargaisons ou des bagages dans la cabine n'avaient pas été arrimés et qu'ils étaient devenus des dangers pour la sécurité pendant l'accident Note de bas de page 85. Les objets non arrimés peuvent devenir des projectiles et causer des blessures, parfois fatales, aux membres de l'équipage de conduite ou aux passagers. Ils peuvent également entraver l'évacuation de l'avion.
Port du casque dans les hélicoptères
Le fait que les pilotes d'hélicoptère ne portaient pas de casque est mentionné dans de nombreux rapports d'enquête des 15 années de l'étude, y compris aussi récemment qu'en 2013 Note de bas de page 86.
Ceintures de sécurité
Il est prouvé que le port de la ceinture de sécurité réduit le risque de blessure ou de mort dans un accident. Des enquêtes précédentes ont révélé que des membres d'équipage ne portaient pas la ceinture-baudrier Note de bas de page 87 et que des passagers n'utilisaient pas la ceinture de sécurité ou la ceinture-baudrier Note de bas de page 88. Dans certains cas, les occupants avaient subi des blessures graves ou mortelles.
4.2.8.3.2 Recommandations du BST
Au fil des ans, le BST a fait plus de 40 recommandations sur les possibilités de survie dans les accidents de taxi aérien, visant principalement : les mesures et les normes d'inflammabilité à adopter pour prévenir les incendies en vol ou après un impact; des détaillés complets sur la sécurité; les normes sur les dispositifs de retenue; l'équipement de survie. De ces recommandations, 9 sont toujours actives Note de bas de page 89.
4.2.8.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.8.4.1 Étude de sécurité portant sur les possibilités de survie dans les accidents d'hydravions du BST
L'Étude de sécurité portant sur les possibilités de survie dans les accidents d'hydravions du BST Note de bas de page 90 achevée en 1994 a donné lieu à 6 recommandations. Toutes ces recommandations ont été classées.
4.2.8.4.2 Étude de Transports Canada sur la sécurité des hydravions
TC a réalisé une étude sur la sécurité des hydravions à flotteurs en examinant les données actuelles et antérieures sur les accidents d'hydravion dans l'ensemble du CanadaNote de bas de page 91. TC a établi que :
- le nombre des morts était élevé : 168 de 1976 à 1990, soit en moyenne 11,2 par an;
- ce nombre avait baissé entre 1990 et 2009 : 77 morts, soit en moyenne 3,85 par an;
- tous les accidents étaient considérés comme offrant une chance de survie;
- personne ne portait de VFI lors de l'accident;
- sur les membres d'équipage de conduite et les passagers qui avaient eu un accident entre 1990 et 2009, 235 avaient survécu, dont 21 personnes ayant mis leur VFI après l'accident;
- les types d'aéronefs en cause dans ces événements étaient très souvent ceux utilisés couramment dans les exploitations commerciales d'hydravions à flotteurs : Cessna 180, 185 et 206, et de Havilland DHC-2 et DHC-3.
4.2.8.4.3 Fatal and Serious Injury Accidents in Alaska – A Retrospective of the years 2004 through 2009 with Special Emphasis on Post Crash survival
Cette étude sur les accidents aériens qui ont eu lieu en Alaska entre 2004 et 2009Note de bas de page 92 comprenait les conclusions suivantes qui étaient pertinentes pour ce thème [traduction] :
- l'installation de coussins gonflables de ceinture de sécurité aurait peut-être sauvé 31 vies;
- l'utilisation de casques à bord d'avions à sièges en tandem, comme les appareils Super Cub, aurait peut-être sauvé 33 vies;
- l'utilisation de ceintures-baudriers, principalement aux sièges de passagers, aurait peut-être sauvé 28 vies;
- une formation de survie aurait peut-être sauvé 19 vies;
- l'utilisation opportune de vêtements de flottaison individuels dans les hydravions aurait peut-être sauvé 21 vies;
- l'utilisation de bouteilles d'oxygène de secours pour empêcher la noyade en cas d'accident d'hydravion aurait peut-être sauvé 18 vies;
- un dispositif efficace de localisation d'urgence, comme une radiobalise de repérage d'urgence de 406 MHz à bord de l'avion, aurait peut-être sauvé 12 viesNote de bas de page 93.
4.2.8.4.4 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 2 recommandations pertinentes pour ce thème :
RS 52 Transports Canada devrait rédiger une brochure décrivant les procédures d'évacuation lorsque l'aéronef est immergé et que les exploitants aériens pourraient fournir à leurs passagers et à leurs clients.
MI 52 Les pilotes d'avion à flotteurs et les pilotes d'hélicoptère qui survolent des plans d'eau devraient inclure des renseignements sur l'évacuation d'un aéronef immergé dans leur exposé aux passagersNote de bas de page 94.
4.2.8.4.5 Death Review Panel: Four Fatal Aviation Accidents Involving Air Taxi Operations on British Columbia's Coast – Report to the Chief Coroner of British Columbia
Ce rapport, rédigé par le coroner en chef de la Colombie-Britannique en 2012 après plusieurs accidents mortels de taxis aériens, comprend 5 recommandations pertinentes pour ce thème [traduction] :
Que Transports Canada ajoute à la réglementation une exigence que les issues de secours de tous les hydravions commerciaux nouveaux et actuellement en service permettent une évacuation rapide après une collision avec un plan d'eau.
Que Transports Canada ajoute à la réglementation une exigence que tous les passagers et membres d'équipage d'hydravions commerciaux portent des vêtements de flottaison individuels (VFI) pendant toutes les étapes du vol.
Que Transports Canada ajoute à la réglementation une exigence que des bandes lumineuses indiquant l'emplacement des issues de secours soient installées à bord de tous les hydravions commerciaux.
Que Transports Canada lance une recherche sur les technologies qui permettraient aux hydravions de flotter sur la surface ou de retarder sensiblement la vitesse d'enfoncement après une collision avec un plan d'eau.
Que Transports Canada élabore un programme normalisé de formation sur l'évacuation subaquatique et rende une telle formation obligatoire pour les équipages de conduite travaillant à bord d'hydravions commerciaux; il est également recommandé de rendre obligatoire la communication d'exposés de sécurité améliorés décrivant les procédures d'évacuation subaquatique sur tous les vols d'hydravions commerciauxNote de bas de page 95.
4.2.8.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
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Le contexte des opérations de taxi aérien, combiné à des exposés inefficaces sur les mesures de sécurité et à la mauvaise utilisation de l'équipement de sécurité, réduit la probabilité de survie en cas d'accident. |
|
Conclusion : La résistance de l'aéronef à l'impact, les exposés de sécurité et l'équipement de secours sont autant de facteurs essentiels pour accroître les possibilités de survie des occupants en cas d'accident.
4.2.9 Thème de sécurité : Renseignements météorologiques
4.2.9.1 Contexte
Au Canada, les conditions météorologiques varient énormément et peuvent changer rapidement en raison de la diversité du relief : montagnes, forêts pluviales côtières, grands lacs intérieurs, vastes prairies, forêt boréale, régions arctiques et le plus long littoral au monde bordant 3 océans. Cette géographie influe énormément sur les conditions météorologiques, aussi bien à grande échelle que dans les microclimats régionaux. Cela étant, il peut être difficile de faire des prévisions météo exactes, ce qui pose des problèmes pour tous les secteurs de l'aviation.
En même temps, une planification efficace des vols exige des renseignements météorologiques exacts et à jour. Les pilotes doivent pouvoir prendre des décisions éclairées en fonction des conditions météorologiques lors du décollage et de l'atterrissage, et éviter d'affronter du mauvais temps en route. Une grande partie des activités de taxi aérien se déroulent dans les régions les plus éloignées et les plus inhospitalières du Canada où les conditions météorologiques peuvent être mauvaises et imprévisibles. Les renseignements météorologiques sont donc cruciaux pour la sécurité. Pour en tirer parti, les pilotes et les compagnies doivent avoir accès à des renseignements météorologiques exacts et ils doivent entretenir une culture de sécurité positiveNote de bas de page 96 (voir aussi la section 4.2.10 Thème de sécurité : Acceptation de pratiques non sécuritaires).
Les accidents dus aux conditions météorologiques représentent un problème de longue date dans le secteur du taxi aérien. Les vols des taxis aériens se déroulent souvent à basse altitude, selon les règles de vol à vue (VFR), en direction d'aires d'atterrissage lointaines ou non aménagées, bénéficiant de peu ou pas de services de soutien. En outre, beaucoup de vols ont lieu dans des régions où les services météorologiques sont limités et qui ne sont pas desservies par des installations de pointe de prévision et d'observation météorologiques. En l'absence de renseignements météorologiques de l'aérodrome de destination, la planification des vols est souvent fondée sur les prévisions météorologiques régionales ainsi que sur les comptes rendus de position des pilotes et la connaissance des lieux.
4.2.9.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.9.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Les exploitants à qui on a demandé d'indiquer les questions qui posaient le plus grand risque pour la sécurité ont soulevé 2 enjeux concernant les comptes rendus météorologiques : 1) le manque de comptes rendus météorologiques détaillés dans bon nombre des régions où circulent des aéronefs; et 2) le manque de rapports provenant d'autres aéronefs circulant dans des régions éloignées.
Les exploitants ont indiqué que ces questions de sécurité présentaient des défis et augmentaient souvent les risques lorsque les conditions météorologiques étaient défavorables. Ces risques comprennent les situations suivantes :
- effectuer des décollages et des atterrissages à certains aéroports éloignés, sur des zones d'atterrissage non aménagées et sur des plans d'eau;
- effectuer des vols dans des secteurs comprenant des obstacles ou à proximité de ceux-ci (p. ex., des lignes électriques);
- voler dans des conditions de givrage lorsque l'aéronef n'a pas d'équipement antigivrage ou de dégivrage;
- ne pas pouvoir voler au-dessus des conditions de givrage, lorsqu'un tel équipement est installé, à cause des limites de plafond pratique de l'aéronef;
- poursuivre des vols par mauvais temps.
4.2.9.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
La plupart des exploitants ont adopté diverses mesures d'atténuation, allant de politiques et procédures jusqu'à des moyens technologiques, pour réduire le risque lié aux facteurs météorologiques dans leurs activités. Les compagnies ont également pris des dispositions pour améliorer la culture en matière de décisions selon les conditions météorologiques.
Ces mesures comprennent des améliorations à la planification des vols, par exemple par l'accès à Internet dans les endroits éloignés et l'utilisation de téléphones cellulaires ou satellites, d'applications et de programmes pour faciliter la planification et les exposés météorologiques. Certaines compagnies ont indiqué qu'elles subventionnent les achats de téléphones cellulaires et de forfaits de données des pilotes afin qu'ils puissent s'informer des prévisions météorologiques sur leur téléphone cellulaire dans les zones de téléphonie mobile. Les stations AWOS (système automatisé d'observations météorologiques) offrent des renseignements météorologiques factuels dans les régions où il est impossible ou inefficace de mettre en place une station météorologique avec du personnel. Certains exploitants utilisent des caméras météo dans les aérodromes éloignés pour avoir une idée des conditions météorologiques.
D'autres forment les clients ou d'autres personnes dans les régions éloignées afin qu'ils puissent observer les conditions météorologiques et les communiquer avec exactitude aux équipages de conduite. Dans les régions côtières, les gardiens de phare peuvent fournir des observations météorologiques précises et leur connaissance des lieux, ce qui peut s'avérer utile lors de la planification des vols; cependant, le nombre de phares avec personnel au Canada a baissé au cours des dernières années.
Lors de vols effectués par temps défavorable, il est possible de tirer profit des progrès technologiques, comme : les systèmes d'avertissement de proximité du sol améliorés; les systèmes de vision artificielle; les postes de pilotage à écrans électroniques; des mises à jour météo en temps réel grâce à la connectivité par satellite et aux radars (voir aussi la section 4.2.7 Thème de sécurité : Technologie embarquée).
En raison des limites d'exploitation des aéronefs Cessna 208 dans des conditions de givrage, certains exploitants n'utilisent pas ces aéronefs en hiver ou ont mis en place des procédures particulières ainsi qu'une formation améliorée pour exploiter ce type d'aéronef lorsqu'il peut y avoir des conditions de givrage. D'autres exploitants font uniquement décoller certains modèles d'aéronefs lorsque des conditions de givrage sont prévues.
4.2.9.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
La nécessité d'améliorer les comptes rendus météorologiques est un thème récurrent parmi les exploitants. Beaucoup d'entre eux ont déclaré qu'il fallait augmenter le nombre de stations d'observation dans les régions où les conditions météorologiques sont moins prévisibles (p. ex., les régions côtières). D'autres ont affirmé que les heures ouvrables des stations d'observation météorologique actuelles devraient être prolongées afin que les pilotes qui effectuent des vols tôt le matin ou tard le soir bénéficient de renseignements météorologiques plus précis.
Dans les régions où il est impossible ou inefficace de mettre en place des stations météorologiques avec personnel, le secteur estime qu'une augmentation du nombre de stations AWOS et de caméras météo permettrait d'accroître la sécurité.
L'éducation des équipages et des clients a également été jugée importante. Les exploitants ont dit que cette éducation devrait aider les pilotes à prendre de meilleures décisions en fonction des conditions météorologiques et les clients à comprendre les risques associés au mauvais temps.
4.2.9.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 4 faits établis où l'inadéquation des renseignements météorologiques avait influé sur la prise de décisions des pilotes Note de bas de page 97 :
- En 2000, dans un événement d'impact sans perte de contrôle avec une surface gelée, les conditions météorologiques qui prévalaient dans les environs au moment de l'accident ne se prêtaient pas au vol à vue. De plus, il n'y avait pas d'installations météorologiques en route.
- En 2005, dans un événement de perte de maîtrise et collision avec le relief, un fait établi quant au risque concernait les prévisions de givrage génériques dans les prévisions météorologiques pour l'aviation. Des prévisions de givrage génériques ne permettent pas nécessairement de prédire exactement les effets de conditions de givrage sur un type d'aéronef particulier.
- L'enquête sur une sortie en bout de piste et une collision avec le relief, en 2006, a permis d'établir que la station météorologique à l'aéroport où l'événement s'était produit ne disposait d'aucune capacité de communication air-sol lui permettant de communiquer à temps des mises à jour sur le vent aux équipages de conduite.
- En 2008, dans un événement d'impact sans perte de contrôle avec le relief, le pilote avait reçu des indications d'amélioration marginale des conditions météorologiques en cours de route et des indications inexactes d'une autre station météorologique. Ces indications l'ont peut-être incité à poursuivre le vol VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments. Des faits quant au risque ont également été établis sur le manque de formation en prise de décisions du pilote pour les exploitants de taxis aériens en régime VFR et sur les pressions exercées par les clients afin que les vols soient effectués malgré un temps défavorable.
4.2.9.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.9.4.1 Rapport d'une étude de sécurité du BST sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables
L'étude de sécurité du BST sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables portait sur 333 accidents d'aéronefs immatriculés au Canada s'étant produits au cours d'une période de 10 ans (entre 1976 et 1985), où la météo avait joué un rôleNote de bas de page 98. Les thèmes récurrents dans les causes et les facteurs contributifs de ces accidents comprenaient les pratiques du secteur à l'époque, l'équipement de l'aéronef et les services d'exposés météorologiques.
Ce rapport présentait 25 recommandations, la plupart visant à parer à ces causes et facteurs contributifs importants. Une de ces 25 recommandations est toujours active :
Le ministère des Transports exige que tous les hélicoptères utilisés à des fins commerciales soient munis d'une instrumentation suffisante permettant l'exécution des manœuvres élémentaires de vol aux instruments.
Recommandation A90-84 du BST
4.2.9.4.2 Death Review Panel: Four Fatal Aviation Accidents Involving Air Taxi Operations on British Columbia's Coast – Report to the Chief Coroner of British Columbia
Ce rapport, rédigé par le coroner en chef de la Colombie-Britannique en 2012 après plusieurs accidents mortels de taxis aériens, comprend une recommandation sur ce thème [traduction] :
Que NAV CANADA consulte le personnel du Service météorologique d'Environnement Canada ainsi que la communauté des exploitants d'hydravions de la Colombie-Britannique afin d'améliorer la qualité des images des caméras météo sur le site Web de la météorologie à l'aviation et d'augmenter le nombre de caméras Web installées dans des emplacements côtiers cruciauxNote de bas de page 99.
4.2.9.4.3 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 3 recommandations pertinentes pour le présent thème :
RS 69 Transports Canada devrait consulter le British Columbia Air Operators Group et NAV CANADA pour savoir quelles mesures sont prises pour améliorer les services d'observations météorologiques sur la côte ouest de la Colombie-Britannique. Il serait justifié de procéder à une revue de la sécurité s'il n'existe pas de solution évidente et rapide à ces problèmes.
RS 71 Les inspecteurs de l'Aviation commerciale et d'affaires et de la Formation au pilotage et les instructeurs de vol de Transports Canada devraient promouvoir les avantages que représente la transmission de comptes rendus météorologiques de pilote (PIREP). Transports Canada devrait publier un article dans Sécurité aérienne – Nouvelles et dans Sécurité aérienne – Vortex pour encourager les pilotes à transmettre des PIREP.
MI 71 Les pilotes devraient transmettre des PIREP, en particulier dans les régions où les conditions météorologiques sont variables et là où les bulletins météorologiques sont moins nombreux ou moins fiablesNote de bas de page 100.
4.2.9.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Des renseignements météorologiques inexacts ou incomplets nuisent à la sécurité. |
|
Conclusion : L'exactitude des renseignements météorologiques est un élément essentiel de la planification des vols. Elle permet aux pilotes de prendre des décisions éclairées en fonction des conditions météorologiques.
4.2.10 Thème de sécurité : Acceptation de pratiques non sécuritaires
4.2.10.1 Contexte
Dans les activités d'une entreprise, il arrive que le personnel adopte des pratiques non sécuritaires en s'efforçant de réaliser des objectifs. Ces pratiques non sécuritaires sont parfois acceptées progressivement dans l'exécution des tâches – dans une dérive qui passe inaperçue – et peuvent finir par être enseignées aux nouveaux employés, ce qui perpétue leur utilisation. Quand ces pratiques non sécuritaires n'ont aucun effet négatif ou donnent souvent des résultats positifs (vols parvenant à destination, clients satisfaits), leur acceptation peut sembler rationnelle, et elles finissent parfois par entrer dans la norme.
Ces pratiques se développent en raison de plusieurs facteurs, comme la pression d'accomplir la tâche (voir aussi la section 4.2.13 Thème de sécurité : Pression liée à l'opération) et la sous-estimation ou le manque de reconnaissance des risques connexes. Les pratiques non sécuritaires consistent par exemple à : effectuer un vol en surcharge; effectuer un vol avec des réserves de carburant insuffisantes; omettre de consigner des anomalies dans le carnet de route de l'aéronef; « braver le mauvais temps » (voir aussi la section 4.2.9 Thème de sécurité : Renseignements météorologiques).
De nombreux facteurs sous-jacents favorisent l'adoption de pratiques non sécuritaires en aviation. Lorsque le personnel répète toujours la même routine (p. ex., effectuer le même vol régulier ou la même inspection d'aéronef), cette routine peut devenir un automatisme, ce qui entraîne une baisse de vigilance. Il se peut que le personnel trouve des façons plus efficaces d'exécuter une tâche mais qu'il ne tienne pas compte des risques connexes ou des liens entre les tâches. Dans certains cas, les employés se trouvent contraints d'improviser et de résoudre des problèmes sur-le-champ; sur le terrain, il n'est pas toujours pratique de respecter la procédure écrite. Dans d'autres cas, le personnel et les organisations doivent composer au mieux avec les ressources dont ils disposent. Dans des cas extrêmes, il se développe une culture d'entreprise dans laquelle des pratiques non sécuritaires sont d'emblée acceptées comme façon de faire.
4.2.10.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.10.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Interrogés sur les dangers et les risques liés aux activités de taxi aérien, les exploitants ont mentionné plusieurs facteurs contribuant à l'acceptation de pratiques non sécuritaires. Ils ont maintes fois répété que les pilotes pouvaient relâcher leur vigilanceNote de bas de page 101 après avoir effectué les mêmes vols réguliers sur les mêmes itinéraires, et ainsi être moins portés à s'adapter à des changements de conditions. La routine et la répétition peuvent aussi amener les techniciens d'entretien d'aéronef (TEA) à être moins attentifs. Pour les pilotes comme pour les TEA, un tel relâchement peut entraîner des pratiques ou des actions contraires aux règlements ou aux procédures.
Les exploitants ont également fait état des pressions provenant de nombreuses sources et incitant les pilotes à poursuivre des vols par mauvais temps (voir également la section 4.2.13 Thème de sécurité : Pression liée à l'opération). Il peut ainsi arriver que des vols aient lieu dans des conditions météorologiques défavorables, sous les minima exigés par la réglementation.
Les exploitants ont cité plusieurs aspects liés aux adaptations ou aux écarts des procédures et aux règlements. Les pilotes novices sont généralement plus susceptibles de respecter les procédures et les règlements que les pilotes plus expérimentés. Ainsi, les exploitants ont jugé que l'expérience pouvait contribuer non seulement à une disparité dans l'application des procédures et des règlements, mais aussi à une plus grande tolérance au risque.
4.2.10.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Beaucoup d'exploitants reconnaissent les risques liés à l'acceptation de pratiques non sécuritaires et ont pris des mesures pour éviter les situations entraînant cette acceptation. Certaines de ces mesures sont aussi utiles face à d'autres questions de sécurité relevées au cours de cette enquête, comme les opérations dans des conditions météorologiques défavorables, la formation des pilotes moins expérimentés et l'évitement de la fatigue.
Routine
- Varier de manière délibérée les horaires de vol afin d'éviter que les pilotes ne suivent constamment le même itinéraire.
- Instaurer une politique imposant aux équipages de conduite de passer en revue les procédures d'urgence en cours de vol, afin de renforcer les procédures et d'aider les pilotes à rester mentalement alertes.
- Favoriser une communication ouverte entre les TEA et les pilotes.
Formation
- Jumeler les pilotes sans expérience avec des pilotes expérimentés pour favoriser le transfert des connaissances (politique interdisant le jumelage de pilotes inexpérimentés) et mettre en place des programmes de mentorat.
- Offrir aux équipages qui évoluent dans des environnements difficiles des programmes de formation avancée sur la prise de décisions et les conditions météorologiques.
- Mettre en place un entraînement sur la ligne et familiariser les équipages avec les environs pour que les équipages soient prêts à voler dans des régions éloignées ou dans des conditions difficiles.
Conditions météorologiques
- Créer, par voie de politique et de procédure, des moyens de défense contre les dangers météorologiques, y compris : mesures d'atténuation relevant du contrôle opérationnel (comme l'interdiction de vol dans des conditions de givrage et de départ dans des conditions météorologiques inférieures aux minima requis); examen des politiques et des procédures ayant trait aux conditions météorologiques.
- Améliorer la culture entourant les décisions prises en fonction des conditions météorologiques, en encourageant les pilotes à communiquer avec la base, le régulateur des vols, un pilote chevronné ou un chef pilote pour discuter des conditions météorologiques et des plans établis.
- Faire des exposés météorologiques obligatoires avant les vols pour s'assurer que les équipages disposent des renseignements météorologiques les plus récents.
- Entraîner aux règles de vol aux instruments (IFR) les pilotes qui exécutent la plupart de leurs vols selon les règles de vol à vue (VFR).
4.2.10.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants ont indiqué qu'il fallait appliquer la réglementation en vigueur sur les minima météorologiques avec plus de rigueur. Certains d'entre eux ont dit que Transports Canada devrait faire plus d'efforts pour repérer et sanctionner les contrevenants.
L'éducation des équipages et des clients est également jugée importante. Les exploitants ont affirmé que cette éducation devait permettre aux pilotes de prendre de meilleures décisions en fonction des conditions météorologiques et aider les clients à comprendre les risques que présentent les vols effectués par mauvais temps.
4.2.10.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
4.2.10.3.1 Faits établis par le BST
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé de nombreux exemples où des risques avaient fini par être acceptés. En font partie : braver le mauvais temps; effectuer un vol dans des conditions de givrage prévues avec un aéronef non certifié pour voler dans ces conditions; effectuer un vol avec des réserves de carburant insuffisantes pour un vol IFR et de l'équipement inutilisable; effectuer un vol en surcharge; omettre de consigner des anomalies dans le carnet de route de l'aéronef.
Braver le mauvais temps
Le BST a enquêté sur de nombreux accidents où le pilote avait tenté d'effectuer un vol ou avait continué de voler dans des conditions météorologiques défavorables. Les enquêtes montrent comment des expériences antérieures de dépassement des limites entraînent l'adoption de pratiques non sécuritaires, et comment ces pratiques peuvent perdurer si les exploitants les acceptent implicitement.
Dans son rapport sur un événement d'impact sans perte de contrôle survenu en 2013 près du lac Hesquiat (Colombie-Britannique), le BST a examiné pourquoi le pilote, qui ne détenait pas une qualification en règle de vol aux instruments et pilotait un aéronef qui n'était pas équipé pour les vols IFR, avait poursuivi sa route dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). D'après le rapport :
le pilote avait passé une bonne partie de sa carrière à voler dans cette région de la côte ouest de la Colombie-Britannique, région qui est reconnue pour son relief montagneux, la pluie, la brume, le vent, les plafonds bas, etc., et avait très certainement volé dans des conditions météorologiques difficiles à plusieurs reprises. Le pilote avait par le passé détenu la qualification de vol aux instruments, qui toutefois n'était plus valideNote de bas de page 102.
Dans son enquête, le BST a également constaté que la compagnie n'avait aucune méthode efficace pour superviser les décisions prises par les pilotes durant le vol et les pratiques connexes.
De même, dans un rapport sur un impact sans perte de contrôle (CFIT) survenu en 2008 sur l'île Thormanby Sud (Colombie-Britannique) à la suite d'un vol VFR passé en conditions IMC, l'enquête a révélé que le pilote avait tendance à braver le mauvais tempsNote de bas de page 103. En donnant son exposé aux passagers le jour de l'événement, le pilote les avait avisés que le vol se déroulerait à basse altitude et que si cela les préoccupait, ils pouvaient quitter l'aéronef. Ce genre d'avertissement ne fait pas normalement partie de l'exposé aux passagers et indique que le pilote était conscient que les conditions météorologiques pendant le vol seraient probablement difficiles au point que, pour conserver des repères au sol, il devrait voler à une altitude plus basse. Le rapport indique également que même si l'approche générale de l'entreprise consistait à éviter de braver le mauvais temps, les pilotes n'avaient pas de procédures ou d'outils pour prendre des décisions éclairées à cet égard. Le pilote en cause avait déjà reçu des conseils au sujet de sa prise de décisions en fonction de la météo, mais à titre informel et sans que ce soit consigné.
Vol dans des conditions de givrage prévues
Certains pilotes ont également effectué un vol dans des conditions de givrage prévues ou connues avec un aéronef non certifié pour voler dans ces conditions. Ils ont peut-être pris cette décision parce qu'ils avaient déjà volé dans des conditions de givrage, comme le montrent les exemples suivants.
Dans un événement de givrage en vol et perte de maîtrise, en 2000, un Cessna 310 avait décollé en régime IFR avec des réserves de carburant insuffisantes pour ce type de vol. Le vol s'était poursuivi dans des conditions de givrage connues, même si l'aéronef n'était pas certifié pour voler dans ces conditions. L'analyse a démontré que : « ayant déjà volé dans des conditions de givrage semblables au cours de sa carrière, [le pilote] a décidé de poursuivre le volNote de bas de page 104 ».
Dans un événement de CFIT, en 2001, il a été impossible d'établir pourquoi le pilote avait choisi d'effectuer le vol dans les conditions qui prévalaientNote de bas de page 105. Le pilote était relativement peu expérimenté. Il avait fait atterrir le Cessna 182 avec la cellule recouverte d'une bonne épaisseur de givre, avait dégivré l'appareil, puis avait pris le chemin du retour dans des conditions de givrage connues.
Vol avec des réserves de carburant insuffisantes pour un vol aux instruments et de l'équipement inutilisable
En 2002, dans un événement de panne sèche et collision avec le reliefNote de bas de page 106, le pilote a décollé pour faire un vol en régime IFR à un seul pilote alors qu'il n'avait pas de réserve de carburant suffisante ni de pilote automatique en état de fonctionnement comme l'exigent les règlements. Le rapport indique que l'entreprise n'avait pas les procédures et les mesures de surveillance voulues pour prévenir de telles pratiques.
Vol en surcharge
En 2010, dans un événement de perte des repères visuels au sol, perte de maîtrise et collision avec le reliefNote de bas de page 107, un client avait demandé un vol d'hélicoptère nolisé. Ce vol ne pouvait pas être effectué avec des réserves de carburant normales en raison du poids total des passagers et des bagages. La compagnie a cependant accepté d'effectuer le vol demandé, et l'hélicoptère a décollé en surcharge. D'autre part, les bagages n'avaient pas été pesés malgré la présence de balances. Le pilote n'avait donc pas évalué précisément la masse et le centrage. Le rapport a souligné la façon dont la compagnie et le client avaient encouragé l'acceptation de pratiques non sécuritaires : « en acceptant des affrètements qui ne peuvent être effectués dans le respect du RAC, le transporteur envoie un message tacite au pilote de décoller en surchargeNote de bas de page 108 ».
Anomalies non consignées dans le carnet de route de l'aéronef
En 2010, dans un événement de collision avec le terrain en raison d'un problème moteur, le BST a constaté que la faible culture de sécurité de l'entreprise avait contribué à l'acceptation de pratiques non sécuritaires dans son exploitationNote de bas de page 109. Une de ces pratiques consistait à ne pas consigner toutes les anomalies dans le carnet de route de l'aéronef. Le rapport d'enquête montre que le défaut d'inscrire toutes les anomalies dans le carnet de route présente un risque pour la sécurité : les équipages sont incapables de déterminer l'état réel de l'aéronef en tout temps, et peuvent donc être privés de renseignements critiques en cas d'urgence.
4.2.10.3.2 Recommandations du BST
Le BST a fait plusieurs recommandations soulignant que l'acceptation de pratiques non sécuritaires constituait un problème de longue date dans le secteur du taxi aérien. Ces recommandations visent entre autres la pratique de braver le mauvais tempsNote de bas de page 110 et la formation des équipages de conduite sur la prise de décisionsNote de bas de page 111. Les réponses à ces recommandations dénotent une attention entièrement satisfaisante, et ces recommandations sont maintenant fermées. En décembre 2018, le BST a émis une nouvelle recommandation à l'intention de TC et des exploitants, selon laquelle ils doivent prendre des mesures pour améliorer la conformité à la réglementation existante relative au décollage avec des surfaces critiques contaminéesNote de bas de page 112.
4.2.10.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.10.4.1 Death Review Panel: Four Fatal Aviation Accidents Involving Air Taxi Operations on British Columbia's Coast – Report to the Chief Coroner of British Columbia
Ce rapport, rédigé par le coroner en chef de la Colombie-Britannique en 2012 après plusieurs accidents mortels de taxis aériens, comprend 2 recommandations pertinentes pour ce thème [traduction] :
Il est recommandé que Transports Canada supprime la délivrance de spécifications d'exploitation autorisant les aéronefs commerciaux à voilure fixe à voler en régime VFR dans des conditions de visibilité réduite.
Il est recommandé que Transports Canada établisse une exigence que tous les pilotes d'hydravions commerciaux suivent une formation ayant un volet sur l'évitement et la sortie d'un danger immédiat, comme : le vol dans des conditions sous les minima des conditions météorologiques de vol à vue (VMC), le vol à basse altitude par visibilité réduite au-dessus d'un plan d'eau miroitant, et d'autres dangers auxquels les pilotes d'hydravions sont souvent confrontésNote de bas de page 113.
4.2.10.4.2 Factors associated with pilot fatality in work-related aircraft crashes, Alaska, 1990–1999
Les résultats d'une étude sur des accidents d'aéronefs liés au travail qui se sont produits en Alaska au cours d'une période de 10 ans ont été publiés en 2001Note de bas de page 114. Cette étude a examiné les données sur les accidents publiées dans des rapports du National Transportation Safety Board des États-Unis étudiant les différences entre les accidents d'aéronefs mortels et non mortels. Une des constatations de cette étude est que, si les conditions météorologiques sont mauvaises, un accident est 7 fois plus susceptible d'être mortel.
À la suite de cette constatation, la recommandation suivante a été formulée [traduction] : « Améliorer la formation des pilotes sur les procédures à suivre s'ils se trouvent par inadvertance dans de mauvaises conditions météorologiques en régime VFRNote de bas de page 115 ».
4.2.10.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Des accidents ou des incidents peuvent se produire lorsque les compagnies ne reconnaissent pas des pratiques non sécuritaires ou n'y parent pas. |
|
Conclusion : Si des pratiques non sécuritaires ne sont pas reconnues et des mesures d'atténuation ne sont pas prises, ou si de telles pratiques sont acceptées au fil du temps en tant que méthodes de travail « normales », le risque d'accident est augmenté.
4.2.11 Thème de sécurité : Fatigue
4.2.11.1 Contexte
Comme les vols et les opérations d'entretien ont lieu à toute heure, les risques liés à la baisse de rendement causée par la fatigue sont, dans le secteur de l'aviation, un problème de longue date qui ne sera peut-être jamais éliminé. De plus, comme ces 2 activités soulèvent des enjeux vitaux de sécurité, les conséquences de la fatigue peuvent être graves.
Une des principales mesures d'atténuation des risques de fatigue chez les pilotes est la limitation du temps de vol et du temps de service de vol prévue dans le Règlement de l'aviation canadien (RAC). Ce règlement établit le temps de vol maximal dans une période donnée, limite le nombre d'heures pendant lesquelles les pilotes peuvent voler dans une journée, et prévoit des périodes de repos minimales entre les périodes de travail. Toutefois, la réglementation ne prévoit aucune mesure de protection similaire pour réduire les risques liés à la fatigue du personnel d'entretien. Certaines entreprises établissent leurs propres limites de temps de service d'entretien, et d'autres comptent sur chaque employé pour établir ses propres limites.
Transports Canada (TC) a établi que la réglementation en vigueur sur la gestion de la fatigue dans les opérations aériennes ne s'appuyait pas sur les données les plus récentes sur la fatigue et ne respectait pas les normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Par conséquent, le ministère a publié une modification au RAC afin d'instaurer des limites plus strictes de temps de vol et de service de vol pour les pilotes, et d'encourager les exploitants à utiliser des systèmes de gestion des risques liés à la fatigue (SGRF) Note de bas de page 116 fondés sur les principes modernes de la science de la fatigue pour réduire les risques propres à leurs activités. L'objet de la présente SII n'est pas d'établir la pertinence de cette réglementation.
Même si la fatigue du personnel d'entretien n'apparaît pas comme un problème dans les données du BST, les exploitants interrogés estiment qu'il s'agit d'un facteur de risque.
4.2.11.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.11.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
L'affectation des équipages est une préoccupation majeure : les exploitants doivent être en mesure de gérer les horaires correctement pour éviter la fatigue des membres d'équipage.
Les exploitants considèrent également la fatigue du personnel d'entretien comme étant un problème de sécurité. Les techniciens d'entretien d'aéronef (TEA) éprouvent souvent de la fatigue lorsqu'ils travaillent, surtout quand ils travaillent en région éloignée ou ailleurs qu'à leur base d'attache. Leurs journées de service sont parfois longues, car les heures de service quotidiennes des TEA ne sont assujetties à aucun règlement de TC. Certains exploitants ont indiqué que souvent, les journées de service des TEA n'étaient pas définies par les exploitants. Il peut ainsi y avoir une absence de rigueur dans l'organisation d'horaires appropriés pour le personnel d'entretien afin d'éviter la fatigue, à l'instar des difficultés rencontrées pour établir des horaires convenables pour les équipages de conduite.
Dans les discussions sur la fatigue, certains exploitants envisageaient le problème dans le contexte général de l'aptitude au travail. Les employés qui se présentent au travail en étant fatigués, malades ou inaptes à travailler créent des risques pour les vols et pour les collègues. Il ne suffit pas de gérer les heures de service et les horaires des équipages conformément aux règlements pour garantir l'aptitude au travail des employés. Certains exploitants se sont donc déclarés en faveur de la mise en place d'un SGRF comme le propose actuellement TC.
Plusieurs exploitants d'hélicoptères et exploitants d'aéronefs d'évacuation aéromédicale (MEDEVAC) ont indiqué que la fatigue constituait un risque pour les pilotes et les autres membres d'équipage. Les pilotes d'hélicoptère sont souvent rémunérés à l'heure de vol et sont donc motivés financièrement à voler plus d'heures. Cependant, les pilotes qui veulent maximiser leurs revenus courent le risque d'effectuer des vols en étant fatigués.
4.2.11.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Pour atténuer les risques opérationnels, les exploitants ont mis en œuvre des mesures dans plusieurs domaines, comme l'établissement des horaires, la formation et l'environnement physique. Ils ont également mis en place des stratégies générales face à la fatigue.
Établissement des horaires
Beaucoup d'exploitants ont affirmé qu'en général, ils organisaient bien les horaires de travail et les surveillaient de près. Voici quelques-unes des mesures prises à ces fins :
- tenir compte de la vie personnelle des pilotes lors de l'établissement des horaires de vol, de manière à faciliter la conciliation travail-vie personnelle (p. ex., garde d'enfants et autres besoins personnels);
- affecter à des vols les pilotes occupant un poste de direction pour pallier la pénurie de pilotes, au lieu de prolonger les heures de vol;
- prévoir d'office des quarts de travail plus courts que le maximum autorisé par les règlements, dans les horaires de tous les équipages;
- limiter les équipages de conduite à 2 vols de nuit consécutifs par quart de travail;
- utiliser un outil d'évaluation des risques en vol pour affecter à un vol donné le pilote et l'équipage qui conviennent;
- utiliser le système de gestion de la sécurité (SGS) de l'exploitant pour surveiller et repérer les cas de fatigue; un rapport est déposé lorsqu'un employé refuse de travailler à cause de la fatigue. La compagnie utilise ces données pour parer aux problèmes de fatigue;
- établir les horaires des TEA en fonction des heures et des jours auxquels ils souhaitent travailler; cette stratégie donne une certaine souplesse aux TEA et leur permet d'établir leurs horaires, facilitant ainsi la conciliation travail-vie personnelle;
- établir un quart de jour et un quart de nuit pour les travaux d'entretien, afin que les TEA n'aient pas de longues journées de service.
Formation
Certains exploitants ont indiqué qu'ils intégraient la gestion de la fatigue dans la formation sur la gestion des ressources de l'équipage (CRM). D'autres ont mentionné que le manuel de l'entreprise à l'intention des employés traitait de la question de la fatigue et d'autres sujets liés à l'aptitude au travail, comme la consommation de drogues et d'alcool.
Environnement physique
Beaucoup d'exploitants reconnaissent que certains aspects de l'environnement physique contribuent à la fatigue. Face à ce problème, ils ont pris les mesures suivantes :
- informer les clients des exigences particulières qui ont trait à l'hébergement des membres d'équipage, en particulier lorsque ces derniers travaillent dans des endroits très éloignés;
- s'assurer que les équipages ont accès à un lieu de repos adéquat à destination;
- modifier tous les aéronefs de manière à améliorer la ventilation du poste de pilotage par temps chaud;
- changer le code vestimentaire afin que les équipages puissent porter des vêtements adaptés à la température;
- fournir aux équipages de conduite des salles de repos dans le hangar, en particulier chez les exploitants d'aéronefs d'évacuation aéromédicale (MEDEVAC).
Stratégies générales
Beaucoup d'exploitants utilisent des mesures générales en matière de ressources humaines ou de milieu de travail pour éviter les risques liés à la fatigue. Par exemple, au lieu de surcharger le personnel existant, les exploitants embauchent des employés supplémentaires au besoin pour répondre à la charge de travail. Ils assurent au personnel suffisamment de congés de maladie rémunérés ou de congés supplémentaires pour récupérer de la fatigue. Ils adoptent d'autres stratégies pour encourager les employés à demeurer en forme, par exemple en pourvoyant les bases de matériel de conditionnement physique ou en subventionnant les droits d'adhésion à un centre de conditionnement physique ou l'achat de bicyclettes. Les exploitants ont observé que les nouveaux aéronefs sont dotés d'une technologie améliorée qui allège la charge de travail des pilotes; selon eux, le renouvellement de la flotte est une occasion de réduire la fatigue.
Quelques exploitants demandent aux membres d'équipage de se surveiller l'un l'autre et d'autoévaluer leur niveau de fatigue. Afin d'aider les équipages à faire cette autoévaluation, certains exploitants ont créé une liste de vérification pour évaluer les risques de fatigue lorsque la journée de service dure plus de 12 heures.
Certains exploitants ont déclaré qu'ils confient aux TEA des travaux d'entretien non essentiels au petit matin ou quand un TEA déclare ne pas se sentir bien. Un exploitant a aussi affirmé qu'il essayait d'éviter de prévoir des travaux d'entretien lourd au petit matin. Certains exploitants ont déclaré que les horaires des TEA étaient généralement établis de manière à ce qu'ils soient rarement seuls et travaillent avec d'autres employés.
4.2.11.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants ont exprimé des points de vue variés sur l'efficacité des règlements pour parer à la fatigue. Bien que beaucoup d'exploitants interrogés aient demandé que les heures de service quotidiennes soient réduites, bon nombre d'entre eux ont également affirmé qu'il fallait adapter les règlements selon le type d'activité. Par exemple, certains ont soutenu que les opérations à un seul pilote devraient être soumises à une limite d'heures moindre que les opérations en équipage multiple. Cependant, d'autres ont plaidé pour le statu quo des règlements limitant les heures de service quotidiennes. D'autre part, certains exploitants ont déclaré que ces règlements et l'établissement des horaires des équipages ne suffisaient pas pour parer à la fatigue.
En plus des mesures sur les heures de service quotidiennes et les horaires des équipages, ils ont suggéré d'autres mesures d'atténuation, comme :
- établir les horaires en tenant compte du moment de la journée et du type de travail en cause;
- réviser la structure salariale des pilotes d'hélicoptère afin d'éviter l'incitation financière à faire des heures supplémentaires;
- former le personnel afin de l'aider à gérer et à surmonter la fatigue;
- établir des méthodes d'autoévaluation de la fatigue.
Quelques exploitants ont déclaré que le secteur devait mettre en place un SGRF; d'autres ont affirmé que ce problème ne concerne pas seulement les taxis aériens et exige un débat national sur la fatigue et l'établissement des horaires pour tous les pilotes qui se déplacent pour prendre leur service, peu importe leur secteur.
Un des principaux points soulevés par les exploitants était que la fatigue affectait les TEA autant que les équipages de conduite. Un grand nombre d'exploitants ont indiqué qu'il fallait réglementer les journées de service des TEA.
4.2.11.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 8 faits établis concernant la fatigue :
- Dans 2 événements, les limites de temps de vol et de temps de service de vol avaient été dépassées. Dans 1 cas, la période de repos du pilote la nuit précédant l'accident était inférieure au minimum exigé par le règlement. Dans l'autre cas, les limites de temps de vol et de temps de service de vol avaient été dépassées à 2 reprises (repos insuffisant et dépassement du temps de service)Note de bas de page 117.
- Dans 2 événements, le temps de vol et le temps de service de vol n'avaient pas été surveillésNote de bas de page 118.
- Dans 2 événements, un autre emploi n'avait pas été pris en compte dans la surveillance du temps de vol et du temps de service de volNote de bas de page 119.
- Dans 2 événements, le stress et la fatigue avaient influé sur la décision de décollerNote de bas de page 120.
4.2.11.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.11.4.1 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 5 recommandations pertinentes pour le présent thème :
RS 3 Transports Canada devrait fournir aux techniciens d'entretien d'aéronef (TEA) et aux exploitants aériens des renseignements sur la fatigue, ses effets et les contre-mesures.
MI 3 Les exploitants aériens devraient fournir aux TEA et aux apprentis des renseignements sur la fatigue, ses effets et les contre-mesures et envisager les effets négatifs de la fatigue lorsqu'ils assignent le travail et organisent les horaires de travail.
RS 4 Transports Canada devrait demander au Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) d'entreprendre un examen visant à déterminer s'il faut réglementer les heures de service des TEA, et si tel est le cas, de déterminer les limites appropriées.
MI 4 Les exploitants aériens, les associations d'exploitants aériens, les TEA et les associations de TEA devraient participer au groupe de travail du CCRAC sur les heures de service des TEA ou au moins lui faire part de leurs idées.
MI 46 Les exploitants aériens devraient s'assurer que leurs clients savent qu'ils doivent fournir un local approprié aux pilotes et qu'ils respectent cette obligationNote de bas de page 121.
4.2.11.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
La gestion inefficace de la fatigue peut entraîner une réduction du niveau de sécurité dans tous les aspects d'une exploitation. |
|
Conclusion : L'altération du rendement due à la fatigue a un effet négatif sur la sécurité aérienne.
4.2.12 Thème de sécurité : Entretien des aéronefs de taxi aérien
4.2.12.1 Contexte
Le taxi aérien est un secteur concurrentiel où les marges de profit sont faibles, et les exploitants doivent souvent prendre des décisions complexes sur l'entretien et la modernisation de leurs flottes d'aéronefs. Ils doivent tenir compte des coûts, de la sécurité et de la performance.
Les exploitants doivent couramment décider s'ils devraient maintenir en service des aéronefs plus âgés ou les remplacer par des aéronefs neufs. Cette décision repose habituellement sur des considérations économiques. Toute compagnie doit évaluer le coût et la disponibilité d'aéronefs neufs au regard de l'efficacité opérationnelle et des coûts du maintien d'aéronefs plus âgés en bon état de fonctionnement. Les exploitants doivent aussi déterminer s'il existe un autre aéronef qui peut faire le travail de façon comparable. Souvent, aucun autre aéronef n'est un substitut convenable.
La disponibilité des pièces est un des problèmes qui contribuent aux coûts et à la complexité du maintien en service des aéronefs plus âgés. La plupart des aéronefs plus âgés construits par des avionneurs toujours actifs bénéficient d'un assez bon soutien. Toutefois, si l'avionneur d'origine n'existe plus ou n'offre plus de soutien pour un aéronef, il devient difficile ou impossible de trouver des pièces.
4.2.12.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.12.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
De nombreux exploitants ont parlé des difficultés liées à l'entretien d'aéronefs plus âgés.
La question de la disponibilité et de la qualité des pièces est souvent revenue. Les pièces sont de plus en plus difficiles à trouver, et la qualité des composants remis à neuf s'est dégradée. Les exploitants pensent que la raison pourrait en être un nombre de spécialistes en baisse et un nombre croissant de travailleurs peu spécialisés dans la remise à neuf.
Les bulletins de service que diffusent les avionneurs pour informer les exploitants de conditions dangereuses pour les aéronefs sont un problème connexe à celui des pièces. Il peut être difficile de donner suite à ces bulletins, car l'avionneur ne propose pas nécessairement les pièces nécessaires.
De plus, des lacunes dans les manuels d'entretien compliquent la tâche d'entretenir correctement les aéronefs. Certains exploitants ont dit que l'information contenue dans les manuels d'entretien d'aéronefs est souvent insuffisante; certains manuels contiennent même des erreurs. Les manuels d'entretien d'hélicoptères seraient difficiles à utiliser.
D'après les exploitants, les coûts d'entretien continuent d'augmenter, tandis que la qualité des travaux d'entretien effectués par des fournisseurs tiers s'est détériorée.
Il peut être problématique de remplacer des aéronefs ou d'en ajouter à la flotte, étant donné les limites des aéronefs existants ou plus récents. Les exploitants trouvent qu'il est difficile de déterminer quel aéronef convient le mieux aux activités et tâches voulues et aux types d'aéroports qu'ils desservent. Par exemple, dans l'optique de la maintenance, ils ont mentionné que certains aéronefs ne sont pas conçus pour atterrir sur des pistes gravelées.
Une solution consisterait à modifier les aéronefs plus âgés avec de l'équipement moderne, mais certains exploitants ont fait valoir que cette solution peut créer des problèmes de sécurité. Par exemple, remplacer un système avionique plus âgé par un nouveau système plus léger pourrait compliquer le maintien d'un centrage acceptable.
4.2.12.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
- Des exploitants ont mis en œuvre les mesures d'atténuation suivantes pour faciliter l'entretien de leurs aéronefs :
- demander au personnel d'entretien de signaler toute erreur dans les manuels d'entretien;
- fournir des manuels d'entretien en format électronique;
- donner de la formation à l'interne pour réduire la confusion résultant des manuels d'aéronef de l'avionneur d'origine;
- recourir à des bases de données électroniques pour faire le suivi de tous les travaux d'entretien;
- faire la surveillance des tendances des moteurs d'aéronefs;
- fournir l'accès Internet sans fil dans les hangars pour permettre au personnel d'entretien de consulter des ressources en ligne;
- fournir au personnel d'entretien des ordinateurs portables ou des tablettes pour faire le suivi des travaux d'entretien et télécharger des ressources en ligne (comme les paramètres d'exploitation d'aéronef) pour diagnostiquer et régler un problème d'un aéronef neuf;
- utiliser des pièces remises à neuf ou qui portent l'homologation de fabricant de pièces;
- collaborer avec l'avionneur pour élaborer des procédures en vue de corriger des problèmes d'entretien particuliers;
- collaborer avec d'autres compagnies pour échanger des pièces, des services, etc.;
- utiliser des listes de vérification lors de l'inspection de l'état de service de l'équipement, pour assurer la cohérence;
- réparer et remettre à neuf les composants à l'interne, plutôt que faire appel à des fournisseurs externes;
- réduire la variété d'appareils dans les flottes autant que possible, pour réduire les coûts et la complexité de l'entretien des aéronefs.
4.2.12.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Des exploitants ont proposé les façons suivantes d'améliorer l'entretien :
- Transports Canada devrait fournir une source unique pour tous les manuels d'entretien d'aéronef, et un moyen pour les exploitants d'accéder à tous les manuels d'aéronef courants.
- Pour les aéronefs qui ne sont plus en production, les exploitants ont besoin d'un meilleur soutien produit de la part du titulaire du certificat de type.
- Les installations de remise à neuf de composants devraient avoir suffisamment de techniciens d'entretien d'aéronef pour assurer des travaux de qualité élevée.
- La logistique pour obtenir rapidement des pièces et d'autres ressources doit être améliorée.
- Des exploitants ont demandé la rationalisation du processus réglementaire pour faciliter l'intégration de technologies plus récentes dans des aéronefs plus âgés.
4.2.12.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 11 faits établis concernant l'entretien d'aéronefs. Dans la plupart d'entre eux, il y avait absence d'équipement ou de systèmes de sécurité facultatifsNote de bas de page 122 qui auraient permis d'éviter l'accident, principalement le système d'avertissement de décrochage. Ont également été cités, une pompe d'appoint de carburant et un indicateur de vitesse verticale instantanée (hélicoptère). D'autres enquêtes ont révélé que des jauges de carburant n'étaient pas fiables ou ne comprenaient aucune bande jaune, comme l'exige la réglementationNote de bas de page 123. Dans un événement, un siège passager n'était pas conforme aux normes aéronautiquesNote de bas de page 124.
4.2.12.4 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Les défis de l'entretien ou du remplacement de taxis aériens peuvent mener à des décisions qui réduisent le niveau de sécurité. |
|
Conclusion : Le maintien des aéronefs en état de service est essentiel à la sécurité des vols.
4.2.13 Thème de sécurité : Pression liée à l'opération
4.2.13.1 Contexte
Le secteur du taxi aérien subit de nombreuses pressions pouvant amener des personnes à accepter des risques opérationnels par souci d'accomplir des vols. Cette pression peut provenir de plusieurs sources : pression de la concurrence entre exploitants, pression générée à l'interne, ou pression auto-induite. Peu importe la source, la personne ou la compagnie qui se sent poussée à produire des résultats peut compromettre la sécurité si elle cède à la pression et accepte des pratiques non sécuritaires (voir aussi la section 4.2.10 Thème de sécurité : Acceptation de pratiques non sécuritaires).
La pression concurrentielle mal maîtrisée peut compromettre la capacité d'une compagnie à gérer la sécurité. Les exploitants de taxis aériens rivalisent entre eux pour obtenir des contrats de clients des secteurs privé et public. La capacité de décrocher des contrats et de fidéliser des clients dépend au moins en partie des tarifs. Ce secteur est très concurrentiel, et les marges bénéficiaires peuvent être minces – ce qui peut engendrer des contraintes financières. Plusieurs des compagnies sont de petites entreprises et offrent une gamme de services limitée; elles n'ont pas nécessairement les mêmes ressources que de plus grandes entreprises pour résister à la pression concurrentielle.
De plus, certaines compagnies peuvent n'offrir que des services saisonniers (habituellement du printemps à l'automne), ce qui exige des ajustements économiques compliqués et la perte de personnel durant la saison morte (habituellement l'hiver). L'impératif d'assurer la viabilité économique sur une brève période peut pousser les compagnies à tout faire pour obtenir des résultats. Par conséquent, les objectifs opérationnels peuvent l'emporter sur les préoccupations envers la sécurité.
Les clients peuvent (intentionnellement ou non) presser les pilotes à effectuer un vol avec plus de bagages ou de fret que permis, ou à décoller ou à poursuivre un vol par mauvais temps. Les techniciens d'entretien d'aéronef (TEA) peuvent eux aussi ressentir une pression d'exécuter les travaux rapidement. Les clients peuvent être inconscients des risques et des effets sur les décisions à prendre concernant un vol qui découlent de la pression qu'ils exercent sur les exploitants.
La pression peut également provenir de l'intérieur de la compagnie, soit de la direction ou des employés. Les propriétaires et dirigeants de compagnies peuvent faire pression sur les gestionnaires pour qu'ils respectent des échéances et réduisent les coûts. Les gestionnaires peuvent à leur tour presser les pilotes, les TEA et d'autres employés de la compagnie de faire leur travail en respectant les contraintes qui leur ont été imposées, voire des contraintes plus strictes encore pour dépasser les attentes des dirigeants.
Les personnes s'imposent souvent elles-mêmes de la pression en vue de bien faire leur travail et combler ou dépasser les attentes d'un gestionnaire ou de la compagnie, même au risque de s'écarter des procédures d'utilisation normalisées (SOP). Cette pression peut se manifester en particulier dans des situations où il y a nécessité et urgence, comme les évacuations aéromédicales ou le transport de travailleurs dans des environnements difficiles. Elle peut contribuer à l'acceptation de pratiques non sécuritaires si les pressions ne sont pas bien gérées.
4.2.13.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.13.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Des exploitants estiment que la pression concurrentielle dans le secteur du taxi aérien mène aux questions de sécurité suivantes :
- Certains exploitants gèrent leurs opérations – aériennes et entretien – en s'en tenant aux exigences réglementaires minimales de manière à limiter leurs dépenses. La réglementation ne couvre pas nécessairement tous les risques liés à une exploitation particulière.
- Lorsque les clients exigent des équipages de conduite ayant un certain nombre minimal d'heures de vol, les exploitants ont de la difficulté à trouver des équipages ayant suffisamment d'expérience.
- Des clients peuvent choisir des transporteurs aériens uniquement en fonction du tarif, sans égard au dossier de sécurité ou aux pratiques sécuritaires. Ces clients ne semblent pas être conscients des risques encourus en choisissant un transporteur aérien uniquement selon le prix.
- À cause de la demande cyclique dans le secteur du taxi aérien, les exploitants ressentent plus de pression durant les périodes creuses pour accepter des risques par souci d'accomplir les vols.
Quand on leur a demandé quels étaient les plus grands risques associés à leur activité, les exploitants de taxis aériens ont mentionné les points suivants :
- Des clients exercent une pression pour poursuivre un vol par mauvais temps ou pour voler au-delà des limites de l'aéronef.
- Des changements imprévus aux horaires de vol – soit parce que les membres d'équipage ne sont pas disponibles, soit parce qu'un aéronef est devenu inutilisable – doivent être gérés.
- Les dirigeants de compagnies exercent des pressions sur le personnel d'entretien et des opérations aériennes pour qu'il fasse le travail rapidement.
- Il est difficile de programmer les travaux d'entretien pour s'assurer que l'aéronef sera prêt au bon moment. Comme les besoins opérationnels l'emportent souvent sur l'entretien, on reporte parfois les tâches d'entretien à un moment moins occupé.
Des exploitants ont également soulevé d'autres questions de sécurité découlant de la pression sous-jacente d'effectuer et d'accomplir des vols. Selon eux, cette pression influence la prise de décisions du pilote à plusieurs égards. Par exemple, des exploitants et des pilotes se sont sentis pressés d'atterrir sur des pistes d'atterrissage dans des collectivités nordiques éloignées malgré l'état de la surface et les conditions météorologiques. Autre exemple concernant le personnel, il arrive que des pilotes doivent accepter des pratiques non sécuritaires (p. ex., omettre de consigner une anomalie dans le carnet de bord, exploiter un aéronef malgré une anomalie connue, consigner des heures de vol inexactes dans le carnet de bord) à défaut de quoi ils s'exposeraient à des mesures disciplinaires.
Des exploitants ont également mentionné la pression créée par les horaires. Le personnel d'exploitation doit prendre les dispositions voulues selon les horaires, et ce, sous des contraintes de temps, ce qui peut être difficile s'il n'est pas informé de changements à l'horaire. Pour accélérer l'entraînement des pilotes nouvellement engagés, un exploitant a donné de la formation durant les étapes de retour à vide de vols payants.
4.2.13.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Il y avait très peu de mesures d'atténuation en place. Certains exploitants ont indiqué qu'ils essaient de respecter une norme de sécurité supérieure malgré les pressions exercées pour la compromettre, qu'ils investissent dans la compagnie et qu'ils s'efforcent d'embaucher du personnel expérimenté.
Les principales mesures prises pour parer à la pression liée à l'opération soutiennent la prise de décisions. Les mesures d'atténuation suivantes aident les équipages à prendre de bonnes décisions malgré les pressions de produire des résultats :
- utiliser des outils d'évaluation des risques durant la planification opérationnelle avant vol;
- donner aux pilotes de la formation sur la prise de décisions et assurer le mentorat de pilotes débutants par des pilotes chevronnés;
- mettre en place une politique de la porte ouverte pour encourager le personnel à signaler dès que possible les problèmes à la direction;
- établir des SOP spécifiques aux limites météorologiques pour la planification de vol;
- soutenir les pilotes dans la prise de bonnes décisions en fonction des conditions météorologiques;
- fournir aux équipages de conduite des applications informatisées de planification de vol;
- fournir des ressources appropriées afin que les vols se déroulent sans heurts : par exemple, prévoir des préposés au sol pour aider à charger l'aéronef, ou ajouter à l'équipage de conduite d'un hélicoptère un TEA qui se chargera de tout problème mécanique;
- choisir les équipages en fonction du type de vol à effectuer. Certains équipages de conduite pourraient avoir plus d'expérience que d'autres de certains types d'opérations;
- prévoir suffisamment de temps pour effectuer les tâches d'entretien;
- éduquer les clients pour qu'ils comprennent les risques associés à certains vols;
- pour les vols aéromédicaux, apprendre au personnel médical à ne pas interagir avec l'équipage de conduite durant les phases de vol critiques.
4.2.13.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Des exploitants ont indiqué que les mesures d'atténuation suivantes s'imposaient :
- Transports Canada (TC) devrait traiter tous les exploitants également, et tous les exploitants devaient mener leurs activités en vertu de la même norme réglementaire. Cela suppose que les exploitants n'adhèrent pas tous à la réglementation et que la surveillance ne détecte peut-être pas ce problème (voir aussi la section 4.2.19 Thème de sécurité : Surveillance réglementaire).
- Les clients devraient payer pour la sécurité. Plusieurs exploitants ont dit qu'il faudrait éduquer les clients davantage sur les risques de choisir un exploitant aérien à forfait uniquement en fonction du tarif. Éduquer les clients pourrait être une façon de les encourager à choisir un exploitant aux normes de sécurité élevées, même si cela augmente les tarifs.
- Les normes et les coûts devraient être cohérents à l'échelle du secteur afin d'uniformiser les règles du jeu et d'établir des mesures de performance pour l'ensemble du secteur du taxi aérien.
Des exploitants ont souligné l'importance de prendre des mesures pour réduire la pression sur les équipages de conduite et le personnel d'entretien. Voici certaines façons d'y parvenir :
- Réglementer la journée de service du personnel d'entretien (voir aussi la section 4.2.11 Thème de sécurité : Fatigue).
- Verser aux pilotes un salaire fixe plutôt qu'horaire ou en fonction de la distance parcourue. Cela allégerait la pression d'effectuer autant d'heures de vol que possible ou de voler aussi loin que possible chaque jour malgré les risques de sécurité. Beaucoup d'exploitants ont adopté cette pratique.
- Prévoir des ressources adéquates, y compris du temps et un effectif suffisants pour l'entretien, ainsi que des services spécialisés en formation ou des vols d'entraînement pour fournir aux équipages de conduite un environnement de formation cohérent.
4.2.13.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 15 faits établis concernant des scénarios d'accident associés à la pression de produire des résultats. La pression provenait de diverses sources, y compris les pressions exercées par les compagniesNote de bas de page 125, la rémunération incitative des pilotes (en fonction du nombre d'heures de volNote de bas de page 126), les clientsNote de bas de page 127 et le manque d'équipement et de ressources nécessairesNote de bas de page 128. Parfois, la pression était auto-induiteNote de bas de page 129.
Dans ces cas, la pression a mené à l'acceptation de pratiques non sécuritaires : aéronef surchargé, non-consignation d'anomalies dans le carnet de bord, quantité insuffisante de carburant (voir aussi la section 4.2.10 Thème de sécurité : Acceptation de pratiques non sécuritaires). Les rapports d'enquête ont souligné les avantages d'éduquer les clients.
4.2.13.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.13.4.1 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 6 recommandations pertinentes pour le présent thème. Plusieurs de celles-ci visaient l'éducation des clients comme mesure pour parer à la pression qu'ils exercent :
RS 8 Transports Canada, en association avec l'industrie de l'aviation, devrait examiner et mettre à jour le matériel promotionnel visant à sensibiliser les clients aux facteurs humains et aux questions de sécurité, et distribuer des renseignements sur la façon dont les clients peuvent faire connaître les exploitants aériens soucieux de sécurité.
MI 8 Les associations d'exploitants aériens devraient participer à l'examen de la documentation promotionnelle visant à sensibiliser les clients et produire de l'information destinée à leurs membres.
RS 9 Transports Canada devrait modifier le cours à l'intention des agents de la sécurité aérienne de compagnie et les exposés aux clients des taxis aériens et y inclure un module sur la sensibilisation des clients et les relations avec les clients.
MI 23 Les exploitants aériens ne devraient pas inciter les pilotes à effectuer un vol dans de mauvaises conditions météorologiques et devraient apporter leur soutien aux pilotes qui décident d'attendre des conditions plus favorables pour partir ou qui décident de faire demi-tour lorsque le temps se détériore, etc. Les pilotes devraient cesser de défier les conditions météorologiques.
SR 37 Transports Canada devrait trouver un moyen d'exiger des exploitants aériens qu'ils rémunèrent les pilotes de façon à éliminer les pressions qui découlent de la méthode de rémunération actuelle.
MI 37 Les exploitants aériens et les pilotes devraient reconnaître l'effet négatif que la méthode de rémunération fondée sur le nombre de milles parcourus peut avoir sur une prise de décision opérationnelle sûre. Les exploitants aériens et les pilotes devraient prendre des décisions fondées sur la sécurité et non sur la rémunération et les exploitants aériens devraient envisager d'autres méthodes de rémunération des pilotesNote de bas de page 130.
4.2.13.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
L'impact des pressions liées à l'opération pourrait mener à la prise de décisions qui entraînent l'acceptation de pratiques non sécuritaires. |
|
Conclusion : Les pressions internes et externes, y compris la pression de produire des résultats, peut influer négativement sur la sécurité.
4.2.14 Thème de sécurité : Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage
4.2.14.1 Contexte
Prise de décisions du pilote
Important aspect de la sécurité de vol, la PDM constitue un processus à 4 étapes : recueillir l'information, traiter l'information, prendre une décision en fonction des options possibles, puis mettre en œuvre la décision. Pour que la PDM soit efficace, le pilote doit continuellement réévaluer les conditions et déterminer si le plan est toujours valable, ou s'il doit plutôt adopter une autre ligne de conduite. Il est crucial que le pilote interprète correctement et rapidement l'information qu'il a à sa disposition pour mener à bien ce processus.
Gestion des ressources de l'équipage
Le poste de pilotage d'un aéronef à équipage multiple est un milieu de travail dynamique et exigeant; les membres d'un équipage de conduite sont en interaction constante avec l'aéronef, avec l'environnement et entre eux. La CRM consiste à faire une utilisation efficace des ressources disponibles – humaines, matérielles et informationnelles – pour gérer les menaces et les difficultés qui peuvent survenir pendant un vol.
La formation sur la prise de décisions du pilote (PDM) vise à perfectionner des compétences décisionnelles en vue de gérer efficacement les risques associés au vol. Les risques courants dans les activités de taxi aérien comprennent : le chargement de l'aéronef; les conditions météorologiques défavorables; l'équipement inutilisable; la pression pour effectuer et accomplir les vols; et les risques particuliers associés aux vols d'évacuation aéromédicale (MEDEVAC) et les vols de nuit.
La formation contemporaine en gestion des ressources de l'équipage (CRM), qui comprend les principes de gestion des menaces et des erreurs (TEM), aide les équipages et les pilotes volant seuls à perfectionner les compétences nécessaires pour utiliser toutes les ressources afin de gérer les risques associés aux opérations aériennes.
Au moment des consultations sectorielles de la présente enquête sur une question de sécurité (SII), aucune exigence réglementaire ne dictait de donner une formation CRM pour les activités de taxi aérien, et rien n'obligeait ces exploitants à donner une formation PDM, sauf dans le cas des opérations assujetties aux spécifications d'exploitation concernant les opérations par visibilité réduiteNote de bas de page 131,Note de bas de page 132.
Toutefois, pendant que se déroulait la présente SII, Transports Canada (TC) a réalisé d'importants progrès dans l'établissement d'une norme qui exigerait de tous les exploitants de taxis aériens qu'ils mettent en œuvre une formation CRM. TC a publié une nouvelle norme, Circulaire d'information CI 700-042, « Gestion des ressources de l'équipage (CRM) », qui est entrée en vigueur le 31 juillet 2017. Elle prévoyait un délai de mise en œuvre de 18 mois. Ainsi, tous les exploitants de services aériens de navette et de travail et de taxi aérien devaient à l'origine s'y conformer avant le 31 janvier 2019. Cependant, TC a depuis publié une exemption pour retarder au 30 septembre 2019 la mise en œuvre de cette normeNote de bas de page 133.
En raison de la diversité des opérations dans le secteur du taxi aérien et de la rotation du personnel plus élevée par rapport à d'autres secteurs, les efforts investis pour améliorer les compétences PDM et CRM ont un grand potentiel d'amélioration de la sécurité. Toutefois, pour bénéficier des avantages potentiels de la formation PDM et CRM, les pilotes doivent être soutenus adéquatement dans la mise en pratique ces compétences au travail. Les efforts de TC en vue de mettre à jour les normes CRM pour tous les exploitants avec du contenu actuel ne porteront pas leurs fruits si les exploitants et clients n'appuient pas l'application d'une CRM/PDM rigoureuse dans leurs opérations.
La PDM fait partie de la formation donnée aux pilotes professionnels. Cependant, une fois que les pilotes travaillent dans le secteur du taxi aérien, il n'y a aucune exigence réglementaire de formation additionnelle, sauf pour les pilotes assujettis aux spécifications d'exploitation concernant les opérations par visibilité réduiteNote de bas de page 134. La formation PDM est donc une exigence ponctuelle. La formation initiale et périodique ne sera pas obligatoire avant l'entrée en vigueur de ce type de formation, en 2019.
4.2.14.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.14.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Les exploitants à qui on a demandé d'indiquer les problèmes qui posaient le plus grand risque pour la sécurité ont soulevé 2 problèmes liés à la PDM ou à la CRM : l'insuffisance de compétences en PDM et CRM, et l'incapacité de mettre en pratique la PDM et la CRM dans l'environnement d'exploitation.
Certains exploitants estiment que ces questions de sécurité contribuent à des décisions et des pratiques d'exploitation non sécuritaires (voir aussi la section 4.2.10 Thème de sécurité : Acceptation de pratiques non sécuritaires), par exemple : décoller ou poursuivre un vol dans des conditions météorologiques défavorables; voler malgré de l'équipement défectueux; omettre les listes de vérification; et estimer plutôt que calculer la masse et le centrage.
Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage
Des exploitants ont souligné une absence de formation CRM, et soutenu qu'une prise de décisions inefficace et des compétences limitées en CRM augmentent la probabilité que des décisions imprudentes soient prises, spécialement dans le cas de décisions de changer de plan pour des raisons de sécurité (p. ex., décisions liées à la météo ou décision d'effectuer une remise des gaz).
Une formation et une expérience des équipages insuffisantes ou inefficaces figurent parmi les raisons avancées par les exploitants pour expliquer les compétences PDM limitées. Des exploitants ont remis en question l'efficacité des cours PDM ou CRM en ligne, dans lesquels il manquerait les éléments discussion et application pratique des concepts PDM ou CRM de la formation en classe.
En ce qui concerne les évacuations aéromédicales, des exploitants estiment que le personnel médical à bord des vols devrait être vu comme faisant partie de l'équipage aux fins de la CRM.
Capacité de mettre en pratique les principes de la prise de décisions du pilote et de la gestion des ressources de l'équipage
Il faut plus que de la formation pour prendre des décisions judicieuses et utiliser les ressources pour gérer efficacement les risques. Les pilotes ont besoin d'un soutien efficace pour prendre de bonnes décisions. Des exploitants ont fait valoir que la régulation des vols par le pilote dans le secteur du taxi aérien augmente les responsabilités des pilotes comparativement à d'autres types d'opérations. Au lieu de profiter de l'aide d'un régulateur des vols, le pilote assume tous les aspects de la planification du vol, du chargement de l'aéronef, etc. Le régulateur des vols peut aider les pilotes en leur fournissant des renseignements additionnels et du soutien logistique qui facilitent la prise de décisions judicieuses.
L'expérience a été citée comme facteur dans l'efficacité de la PDM. Aussi bien les pilotes ayant très peu d'expérience que ceux en ayant énormément peuvent prendre des décisions inefficaces, pour des raisons différentes. Des exploitants ont désigné l'inexpérience comme un facteur limitant la capacité de reconnaître et d'évaluer les risques. Toutefois, à mesure que les pilotes acquièrent de l'expérience, leur perception du risque change souvent de sorte qu'ils acceptent plus volontiers de prendre des risques.
Le jumelage des membres d'équipage doit être considéré dans le contexte du problème de l'expérience. Des exploitants ont expliqué qu'un jumelage inadéquat de membres d'équipage peut mener à une PDM et une CRM inefficaces, par exemple, si on a le jumelage de 2 pilotes ayant chacun une expérience limitée.
D'après les exploitants, des problèmes d'équipement et d'infrastructure compromettent également la capacité des pilotes à prendre des décisions judicieuses. Les exemples de situations qui ont compliqué la prise de décisions judicieuses comprennent : l'impossibilité de peser les passagers et leurs bagages à certains aéroports; le manque d'installations de dégivrage; les difficultés à obtenir des renseignements météorologiques; et les structures salariales des pilotes (p. ex., la rémunération par mille de vol) qui accroissent la pression d'accomplir des vols.
4.2.14.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Les exploitants ont recours à diverses mesures d'atténuation pour améliorer la PDM et la CRM. Certains utilisent les télécommunications pour offrir aux pilotes un soutien à la prise de décisions – dans certains cas, à toute heure, tous les jours. Certains prévoient la consultation pilote; un exploitant a mentionné la consultation du chef pilote pour les décisions d'effectuer un vol ou d'y renoncer.
Des exploitants ont discuté de la valeur de la planification du vol par le régulateur des vols, et de l'obligation de consulter ce dernier avant tout vol. Un suivi des vols par le régulateur des vols ou le gestionnaire des opérations peut aussi aider les pilotes.
De nombreux exploitants donnent de la formation PDM et offrent du mentorat aux nouveaux pilotes. Quant au jumelage des membres d'équipage, ils associent des pilotes moins expérimentés avec des collègues qui le sont davantage, conformément à leur politique interdisant le jumelage de pilotes inexpérimentés. Des exploitants ont également parlé d'établir des procédures d'utilisation normalisées (SOP) et de s'assurer que leurs opérations les respectent.
Des exploitants ont évalué les risques de certains problèmes particuliers ou ont fourni des outils d'évaluation des risques à leurs équipages. Par exemple, un d'eux a mentionné une matrice des risques que les pilotes peuvent utiliser pour évaluer les pistes d'atterrissage.
D'autres exploitants ont adopté des méthodes pour améliorer les calculs de masse et centrage afin que les équipages soient mieux informés pour prendre des décisions judicieuses. Ils ont mentionné le fait de peser l'ensemble du fret, au lieu d'estimer son poids, et d'utiliser le poids réel des passagers plutôt que les poids pondérés en fonction du sexe et du nombre de passagers et de la saison, fournis par TCNote de bas de page 135. D'autres ont mis en place des systèmes électroniques de masse et centrage ou fourni des balances aux postes éloignés pour assurer l'exactitude des calculs de masse et centrage ailleurs qu'à l'aéroport d'attache.
4.2.14.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants approuvaient l'idée d'obliger les exploitants de taxis aériens à donner une formation CRM. Ils ont dit avoir besoin que TC leur fournisse des documents de formation CRM à jour. Selon eux, la formation CRM en ligne est inadéquate. Les pilotes ont besoin de séances structurées en classe où l'instructeur et les participants peuvent échanger.
Plusieurs exploitants considèrent le suivi des vols et le soutien aux pilotes comme d'importantes mesures d'atténuation. Parmi les mesures particulières mentionnées figurent l'établissement d'un centre de suivi des vols et de contrôle de l'exploitation et le recours à la surveillance par satellite.
4.2.14.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
4.2.14.3.1 Faits et recommandations du BST
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 20 faits établis concernant la PDM ou la CRMNote de bas de page 136.
Plusieurs des accidents où ces faits ont été constatés se classaient dans des catégories d'accidents qui mènent souvent à des pertes de vies. Parmi les faits établis, 22 concernaient des accidents à l'approche et à l'atterrissageNote de bas de page 137; 10 avaient rapport au vol dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) + perte de contact visuel + impact sans perte de contrôle (CFIT)Note de bas de page 138; 3 avaient pour objet la défaillance de composants en vol et la réaction de l'équipageNote de bas de page 139; 2 avaient trait au givrageNote de bas de page 140.
Les faits établis concernant la CRM mettaient en cause : des problèmes de jumelage de membres d'équipageNote de bas de page 141; la coordination des membres d'équipage dans l'amorce ou l'exécution d'une approche interrompueNote de bas de page 142; la pertinence des SOP ou le non-respect des SOP par l'équipageNote de bas de page 143.
Plusieurs des faits établis liés à la PDM concernaient les conditions météorologiques, l'utilisation des renseignements météorologiques disponibles et la décision du pilote de décollerNote de bas de page 144.
Le BST a émis par le passé plusieurs recommandations sur la formation PDM et CRM, réitérant à maintes reprises que tous les pilotes qui prennent part à des opérations commerciales devraient suivre une formation pour prendre de meilleures décisions et utiliser efficacement les ressources pour atténuer les risques.
Maintenant que TC a publié la Circulaire d'information CI 700-042, « Gestion des ressources de l'équipage (CRM) » et que la norme de formation sera obligatoire le 30 septembre 2019, le BST a évalué les réponses aux recommandations en suspensNote de bas de page 145 et estimé qu'elles dénotaient une attention entièrement satisfaisante; ces dossiers sont désormais classés.
4.2.14.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.14.4.1 Étude de sécurité de Transports Canada portant sur le secteur du taxi aérien
L'étude de 2007 faite par TC qui portait sur la sécurité du secteur du taxi aérienNote de bas de page 146 recommandait que le ministère et le secteur collaborent pour offrir plus de soutien à tous les pilotes du secteur du taxi aérien au Canada.
4.2.14.4.2 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 9 recommandations pertinentes pour le présent thème :
RS 21 Les bureaux régionaux de la Sécurité du système de Transports Canada devraient adapter les cours sur la prise de décision et les facteurs humains aux besoins particuliers des exploitants aériens et des types d'exploitation particuliers.
MI 21 Les dirigeants des exploitants aériens devraient suivre le cours sur la prise de décision et les facteurs humains et encourager les pilotes, les TEA et les apprentis à en faire autant.
RS 22 Transports Canada devrait offrir le matériel de cours sur la prise de décision et les facteurs humains sur vidéo ou autres supports.
RS 23 Transports Canada devrait revoir les Normes de service aérien commercial autorisant le vol dans des conditions de visibilité réduite, à condition que le pilote ait suivi un cours sur la prise de décision du pilote, afin de déterminer si la participation à un seul cours est suffisante.
RS 26 Transports Canada devrait élaborer une norme relative à la formation sur les facteurs humains et la prise de décision. Cette formation devrait commencer le plus tôt possible et se poursuivre tout au long des programmes offerts par des unités de formation au pilotage, des écoles de pilotage et des programmes destinés aux TEA.
RS 53 Transports Canada devrait élaborer plusieurs modules du programme de formation sur la contamination des surfaces qui soient pertinents aux conditions particulières en vol VFR, comme le taxi aérien, le travail aérien et les hélicoptères.
RS 54 Transports Canada devrait faire de la publicité pour les cours, les programmes et l'information sur la sécurité (brochures, vidéos, etc.) sur le site Web de la Sécurité du système et dans divers bulletins de Sécurité aérienne.
MI 54 Les exploitants aériens, les pilotes et les TEA devraient assister aux cours sur la sécurité et distribuer l'information aux autres employés. Les exploitants aériens devraient encourager leurs employés à suivre ces cours.
RS 55 Transports Canada devrait trouver des façons plus intéressantes d'informer les pilotes des changements concernant les règlements et les procédures, par exemple au moyen de jeux-questionnaires dans Sécurité aérienne – NouvellesNote de bas de page 147.
4.2.14.4.3 Death Review Panel: Four Fatal Aviation Accidents Involving Air Taxi Operations on British Columbia's Coast – Report to the Chief Coroner of British Columbia
Ce rapport, rédigé par le coroner en chef de la Colombie-Britannique en 2012 après plusieurs accidents mortels de taxis aériens, comprend 1 recommandation pertinente pour ce thème [traduction] :
Que Transports Canada exige des exploitants aériens commerciaux qui effectuent des vols VFR qu'ils donnent à leurs pilotes une formation annuelle sur la prise de décisions propre à la nature de leurs opérations; et, de plus, que Transports Canada exige que les exploitants aériens commerciaux qui effectuent des vols VFR donnent une formation annuelle sur la prise de décisions à tout leur personnel crucial qui appuie les pilotes, y compris les préposés au suivi des vols et la direction de la compagnieNote de bas de page 148.
4.2.14.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
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Les risques opérationnels pourraient être plus grands si les pilotes n'ont pas les compétences cruciales pour prendre des décisions sécuritaires de manière à gérer efficacement les risques. Les risques opérationnels peuvent être plus élevés si les gestionnaires, les superviseurs et les pairs ne soutiennent pas ni ne renforcent les pratiques PDM/CRM. |
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* La mise en œuvre de la nouvelle norme de formation CRM, le 30 septembre 2019, résoudra cette question.
** La collecte des données des entrevues a eu lieu avant la publication de la mise à jour de la norme CRM.
Conclusion : La PDM et la CRM sont des compétences cruciales qui aident les équipages de conduite à gérer les risques associés aux opérations aériennes.
4.2.15 Thème de sécurité : Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes
4.2.15.1 Contexte
La formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes sert à perfectionner les connaissances et compétences nécessaires pour gérer efficacement les divers risques associés aux vols et à d'autres opérations.
Quoique les diverses opérations aériennes commerciales aient de nombreux points communs, les exigences de formation sont moins strictes pour les pilotes de taxi aérien que pour ceux de services aériens de navette ou de transport aérien régulier.
De plus, même si l'on a rehaussé les exigences de formation au pilotage dans le secteur du taxi aérien, le temps de formation minimal n'a pas augmenté en conséquence. Des sujets pertinents, dont certains sont obligatoires pour les exploitants de services aériens de navette ou de transport aérien régulier, ne figurent pas dans les exigences de formation. Par conséquent, la formation pourrait être concentrée, des sujets pourraient ne pas être suffisamment approfondis pour gérer les risques connus, et des sujets pertinents pourraient ne pas être abordés du tout.
Les compagnies de taxi aérien ont des exigences de formation obligatoire pour certaines activités à risque élevé, comme les vols de nuit. Par contre, il n'y a aucune exigence de la sorte pour plusieurs autres activités à risque élevé, comme les vols en montagne ou côtiers. Par conséquent, le contenu d'une formation obligatoire pourrait ne pas aborder les nombreuses exigences particulières des activités de taxi aérien. Sans formation spécialisée obligatoire sur les activités à risque élevé, les pilotes pourraient ne pas avoir les connaissances et compétences voulues pour assurer la sécurité des opérations aériennes.
Étant donné la nature et la diversité des activités de taxi aérien, les exploitants sont exposés à des risques qui n'existent pas habituellement dans d'autres types d'opérations (comme les opérations de transport aérien régulier), par exemple : aires d'atterrissage non aménagées, aéronefs munis de flotteurs, opérations héliportées, comptes rendus météorologiques trop peu détaillés ou inexistants, régulation des vols par les pilotes.
Quoique le plan de cours de la formation de pilote professionnel comprenne des sujets comme la prise de décisions du pilote (PDM), aucune exigence réglementaire n'oblige les pilotes à suivre une formation PDM additionnelle une fois qu'ils travaillent dans le secteur du taxi aérienNote de bas de page 149. Les compagnies de transport aérien régulier exigent une formation initiale et périodique sur l'impact sans perte de contrôle (CFIT). Pour les exploitants de taxis aériens, cette formation n'est obligatoire que s'ils sont autorisés à effectuer des vols selon les règles de vol aux instruments (IFR) ou des vols de nuit selon les règles de vol à vue (VFR), et seulement initialement, puis aux 2 ans. Les opérations de transport aérien régulier doivent avoir un système de contrôle d'exploitation à autorité partagée entre le commandant de bord et un régulateur des vols agréé, qui est responsable de la surveillance des vols. En revanche, dans les activités de taxi aérien, le commandant de bord est responsable du contrôle opérationnel et de la surveillance du vol (régulation des vols par le pilote).
Le secteur du taxi aérien, notamment dans le cas des avions, sert souvent de terrain d'entraînement pour les pilotes avant qu'ils ne passent à une compagnie de services aériens de navette ou de transport arien régulier.
4.2.15.2 Ce que nous ont dit les exploitants et les inspecteurs de Transports Canada sur ce thème
Lorsqu'on leur a demandé quels problèmes posent le plus grand risque pour la sécurité, les exploitants en ont soulevé plusieurs afférents à la formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes (p. ex., préposés au suivi des vols et autres fonctions nécessaires dans les compagnies).
Des lacunes ont été signalées dans de nombreux types de formation : pilotage; services au sol; systèmes de bord; suivi des vols; opérations spécialisées; aspects non techniques; procédures d'urgence. De plus, les nouveaux pilotes (qui ont une licence de pilote professionnel ou de ligne, mais peu d'expérience) pourraient être mal préparés en ce qui concerne les compétences spécialisées nécessaires du taxi aérien.
Les exigences de formation pour le taxi aérien sont moins strictes ou sont lacunaires. Le temps accordé à la formation obligatoire est insuffisant pour que le contenu soit adéquatement traité. De plus, on ajoute du contenu obligatoire sans prévoir du temps additionnel. Certains outils de formation ne sont pas disponibles ou n'ont pas été actualisés par Transports Canada (TC).
4.2.15.2.1 Pilotes non préparés aux exigences des opérations de taxi aérien
Les nouveaux pilotes professionnels ont le choix de plusieurs fournisseurs de formation au pilotage : unités de formation au pilotage agréées et programmes collégiaux et universitaires. Les exploitants déplorent que la formation que suivent les nouveaux pilotes ne les prépare pas adéquatement à leur premier emploi. Les exploitants ont également remarqué des disparités de connaissances et de compétences chez les pilotes nouvellement embauchés. Ils estiment que la formation prépare mal les pilotes et autre personnel d'opérations aériennes pour les risques propres aux activités de taxi aérien en général et les opérations spécialisées en particulier, dont : le vol côtier; les approches de non-précision; le vol en montagne; les atterrissages hors-piste (flotteurs, roues et skis); les aires d'atterrissage inhabituelles (hélicoptères); les lieux encombrés de lignes de transport d'électricité (hélicoptères); le suivi des vols; et les évacuations subaquatiques.
Même si les pilotes et autre personnel d'opérations aériennes affectés à ces opérations ont suivi une formation, les exploitants redoutent qu'elle soit inefficace, car les divers programmes de formation peuvent difficilement prévoir tous les scénarios opérationnels à risque élevé.
4.2.15.2.2 Lacunes des exigences de formation
Le Règlement de l'aviation canadien (RAC) établit la formation que les exploitants sont tenus de donner. Mais, dans les faits, cette formation peut varier énormément, comme l'ont indiqué les exploitants. Certains d'entre eux donnent seulement la formation qui répond aux exigences du RAC, tandis que d'autres donnent de la formation additionnelle qui dépasse ces exigences, pour combler certains besoins ou pour mieux atténuer les risques dans leurs activités.
Des exploitants ont affirmé que l'on devrait rehausser les exigences de formation actuelles dans le secteur du taxi aérien. Plusieurs d'entre eux estiment que le temps de formation minimal prévu par la réglementation est insuffisant; par conséquent, la formation pourrait être concentrée, et les sujets pourraient ne pas être suffisamment approfondis.
Des exploitants ont indiqué certains aspects déficients de la formation au pilotage :
- La partie IFR de la norme 723, annexe I – Contrôle de compétence pilote (PPC) pourrait être inadéquate pour certains exploitants. Des exploitants ont indiqué que l'on n'insistait pas suffisamment sur la partie du PPC portant sur la procédure aux instruments.
- Aucun règlement ne couvre l'entraînement sur la ligne qui apparie un pilote expérimenté avec un pilote nouvellement qualifié, à titre de mentor. Ce type de formation dure habituellement un nombre déterminé d'heures; une fois achevée, elle est normalement suivie d'une évaluation.
- Des équipages de conduite n'ont pas reçu de formation adéquate sur la vérification d'une route aérienne particulière. Cette formation aide les équipages de conduite à se familiariser avec la route à suivre, les aides à la navigation et les installations, et avec toute procédure de la compagnie pour cette route.
- Des nouveaux pilotes qui intègrent le secteur du taxi aérien ont reçu une partie ou l'ensemble de leur formation au pilotage d'instructeurs de vol qui ont peu d'expérience de ce secteur.
- La formation est inadéquate pour les opérations IFR à un seul pilote à bord de petits aéronefs à pistons. Dans bien des cas, on embauche des pilotes qui ont moins d'heures de vol à leur actif pour effectuer des vols de transport de marchandises avec des aéronefs de ce type. Il se peut qu'ils ne s'attardent que très peu dans ce type d'opération, car on les prépare souvent à passer à des types d'aéronefs plus grands. Quand les pilotes font ce passage, il se peut que leurs connaissances sur ces opérations à risque plus élevé soient perdues. Les exploitants estiment qu'il est important de transmettre les connaissances d'anciens pilotes aux nouveaux pour préserver les avantages de la formation.
- Les exploitants ne conservent pas nécessairement des dossiers de formation de haute qualité, ce qui nuit à leur capacité d'évaluer les besoins en formation ou les lacunes à ce chapitre, ou d'évaluer l'utilité de la formation.
- Les exploitants n'allouent pas suffisamment de fonds pour la formation.
- Une formation sur l'évacuation subaquatique n'est pas fournie ou n'est pas adéquate, dans le cas de petits exploitants d'hélicoptères.
- La formation au pilotage d'hélicoptère est limitée par les types d'urgences pouvant être simulées en toute sécurité dans les airs. Les simulateurs sont d'usage courant pour certains types d'avions, mais il y a peu de simulateurs pour les types d'hélicoptères que l'on emploie dans le secteur du taxi aérien au Canada.
Pour ce qui est de la formation d'autre personnel d'opérations aériennes, les aspects suivants ont été jugés comme étant déficients :
- l'absence d'exigences de formation formelles pour les postes clés d'une compagnie (p. ex., chef pilote, gestionnaire des opérations et responsable de la maintenance). La réglementation précise les rôles et responsabilités de ces fonctions, mais n'y rattache aucune exigence de formation;
- le fait que des examens écrits ne sont plus exigés pour les postes de chef pilote et de gestionnaire des opérations. Ce problème a été soulevé par les exploitants et les inspecteurs de TC. La suppression des examens écrits élimine une des étapes de validation des candidats à ces postes cruciaux dans une compagnie.
La plupart des exploitants de taxis aériens utilisent un système de contrôle opérationnel de type D, selon lequel le gestionnaire des opérations délègue le contrôle opérationnel au commandant de bord, mais conserve la responsabilité des opérations aériennes quotidiennes. Dans ce type de système de contrôle, les pilotes assument la régulation des vols, puisque la réglementation n'exige ni régulateur des vols ni formation à cette fonction. Toutefois, certains exploitants ont dit à l'équipe de l'enquête sur une question de sécurité (SII) que les compagnies de taxi aérien gagneraient à avoir du personnel formé affecté aux tâches de régulation des vols, comme surveiller les conditions météorologiques, participer à la planification des vols et effectuer un suivi de vols.
Les inspecteurs de TC ont dit que s'ils ne remettent pas en question le type de formation que donnent les exploitants, ils sont préoccupés par la qualité de la formation effectivement fournie.
4.2.15.3 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Tel que mentionné plus haut, les exploitants atténuent certains risques associés à la formation en donnant de la formation de haute qualité, qui parfois dépasse les exigences du RAC pour les activités de taxi aérien.
La formation additionnelle que donnent ces exploitants peut comprendre les types généraux de formation suivants :
- formation avancée sur les procédures d'urgence pour pilotes et équipages de conduite;
- CFIT (non requise par la réglementation pour les vols selon les règles de vol à vue de jour);
- gestion des ressources de l'équipage (CRM);
- PDM;
- entraînement sur la ligne;
- facteurs humains;
- sensibilisation à la fatigue;
- approches stabilisées aux instruments.
Des formations additionnelles peuvent porter sur les sujets suivants en fonction de types d'opérations spécifiques :
- formation sur la surveillance et l'évitement des lignes électriques (hélicoptères);
- formation sur les opérations par faible visibilité autre que celle requise pour les opérations par visibilité réduite dans l'espace aérien non contrôlé;
- recyclage saisonnier pour les pilotes d'hydravions au début de la saison d'exploitation;
- formation sur la réduction des accidents à l'approche et à l'atterrissage (habituellement propre aux opérations IFR);
- formation avancée sur le givrage (au-delà de celle requise par la réglementation) propre au type d'opération, à la zone et à l'aéronef.
Certains exploitants ont élaboré de la formation utile propre à leur type d'exploitation – par exemple, en utilisant les avis de sécurité du système de gestion de la sécurité (SGS) signalant des accidents évités de justesse, des quasi-accidents et d'autres types d'incidents. Avec ces renseignements, ils peuvent cerner des dangers et élaborer de la formation sur les stratégies d'atténuation pour prévenir des événements.
D'autres exploitants ont fait appel aux constructeurs des aéronefs pour élaborer de la formation. Les constructeurs peuvent valider la formation existante et faire des recommandations sur l'élaboration de formations nouvelles et améliorées.
En ce qui concerne l'élaboration de formations plus efficaces, les exploitants ont indiqué que la formation en groupe est très efficace et beaucoup plus avantageuse pour les participants. La formation en groupe tend à comprendre davantage de conversations, d'échanges et de partage d'expériences et d'apprentissage.
D'autres exploitants ont eu recours à la formation assistée par ordinateur par l'intermédiaire de ressources en ligne; il est possible de suivre ce type de formation partout où il y a une connexion Internet. Certains exploitants se servent de simulateurs de vol et d'autre équipement d'entraînement au vol pour rehausser la formation qu'ils donnent.
Des exploitants ont aussi indiqué qu'ils forment les équipages aux procédures d'utilisation normalisées (SOP) et qu'ils insistent pour qu'elles soient respectées.
Pour la formation sur le suivi des vols, certains exploitants ont fait visiter toutes leurs destinations aux préposés au suivi des vols pour qu'ils se familiarisent avec les routes que les exploitants suivent et les destinations qu'ils desservent régulièrement. Les préposés au suivi des vols acquièrent ainsi une connaissance directe de la région.
Pour la formation propre aux hélicoptères, certains exploitants ont pris les mesures suivantes :
- Toute la formation au pilotage a lieu à un aéroport, sauf celle qui exige une mise en situation particulière, comme l'entraînement dans des espaces restreints. La formation donnée à un aéroport bénéficie des services d'urgence en cas d'accident en cours de formation.
- La formation au sol approfondit la question des effets aérodynamiques sur la maîtrise de l'hélicoptère, y compris la perte d'efficacité du rotor de queue ou l'état de vortex.
- La formation comprend l'évacuation subaquatique d'un hélicoptère.
- La formation comprend l'entraînement dans des espaces restreints pour les opérations d'hélicoptère.
4.2.15.4 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Des exploitants ont indiqué que certaines facettes de la formation ont besoin d'être améliorées :
- Accorder plus de temps à la formation requise par la réglementation, en particulier la formation sur les approches par navigation de surface (RNAV) et la performance d'alignement de piste avec guidage vertical (LPV).
Formation additionnelle non exigée actuellement par la réglementation :
- formation CRM et PDM – certains ont recommandé un cours d'une journée sur la PDM; d'autres ont dit avoir besoin de meilleurs documents d'orientation CRM pour les aider à élaborer des cours Note de bas de page 150;
- entraînement sur la ligne pour les pilotes;
- formation sur l'évacuation (pour exploitants d'hydravions) (voir aussi la section 4.2.8 Thème de sécurité : Possibilités de survie);
- formation CFIT.
Des exploitants ont indiqué qu'il leur fallait de la documentation pour des programmes de formation particuliers, entre autres :
- information sur la façon de former les pilotes aux approches stabilisées avec angle de descente constant (SCDA);
- information à jour sur le système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) pour les besoins de la formation et du perfectionnement;
- examen à jour de TC sur le givrage que les exploitants pourront utiliser lors de l'élaboration de leur formation.
Ils ont aussi affirmé avoir besoin des mesures d'atténuation générales suivantes :
- les programmes de formation des exploitants doivent faire connaître la région aux équipages;
- les pilotes doivent recevoir la formation voulue pour mieux comprendre les procédures sur la fréquence obligatoire dans l'espace aérien non contrôlé;
- dans le cas des pilotes d'hydravion, il faudrait augmenter le nombre d'heures de formation nécessaire pour obtenir la qualification sur hydravion, pour assurer une formation convenable;
- les exploitants doivent communiquer aux écoles de pilotage leurs observations sur les sujets que devront connaître les nouveaux pilotes intégrant le secteur du taxi aérien.
4.2.15.5 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
4.2.15.5.1 Faits établis par le BST
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé que 33 rapports sur toutes sortes d'accidents signalaient des problèmes de formationNote de bas de page 151. Plus précisément, ces rapports ont cerné des problèmes liés à la formation sur les aéronefs ou l'équipement; sur la PDM et la CRM; et sur les opérations.
Les faits établis concernant la formation sur les aéronefs ou l'équipement comprenaient les cas suivants :
- En 2007, dans un événement de perte de maîtrise de l'aéronef dans des conditions météorologiques limites, l'équipage n'avait reçu aucune formation sur l'utilisation du GPS et n'en comprenait pas la fonctionNote de bas de page 152.
- En 2008, dans un événement de panne d'alimentation carburant menant à l'atterrissage forcé d'un aéronef, le pilote ne comprenait pas bien le circuit carburant ni son fonctionnement, et sa connaissance de ce circuit particulier n'avait pas été validéeNote de bas de page 153.
- En 2009, dans un événement de collision avec des arbres durant une approche interrompue, l'équipage a effectué une approche RNAV pour laquelle il n'avait reçu aucune formation, avec un aéronef qui n'avait pas l'équipement nécessaire ou approuvé à cette finNote de bas de page 154.
D'autres faits établis concernaient un manque de compétence pour maîtriser un aéronef en situation d'urgence :
- En 2006, l'enquête sur un événement de perte de puissance moteur et atterrissage forcé a révélé que l'équipage n'avait reçu aucune formation sur l'atterrissage forcé d'un vol selon les règles de vol aux instruments applicables aux monomoteurs (SEIFR) et n'était pas préparé pour ce type d'urgenceNote de bas de page 155.
- En 2011, dans un événement de perte de maîtrise de l'aéronef et collision avec le relief, l'équipage ne comprenait pas les limites de vitesse de l'aéronef en état de poussée asymétrique causée par une panne moteurNote de bas de page 156.
- En 2013, l'enquête sur un événement de panne sèche et d'atterrissage forcé a révélé un fait concernant la saturation des tâches et la capacité de prioriser les tâches durant une situation d'urgence complexe; l'équipage de conduite n'était pas bien préparé pour la situation d'urgence causée par la panne sècheNote de bas de page 157.
Certains faits établis concernaient une formation inadéquate en CRM ou en PDM. On a cerné des problèmes de CRM dans les faits constatés dans des enquêtes sur 2 accidents à l'approche et à l'atterrissage avec équipage multipleNote de bas de page 158. On a cerné des problèmes de PDM dans au moins 2 événements de perte de contact visuel avec le sol durant et impact sans perte de contrôle en vol VFRNote de bas de page 159. (Voir aussi la section 4.2.14 Thème de sécurité : Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage.)
Plusieurs faits établis étaient directement liés à la formation sur les opérations.
- En 2011, un pilote a effectué une sortie en bout de piste parce qu'il ne savait pas que la technique de décollage sur terrain mou qu'il utilisait augmentait la traînée aérodynamiqueNote de bas de page 160.
- Dans 2 accidents de vols VFR, l'équipage a perdu le contact visuel avec le sol. En 2013, un équipage de conduite ayant insuffisamment de formation au vol de nuit avait perdu le contact visuel avec le sol, ce qui a mené à un impact sans perte de contrôleNote de bas de page 161. Dans un événement survenu en 2010, un pilote a perdu la maîtrise en vol parce qu'il avait eu insuffisamment de formation sur la reconnaissance de repères visuels dégradés, l'utilisation d'instruments et le rétablissement d'un aéronef en assiettes anormalesNote de bas de page 162.
- Trois faits établis concernaient une perte de maîtrise en vol. Le premier était lié au manque de formation au vol en montagne et son lien avec les effets aérodynamiques sur la maîtrise d'un hélicoptèreNote de bas de page 163. Les 2 autres concernaient des hydravions et une absence de formation sur l'évacuation subaquatiqueNote de bas de page 164.
4.2.15.5.2 Recommandations du BST
Le BST a fait plusieurs recommandations sur la formation au fil des ans. Toutes ont été fermées.
4.2.15.6 Autres examens et études de sécurité
4.2.15.6.1 Étude de sécurité du BST sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables
Cette étude de sécurité a permis d'établir que les accidents où des vols VFR se sont poursuivis dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) représentaient un nombre disproportionnellement élevé de pertes de vie. Leurs causes et facteurs contributifs présentaient des thèmes récurrents : des pilotes n'avaient pas les qualifications ou les compétences nécessaires pour les conditions rencontrées; il y avait de graves lacunes relatives aux minima météorologiques pour le vol VFR, à la formation des pilotes et aux privilèges que confèrent les licences de piloteNote de bas de page 165. Le manque de qualifications et de compétences découle de lacunes dans la formation.
4.2.15.6.2 Étude de sécurité du BST portant sur les possibilités de survie dans les accidents d'hydravion
L'Étude de sécurité portant sur les possibilités de survie dans les accidents d'hydravionsNote de bas de page 166 du BST a cerné 2 problèmes pertinents pour ce thème : l'inadéquation de la formation au pilotage (PDM, vol par visibilité réduite, vol en montagne) et de la formation sur l'évacuation.
4.2.15.6.3 Étude de sécurité du BST portant sur les compétences et les connaissances des pilotes d'hydravion
Dans cette étude de sécuritéNote de bas de page 167, le BST a examiné 1432 accidents d'hydravion pour cerner les aspects de l'exploitation d'hydravions qui présentent des manquements à la sécurité. L'étude a confirmé que la fréquence et la gravité des accidents d'hydravion sont excessivement élevées comparativement aux avions terrestres. La perte de maîtrise ou les collisions avec des objets durant le décollage, les pannes moteur après le décollage et la perte de maîtrise durant l'approche et l'atterrissage étaient les types les plus fréquents d'accidents causant des blessures graves ou mortelles. Les facteurs contributifs le plus souvent mentionnés dans ces accidents indiquent clairement de graves lacunes au chapitre des connaissances, des compétences, des techniques ou encore du jugement des pilotes dans la prise de décisions. (Voir aussi la section 4.2.14 Thème de sécurité : Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage.)
Cette étude a donné lieu à 3 recommandations sur la formation à l'attention des exploitants d'hydravions. Toutes ces recommandations ont été fermées.
4.2.15.6.4 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 2 recommandations pertinentes pour ce thème :
MI 31 Les exploitants aériens devraient informer leurs pilotes des limites d'exploitation et des limites de la compagnie quant à l'équipement GPS. Les pilotes devraient être au courant de ces limites et les respecter. Ils devraient également faire preuve de professionnalisme en ayant un équipement de navigation de secours en état de marche et identifié et en consultant les cartes lorsqu'ils effectuent un vol VFR.
RS 53 Transports Canada devrait élaborer plusieurs modules du programme de formation sur la contamination des surfaces qui soient pertinents aux conditions particulières en vol VFR, comme le taxi aérien, le travail aérien et les hélicoptèresNote de bas de page 168.
4.2.15.6.5 Death Review Panel: Four Fatal Aviation Accidents Involving Air Taxi Operations on British Columbia's Coast – Report to the Chief Coroner of British Columbia
Ce rapport, rédigé par le coroner en chef de la Colombie-Britannique en 2012 après plusieurs accidents mortels de taxis aériens, comprend 2 recommandations pertinentes pour ce thème [traduction] :
Que Transports Canada institue une exigence que tous les pilotes d'hydravions commerciaux suivent une formation ayant un volet sur l'évitement et la sortie de situations soudaines de danger telles que le vol sous les minima des conditions météorologiques de vol à vue (VMC), le vol à basse altitude par visibilité réduite au-dessus d'un plan d'eau miroitant, et d'autres dangers auxquels les pilotes d'hydravions sont souvent confrontés.
Que Transports Canada élabore un programme de formation normalisé sur le vol en montagne ainsi que des critères pour évaluer la capacité des élèves à atteindre un niveau acceptableNote de bas de page 169.
4.2.15.7 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Des membres du personnel opérationnel qui n'ont pas les compétences et les connaissances nécessaires ne pourront peut-être pas gérer efficacement les risques opérationnels. |
|
Conclusion : Il est essentiel de donner de la formation aux pilotes et autre personnel d'opérations aériennes pour perfectionner les connaissances et compétences dont ils ont besoin pour gérer efficacement les divers risques associés aux opérations de taxi aérien.
4.2.16 Thème de sécurité : Formation des techniciens d'entretien d'aéronef
4.2.16.1 Contexte
À l'heure actuelle, les candidats aux postes de technicien d'entretien d'aéronef (TEA) doivent avoir terminé un cours de formation en entretien d'aéronefs, en avionique ou en réparations structurelles (selon le cas) agréé ou reconnu par Transports Canada (TC). Ils doivent d'autre part avoir de l'expérience pertinente en entretien et passer un examen de TC sur les exigences réglementaires. Les TEA peuvent aussi devoir suivre un cours agréé sur un type d'aéronef, de moteur ou de système précis.
Compte tenu de la grande diversité des équipements utilisés dans le secteur du taxi aérien (aussi bien des avions conçus et construits il y a plus de 70 ans que des hélicoptères à la fine pointe de la technologie), la formation collégiale des TEA pourrait ne pas être adaptée aux besoins immédiats des exploitants. Il incombe à chaque exploitant de s'assurer que les TEA reçoivent la formation pratique adéquate et que leurs connaissances techniques demeurent à jour.
4.2.16.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.16.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Les exploitants n'ont pas indiqué que la formation des TEA était une question de sécurité à risque élevé; ils ont néanmoins soulevé plusieurs problèmes de sécurité à ce sujet :
- il n'existe aucune formation officielle ou obligatoire pour certains postes de l'entreprise, comme ceux de responsable ou de directeur de l'entretien;
- lorsqu'une flotte comprend de nombreux types d'aéronefs, il peut être difficile de former le personnel d'entretien comme il se doit sur tous ces types;
- la matière enseignée dans les écoles de formation des TEA porte sur la technologie d'entretien et les aéronefs plus anciens, donc ne prépare pas les étudiants pour la technologie d'entretien et les aéronefs plus récents utilisés dans de nombreuses compagnies;
- les programmes collégiaux ne préparent pas les nouveaux TEA à l'utilisation de la documentation pertinente pour leurs tâches d'entretien;
- les TEA du secteur du taxi aérien n'utilisent pas toujours les manuels d'entretien, exécutant parfois leurs tâches de mémoire au lieu de consulter le manuel en cours de travail. Pour que les tâches soient effectuées correctement, la formation devrait couvrir l'utilisation adéquate des manuels.
La formation en entretien fournie par les exploitants n'est pas toujours aussi efficace qu'elle devrait l'être. Un facteur contribuant à ce problème est peut-être le fait que certains TEA ne demeurent pas à l'emploi d'un exploitant assez longtemps pour que l'exploitant pense qu'il vaille la peine de consacrer le temps nécessaire à un niveau normal de formation.
4.2.16.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
La principale mesure d'atténuation consiste à fournir aux employés une formation appropriée en cours d'emploi afin de pallier les inégalités de formation et d'expérience antérieures. Les exploitants ont donné quelques exemples des mesures prises concernant le contenu de la formation, le mentorat des TEA nouvellement embauchés ou des apprentis, le recours à des ressources externes pour donner de la formation et d'autres pratiques favorisant l'entretien sécuritaire des aéronefs.
Contenu de la formation
- La formation comprend les facteurs humains, la gestion des ressources de l'équipage, les systèmes de gestion de la sécurité, les politiques de compagnie et le manuel de contrôle de la maintenance.
- Elle comprend aussi un programme d'inspection des nouveaux aéronefs lorsque de nouveaux équipements sont achetés.
- Une formation spécialisée est fournie aux vérificateurs internes de l'assurance de la qualité.
Mentorat des TEA nouvellement embauchés ou des apprentis
- Les apprentis sont toujours appariés à un TEA pour accomplir leurs tâches.
- Leurs responsabilités augmentent à mesure qu'ils progressent dans leur période de formation.
- Les TEA nouvellement embauchés passent toujours les 2 premières semaines à la base principale avant de travailler dans une base éloignée.
Recours à des ressources externes de formation
- Des exploitants embauchent un organisme extérieur pour offrir à leurs employés une formation spécialisée, par exemple sur les facteurs humains.
- Les TEA suivent une formation d'une semaine chez l'avionneur afin de profiter de ses connaissances et d'échanger directement avec lui.
- Les exploitants travaillent régulièrement avec les avionneurs pour qu'ils valident le contenu de la formation interne et suggèrent des ajouts au programme.
Autres pratiques favorisant un entretien sécuritaire
- Renforcer les bonnes pratiques d'entretien et de contrôle des outils pour réduire au minimum les risques d'erreurs.
- Varier les horaires de travail des TEA dans un service donné. Par exemple, un TEA travaillant en entretien lourd serait affecté à la maintenance quotidienne en escale pour lui permettre d'enrichir son expérience.
- Encourager fortement l'utilisation des manuels d'entretien pour l'accomplissement de toutes les tâches.
- Inculquer une philosophie de perfectionnement continu encourageant le personnel à discuter des incohérences dans une procédure d'entretien et des procédures qui semblent être incorrectes, et à adopter des méthodes plus efficaces qui ont été découvertes et approuvées.
4.2.16.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants ont suggéré que les collèges et les établissements de formation passent plus de temps à former les futurs TEA sur tous les aspects de la documentation à consulter lors de l'entretien des aéronefs.
En ce qui a trait à la formation sur les facteurs humains en entretien, des lignes directrices doivent préciser le type d'expérience que le formateur doit posséder ainsi que la méthode d'évaluation de l'efficacité de cette formation.
En général, les exploitants ont dit que le secteur devrait prendre la formation des TEA plus au sérieux. Il est nécessaire de mettre en place une formation périodique plus structurée pour les TEA, comme c'est le cas pour les équipages de conduite.
4.2.16.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude n'a révélé aucun fait établi ni recommandation liés à la formation des TEA.
4.2.16.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.16.4.1 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 1 recommandation pertinente pour le présent thème :
RS 5 Transports Canada devrait élaborer des normes relatives à la formation initiale et périodique sur type à l'intention des techniciens d'entretien d'aéronefsNote de bas de page 170.
4.2.16.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Des lacunes dans la formation initiale ou la formation périodique peuvent entraîner une baisse du niveau de sécurité dans les opérations. |
|
Conclusion : Les TEA qui travaillent pour des exploitants de taxis aériens doivent posséder de vastes connaissances techniques pour que la maintenance assure l'état de navigabilité des nombreux différents types et modèles d'aéronefs utilisés dans ce secteur.
4.2.17 Thème de sécurité : Gestion de la sécurité
4.2.17.1 Contexte
Les organisations doivent concilier sécurité et production en gérant les risques pour la sécurité de leurs opérations de sorte qu'ils restent à des niveaux acceptables. Cependant, il semble parfois plus urgent de régler les problèmes de production et d'exploitation, car ils sont plus faciles à mesurer, et les régler donne des résultats immédiats. Les impératifs de l'exploitation peuvent donc l'emporter sur les préoccupations envers la sécurité dans l'esprit des décideurs. Dans ce contexte, il se peut que les organisations créent des risques par inadvertance dans leurs activités.
La tolérance des organisations aux risques dans leurs opérations varie considérablement. Certaines organisations prennent les devants pour cerner et réduire les risques. On considère alors qu'elles ont une culture de sécurité positive. D'autres, qui ont une culture de sécurité plus laxiste, mènent sciemment ou non leurs activités en tolérant des niveaux de risque plus élevés et un potentiel d'accident plus important.
Quant aux exploitants de taxis aériens, ils doivent assurer une gestion de la sécurité et du risque plus rigoureuse compte tenu de la diversité des activités et des conditions souvent dangereuses de ce secteur. Ils doivent être en mesure de toujours cerner les dangers et les risques et les réduire au plus bas niveau possible. La gestion de la sécurité reste un important moyen d'atteindre cet objectif et de gérer bon nombre des questions de sécurité qui ont été soulevées au cours de la présente enquête sur une question de sécurité.
Transports Canada (TC) s'attend à ce que les compagnies de transport gèrent proactivement la sécurité de leurs activités et qu'elles mettent en place des programmes pour veiller à toujours respecter toutes les exigences réglementaires.
Système de gestion de la sécurité
L'Organisation de l'aviation civile internationale définit un SGS comme suit : « Méthode systématique de gestion de la sécurité, incluant les structures organisationnelles, obligations de rendre compte, politiques et procédures nécessaires* ». D'autres définitions indiquent qu'il s'agit d'une approche visant à atteindre des niveaux de sécurité acceptables ou tolérables. Quelle que soit la définition utilisée, un SGS suppose une gestion de la qualité axée sur la sécurité dans laquelle la planification, les procédures et la rétroaction des données servent à améliorer la sécurité.
* Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), document 9859 AN/474, Manuel de gestion de la sécurité (MGS), 3e édition (Montréal : 2013).
L'approche classique de la gestion de la sécurité est fondée sur la conformité aux règlements et une réponse réactive aux incidents et accidents. Même si le respect des règlements de sécurité est fondamental à l'établissement de pratiques de sécurité judicieuses, les organisations qui se satisfont de simplement se conformer aux normes réglementaires peuvent manquer de reconnaître l'émergence de problèmes de sécurité. Les exigences réglementaires ne peuvent pas, à elles seules, couvrir tous les risques.
Le Bureau de la sécurité des transports (BST) a maintes fois souligné les avantages d'un système de gestion de la sécurité (SGS) qui, lorsqu'il est appliqué comme il se doit, permet aux entreprises de gérer les risques efficacement et de rendre leur exploitation plus sécuritaire. TC s'était engagé à exiger un SGS chez tous les exploitants aériens, mais a fait marche arrière.
Il faut trouver des solutions pour assurer une application efficace et souple des SGS malgré les nombreuses pressions exercées sur les exploitants de taxis aériens, et les solutions doivent être adaptées et calibrées pour les petits exploitants. En outre, pour qu'il soit efficace, un SGS doit être appuyé par une culture de sécurité proactive.
4.2.17.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.17.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Les exploitants ont cerné plusieurs problèmes liés à gestion de la sécurité, comme des compétences, des connaissances et de l'expérience insuffisantes, et la diversité des approches et des mentalités en matière de gestion de la sécurité.
Ils ont indiqué que ces questions de sécurité influaient sur la culture de sécurité non seulement des entreprises, mais aussi du secteur du taxi aérien, et qu'elles en étaient un reflet direct. Compétences, connaissances et expérience en gestion de la sécurité
Au sujet des compétences, des connaissances et de l'expérience, les exploitants ont relevé les problèmes suivants :
- compétence inadéquat en gestion;
- communication inefficace entre la direction et le personnel;
- définition inappropriée des rôles et des responsabilités;
- connaissances en aviation insuffisantes chez les propriétaires de compagnies aériennes;
- personnel qualifié insuffisant dans des postes requis (directeur de l'entretien, pilote en chef, directeur des opérations aériennes, etc.);
- absence de politiques et de procédures de contrôle des outils.
Les communications et les relations interpersonnelles ont été signalées à de nombreuses reprises comme des facteurs compromettant la sécurité. Différents exploitants ont affirmé que la direction n'avait pas de compétences en gestion de ressources humaines, que les relations entre les membres du personnel étaient déficientes, et que les pilotes et les techniciens d'entretien communiquaient trop peu entre eux.
Approches en matière de gestion de la sécurité
Certains exploitants se sont dits inquiets de problèmes de culture de sécurité et de gestion du risque dans leurs activités. D'autres ont affirmé que la sécurité était gérée pour assurer la conformité aux règlements. Toutefois, les risques propres à l'exploitation qui ne sont pas abordés dans la réglementation n'étaient pas gérés de façon adéquate. Certains exploitants ont donné des exemples de culture de sécurité déficiente : signalisation inégale des problèmes de sécurité; manque de suivi des questions de sécurité signalées; approche réactive à la sécurité; manque de processus d'assurance de la qualité; solutions locales improvisées à des problèmes de sécurité ne tenant pas compte des causes profondes.
La présente enquête sur une question de sécurité (SII) a révélé que beaucoup d'exploitants, y compris ceux qui avaient déjà un SGS, étaient tout à fait favorables à ce que la réglementation exige de tous les exploitants de taxis aériens qu'ils aient un SGS. D'autres cependant trouvaient que les mesures informelles étaient efficaces et que la mise en place d'un SGS porterait préjudice aux petits exploitants de taxis aériens. De nombreux exploitants appliquent d'emblée des principes de gestion de la sécurité et considèrent que ces politiques et procédures sont utiles. Des exploitants ont décrit des solutions préventives et novatrices pour améliorer leur sécurité, mais d'autres se sont plaints d'une absence de culture et de pratiques de sécurité qui compromettait leur sécurité.
Ces opinions variées découlent peut-être des nombreuses pratiques différentes de gestion de la sécurité dans le secteur, et de l'appréhension qu'un SGS puisse être accablant pour les petits exploitants à cause de ses longs délais et de ses processus coûteux.
4.2.17.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Pour gérer la sécurité avec efficacité, les exploitants utilisent diverses mesures d'atténuation des risques qui vont au-delà des exigences réglementaires :
- réalisation de tous les vols selon les règles de vol aux instruments (IFR);
- affectation de 2 pilotes à toutes les opérations;
- établissement d'exigences minimales particulières sur l'expérience de vol des pilotes.
Les politiques et procédures de contrôle des outils peuvent servir de mesures d'atténuation, tout comme la double inspection des activités d'entretien régulières.
Pour certains exploitants, des aéronefs bimoteurs pourraient être utilisés dans les opérations d'hydravions lors de journées venteuses; d'autres ont décidé de faire un exposé sur la sécurité plus détaillé (propre à l'opération). Plusieurs exploitants ont adopté une méthode de suivi des vols et ont mis en place des outils informatiques à cette fin.
De plus, beaucoup d'exploitants ont adopté un SGS ou ont élargi la portée du SGS de leurs activités de transport aérien régulier pour y inclure leurs activités de taxi aérien. Dans certains cas, les clients de taxis aériens ont demandé aux exploitants d'ajouter aux clauses de leur contrat la mise en place d'une structure de SGS. Des éléments de SGS mis en place par des exploitants incluaient :
- outil SGS pour les évaluations du risque;
- rapports SGS en ligne;
- boucles de rétroaction fondées sur les rapports SGS;
- formation sur le SGS donnée par un fournisseur tiers;
- modification de la structure de la compagnie pour appuyer le SGS;
- coordonnateur ou gestionnaire du SGS;
- SGS fondé sur les directives de TC sur l'élaboration des SGSNote de bas de page 171,Note de bas de page 172.
Les exploitants ont également mentionné la mise en place de pratiques qui sont normalement incluses dans un SGS, qu'elles aient ou non été identifiées comme telles. Par exemple :
- établir les dangers liés aux activités;
- utiliser un outil d'évaluation des risques de vol;
- suivre des processus de signalement des incidents;
- utiliser une base de données sur le signalement des problèmes de sécurité afin de faire le suivi de ces problèmes;
- assigner un facteur de risque à certains vols, en fonction d'une base de données signalant les risques associés aux destinations;
- surveiller la sécurité des opérations;
- mettre en place des processus d'assurance de la qualité pour toutes les opérations aériennes;
- utiliser l'analytique des données de vol;
- suivre les lignes directrices fournies par les associations.
Les vérifications de sécurité ont été citées comme mesure d'atténuation des risques. En plus des activités de surveillance de TC, des vérifications pourraient être menées par les clients ou une tierce partie. Les vérifications menées par les clients ont été plus fréquentes que les activités de surveillance de TC, ou se faisaient à l'improviste.
Les mesures d'atténuation suivantes ont été prises pour favoriser une communication ouverte sur la sécurité :
- encourager le signalement et la circulation d'information sur la sécurité;
- tenir des réunions quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles avec le personnel;
- effectuer chaque année un sondage sur la sécurité auprès de tous les employés pour évaluer l'efficacité du programme de sécurité;
- publier un bulletin d'information mensuel sur la sécurité;
- échanger informellement de l'information avec d'autres exploitants.
Les mesures d'atténuation liées à la formation sur la sécurité prévoient notamment la rédaction d'un manuel de pratiques exemplaires afin d'éclairer le personnel et de former toutes les personnes responsables de la sécurité à l'analyse des causes profondes.
Les mesures d'atténuation liées à la préparation aux situations d'urgence portent entre autres sur la planification des interventions d'urgence, l'exécution d'exercices annuels de simulation d'écrasement et la production d'un manuel d'intervention d'urgence pour les activités de taxi aérien.
Les méthodes utilisées pour s'assurer que tous les événements de sécurité ont été signalés et consignés consistent notamment à transmettre une note de service standard aux fins d'approbation après les événements liés à la sécurité et à inciter les clients à déposer des rapports de sécurité.
4.2.17.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Beaucoup d'exploitants ont dit à l'équipe de la SII qu'il faudrait obliger tous les exploitants de taxis aériens à mettre en place un SGS. Quelques exploitants ont toutefois déclaré que, dans ce secteur, le SGS devait être adapté aux petites entreprises.
Certains ont suggéré d'imposer un SGS uniquement aux entreprises qui possèdent un nombre minimal d'employés ou d'aéronefs. D'autres ont suggéré un SGS fondé sur les données communes de l'ensemble du secteur du taxi aérien plutôt que sur les données d'une compagnie particulière.
D'autres mesures d'atténuation proposées visaient la formation en gestion de la sécurité. De nombreux exploitants ont indiqué que leurs employés ont besoin d'une formation sur la façon de faire enquête sur des problèmes de sécurité et d'en analyser les causes profondes. Ils ont également déclaré que les gestionnaires devraient suivre une formation pertinente en évaluation des risques et en analyse des causes profondes. Certains exploitants ont parlé de la formation sur l'élaboration de plans de mesures correctives (PMC)Note de bas de page 173, et certains ont dit que les programmes collégiaux devraient inclure une formation sur les SGS. Les exploitants ont demandé plus de soutien pour la formation sur la sécurité, dont une meilleure orientation de TC sur les SGS, une meilleure définition des SGS et un manuel contenant des exemples de SGS et d'autres initiatives de sécurité.
Comme les données de sécurité des petits exploitants peuvent être limitées, les exploitants ont suggéré de partager entre eux les renseignements de sécurité et de collecter des données précises sur les incidents de sécurité dans le secteur. La création de conseils régionaux sur la sécurité en aviation (CRSA) devait permettre aux membres du milieu de l'aviation de se réunir 2 fois par année pour cerner les problèmes qui risquent d'avoir une incidence sur la sécurité aérienne, d'en discuter et d'y remédier. Les exploitants ont dit que ces réunions n'avaient plus lieu. Ils les trouvaient pourtant utiles et pensent qu'elles devraient être réinstaurées.
Enfin, les exploitants ont demandé que TC exerce une surveillance plus efficace. Pour cela, les inspecteurs de TC devraient mieux comprendre la réalité des SGS chez les petits exploitants.
4.2.17.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé que les problèmes de gestion de sécurité avaient joué un rôle dans 14 accidents Note de bas de page 174. Les problèmes cernés dans les rapports portaient principalement sur ce qui suit :
- supervision inadéquate des pilotes et des vols, y compris la régulation des vols par le pilote;
- défaut de cerner des dangers ou d'effectuer un suivi des dangers établis;
- dérogations aux procédures d'utilisation normalisées, aux manuels de l'entreprise et au Règlement de l'aviation canadien (RAC);
- lacunes opérationnelles non corrigées;
- absence ou caractère inadéquat d'un SGS ou de certains éléments d'un SGS, comme la surveillance proactive, les systèmes d'enregistrement des conversations et des données, la collecte de données ou l'analyse des risques;
- culture de sécurité absente ou inadéquate et acceptation de pratiques non sécuritaires.
Le BST a fait 1 recommandation sur les SGS, et cette recommandation est toujours active :
Le ministère des Transports exige que tous les exploitants d'aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
Recommandation A16-12 du BST
Le BST a également inclus l’enjeu de la gestion de la sécurité et de la surveillance dans la Liste de surveillance 2018. La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
La gestion de la sécurité et la surveillance resteront sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :
- Transports Canada mette en œuvre des règlements obligeant tous les exploitants commerciaux des secteurs aérien et maritime à adopter des processus structurés pour la gestion de la sécurité, et en supervise l'application de façon efficace;
- les transporteurs qui ont un système de gestion de la sécurité démontrent à Transports Canada qu'il fonctionne bien et donc permet de déceler les risques et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour les atténuer;
- Transports Canada exerce ses responsabilités lorsque des exploitants ne peuvent pas assurer une gestion efficace de la sécurité de façon à ce qu'ils corrigent les pratiques d'exploitation non sécuritaires.
En ce qui a trait à la gestion de la sécurité et à la surveillance, certaines entreprises de transport ne gèrent pas leurs risques en matière de sécurité de façon efficace, et bon nombre d'entre elles ne sont pas tenues d'avoir des processus de gestion de la sécurité officiels en place. La surveillance et les interventions de TC ne se sont pas toujours avérées efficaces pour provoquer des changements dans les pratiques d'exploitation non sécuritaires des entreprises.
Toutes les entreprises de transport sont responsables de la gestion des risques pour la sécurité de leur exploitation. Certaines estiment que le niveau de sécurité est adéquat tant qu'elles se conforment à la réglementation, mais la réglementation ne peut pas prévoir tous les risques spécifiques d'une activité. C'est la raison pour laquelle le BST a maintes fois souligné les avantages des SGS, qui sont des cadres reconnus à l'échelle internationale qui permettent aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leurs activités plus sécuritaires.
Le SGS figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010. Depuis, il n'y a eu aucun progrès pour généraliser l'usage des SGS à une palette élargie d'entreprises du secteur aérien.
4.2.17.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.17.4.1 Examen du transport des marchandises dangereuses et des systèmes de gestion de la sécurité par la Chambre des communes
Le rapport de la Chambre des communes intitulé Examen du régime canadien de sécurité des transports : le transport des marchandises dangereuses et les systèmes de gestion de la sécurité, préparé par le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, comprend 1 recommandation pertinente pour ce thème. Cette recommandation s'appuie sur l'enjeu dans la Liste de surveillance du BST :
Il est recommandé que : Transports Canada mette en œuvre une réglementation qui exige que tous les exploitants de l'industrie du transport aérien aient en place des mécanismes en bonne et due forme de gestion de la sécurité et que Transports Canada assure la surveillance de ces mécanismesNote de bas de page 175.
4.2.17.4.2 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait 11 recommandations pertinentes pour le présent thème :
RS 10 Transports Canada devrait organiser et favoriser des rencontres entre exploitants aériens dans le but d'instaurer une culture de la sécurité et de préconiser des pratiques d'exploitation sûres, de discuter de problèmes communs et d'en arriver à des solutions issues de l'industrie en collaboration avec Transports Canada. Une fois le groupe établi, le rôle de Transports Canada diminuerait à mesure que ce groupe deviendrait autosuffisant.
MI 10 Les exploitants aériens devraient participer activement à des séances de groupe entre Transports Canada et les exploitants aériens.
RS 11 Transports Canada devrait financer ou aider les exploitants aériens qui mettent sur pied des programmes ou des associations sur la sécurité.
RS 27 Transports Canada devrait fournir aux pilotes en chef et aux gestionnaires des opérations, lors de leur nomination à ce poste, des renseignements sur les cours et la formation qu'offre la Sécurité du système (prise de décision et facteurs humains, agent de la sécurité aérienne de compagnie, etc.).
RS 28 Transports Canada devrait encourager les responsables des exploitants de services de taxi aérien à assister au cours à l'intention des agents de la sécurité aérienne de compagnie.
MI 28 Les responsables des exploitants de services de taxi aérien devraient assister au cours à l'intention des agents de la sécurité aérienne de compagnie et mettre en application dans l'entreprise les principes appris.
RS 29 Transports Canada devrait promouvoir auprès des responsables des exploitants de services de taxi aérien les avantages que comporte un programme de sécurité d'entreprise et devrait examiner la possibilité d'exiger que les exploitants de ce genre de services se dotent d'un programme de sécurité.
MI 29 Les exploitants de services de taxi aérien devraient établir un programme de sécurité d'entreprise qui jouit de l'appui solide des responsables.
RS 30 Le Bureau de la sécurité des transports du Canada devrait évaluer les facteurs de gestion qui ont contribué à l'accident qui fait l'objet de l'enquête.
RS 49 Transports Canada devrait exiger des exploitants de services de taxi aérien qu'ils présentent des statistiques pertinentes afin de déterminer les endroits où se produisent les accidents et où l'on devrait affecter des ressources à des programmes de prévention des accidentsNote de bas de page 176.
4.2.17.4.3 Death Review Panel: Four Fatal Aviation Accidents Involving Air Taxi Operations on British Columbia's Coast – Report to the Chief Coroner of British Columbia
Ce rapport, rédigé par le coroner en chef de la Colombie-Britannique en 2012 après plusieurs accidents mortels de taxis aériens, comprend 1 recommandation pertinente pour ce thème [traduction] :
Que les associations du secteur des hydravions de la Colombie-Britannique encouragent les exploitants qui en sont membres à compiler officiellement des renseignements sur les dangers notables propres à leurs itinéraires et à présenter aux équipages de conduite des exposés officiels ou une formation et des renseignements sur ces dangers, ainsi que des renseignements sur les procédures d'utilisation normalisées et les pratiques exemplaires à suivre pour atténuer ces dangers particuliersNote de bas de page 177.
4.2.17.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
La gestion de la sécurité des exploitants n'a pas nécessairement suivi les progrès réalisés en aviation. |
|
Conclusion : La gestion efficace de la sécurité est importante pour que les exploitants puissent proactivement cerner les dangers et réduire les risques au plus bas niveau raisonnablement possible.
4.2.18 Thème de sécurité : Cadre réglementaire
4.2.18.1 Contexte
La sécurité du transport aérien est favorisée, surveillée et imposée par l'intermédiaire d'un cadre réglementaire et d'une surveillance réglementaire. Ce cadre comprend non seulement la Loi sur l'aéronautique et les règlements qui s'y rattachent, mais aussi les politiques, les lignes directrices, les normes et le matériel didactique qui aident le personnel de Transports Canada (TC) et le milieu de l'aviation à interpréter et appliquer les règlements. La surveillance effectuée par l'Aviation civile de Transports Canada (ACTC) vise à vérifier la conformité du secteur au cadre réglementaire par la certification, l'évaluation, la validation, l'inspection et l'application de la loiNote de bas de page 178. Le cadre réglementaire et le processus de surveillance ont une incidence sur de nombreuses questions de sécurité abordées dans d'autres sections du présent rapport. La présente section porte sur les questions liées au cadre réglementaire.
Hormis la partie VI, Règles générales d'utilisation et de vol des aéronefs, du Règlement de l'aviation canadien (RAC), les opérations de taxi aérien sont régies par un seul ensemble de dispositions, la sous-partie 703 du RAC. Ce secteur englobe pourtant une grande variété d'opérations et doit faire face à des risques tout aussi divers. La sous-partie 703 comprend moins d'exigences réglementaires et donc moins de dispositifs de protection réglementaires que ce qui est prévu pour les opérations aériennes assujetties à la sous-partie 704 (service aérien de navette) ou à la sous-partie 705 (transport aérien). Par ailleurs, l'absence de réglementation dans certains domaines peut se traduire par des normes de sécurité plus faibles dans un secteur qui sert de terrain d'entraînement pour les pilotes commerciaux novices et qui comprend de nombreuses opérations parmi les plus risquées de l'aviation canadienne.
4.2.18.2 Ce que nous ont dit les exploitants sur ce thème
4.2.18.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Parmi les problèmes présentant le plus grand risque, les exploitants ont indiqué que la sous-partie 703 du RAC était dépassée et qu'elle ne tenait pas compte des progrès technologiques les plus récents ou des derniers progrès réalisés en sécurité dans le milieu de l'aviation.
Les exploitants ont aussi parlé de la spécification sur les opérations par visibilité réduite des Normes de service aérien commercialNote de bas de page 179 qui touche beaucoup d'exploitants de taxis aériens. Ils ont affirmé que les minima indiqués sont si bas, que les respecter réduit le niveau de sécurité. La plupart des suggestions faites par les exploitants portaient sur l'ajout de règlements sur des aspects de la sécurité qui ne sont actuellement pas assez réglementés (voir la section 4.2.18.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants) :
- restriction sur l'utilisation d'aéronefs monomoteurs en régime de vol aux instruments (IFR);
- utilisation d'un système d'alerte de trafic et d'évitement de collision (TCAS);
- entraînement sur la ligne pour les nouveaux membres d'équipage de conduite;
- formation sur la gestion des ressources de l'équipage (CRM);
- mise en place d'un système de contrôle d'exploitation comprenant un régulateur des vols agréé.
Le mécontentement des exploitants face aux lacunes ou à l'insuffisance de la réglementation découle en partie de la difficulté de modifier les règlements. Les exploitants ont exprimé des préoccupations quant à la lenteur excessive et à l'inefficacité du processus de modification réglementaire actuel par l'intermédiaire du Comité consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC), et ont affirmé qu'il serait utile d'engager une consultation plus efficace.
4.2.18.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Un exploitant a indiqué qu'il menait ses activités conformément aux normes de la sous-partie 704 qui régit le service aérien de navette, et non en fonction de la sous-partie 703.
D'autres exploitants ont adopté des pratiques qui ne sont pas imposées par la sous-partie 703, par exemple :
- exiger 100 heures d'entraînement sur la ligne;
- effectuer un suivi de tous les vols;
- fournir un entraînement sur simulateur;
- fournir de l'équipement de sécurité non exigé par la réglementation.
4.2.18.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants ont affirmé que la réglementation des activités de taxi aérien en vertu de la sous-partie 703 est inadéquate et qu'elle devrait s'approcher des normes prescrites à la sous-partie 704. Plusieurs exploitants ont suggéré que les règlements comprennent des sous-catégories pour différents types d'opérations, comme les vols d'hydravion, les évacuations aéromédicales (MEDEVAC), les vols d'hélicoptère et les vols IFR d'aéronefs monomoteurs et multimoteurs. Certains ont mentionné qu'il fallait actualiser les règlements à la lumière de la nouvelle technologie.
Lorsqu'ils ont été interrogés sur les changements qu'ils souhaitaient, les exploitants ont demandé une réglementation plus stricte de domaines abordés dans d'autres parties de la présente enquête sur une question de sécurité (SII), comme les systèmes de gestion de la sécurité (SGS), les opérations dans des conditions météorologiques défavorables, ainsi que le recours et la formation à la technologie de pointe.
D'autres modifications réglementaires suggérées par les exploitants portent sur la compétence et l'aptitude au travail, la visibilité et les vols effectués selon les règles de vol à vue (VFR), la formation, l'équipement et la régulation des vols.
La question de l'aptitude au travail des membres d'équipage a également été soulevée (voir aussi la section 4.2.11 Thème de sécurité : Fatigue).La compétence et l'aptitude au travail ont fait l'objet de 3 suggestions :
- réglementer la consommation d'alcool des techniciens d'entretien d'aéronef (TEA) en adoptant des exigences similaires à celles pour les pilotes;
- préciser le nombre maximal d'heures de service du personnel d'entretien;
- déterminer les titres de compétence, les qualifications et les exigences opérationnelles requis pour les postes clés de l'entreprise, comme ceux de pilote en chef ou de gestionnaire des opérations (voir également la section 4.2.17 Thème de sécurité : Gestion de la sécurité).
La visibilité et les vols VFR ont fait l'objet de 4 suggestions :
- clarifier les exigences de visibilité pour le roulage, le décollage et l'atterrissage pour qu'elles soient plus faciles à comprendre et à suivre;
- supprimer la spécification sur le vol par visibilité réduite afin que les vols ne puissent être effectués que si la visibilité correspond aux minima actuellement prescrits par la réglementation;
- mettre à jour la réglementation sur les vols de nuit VFR, ou interdire ces vols (voir également la section 4.2.6 Thème de sécurité : Vols de nuit);
- mettre à jour les procédures sur les vols VFR et IFR pour les opérations dans les espaces aériens non contrôlés.
La formation a fait l'objet de 5 suggestions :
- mettre à jour la réglementation afin de rendre obligatoires plus de types de formations et d'augmenter les heures de formation. Actuellement, les heures minimales de formation sont insuffisantes, en particulier pour la formation sur de nouvelles technologies (voir également la section 4.2.15 Thème de sécurité : Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes et la section 4.2.16 Thème de sécurité : Formation des techniciens d'entretien d'aéronef);
- exiger un entraînement sur la ligne et des vérifications en service;
- exiger une formation sur la CRM (voir aussi la section 4.2.14 Thème de sécurité : Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage);
- augmenter le nombre d'heures de vol nécessaire pour obtenir une qualification sur hydravion;
- exiger une formation périodique pour les TEA.
L'équipement a fait l'objet de 3 suggestions (voir également la section 4.2.7 Thème de sécurité : Technologie embarquée) :
- exiger l'installation et l'utilisation de feux stroboscopiques à haute intensité sur les aéronefs;
- exiger l'usage d'un TCAS dans toutes les opérations de taxi aérien;
- simplifier la méthode d'approbation des modifications aux aéronefs plus âgés.
La régulation des vols a fait l'objet de 1 suggestion (voir également la section 4.2.14 Thème de sécurité : Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage et la section 4.2.15 Thème de sécurité : Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes) :
- exiger le service d'un régulateur des vols agréé pour toutes les opérations de taxi aérien.
4.2.18.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé 30 faits établis, dans 19 enquêtes, concernant des problèmes de réglementation ayant entraîné une baisse du niveau de sécurité dans les activités de taxi aérienNote de bas de page 180. Certains des faits constatés dans ces enquêtes corroborent les commentaires des exploitants recueillis au cours de cette SII et sont abordés ci-dessous.
En 2006, l'enquête sur un événement de perte de puissance moteurNote de bas de page 181 a révélé 2 faits établis quant aux risques concernant les restrictions d'utilisation des monomoteurs exploités en régime IFR :
- L'un de ces faits portait sur l'absence d'exigence en matière de cartographie indépendante du relief, comme celle offerte par un système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS) lors de vols de monomoteurs en régime IFR en région montagneuse.
- L'autre portait sur l'absence d'une exigence d'évaluation ou de structuration additionnelle des routes afin de réduire au minimum les risques associés à un atterrissage sur un terrain non aménagé de monomoteurs volant en régime IFR.
En 2003, l'enquête sur un événement de risque de collision en vol entre un hélicoptère et un avionNote de bas de page 182 a révélé 1 fait établi concernant l'absence d'exigence de transpondeurs dans les espaces aériens de classe E, limitant l'efficacité du TCAS.
On a établi 2 faits concernant l'exigence de formation préparatoire en vol pour les nouveaux équipages de conduite :
- En 2003, l'enquête sur une perte de maîtrise due à un mauvais régime rotorNote de bas de page 183 a révélé comme fait établi quant aux risques l'absence d'une exigence de formation pour les pilotes possédant moins d'expérience de vol.
- En 2003, l'enquête sur un impact sans perte de contrôleNote de bas de page 184 a révélé comme fait établi quant aux risques l'absence d'une exigence de formation préparatoire en vol pour les pilotes.
En 2007, l'enquête sur une collision avec le reliefNote de bas de page 185 a révélé 1 fait concernant l'absence d'exigence de formation sur la CRM, y compris la gestion des menaces et des erreurs et la prise de décisions du pilote.
Trois faits établis concernaient la compétence et l'aptitude au travail :
- En 2013, l'enquête sur un impact sans perte de contrôle a révélé 1 fait concernant l'insuffisance et l'inexpérience du personnel dans certains postes clés d'une compagnieNote de bas de page 186.
- En 2013, l'enquête sur un atterrissage forcé par suite d'une panne sèche a établi un fait quant aux risques concernant les exigences de vérification de compétence pilote pour un chef pilote. Si ces exigences ne sont pas plus rigoureuses que celles pour la vérification de compétence des autres pilotes, les chefs pilotes risquent d'être incapables de remplir les fonctions requises pour assurer la sécurité de la formation et des opérations de la compagnieNote de bas de page 187.
- L'enquête sur le même atterrissage forcé de 2013 a aussi constaté que l'inaptitude du personnel de gestion des opérations à assumer ses tâches et responsabilités n'était pas un motif pour une suspension ou une révocation de l'approbation ministérielle de telles nominationsNote de bas de page 188.
En ce qui a trait à la visibilité et aux vols IFR, l'enquête sur un événement de perte de repères visuels et collision avec le relief, en 2012Note de bas de page 189, a établi comme fait quant aux risques que les vols effectués lorsque la visibilité est réduite à 0,5 mille terrestre posent des risques plus élevés de perte des repères visuels.
Un fait établi concernait la formation :
- En 2004, l'enquête sur un événement de perte de maîtrise a révélé que les pilotes n'étaient pas tenus de suivre un entraînement périodique sur simulateur, et il n'était pas clair s'ils devaient s'y soumettre après l'expiration de leur contrôle de compétence piloteNote de bas de page 190.
Un fait établi concernait l'équipement (voir également la section 4.2.12 Thème de sécurité : Entretien des aéronefs de taxi aérien) :
- En 2012, l'enquête sur un événement de perte de puissance moteur et d'amerrissage forcé a révélé qu'il n'y avait aucune exigence d'équiper les hélicoptères monomoteurs d'un système de flottaisonNote de bas de page 191.
Outre les faits établis correspondant aux questions soulevées par les exploitants au cours de la présente SII, d'autres faits ont été constatés par rapport aux questions réglementaires suivantes :
- peu de restrictions sur les charges externes et ambiguïté du libellé d'une exemption au RAC concernant les charges externes ayant entraîné une interprétation erronée du règlement par TC et un exploitantNote de bas de page 192;
- manque d'exigence sur le TAWSNote de bas de page 193;
- protection inadéquate contre les impacts avec le relief lors d'approches IFR dans des conditions de visibilité réduiteNote de bas de page 194;
- non-augmentation du poids standard des passagers et des bagages à main pour tenir compte des changements dans la sociétéNote de bas de page 195;
- exploitants de vols d'affrètement répétitifs non assujettis à la même réglementation que les exploitants de vols réguliers alors que leurs activités sont très similairesNote de bas de page 196;
- insuffisance des normes d'espacement de turbulence de sillage en vigueurNote de bas de page 197;
- autorisation de décoller d'une piste moins longue que la distance accélération-arrêt de l'appareil, déterminée à l'aide des diagrammes de performancesNote de bas de page 198;
- absence d'exigence d'un examen par TC des procédures d'utilisation normalisées des entreprisesNote de bas de page 199.
4.2.18.4 Autres examens et études de sécurité
Étude de sécurité du BST portant sur les compétences et les connaissances des pilotes d'hydravion
Cette étudeNote de bas de page 200 a abouti à 7 recommandations sur le cadre réglementaire des activités de taxi aérien. Toutes ces recommandations ont été fermées.
4.2.18.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
Des règlements dépassés ou inefficaces et des lacunes de la réglementation peuvent entraîner une baisse du niveau de sécurité. |
|
* TC a publié la nouvelle norme : Circulaire d'information CI 700-042, « Gestion des ressources de l'équipage (CRM) », qui est entrée en vigueur le 31 juillet 2017 et doit être mise en application intégralement le 30 septembre 2019.
Conclusion : Pour atteindre un niveau de sécurité acceptable, la réglementation doit suivre les progrès réalisés en aviation.
4.2.19 Thème de sécurité : Surveillance réglementaire
4.2.19.1 Contexte
La surveillance réglementaire est particulièrement difficile à assurer dans le secteur du taxi aérien. En 2018, il y avait plus de 500 certificats d'exploitation aérienne, pour différents types d'opérations : hydravions, hélicoptères et avions terrestres; aéronefs monomoteurs et multimoteurs; vols effectués selon les règles de vol à vue (VFR) et selon les règles de vol aux instruments (IFR). Toutes ces opérations se déroulent dans différents types d'environnements dangereux.
Compte tenu d'une telle complexité, il est impossible de supprimer complètement les accidents ou d'avoir suffisamment de ressources pour s'assurer que chaque exploitant respecte en tout temps tous les aspects des règlements sur la sécurité. Les techniques de gestion du risque sont donc importantes pour établir les critères d'inspection et aider les inspecteurs à acquérir les compétences, les connaissances et l'expérience nécessaires pour évaluer la conformité des compagnies au cadre réglementaireNote de bas de page 201.
Des enquêtes et des études de sécurité antérieures du Bureau de la sécurité des transports (BST) ont mis en évidence le rôle de Transports Canada (TC) pour s'assurer : que les exploitants sont capables de gérer les risques inhérents à leurs activités; que les mesures visant à améliorer la sécurité permettent de repérer les dangers et d'atténuer les risques de manière efficace; que les cas de non-respect des règlements sont traités rapidement et que des mesures correctives sont prises.
En 2005, TC a adopté une approche systémique de la surveillance réglementaire et a changé sa façon de déterminer la conformité réglementaire en passant d'inspections directes uniquement, à un modèle qui comprend un examen de l'efficacité des processus de gestion de la sécurité du titulaire de certificat. Les systèmes qui font l'objet d'une surveillance comprennent les systèmes de gestion de la sécurité (SGS), les programmes d'assurance de la qualité, les systèmes de formation et les systèmes de contrôle d'exploitation. TC les évalue en suivant des procédures de surveillance, comprenant des évaluations (du SGS, si le règlement l'exige), des inspections de validation de programme (IVP) et des inspections de processus (IP), qui ont remplacé les méthodes classiques de vérification et d'inspection.
TC mène différents types d'évaluations pour vérifier si les exploitants ont mis en place des systèmes pertinents et efficaces afin de toujours respecter les exigences réglementairesNote de bas de page 202. Pour aider les inspecteurs de TC, des attentes ont été établies, décrivant ce qui constitue un système efficace. En ce qui concerne les exploitants qui ne sont pas tenus de mettre en place un SGS (ce qui inclut les exploitants de taxis aériens), des attentes sont établies pour leurs types précis d'opérationsNote de bas de page 203.
En principe, le passage à une approche systémique devrait améliorer la sécurité. Le fait de vérifier si les entreprises ont en place des systèmes pour assurer le respect des règlements aura un effet beaucoup plus durable que de simplement vérifier leur conformité aux règlements à un moment donné. Le passage à une approche systémique a également changé la manière dont les exploitants doivent répondre aux constatations issues de la surveillance. En plus de rectifier les cas de non-conformité établis, les exploitants sont aussi appelés à analyser et cerner les causes sous-jacentes de ces cas de non-conformité et de transmettre à TC des plans de mesures correctives (PMC) décrivant comment ils entendent résoudre ces lacunes systémiques.
Pour assurer l'efficacité des activités de surveillance de la conformité et des systèmes, il doit y avoir suffisamment de ressources et de personnel possédant les connaissances, les compétences et l'expérience nécessaires pour interagir valablement à tous les échelons d'une compagnie et donner une interprétation uniforme des règlements et des documents à l'appui.
Cependant, tout en lançant son approche systémique, TC a réduit ses activités de sensibilisation et de promotion en matière de sécurité. Les inspecteurs communiquent peut-être moins souvent avec les exploitants, et certaines activités de TC, comme les séminaires sur la sécurité de l'aviation civile, les conseils régionaux sur la sécurité en aviation et les cours de spécialiste de la sécurité aérienne ont été en grande partie abandonnés.
4.2.19.2 Ce que nous ont dit les exploitants et les inspecteurs de Transports Canada sur ce thème
4.2.19.2.1 Questions de sécurité associées à ce thème
Lorsqu'on leur a demandé de décrire les principaux risques associés à leurs activités, plusieurs exploitants ont mentionné la surveillance réglementaire.
La plupart des exploitants ont affirmé qu'ils avaient besoin de plus d'aide ou d'un soutien plus rapide de la part de TC. Beaucoup d'entre eux ont indiqué que TC ne s'employait pas à aider les entreprises et qu'il n'avait pas assez de personnel pour répondre rapidement aux demandes.
Ils ont également émis plusieurs commentaires sur l'approche de TC en matière de surveillance réglementaire :
- certains exploitants se sont interrogés sur l'utilité d'une approche systémique;
- certains exploitants ont déclaré qu'ils trouvaient les constatations issues de la surveillance trop bureaucratiques;
- certains exploitants se sont dits inquiets de l'abandon des méthodes classiques de vérification par TC;
- certains exploitants se sont montrés critiques sur la manière dont les IVP étaient menées, considérant qu'elles visaient uniquement à cerner les erreurs;
- certains exploitants se soucient des coûts d'embauche élevés de pilotes vérificateurs externes agréés par TC pour mener les vols de vérification.
Alors que beaucoup d'exploitants accueillent favorablement l'aide de l'organisme de réglementation, d'autres ont des réserves à propos du fardeau administratif. Un exploitant a affirmé qu'il y avait trop de règlements. D'autres ont parlé du temps nécessaire pour se préparer aux activités de surveillance de TC (comme les IVP) et élaborer les PMC en réponse aux constatations. Au moins un exploitant a dit que des inspecteurs différents interprétaient les règlements différemment. Un autre a dit que TC interprétait de l'information, comme les règlements et les manuels, différemment des exploitants.
Lorsqu'on a demandé aux inspecteurs de TC de décrire les principaux risques associés aux activités de taxi aérien, ils ont livré plusieurs commentaires sur la surveillance réglementaire.
Ces commentaires allaient dans le même sens que ceux des exploitants sur les divergences d'interprétation et d'application des règlements ainsi que sur la fréquence et l'objet des activités de surveillance. Les inspecteurs ont également soulevé des questions liées à l'insuffisance du personnel et au délai d'exécution des tâches requises.
En outre, ils ont décrit des problèmes de formation et de compétence des inspecteurs et des gestionnaires : des généralistes sont privilégiés plutôt que des spécialistes et, dans certains cas, ils connaissent peu le secteur.
Les inspecteurs autant que les exploitants ont observé que les inspecteurs n'étaient pas suffisamment formés pour mener des activités de surveillance générale (p. ex., les IVP) et spécialisée (p. ex., la surveillance des héliports et du transport de marchandises dangereuses).
Les processus de surveillance utilisés (comme les IP et les IVP) ne sont pas propres au secteur du taxi aérien et ne peuvent pas être facilement adaptés aux exploitants inspectés. D'autres inspecteurs ont affirmé qu'il était devenu plus difficile de prendre des mesures d'application de la loi et que la suppression du Système de signalement des questions de l'aviation civile en mars 2016Note de bas de page 204 a privé le public et les organismes gouvernementaux d'un moyen de soumettre directement leurs préoccupations ou leurs questions à TC. Enfin, certains inspecteurs croyaient que la direction de TC ne tenait pas compte de leurs préoccupations sur ces questions.
Les exploitants et les inspecteurs estiment que TC n'a pas assez d'inspecteurs et de ressources. Entre autres conséquences du manque de ressources, les délais d'approbation de TC sont plus longs et les activités de surveillance sont moins fréquentes.
Les exploitants et les inspecteurs ont également indiqué que les inspecteurs de TC manquaient d'expérience et de formation, particulièrement en opérations propres à ce secteur, comme avec les hydravions. Les exploitants se sont également dits ennuyés par les interprétations variables des règlements parmi les inspecteurs; ces derniers ont renchéri, mentionnant qu'il y avait des problèmes de communication et de cohérence dans l'interprétation.
4.2.19.2.2 Mesures prises par les exploitants pour gérer ces questions
Les exploitants se sont employés à gérer ces questions en participant efficacement aux activités de surveillance. Par exemple, ils ont :
- sollicité une formation externe pour élaborer des PMC;
- créé des listes de vérification pour veiller à ce que tous les points soient abordés lors de l'élaboration des PMC;
- utilisé les documents d'orientation de TC;
- veillé à ce que tous les gestionnaires participent aux réunions avec TC afin que tous reçoivent le même message.
4.2.19.2.3 Mesures qui pourraient être prises, d'après les exploitants
Les exploitants et les inspecteurs de TC ont exprimé de nombreux commentaires sur les améliorations nécessaires à la surveillance réglementaire. Les commentaires portaient en particulier sur la nécessité que TC augmente le nombre d'inspecteurs ainsi que la fréquence et la portée des activités de surveillance, sur l'aide et les conseils de TC aux exploitants, sur les processus de TC et sur les compétences des inspecteurs de TC.
Beaucoup d'exploitants ont indiqué que TC devrait avoir plus d'inspecteurs pour pouvoir traiter rapidement les demandes de modification et veiller au respect des délais afférents au processus de PMC.
Les exploitants ont souvent indiqué qu'une augmentation de la fréquence et de la portée des activités de surveillance serait bienvenue. Plus particulièrement, ils éprouvent la nécessité d'augmenter la surveillance classique (au lieu des évaluations, des IVP et des IP), y compris les activités pratiques, comme des vols de contrôle et des vérifications aux aires de trafic et en service. Les exploitants et les inspecteurs de TC ont indiqué qu'il serait avantageux qu'ils communiquent plus souvent entre eux. Les exploitants ont ajouté que TC devait s'employer à tenir les exploitants responsables de toute non-conformité aux règlements.
Les exploitants ont invariablement réclamé plus de soutien de la part de TC. Beaucoup d'entre eux ont souligné la nécessité de rapports positifs avec les inspecteurs de TC pour que les compagnies améliorent la sécurité. Les exploitants voudraient pouvoir communiquer avec les inspecteurs de TC pour discuter de questions précises, au lieu de simplement recevoir un avis d'acceptation ou de rejet de leur PMC. Ils ont également affirmé avoir besoin : de documents d'orientation supplémentaires ou améliorés dans plusieurs domaines (IP, IVP et PMC notamment); de documents d'orientation pour les nouveaux gestionnaires des opérations; de manuels actualisés pour les pilotes vérificateurs agréés.
Les exploitants ont souvent mentionné la nécessité d'améliorer la rapidité et la concordance des réponses de TC. Ils ont affirmé en particulier qu'il fallait réduire les délais des processus d'approbation.
De nombreux commentaires des exploitants portaient sur la nécessité d'accroître les connaissances et la formation des inspecteurs de TC. Ces commentaires étaient souvent d'ordre général, mais des exploitants ont suggéré qu'il serait souhaitable que les inspecteurs de TC aient des connaissances et de l'expérience spécifiques aux opérations qu'ils surveillent (comme l'exploitation d'hydravions).
4.2.19.3 Conclusions et recommandations antérieures du BST sur ce thème
4.2.19.3.1 Faits établis par le BST
Un examen des 167 événements ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période de l'étude a révélé plusieurs faits établis concernant la surveillance réglementaire des exploitants.
Dans de nombreuses enquêtes, des faits établis mettent en cause l'insuffisance de la surveillance et des vérifications faisant que des problèmes de sécurité étaient passés inaperçusNote de bas de page 205. D'autres enquêtes ont montré que l'absence d'examen approfondi par TC avait engendré des lacunes dans les procédures d'utilisation normalisées et les manuels d'exploitation de la compagnieNote de bas de page 206.
Une enquête a mené à une constatation concernant le processus d'approbation des postes clés : des faiblesses ont été repérées dans le processus employé par TC pour vérifier les compétences du personnel de gestion des opérationsNote de bas de page 207.
Dans de nombreuses enquêtes, il est ressorti que TC avait cerné des lacunes au cours de ses activités de surveillance des exploitants, mais qu'elles n'avaient pas été réglées parce que la portée de la lacune n'avait pas été bien compriseNote de bas de page 208 ou parce que la démarche utilisée pour amener l'exploitant à respecter le règlement avait été inefficaceNote de bas de page 209. Une des enquêtes n'a pas réussi à déterminer pourquoi une lacune n'avait pas été corrigéeNote de bas de page 210.
Trois enquêtes ont relevé certains facteurs contributifs aux questions de surveillance abordées plus haut :
- L'enquête sur un événement survenu en 2004 a révélé qu'en raison de problèmes de communication interne à TC, l'inspecteur principal de l'exploitation ne disposait pas de certains renseignements importants au sujet d'un exploitantNote de bas de page 211.
- L'enquête sur un événement survenu en 2007 a révélé que des ressources de TC avaient été transférées des vérifications à des activités de surveillance sur la mise en œuvre d'un SGSNote de bas de page 212.
- L'enquête sur un événement survenu en 2013 a révélé que la surveillance avait été incohérente et inefficace parce que les inspecteurs avaient reçu une formation et des directives inadéquatesNote de bas de page 213.
Deux événements ont été marqués par la difficulté d'appliquer une approche systémique de la surveillance. Dans un événement, l'enquête a révélé que l'exploitant n'avait pas démontré qu'il pouvait gérer la sécurité correctementNote de bas de page 214; dans un autre, l'enquête a souligné le besoin d'une approche équilibrée de la surveillance qui examinerait à la fois les systèmes et la conformité aux règlementsNote de bas de page 215.
4.2.19.3.2 Recommandations du BST
Dans le cadre de l'enquête sur l'événement aéronautique A99A0036 d'impact sans perte de contrôle à Davis Inlet (Terre-Neuve-et-Labrador), le BST a relevé de nombreux événements où le processus de surveillance réglementaire n'avait pas permis de repérer ou de corriger des pratiques non sécuritaires, en particulier chez de petits exploitants dans des endroits éloignés. D'après ce rapport :
Il semble que les méthodes classiques d'inspection, de vérification, de surveillance générale et les amendes réglementaires aient eu un succès limité quant à l'adoption d'une culture axée sur la sécurité par certaines compagnies et par certaines personnes. Par conséquent, des conditions dangereuses subsistent, et des personnes continuent de commettre des actes dangereux Note de bas de page 216.
Par conséquent, le rapport recommandait que :
le ministère des Transports entreprenne une révision de sa méthodologie, de ses ressources et de ses pratiques relatives à la surveillance de la sécurité, surtout quand il s'agit de petites compagnies aériennes ou de compagnies aériennes qui exploitent des appareils dans des régions éloignées afin de s'assurer que les exploitants et les membres d'équipage respectent en tout temps les règlements de sécurité.
Recommandation A01-01 du BST
En 2005, dans sa réponse à cette recommandation, TC a indiqué qu'il prévoyait réviser continuellement ses programmes de sécurité et qu'il avait pris des mesures particulières pour améliorer le contrôle de la sécurité, dont les suivantes :
- exigences réglementaires officielles sur les SGS favorisant une culture de la sécurité dans l'industrie de l'aviation;
- philosophie de gestion des risques dans la prise de décisions;
- nouveau plan stratégique pour l'aviation civile;
- examen de l'organisation interne de TC pour optimiser les ressources consacrées à la sécurité.
La réponse à cette recommandation a été jugée comme dénotant une attention entièrement satisfaisante; ce dossier est fermé.
Le BST a appuyé la première mesure citée dans la réponse de TC, d'exiger des SGS par voie de réglementation. Elle répond aux appels lancés par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et le secteur mondial de l'aviation civile. Le BST a souligné les avantages d'un SGS comme suit :
Il incombe aux entreprises de transport de gérer les risques pour la sécurité liés à leurs activités. La conformité à la réglementation n'offre qu'un niveau de sécurité de base à tous les exploitants d'un secteur donné. Puisque les exigences réglementaires ne peuvent prévoir tous les risques liés à une activité particulière, les entreprises doivent pouvoir cerner et atténuer les dangers propres à leurs activités.
[…]
Lorsqu'ils sont mis en œuvre adéquatement, les SGS fournissent aux entreprises un cadre efficace de gestion du risque pour rendre leurs activités plus sûres. Des exigences réglementaires obligeant les entreprises à mettre en œuvre des SGS sont la première étape pour que tous les exploitants puissent satisfaire à leurs responsabilités en matière de sécurité Note de bas de page 217.
Cependant, depuis qu'il s'est engagé en 2005 à ajouter les SGS dans la réglementation de l'aviation, TC a renoncé à son projet d'obliger tous les exploitants commerciaux à mettre en œuvre un SGS.
Le BST continue de demander la mise en place d'un SGS dans tous les types d'exploitation. Par exemple, dans le rapport d'enquête sur l'accident d'un hélicoptère exploité par Ornge qui s'était produit à Moosonee (Ontario), le BST a déclaré :
[Les enquêtes] sur l'accident à l'étude et sur d'autres événements récents soulignent la nécessité pour les exploitants de pouvoir gérer efficacement la sécurité. Plus de 10 ans après la mise en place de la première réglementation sur les SGS des exploitants aériens et des entreprises qui font la maintenance d'aéronefs, voilà que la mise en œuvre des SGS stagne. Quoique beaucoup d'entreprises, dont Ornge RW, ont reconnu les avantages d'un SGS et ont volontairement amorcé la mise en œuvre d'un tel système au sein de leur organisation, environ 90 % de tous les titulaires de certificat d'aviation canadien ne sont toujours pas tenus d'avoir de SGS, selon la réglementation en vigueur. Par conséquent, TC n'a aucune assurance quant à la capacité de ces exploitants de gérer efficacement la sécurité Note de bas de page 218.
En conséquence, le Bureau avait recommandé que :
Le ministère des Transports exige que tous les exploitants d'aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
Recommandation A16-12 du BST
Dans sa réponse à cette recommandation, TC a indiqué qu'il continuerait à promouvoir l'adoption volontaire d'un SGS en publiant des documents d'orientation pour les entreprises de plus petite taille. Le BST estime que TC a bien réagi en prenant ces mesures. TC a également déclaré qu'il réexaminerait la politique, les règlements et les programmes relatifs aux SGS dans l'aviation civile. Il n'a pas indiqué ce qu'il entendait faire une fois l'examen complété ni s'il a l'intention d'entreprendre un processus de modification des règles afin d'exiger que tous les exploitants d'aviation commerciale mettent en œuvre un SGS en bonne et due forme. Par conséquent, la réponse de TC à la recommandation A16-12 est considérée comme étant impossible à évaluer. Le BST surveillera les mesures que prendra TC relativement à la mise en œuvre de SGS dans tous les secteurs de l'aviation commerciale. La recommandation est toujours active.
Il ne suffit pas de mettre en œuvre un SGS; celui-ci doit également être efficace pour repérer les dangers et atténuer les risques. Le BST a mis en évidence le besoin que l'organisme de réglementation s'assure que les SGS des exploitants sont efficaces.
Par conséquent, le Bureau avait recommandé que :
Le ministère des Transports effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité.
Recommandation A16-13 du BST
Dans sa réponse, TC a indiqué qu'il avait adopté une approche systémique pour toutes ses activités de surveillance et qu'il utilisait une série d'outils de surveillance pour garantir le respect du Règlement de l'aviation canadien, y compris des exigences sur les SGS. TC a également indiqué faire confiance à son approche systémique pour vérifier la conformité à la réglementation. Le Bureau reconnaît que TC a pris plusieurs initiatives de changement en vue d'améliorer son programme de surveillance, et qu'un certain progrès a été réalisé.
Lors d'une présentation récente au Bureau, TC a également répété son engagement à vérifier la conformité à la réglementation à des intervalles appropriés et à prendre des mesures d'application efficaces, au besoin. Le Bureau voit d'un bon œil les mesures d'application concrètes que TC a prises récemment à l'égard de questions relevées dans le cadre de ses activités de surveillance. Cependant, la réponse de TC ne règle pas complètement la lacune de sécurité à l'origine de la recommandation. Le fait d'assurer la conformité aux exigences réglementaires minimales ne garantit pas nécessairement que tous les exploitants de l'aviation commerciale sont capables de gérer efficacement la sécurité au sein de leur organisation. TC doit également confirmer que les exploitants ont un SGS bien établi et efficace et qu'ils gèrent efficacement les risques pour la sécurité.
Le Bureau prend note du fait que TC a récemment mené un projet d'évaluation et de mise à jour des programmes pour prendre en compte les diverses initiatives de transformation et d'amélioration. Ce projet d'évaluation aidera TC à raffiner les divers éléments de son programme de surveillance, y compris les évaluations régulières des SGS visant la capacité des exploitants à gérer efficacement la sécurité.
Les nombreuses mesures que TC a prises s'attaquent au risque lié à la lacune de sécurité, mais il reste encore du travail à faire. Par conséquent, le BST a jugé que la réponse de TC à la recommandation A16-13 dénotait une attention en partie satisfaisante.
Le BST continuera de surveiller les progrès réalisés par TC afin d'améliorer les évaluations de SGS dans le cadre du programme de surveillance global. Ce dossier reste actif.
Les exploitants doivent avoir un SGS dont l'efficacité a été vérifiée, mais l'organisme de réglementation doit aussi pouvoir repérer la non-conformité au règlement d'un exploitant et l'aider à rétablir sa conformité rapidement. De récentes enquêtes ont mis en lumière le fait que si un exploitant ne peut pas ou ne veut pas corriger les problèmes de sécurité relevés, TC a du mal à adapter son approche pour s'assurer que les problèmes sont cernés et corrigés rapidement et de façon efficace.
D'après son approche de la planification de la surveillance fondée sur les risques, TC avait prévu une surveillance plus fréquente des exploitants en question, qui étaient tous perçus comme étant à risque plus élevé. Toutefois, à la suite d'un événement, certaines conditions dangereuses n'avaient toujours pas été cernées alors que la surveillance était toujours axée sur les processus Note de bas de page 219. Dans d'autres événements, des conditions dangereuses avaient persisté longtemps parce que TC se fiait trop au processus PMC alors que les exploitants étaient mal préparés pour y participer.
Par conséquent, pour s'assurer que les compagnies utilisent efficacement leur SGS et qu'elles continuent de mener leurs activités conformément à la réglementation, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports renforce ses politiques, ses procédures et sa formation en matière de surveillance, afin que la fréquence et l'objet de la surveillance et des activités de contrôle après surveillance, y compris les mesures d'application, correspondent à la capacité de l'exploitant de gérer efficacement le risque.
Recommandation A16-14 du BST
Dans sa réponse, TC a indiqué qu'il avait lancé un projet de mise à jour et d'évaluation du Programme de surveillance de l'aviation civile, qui devait prendre fin en décembre 2017. Le Bureau trouve encourageant que TC se soit engagé à évaluer son programme de surveillance et à examiner des possibilités d'amélioration pour assurer son efficacité.
Lors d'un récent exposé au Bureau, TC a fourni une mise à jour détaillée sur les diverses initiatives d'amélioration du programme qu'il a lancées depuis 2015-2016. Le Bureau se réjouit de constater que TC a pris des mesures concrètes, entre autres :
- création d'un Bureau national de surveillance;
- mise sur pied d'un comité consultatif sur la surveillance;
- création d'une équipe expressément chargée de l'élaboration de politiques et de procédures de surveillance;
- renforcement de la planification de la surveillance;
- prise de décisions fondée sur les risques;
- prise de mesures d'application de la loi en temps opportun;
- prise de mesures temporaires pour augmenter le nombre d'inspections dans les domaines à risque plus élevé pendant que se poursuivent l'évaluation et la mise à jour du programme.
Le Bureau reconnaît également les efforts déployés par TC pour atteindre un juste équilibre entre les activités de surveillance planifiées et les activités menées par suite d'événements, ainsi qu'un équilibre dans le recours aux divers outils de surveillance disponibles. Bien que TC ait mis en œuvre de nombreuses améliorations, il est encore trop tôt pour déterminer si les mesures de TC permettront de corriger la lacune de sécurité liée à cette recommandation. Par conséquent, le Bureau considère que la réponse de TC à la recommandation dénote une intention satisfaisante.
Le BST surveillera les mesures continues que prendra TC pour améliorer ses politiques, ses procédures et sa formation en matière de surveillance à court et à moyen terme. Le dossier reste actif.
4.2.19.3.3 Liste de surveillance du BST
La nécessité des SGS et d'une surveillance réglementaire améliorée figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010. Le respect des règlements assure un niveau de sécurité de base à tous les exploitants; la surveillance réglementaire doit donc permettre de repérer les exploitants en situation de non-conformité et de les amener à respecter la réglementation.
Les exploitants doivent également être en mesure de régler les risques propres à leur exploitation, ce que le respect des règlements ne garantit pas complètement. C'est pourquoi le BST a maintes fois souligné les avantages d'un SGS, cadre reconnu à l'échelle internationale pour permettre aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leurs activités plus sécuritaires.
4.2.19.4 Autres examens et études de sécurité
4.2.19.4.1 Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien de Transports Canada
Le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de TC a publié son rapport final en 1998. Il y faisait de nombreuses recommandations voulant que l'organisme de réglementation collabore davantage avec les exploitants de taxis aériens et fournisse plus de directives sur des questions spécifiques, comme la compétence et la formation du personnel qui occupe des postes essentiels. Les commentaires recueillis des exploitants dans le cadre de la présente enquête sur une question de sécurité (SII) corroborent les constatations du Groupe de travail dans ce domaine. Le Groupe de travail a notamment fait les recommandations suivantes :
RS 27 Transports Canada devrait fournir aux pilotes en chef et aux gestionnaires des opérations, lors de leur nomination à ce poste, des renseignements sur les cours et la formation qu'offre la Sécurité du système (prise de décision et facteurs humains, agent de la sécurité aérienne de compagnie, etc.).
RS 28 Transports Canada devrait encourager les responsables des exploitants de services de taxi aérien à assister au cours à l'intention des agents de la sécurité aérienne de compagnie.
MI 28 Les responsables des exploitants de services de taxi aérien devraient assister au cours à l'intention des agents de la sécurité aérienne de compagnie et mettre en application dans l'entreprise les principes appris.
RS 29 Transports Canada devrait promouvoir auprès des responsables des exploitants de services de taxi aérien les avantages que comporte un programme de sécurité d'entreprise et devrait examiner la possibilité d'exiger que les exploitants de ce genre de services se dotent d'un programme de sécurité.
RS 56 Transports Canada devrait organiser des séances d'information en vue d'offrir un forum d'échange d'idées et d'information entre Transports Canada et l'industrie du taxi aérienNote de bas de page 220.
Le rapport du SATOPS contient également plusieurs recommandations sur la nécessité d'intensifier la surveillance réglementaire; ces recommandations concordent avec les commentaires que les exploitants ont exprimés à l'équipe de la présente SII :
RS 58 Transports Canada devrait effectuer davantage de vérifications et d'inspections axées sur les opérations.
RS 59 Transports Canada devrait effectuer des inspections en vol des aéronefs utilisés pour le taxi aérien.
RS 60 Transports Canada devrait effectuer davantage de vérifications et d'inspections au hasard.
RS 61 Transports Canada devrait avoir davantage de représentants de l'application des règlements, surtout dans les régions du Nord et les régions éloignées.
RS 62 Transports Canada devrait s'assurer que tous les suivis de vérification sont effectués.
MI 62 Les exploitants aériens devraient s'assurer que des mesures ont été prises pour éliminer les problèmes constatés lors de vérifications.
RS 63 Les inspecteurs régionaux de l'Aviation commerciale et d'affaires de Transports Canada devraient être plus représentatifs de la démographie de l'industrie de l'aviationNote de bas de page 221.
4.2.19.5 Résumé
Dangers | Description du risque | Ce qu'ont dit les exploitants |
---|---|---|
|
L'inefficacité ou l'inefficience de la surveillance réglementaire pourrait entraîner une baisse du niveau de sécurité. |
|
Conclusion : Un système de surveillance réglementaire rigoureux portant sur la promotion, la surveillance et le renforcement de la sécurité est essentiel pour que les exploitants obtiennent le soutien dont ils ont besoin afin de gérer efficacement les risques liés à leur activité et d'être conformes aux règlements.
5.0 Discussion
Les taxis aériens offrent un large éventail de services aériens aux Canadiens et sont exploités dans des environnements fort variés. Leur contexte opérationnel est donc très différent de celui auquel seraient habitués la plupart des Canadiens qui voyagent avec des compagnies aériennes offrant des vols réguliers. En juillet 2018, il y avait environ 500 exploitants de taxis aériens, 87 exploitants de services aériens de navette et 38 exploitants de compagnies de de transport aérien agréés au CanadaNote de bas de page 222. (Pour de plus amples renseignements sur ces statistiques, voir la section 1.2 Taux et nombre d'accidents d'aéronef au Canada.)
En raison de son contexte opérationnel, ce segment de l'aviation commerciale est exigeant et connaît un nombre élevé d'accidents, et surtout, d'accidents mortels. (Voir la section 1.3 Un secteur préoccupant.) Les exploitants de taxis aériens sont exposés à divers dangers et risques et sont soumis à des pressions opérationnelles qui sont propres à leur secteur. Ils sont souvent plus petits et ont moins de personnel que les exploitants de services aériens de navette et de transport aérien régulier; ils peuvent desservir des régions où les services météorologiques sont limités; ils ne bénéficient peut-être pas de la toute dernière technologie de bord. Les pilotes n'ont pas toujours le soutien d'un régulateur des vols ou d'autre personnel de soutien. Les équipages de conduite interviennent plus directement dans la gestion de nombreux risques opérationnels que dans d'autres secteurs et sont souvent en contact direct avec les clients. Ils ne volent pas toujours selon des horaires déterminés. Souvent, ils se rendent dans des régions éloignées où les aides à la navigation et l'infrastructure d'aérodrome sont limitées, en traversant des espaces aériens non contrôlés. Par conséquent, les mesures d'atténuation que les exploitants peuvent mettre en place pour gérer les risques sur le terrain dépendront du contexte, de l'environnement et de l'ampleur de leurs activités.
La présente enquête sur une question de sécurité (SII) visait à comprendre les dangers et facteurs de risque du secteur du taxi aérien au Canada, et pas uniquement les dangers et facteurs de risque d'un segment précis (comme l'exploitation d'hélicoptères ou d'hydravions).
À la phase 1 de la présente SII, les données quantitatives et qualitatives sur les accidents de taxi aérien recueillies par le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) de 2000 à 2014 ont été analysées pour : déterminer les types d'accidents ayant lieu et cerner ceux étant mortels, et souligner les questions de sécurité contribuant à ces accidents. La présente enquête devait décrire et expliquer les interrelations de plusieurs facteurs ne pouvant être isolés expérimentalement; pour y arriver, les données ont été codées et analysées par la méthode d'analyse comparative de la théorie ancrée. Cette méthode a permis de générer un ensemble de types d'accidents descriptifs – c'est-à-dire des types d'accidents qui décrivent les circonstances d'un accident de même que son issue. Ces données sont présentées à la section 4.1 Information issue des données sur les événements et des rapports d'enquête publiés du BST.
La méthode de la théorie ancrée a aussi servi à coder et à analyser les données des rencontres et du sondage résultant des consultations auprès de l'industrie, à la phase 2 de la présente SII. Ces données ont été comparées, puis successivement classées. C'est ainsi qu'il a été possible d'établir les 19 thèmes de sécurité qui sont présentés à la section 4.2 Information issue des consultations auprès de l'industrie.
Chaque thème a été enrichi par le contexte émanant des faits établis et des recommandations antérieures du BST ainsi que des études précédentes d'autres organismes. On a ensuite mené une étude selon le principe de la théorie ancrée pour analyser plus à fond les thèmes qui sont ressortis à la phase 2. L'équipe d'enquête a analysé ces 19 thèmes de sécurité en se servant de la méthode d'analyse comparative constante des données. Il en est ressorti 3 thèmes d'ordre plus général : des « pressions ». Ces pressions font l'objet de la section 5.5.3 Pressions concurrentes dans le secteur du taxi aérien.
Une fois que l'analyse eut fait ressortir ces pressions, on a élaboré une théorie à partir des données pour étoffer le modèle de sécurité dynamique. La section 5.4 Un modèle de sécurité dynamique : les limites d'exploitation sûre explique de façon générale le fonctionnement du modèle des limites d'exploitation sûre. La section 5.5 Les données de l'enquête sur une question de sécurité et les limites d'exploitation sûre explique comment ce modèle décrit spécifiquement les dangers et les facteurs de risque qui persistent dans le secteur du taxi aérien au Canada. Ensuite, la section 5.6 Améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien au Canada explique comment et où l'on peut concentrer le plus utilement les efforts et mesures de sécurité pour améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien au Canada.
5.1 Information issue des données sur les événements et des rapports d'enquête publiés du BST
5.1.1 Taux et nombre d'accidents dans le secteur de l'aviation commerciale au Canada
Le taux d'accidents d'aéronef, soit le nombre d'accidents selon les heures de vol ou selon le nombre de mouvements (décollages ou atterrissages), est l'un des principaux indicateurs de la sécurité aérienne. Bien que l'on puisse calculer ce taux pour l'ensemble du secteur de l'aviation commerciale, il est impossible de le faire pour le taxi aérien : les données sur les heures de vol ou les mouvements de taxis aériens collectées par le gouvernement ne sont actuellement pas classées en fonction des sous-parties du Règlement de l'aviation canadien (RAC).
Les données du BST sur les événements montrent que le nombre global d'accidents dans le secteur du taxi aérien a diminué au cours de la période de l'étude (2000 à 2014)Note de bas de page 223. Le nombre de certificats d'exploitation aérienne a lui aussi diminué au cours de la même période. On pourrait y voir une indication d'une baisse d'activité dans ce secteur, ce qui pourrait influer sur le taux d'accidents; toutefois, sans données sur les heures de vol ou sur les mouvements propres au secteur du taxi aérien, il est impossible de déterminer si la baisse du nombre global d'accidents dans ce secteur révèle une amélioration.
Au contraire du nombre total d'accidents, le nombre d'accidents mortels et de morts n'indique aucune tendance nette à la baisse au cours des 15 années de la période de l'étudeNote de bas de page 224.
5.1.2 Types d'accidents et contexte opérationnel
Étant donné l'inexistence de données sur le taux d'accidents et l'impossibilité d'expliquer le contexte des accidents uniquement par le nombre d'accidents, on a eu recours à la méthode de la théorie ancrée pour analyser les rapports d'enquête publiés par le BST et établir les types d'accidents. On a ensuite classé selon 23 types d'accidents définis, avec descriptions et explications, le reste des données sur les événements (c.-à-d., les données du système d'information sur la sécurité aérienne du BST) relatives aux 476 accidents d'avion et 240 accidents d'hélicoptère qui se sont produits durant la période de l'étude.
Puisque les facteurs contributifs et risques sous-jacents dans les accidents d'avion et d'hélicoptère étaient très différents, les 2 types d'aéronefs ont fait l'objet d'analyses distinctes. Ces analyses ont révélé 14 types d'accidents d'avion et 9 types d'accidents d'hélicoptères : 23 types en tout, dont 6 étaient communs aux 2 types d'aéronefs.
L'analyse des types d'accidents a permis de comprendre comment (description) et pourquoi (facteurs de danger et de risque) ces accidents se produisaient, ainsi que l'expérience des pilotes en cause (temps de vol total moyen du commandant de bord).
Aux fins de la présente discussion, on a sélectionné les types d'accidents affichant la plus haute fréquence ou le plus grand nombre de pertes de vie; ils sont présentés aux tableaux 25 et 26 ci-dessous.
Type d'accident (avec exemples des rapports d'enquête du BST) |
Temps de vol moyen du commandant de bord (heures) | Pourcentage d'accidents (%) | Nombre de morts |
---|---|---|---|
Approche et atterrissage + un seul pilote (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A10A0122 du BST) | 5122 | 26 % | 9 |
Liés à la maintenance (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A03C0118 du BST) |
8657 | 14 % | 2 |
Conditions de décollage (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A12C0154 du BST) |
3311 | 13 % | 14 |
Approche et atterrissage + équipage multiple (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A14A0067 du BST) |
3416 | 11 % | 12 |
Hydravion + perte de maîtrise (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A09P0397 du BST) |
2061 | 5 % | 34 |
Règles de vol à vue (VFR) + perte de repères visuels + impact sans perte de contrôle (CFIT) (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A10Q0111 du BST) |
6219 | 4 % | 26 |
VFR + perte de repères visuels + perte de maîtrise (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A05Q0157 du BST) |
4170 | 1 % | 21 |
Du côté des avions, les accidents de type approche et atterrissage + un seul pilote représentaient le pourcentage le plus élevé du nombre total d'accidents (26 %); ils ont fait 9 morts.
Pour leur part, les accidents de type hydravion + perte de maîtrise ont causé le plus de morts (34), mais ne représentaient que 5 % du nombre total d'accidents.
Les deux catégories d'accidents de type VFR + perte de repères visuels (se soldant soit par un CFIT, soit par une perte de maîtrise) ont eux aussi causé un grand nombre de morts (47 en tout), mais ne représentaient que 5 % du nombre total d'accidents.
Type d'accident (avec exemples des rapports d'enquête du BST) |
Temps de vol moyen du commandant de bord (heures) | Pourcentage d'accidents (%) | Nombre de morts |
---|---|---|---|
Effets aérodynamiques sur la maîtrise + perte de maîtrise (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A04A0111 du BST) |
5792 | 17 % | 9 |
Liés à la maintenance (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A01P0047 du BST) |
1800 | 14 % | 6 |
Exceptions (cas isolés ou particuliers) (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A11P0117 du BST) |
5325 | 14 % | 11 |
VFR + perte de repères visuels + CFIT (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A04C0051 du BST) |
6837 | 12 % | 14 |
Liés à un défaut de fabrication (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A12P0134 du BST) |
6185 | 5 % | 2 |
Liés à la formation (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A08A0007 du BST) |
4683 | 5 % | 0 |
VFR + perte des repères visuels + perte de maîtrise (p. ex. : Rapport d'enquête aéronautique A05Q0008 du BST) |
2617 | 4 % | 13 |
Du côté des hélicoptères, les accidents de type effets aérodynamiques sur la maîtrise + perte de maîtrise détenaient le pourcentage le plus élevé du nombre total d'accidents (17 %) et ont fait 9 morts.
À l'instar des résultats ci-dessus pour les avions, les accidents de type VFR + perte de repères visuels (se soldant par un CFIT ou par une perte de maîtrise) ont eux aussi causé un grand nombre de morts (27). Les CFIT représentaient 12 % du nombre total d'accidents, et les pertes de maîtrise, 4 % du nombre total d'accidents.
L’examen des rapports d’accident du BST a également relevé la fragilité ou l’absence de mécanismes de défense qui, si on les améliorait ou les mettait en place, pourraient améliorer la sécurité :
- aéronefs démunis de systèmes d’alarme (p. ex., avertisseur de proximité du sol, système de surveillance du trafic et d’évitement des collisions);
- procédures d’utilisation normalisées insuffisamment détaillées;
- manuels de vol et programmes de formation manquant de renseignements cruciaux;
- pilotes sans expérience suffisante de vol aux instruments;
- régulation des vols par le pilote ou contrôle d’exploitation limité;
- formation inadéquate sur les systèmes de bord ou sur la maîtrise d’un aéronef en état d’urgence;
- coordination lacunaire des membres d’équipage dans les situations normales ou d’urgence;
- instructions de maintenance incomplètes ou difficiles à comprendre;
- absence/insuffisance d’exposé sur les mesures de sécurité pour passagers
Les accidents liés à la formation représentaient 5 % du nombre total d'accidents d'hélicoptère; par contre, ce type d'accident n'était pas symptomatique pour les avions. La raison en est que dans la formation au pilotage d'hélicoptères, les urgences simulées comportent plus de risque que dans la formation au pilotage d'avions, du fait des types de manœuvres (autorotation et travail en espace clos) et des plus basses altitudes ainsi que des vitesses moins élevées auxquelles les manœuvres s'effectuent.
Les accidents liés à la maintenance représentaient 14 % des accidents d'avion et 14 % des accidents d'hélicoptère. Dans les 2 cas, le nombre de pertes de vie était faible : 2 morts dans des accidents d'avion, et 6 dans des accidents d'hélicoptère. Les facteurs contributifs dans ce type d'accident comprenaient : les problèmes de circuit carburant et de contamination du carburant; le manque de maintenance; l'utilisation de pièces non approuvées; la non-exécution de maintenance requise ou recommandée par une consigne de navigabilité ou un bulletin de service.
Les descriptions des types d'accidents montrent en outre que l'on ne peut attribuer ces accidents uniquement à des pilotes qui dépassent les limites. Et comme le montrent les tableaux 1 et 2, le manque d'expérience du commandant de bord ne contribue pas nécessairement à ces accidents.
En somme, les facteurs ayant contribué aux accidents de taxi aérien qui se sont produits durant la période de l'étude s'inscrivent dans 2 catégories générales :
- acceptation de pratiques non sécuritaires (p. ex., surcharger l'aéronef, voler dans des conditions de givrage prévues, ne pas consigner les anomalies dans le carnet de bord, voler avec de l'équipement inutilisable, « braver le mauvais temps », et voler avec des réserves de carburant insuffisantes)
- gestion inadéquate des dangers opérationnels (p. ex., réaction inadéquate envers un aéronef en état d'urgence, coordination inadéquate de l'équipage menant à une approche non stabilisée, vol VFR la nuit, perte de repères visuels dans des conditions météorologiques limites, absence de balances pour les calculs de masse et centrage)
On croyait généralement que les pilotes novices dépassant les limites seraient un danger ou un facteur de risque des accidents de taxi aérien; or, la SII a fait ressortir que les accidents mettaient autant en cause des pilotes chevronnés que des novices.
5.2 Information issue des consultations auprès de l'industrie
L'analyse des données sur les événements et des rapports d'enquête du BST (phase 1 de la SII) a mis en évidence les types d'accidents, les scénarios d'accident courants, et une part du contexte des activités de taxi aérien. Toutefois, il fallait plus de renseignements pour valider les questions de sécurité ainsi cernées, en savoir plus sur les actions et les circonstances ayant abouti à des accidents, et pour mieux comprendre ce qui se passait dans le secteur du taxi aérien.
N.B. : Les renseignements recueillis à la phase 2 de la SII représentent les opinions de ceux qui ont participé à l'étude. Ces opinions n'ont pas fait l'objet d'une validation indépendante par le BST. Par ailleurs, elles ne tiennent pas compte des initiatives en cours des fournisseurs de services ou de l'organisme de réglementation.
Les consultations auprès de l'industrie (phase 2 de la SII) ont permis de mieux comprendre les risques les plus graves aux yeux des exploitants, les mesures qu'ils prennent pour les atténuer, et ce qui, selon eux, reste à faire. Durant ces consultations, les exploitants ont fait de nombreuses suggestions pour améliorer la sécurité, allant de simples pratiques exemplaires élaborées à l'interne aux demandes très précises à l'organisme de réglementation et aux clients.
Les renseignements issus de ces consultations ont été codés et analysés à l'aide de la méthode d'analyse comparative constante (qui fait partie de la méthode de la théorie ancrée), ce qui a produit 19 thèmes de sécurité. Ces thèmes ont ensuite été analysés un par un pour déterminer le ou les principaux risques inhérents à chacun. Ces thèmes de sécurité n'ont rien de nouveau – des études antérieures, datant de plusieurs décennies, ont soulevé des questions similairesNote de bas de page 225.
5.3 Information issue de la phase 1 et de la phase 2
On a combiné les résultats de la phase 1 avec ceux de la phase 2, et on a développé davantage les 19 thèmes de sécurité qui sont ressortis de la phase 2 en ajoutant les faits établis et les recommandations de rapports publiés du BST sur des accidents ainsi que d'enquêtes sur des questions de sécurité pertinentes au regard des thèmes correspondants.
Conformément au principe de la théorie ancrée, on a eu recours à la méthode d'analyse comparative constante des données pour analyser ces 19 thèmes de sécurité enrichis, que l'on a ensuite groupés dans 3 thèmes plus généraux.
Un examen de la documentation sur la science de la sécurité a révélé que ces 3 thèmes plus généraux correspondaient aux descriptions des pressions concurrentes du modèle de sécurité dynamique décrit par RasmussenNote de bas de page 226.
5.4 Un modèle de sécurité dynamique : les limites d'exploitation sûre
5.4.1 Modèles de systèmes et de sécurité
Les systèmes peuvent être répartis en groupes selon leurs caractéristiques : simples, compliqués ou complexesNote de bas de page 227,Note de bas de page 228,Note de bas de page 229. Pour décrire chaque catégorie, il faut comprendre ses éléments constitutifs et la manière dont ils interagissent pour résoudre un problème ou produire un résultat.
Les systèmes simples sont composés d'éléments qui interagissent de façon linéaire pour accomplir un seul processus. Le contrôle de ces systèmes s'appuie habituellement sur des approches telles que des procédures strictes, des instructions linéaires et une formation portant spécifiquement sur des procédures, des actions et des séquences de tâches distinctes. Une chaîne de fabrication dans une usine d'automobiles est un bon exemple de système simple.
Les systèmes compliqués peuvent aussi être décrits en fonction de leurs éléments; par contre, ils regroupent de nombreux processus linéaires, qui sont tous axés sur l'obtention d'un résultat précis. On peut contrôler ces systèmes au moyen de nombreux processus et procédures, qui sont habituellement consignés dans des manuels, des organigrammes et des listes de vérification. Les processus et procédures portent sur des situations d'urgence et les situations normales, planifiées et attendues. Un avion de ligne moderne est un bon exemple de système compliqué.
En revanche, les systèmes complexes sont intrinsèquement beaucoup plus diversifiés et interactifs. Ils s'adaptent à la nature et à la complexité de l'environnement et de l'activité même. Des réponses adaptatives sont nécessaires pour composer avec l'incertitude et les nombreuses variables qui sont un sous-produit naturel du problème et de l'environnement. Les systèmes complexes se distinguent nettement des systèmes simples et compliqués en ce qu'ils comprennent divers agents qui apprennent et s'adaptent. Pour comprendre et gérer les systèmes complexes, il faut une approche nettement différenteNote de bas de page 230. Il faut des exploitants capables d'apprendre ces nombreuses variables et de s'y adapter pour que le système fonctionne de manière sûre. Les systèmes complexes tirent parti de processus, de procédures et de solutions de rechange qui sont plus souples et qui sont mis en œuvre par des exploitants qui ont et acquièrent sans cesse des connaissances et de l'expérience du domaine pour influer sur le système. Un bon exemple de système complexe est une entreprise exploitant des hydravions depuis un espace restreint en région montagneuse : les pilotes qui effectuent des vols dans le cadre de ce système doivent appliquer une formation portant sur des habiletés précises et des procédures générales, et prendre des décisions sûres en s'appuyant sur leurs connaissances et leur expérience pour travailler en toute sécurité dans ce contexte. Dans ce type de système, la sécurité et le risque sont vus comme des aspects dynamiques du système, qui nécessitent une adaptation et une gestion constantes.
À la fin des années 1990, la recherche sur la science de la sécurité portait sur l'étude de la sécurité dans les systèmes complexes. Un produit développé pendant cette période était le modèle de sécurité dynamique de RasmussenNote de bas de page 231. Ce modèle a été mis au point par l'entremise de l'observation directe des opérations effectuées dans des systèmes complexes et l'examen des accidents dans de tels systèmes.
À l'époque, les méthodes d'enquête sur les accidents portaient sur des niveaux distincts du système : à l'avant-plan (dans le poste de pilotage, par exemple) et à l'arrière-plan (la supervision ou la haute direction, par exemple).
Rasmussen a commencé à étudier des accidents en transcendant les couches d'un système – le poste de pilotage, les pilotes, leurs superviseurs, la direction, l'organisme de réglementation, les clients, les passagers. Il a étudié les processus, la prise de décisions et la remontée d'information dans toutes les couches du système ainsi que la manière dont l'information était utilisée dans chacune d'elles pour influer la performance. Cette approche a permis de déterminer que la diffusion de l'information vers le bas et la remontée de l'information, et son intégration à travers les différentes couches, étaient cruciales pour gérer efficacement le risque dans ces types de systèmesNote de bas de page 232.
Durant cette période, on a constaté que plusieurs caractéristiques de la société changeaient la nature des activités essentielles à la sécurité :
- le très rapide rythme des changements technologiques (en général, pas nécessairement au niveau local);
- le développement rapide des technologies de l'information et de communication qui mène à un degré très élevé d'intégration et de connexion dans une exploitation (où une seule décision peut avoir des répercussions considérables qui se propagent rapidement et largement);
- un environnement très agressif et concurrentiel qui incite les décideurs à se concentrer sur des critères financiers et de survie à court terme plutôt que sur des critères à long terme axés sur le bien-être, la sécurité et l'incidence environnementaleNote de bas de page 233.
Le modèle de sécurité dynamique qu'a décrit Rasmussen s'applique aux systèmes complexes, mettant en jeu des personnes et la technologie. Selon cette approche, la sécurité dépend du contrôle des processus de travail pour éviter les effets secondaires fortuits qui nuisent aux personnes, à l'environnement ou à l'investissement dans une exploitation dynamique qui doit composer avec des pressions concurrentes.
Cook et RasmussenNote de bas de page 234 ont développé encore plus ce modèle qu'on appellera « limites d'exploitation sûre ». Woods, Schenk et AllenNote de bas de page 235 ont eux aussi décrit ce modèle. Plus récemment, une méthode d'enquête sur les accidents dans des systèmes complexes a été mise au point par PupulidyNote de bas de page 236.
Le modèle de sécurité dynamique de Rasmussen comprend 2 aspects importants : la structure et la dynamique, qui sont décrits ci-bas.
5.4.2 La structure
Dans la structure du modèle de sécurité dynamique, tous les intervenants sont liés verticalement (figure 16). Dans ce modèle, on entend par « intervenants » le travail même, le personnel, les exploitants, la direction, la compagnie, les organismes de réglementation, des associations et les fournisseurs de services, de même que le côté politique du gouvernement (par opposition à la fonction publique). Dans cette structure, l’information sur les décisions circule vers le bas à travers les niveaux, et la rétroaction remonte à travers les niveaux.
- Dans la structure du modèle de sécurité dynamique, tous les intervenants sont liés verticalement (figure 16). Dans ce modèle, on entend par « intervenants » le travail même, le personnel, les exploitants, la direction, la compagnie, les organismes de réglementation, des associations et les fournisseurs de services, de même que le côté politique du gouvernement (par opposition à la fonction publique). Dans cette structure, l'information sur les décisions circule vers le bas à travers les niveaux, et la rétroaction remonte à travers les niveaux.
5.4.3 La dynamique
La dynamique de ce modèle de sécurité consiste en la façon dont les processus opérationnels se déroulent et interagissent à l'échelle du système, compte tenu de l'environnement et des pressions concurrentes dans la structure. La figure 17 illustre la dynamique du modèle des limites d'exploitation sûre adapté par le BST aux fins de la présente SII.
L'opération est représentée par le point opérationnel (cercle bleu). La façon dont l'exploitant ou le secteur d'activité gère les dangers ou les risques inhérents détermine la position du point opérationnel dans le domaine d'exploitation sécuritaire.
Le point opérationnel est en mouvement constant. Il y a échec du système si ce point traverse une des limites du domaine d'exploitation sécuritaire. Ces limites sont les suivantes :
- la limite de l'échec économique (au-delà de cette limite, les coûts financiers deviennent insoutenables);
- la limite de la charge de travail inacceptable (au-delà de cette limite, il manque de temps et de ressources);
- la limite de la sécurité (limite de la performance acceptable au-delà de laquelle il y a préjudice potentiel pour les travailleurs, les passagers ou le public)Note de bas de page 237.
La limite marginale indique où la sécurité d'une exploitation commence à se dégrader. La marge de sécurité est la zone, à l'intérieur des limites d'exploitation sûre, entre la limite marginale et la limite de la sécurité. Plus les mécanismes de défense sont fragiles ou rares, plus la marge de sécurité est mince. Si le point opérationnel traverse la limite marginale, la sécurité de l'activité diminue; puis, si le point opérationnel traverse la limite de la sécurité, il y aura échec (un accident ou incident). Les flèches à l'intérieur des limites du domaine d'exploitation sécuritaire représentent les pressions concurrentes qui rapprochent ou éloignent le point opérationnel de l'une des limites.
5.5 Les données de l'enquête sur une question de sécurité et les limites d'exploitation sûre
L'analyse des données recueillies durant la présente SII a permis de bien comprendre les dangers et les risques qui contribuent à des accidents, les problèmes qui se posent aux exploitants de taxis aériens, les mesures qu'ils prennent pour les gérer, et les mesures additionnelles qui sont requises selon eux. Ensemble, les rapports d'enquête publiés par le BST, les études précédentes d'autres organismes, les recommandations et les renseignements recueillis durant les rencontres avec les exploitants brossent un tableau précis de la façon dont la nature du secteur du taxi aérien entraîne des risques différents de ceux des autres secteurs de l'aviation. Ils montrent en outre que ces risques persistent depuis des décennies.
Le rapport final du Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS), publié en 1998 par Transports Canada (TC), est l'une des études analysées dans le cadre de la présente SII. L'étude de ce groupe a coïncidé avec l'entrée en vigueur du nouveau RAC, en 1996, qui structurait la réglementation et les normes de sécurité de l'aviation civile selon des secteurs particuliers d'aviation. Le rapport final SATOPS faisait 71 recommandationsNote de bas de page 238, à l'intention de TC, du BST ou des intervenants du secteur. Certaines de ces recommandations ciblaient la prise de décisions du pilote (PDM)Note de bas de page 239, la formationNote de bas de page 240, les vols VFR dans des conditions météorologiques limitesNote de bas de page 241, la culture de sécurité et les pratiques non sécuritairesNote de bas de page 242.
La présente SII a montré que bon nombre des dangers cernés par l'étude SATOPS, ainsi que par d'autres études menées de 1998 à 2015, persistent. L'analyse des données sur les événements du BST à la phase 1 de la SII a montré que les mêmes types d'accidents – notamment les mêmes types d'accidents mortels – ont continué de se produire durant toute la période de l'étude. Les consultations auprès de l'industrie, à la phase 2 de la présente SII, ont confirmé que ces dangers et problèmes de sécurité cernés précédemment contribuent encore aux accidents de taxi aérien.
Les 2 phases de l'enquête sur des questions de sécurité ont également mis en évidence la fragilité ou l'absence de mécanismes de défense qui ont contribué à ces accidents. Le fait que ces mécanismes de défense soient insuffisants, et qu'ils l'aient été dans beaucoup d'accidents depuis plusieurs années, confirme la persistance des dangers et des risques dans le secteur du taxi aérien. En tant que système où la sécurité est un facteur déterminantNote de bas de page 243, le secteur du taxi aérien doit gérer les risques de manière à les réduire au plus bas niveau raisonnablement possible. Les exploitants doivent concilier de nombreuses pressions concurrentes qui découlent des impératifs d'efficience et de sécurité. Ils sont ainsi aux prises avec des objectifs contradictoires qui les forcent à faire des compromis, ce qui pourrait augmenter le risque et réduire la sécurité.
Dans son analyse des 19 thèmes de sécurité enrichis qui sont ressortis des consultations auprès de l'industrie, l'équipe de la SII a examiné des études précédentes, la documentation sur la science de la sécurité et les types d'accidents. Les 19 thèmes de sécurité ont été groupés dans 3 thèmes plus généraux par la méthode d'analyse comparative croisée des données. Les groupes de pressions suivants en sont ressortis : pressions sectorielles, pressions opérationnelles et pressions de sécurité. Chacune de ces pressions correspondait à une limite sur le modèle des limites d'exploitation sûre. L'adaptation de ce modèle aux résultats de la SII a produit un schéma détaillé et complet des résultats des diverses phases de l'enquête. Elle a permis de comprendre pourquoi les dangers et facteurs de risque persistent dans les opérations de taxi aérien et a fourni une piste de solution pour améliorer la sécurité.
Le BST a adapté le modèle des limites d'exploitation sûre pour la présente SII (figure 17). Le modèle des limites d'exploitation sûre illustre les relations entre les pressions concurrentes dans le secteur du taxi aérien. La figure 18 montre le modèle adapté par le BST ainsi que les 19 thèmes de sécurité qui sont ressortis des consultations auprès de l'industrie (voir la section 4.2 Information issue des consultations auprès de l'industrie), et identifie les 3 pressions concurrentes.
Ce modèle illustre les pressions concurrentes qui agissent sur une exploitation à cause de conflits d'objectifs (concilier la sécurité, une charge de travail acceptable et la viabilité économique).
La flèche verte représente les pressions de sécurité qui augmentent la marge de sécurité d'une activité en l'éloignant de la limite de la sécurité. À partir des résultats de la SII, les thèmes de sécurité qui font partie de ces pressions sont : PDM et gestion des ressources de l'équipage (CRM), formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes, formation des techniciens d'entretien d'aéronef (TEA), gestion de la sécurité, cadre réglementaire et surveillance réglementaire. Ces thèmes liés à la sécurité comprennent les facteurs qui éloignent les exploitations de la limite de la sécurité : par exemple, la formation du personnel, et des règlements et normes qui suivent le rythme des technologies et activités courantes.
La flèche orange représente les pressions opérationnelles qui éloignent la compagnie de la limite de charge de travail inacceptable, vers la limite de la sécurité. Les thèmes de sécurité de la SII qui se rapportent à cette limite sont : acceptation de pratiques non sécuritaires, fatigue, entretien des aéronefs de taxis aériens (c.-à-d. le temps et la main-d'œuvre nécessaires pour en faire l'entretien) et pression opérationnelle dans les opérations aériennes. Ces thèmes de sécurité comprennent les activités qui éloignent les compagnies de la limite de la charge de travail inacceptable, vers la limite de la sécurité : par exemple, surcharger l'avion, choisir de voler malgré un repos insuffisant et la fatigue, ne pas consigner les anomalies dans le carnet de bord ou braver le mauvais temps.
La flèche jaune représente les pressions sectorielles qui éloignent la compagnie de la limite de l'échec économique et vers la limite de la sécurité. Ces pressions sont : aérodromes et infrastructures, disponibilité de personnel qualifié, évitement des collisions en vol, interruptions et distractions, évacuations aéromédicales (MEDEVAC), vols de nuit, technologie embarquée, possibilités de survie et renseignements météorologiques. Ces thèmes de sécurité comprennent les activités qui éloignent les exploitations de la limite de l'échec économique : par exemple, mettre à niveau les aéronefs plus âgés avec un nouveau système avionique ou installer des lunettes de vision nocturne pour les vols d'évacuation aéromédicale nocturnes.
Le cercle bleu représente une opération aérienne et il se déplace constamment dans les limites d'exploitation sûre (l'espace défini par les 3 limites) pour se rapprocher ou s'éloigner des limites, en fonction des pressions concurrentes. Le modèle montre comment les pressions sectorielles et opérationnelles poussent le point opérationnel vers la limite de la sécurité, ce qui augmente les risques d'accident. Ainsi, les pressions de sécurité sont des facteurs d'atténuation positifs qui font contrepoids aux 2 autres pressions. Elles maintiennent le point opérationnel à l'intérieur du domaine d'exploitation sûre. Les pressions concurrentes dans ce modèle sont des enjeux qui ont fait l'objet de nombreuses recommandations du BST par le passé.
Lors d'un accident d'hélicoptère qui s'est produit en 2010 (événement de transport aérien A10Q0132 du BST), un client a demandé un vol que la compagnie a accepté d'effectuer, malgré l'impossibilité de le faire sans dépasser la masse maximale autorisée au décollage de l'aéronef disponible. Les conditions météorologiques étaient limites, avec un plafond bas et une visibilité réduite. Les passagers se sont présentés avec plus du double du poids de bagages qui était indiqué sur la demande originale que le client avait présentée à la compagnie. Au lieu de réduire le chargement de bagages, le pilote a choisi de réduire le carburant additionnel qu'il avait prévu emporter à cause des conditions météorologiques limites. Lorsque les circonstances et les conditions météorologiques ont imposé l'utilisation d'une route différente, des conditions météorologiques limites ont rendu cette solution de rechange hasardeuse. Le pilote a perdu les repères visuels au sol avant de perdre de maîtrise de l'hélicoptère. L'hélicoptère a percuté le relief, et le pilote ainsi que les 3 passagers à bord ont été mortellement blessés.
Ce modèle lie en outre les 2 principaux facteurs sous-jacents qui contribuent aux accidents de taxi aérien (acceptation de pratiques non sécuritaires et gestion inadéquate des dangers opérationnels) aux 19 thèmes de sécurité qui sont ressortis des consultations auprès de l'industrie. Enfin, ce modèle, quand on lui applique les résultats de l'étude SII, laisse entrevoir quelles améliorations à la sécurité seront les plus efficaces.
5.5.1 Le modèle des limites d'exploitation sûre en action
Un exemple permet de mieux comprendre le modèle des limites d'exploitation sûre, et la façon dont il explique les dangers et facteurs de risque dans le secteur du taxi aérien. L'événement de transport aérien A10Q0132 du BST (voir l'encadré) montre comment ce modèle aide à mieux comprendre cet accident.
Avant que le client ne demande un service, l'aéronef était garé en attendant un prochain vol. Une compagnie aérienne génère des coûts, même quand les aéronefs ne volent pas. Dans le modèle, le point opérationnel (cercle bleu) est près de la limite de l'échec économique. En effet, les revenus ne couvrent pas les coûts de l'aéronef, du personnel pour l'exploiter, des frais d'aérodrome et d'infrastructure, de la formation sur les techniques de survie et du matériel connexe, de la technologie de bord ou des renseignements météorologiques, par exemple (figure 19).
Un client a réservé un vol, et la compagnie a accepté de l'effectuer. Le revenu généré a éloigné le point opérationnel de la limite de l'échec économique. Le client a demandé de transporter 3 passagers et leurs bagages, que l'on a déterminés comme étant trop lourds pour l'hélicoptère qui était disponible. La compagnie a néanmoins accepté d'effectuer le vol. Cette décision a créé une pression opérationnelle, plus précisément l'acceptation de pratiques non sécuritaires et une pression opérationnelle. La pression opérationnelle poussant à utiliser un aéronef même s'il dépasse la masse maximale autorisée au décollage (donc malgré une pression de sécurité qu'exerce le cadre réglementaire), ce qui a poussé le point opérationnel de ce vol au-delà de la limite marginale (figure 20).
Le jour du vol, les conditions météorologiques étaient à la limite, et la visibilité, réduite. Pour atténuer les risques associés aux conditions météorologiques défavorables, le pilote avait prévu de transporter du carburant additionnel, pour se donner une marge de manœuvre au cas où il devrait emprunter une route différente. Cette décision a éloigné le point opérationnel de la limite de la sécurité, mais seulement de peu, car l'hélicoptère dépassait sa masse maximale autorisée au décollage.
La pression de sécurité est influencée par l'ampleur des investissements de l'exploitant dans la sécurité (par exemple, dans la mise en place d'une formation PDM/CRM et l'appui des pairs et des superviseurs en faveur de son utilisation), de même que par l'utilisation la PDM/CRM par un pilote pour gérer et faire contrepoids à toute autre pression opérationnelle qui pourrait se manifester durant le vol. Si la pression de sécurité qu'impose le pilote n'est pas suffisante pour contrer les pressions additionnelles, le point opérationnel s'enfonce dans la marge de sécurité.
Lorsque les passagers se sont présentés avec les bagages pour le vol prévu, le poids total était le double de celui qui figurait sur la demande originale. Pour gérer cette situation, le pilote a réduit la quantité de carburant à bord afin de tenir compte du poids additionnel. Cependant, il a du même coup réduit les possibilités en matière de routes de rechange. Ces faits et décisions ont poussé le point opérationnel plus loin dans la marge de sécurité et plus près de la limite de la sécurité, à cause de la plus grande acceptation de pratiques non sécuritaires et des pressions opérationnelles (figure 21).
Lorsque le pilote a dû composer avec une visibilité réduite et des nuages dans un col en montagnes le long de la route choisie, il a décidé de faire demi-tour, de revenir loin derrière et de suivre une vallée où il croyait que les conditions météorologiques seraient plus favorables pour lui permettre d'atteindre sa destination. Ce déroutage et le temps de vol additionnel (augmentant la consommation de carburant) ont accru les pressions opérationnelles sur le pilote, alors que les pressions de sécurité étaient déjà très faibles. Confronté à cette pression accrue, le pilote a survolé un plateau pour gagner plus rapidement la vallée qu'il comptait emprunter. Toutefois, le sommet du plateau était dans les nuages, et le pilote a perdu les repères visuels au sol; il a ensuite perdu la maîtrise de l'hélicoptère. C'est là que le point opérationnel a franchi la limite de la sécurité. L'hélicoptère a percuté le relief à un angle prononcé, et aucun des occupants n'a survécu à l'impact (figure 22).
Le modèle illustre comment les 2 principaux facteurs qui contribuent aux accidents de taxi aérien (acceptation de pratiques non sécuritaires et gestion inadéquate des dangers opérationnels) ont érodé la marge de sécurité, et de quelles façons complexes ces facteurs changent continuellement et influent sur la sécurité des opérations aériennes.
Quand le point opérationnel est très près de la limite de la sécurité, tout événement fortuit durant un vol peut le faire franchir cette limite et entraîner un accident, comme dans l'événement de transport aérien A10Q0132 du BST. Voilà pourquoi en aviation, il est important de se donner une grande marge de sécurité. Par contre, ce modèle illustre une autre réalité : quand on effectue des vols selon des pratiques non sécuritaires, et que ces vols se déroulent fréquemment sans incident grâce à une ample marge de sécurité, ces pratiques non sécuritaires risquent de devenir la norme. Il pourrait alors être difficile pour les intervenants de saisir toute l'ampleur de l'érosion de la marge de sécurité.
Une PDM/CRM efficace de la part des pilotes et des exploitants, la gestion de la sécurité, des règlements actualisés et une surveillance réglementaire efficace sont autant de mesures qui peuvent augmenter les pressions de sécurité pour contrer les pressions sectorielles et opérationnelles dans les activités de taxi aérien. Une culture de sécurité est au cœur d'une gestion de la sécurité efficace, des règlements et normes, et d'une surveillance efficace. La culture de sécuritéNote de bas de page 244 doit être plus qu'une simple politique écrite; elle doit se manifester dans les décisions opérationnelles et économiques prises par les hauts dirigeants d'une compagnie ainsi que dans la façon dont ces décisions et actions se matérialisent à tous les échelons d'une compagnie, surtout avant d'entreprendre un vol. On voit également comment la culture de sécurité des clients et leur connaissance des pratiques sécuritaires et des dangers opérationnels peuvent appuyer la culture de sécurité d'un exploitant, et par conséquent appuyer la gestion de la sécurité de l'exploitant et son utilisation de la PDM/CRM. Dans notre exemple particulier, des passagers connaissant mieux les limites de poids d'un aéronef de taxi aérien auraient pu réduire la pression opérationnelle.
5.5.2 Structure du secteur du taxi aérien
Le secteur du taxi aérien regroupe un grand nombre d'intervenants qui influent tous sur ses activités (figure 23). La nature du secteur du taxi aérien, la persistance des dangers opérationnels et l'acceptation de pratiques non sécuritaires exigent une approche différente pour améliorer la sécurité. Dans l'approche mise en évidence par le modèle des limites d'exploitation sûre, où les pressions concurrentes sont cernées et gérées en amont, tous les intervenants doivent prendre des mesures de concert dont celles pour assurer un soutien et une intégration à la verticale (c.-à-d. la diffusion des décisions vers le bas à travers les couches, suivie de la remontée de l'information à travers les couches) pour identifier et contrôler des risques. Ce modèle montre qu'en augmentant les pressions de sécurité tout en réduisant les pressions sectorielles et opérationnelles, on améliorera la sécurité des activités de taxi aérien.
Aux fins du présent rapport, nous définissons les divers intervenants comme suit :
Clients : les clients d'affaires (p. ex., sociétés minières ou d'énergie) qui nolisent des taxis aériens pour leur personnel; les passagers individuels à bord d'un vol particulier. Ils peuvent influer négativement sur la sécurité (en exerçant une pression implicite ou explicite pour que le vol se déroule), ou positivement (en étant des consommateurs avertis qui refusent les pratiques non sécuritaires). Les clients sont au sommet de l'organisation verticale du secteur du taxi aérien.
Organisme de réglementation : Transports Canada (TC), comme organisme de réglementation, établit la réglementation et les normes auxquelles les exploitants sont assujettis et qu'ils sont tenus de respecter. TC doit également appliquer la réglementation et les normes et surveiller la conformité des compagnies.
Associations : les associations sectorielles représentent les intérêts de leurs membres : faisant pression pour changer la réglementation, partageant les pratiques exemplaires avec exploitants et clients, et fournissant du matériel didactique.
Fournisseurs de services : les services de navigation aérienne (contrôle de la circulation aérienne, aides à la navigation, cartes) et les exploitants d'aérodrome (dégivrage, enlèvement de la neige, entretien des pistes). Il y a des coûts associés à ces services, et ces coûts influent sur les pressions sectorielles (limite économique).
Exploitants : les compagnies titulaires de certificats d'exploitation aérienne pour leurs activités de taxi aérien. L'exploitant exerce la plus grande influence sur la gestion de la sécurité des opérations aériennes.
Personnes : personnel d'exécution (pilotes, techniciens d'entretien d'aéronef [TEA], régulateurs des vols, etc.). Ces personnes sont aux premières lignes de la gestion du risque sur le terrain, surtout dans le secteur du taxi aérien où elles évoluent fréquemment avec moins de ressources et moins de soutien que dans d'autres secteurs de l'aviation, comme celui des lignes aériennes. Les personnes sont à la base, soit au niveau vital de l'intégration verticale du secteur du taxi aérien dans toute compagnie.
5.5.3 Pressions concurrentes dans le secteur du taxi aérien
Les 9 premiers thèmes de sécurité sont des pressions sectorielles (jaune). Les 4 thèmes de sécurité suivants sont des pressions opérationnelles (orange). Les 6 derniers thèmes de sécurité sont des pressions de sécurité (vert), déterminés au moyen de la méthode d'analyse comparative constante des données à partir des 19 thèmes de sécurité définis à la phase 2 de la SII et enrichis par les données de la phase 1. Ces thèmes de sécurité illustrent les défis quotidiens que présentent les activités dans le secteur du taxi aérien, et le dynamisme dont fait preuve une compagnie pour mener des opérations aériennes sécuritaires.
Les tableaux ci-dessous résument ces thèmes de sécurité. Ils donnent une description générale du risque et une conclusion pour chaque thèmeNote de bas de page 245, ainsi qu'une synthèse des mesures recommandées par les exploitants ou les inspecteurs de TC au cours des consultations auprès de l'industrie. Y figurent également toute mesure qui a déjà été prise, de même que les recommandations pertinentes actives du BST.
Thème de sécurité | Risque et conclusion | Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC et recommandations pertinentes actives du BST |
---|---|---|
Aérodromes et infrastructures | Description du risque Des vols vers certaines régions éloignées ou collectivités nordiques où l'infrastructure des aérodromes est limitée pourraient se dérouler dans des conditions de sécurité inférieures. Conclusion Les collectivités éloignées et nordiques canadiennes doivent être pourvues d'aérodromes aux installations et à l'infrastructure appropriées pour que les exploitants de taxis aériens puissent leur offrir des services aériens sûrs. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
Recommandations pertinentes actives du BST
|
Disponibilité de personnel qualifié | Description du risque Il pourrait ne pas y avoir assez de personnel qualifié pour que les exploitants de taxis aériens assurent la sécurité dans leurs activités. Conclusion
|
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Évitement des collisions en vol | Description du risque L'absence de services de navigation aérienne dans certaines régions ainsi que le non-respect de procédures de communication établies peuvent entraîner une réduction du niveau de sécurité. Conclusion Des procédures et des services d'évitement du trafic sont absolument nécessaires pour atténuer le risque de collision. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Interruptions et distractions | Description du risque Les interruptions et les distractions peuvent entraîner une augmentation de la charge de travail; par conséquent, le personnel se concentre sur une ou quelques tâches au détriment d'autres. Conclusion Des politiques d'entreprise et des procédures d'utilisation normalisées bien pensées sont essentielles pour réduire les risques d'interruption ou de distraction du personnel. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Évacuations aéromédicales | Description du risque La prise de décisions opérationnelles est plus complexe, et peut être compromise quand un pilote ou un équipage de conduite prend en compte l'état d'un patient. Conclusion La nature particulière des évacuations aéromédicales peut provoquer énormément de stress chez les pilotes, ce qui peut avoir des répercussions néfastes sur leur prise de décisions. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Vols de nuit | Description du risque Dans les vols de nuit, un manque de repères visuels peut réduire le niveau de sécurité. Conclusion Des repères visuels adéquats sont essentiels à la sécurité des vols de nuit. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
Recommandations pertinentes actives du BST
|
Technologie embarquée | Description du risque Un exploitant qui manque de technologie embarquée ne bénéficie pas de ses avantages pour la sécurité. À l'opposé, la technologie peut créer une forte dépendance qui risque d'étioler les compétences de base en pilotage. Conclusion La technologie évoluée, si employée dans une opération, peut améliorer sensiblement la sécurité des activités de taxi aérien. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
Recommandations pertinentes actives du BST
|
Possibilités de survie | Description du risque Le contexte des opérations de taxi aérien, combiné à des exposés inefficaces sur les mesures de sécurité et à la mauvaise utilisation de l'équipement de sécurité, réduit la probabilité de survie en cas d'accident. Conclusion La résistance de l'aéronef à l'impact, les exposés de sécurité et l'équipement de secours sont autant de facteurs essentiels pour accroître les possibilités de survie des occupants en cas d'accident. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
Recommandations pertinentes actives du BST
|
Renseignements météorologiques | Description du risque Des renseignements météorologiques inexacts ou incomplets nuisent à la sécurité. Conclusion L'exactitude des renseignements météorologiques est un élément essentiel de la planification des vols. Elle permet aux pilotes de prendre des décisions éclairées en fonction des conditions météorologiques. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Thème de sécurité | Risque et conclusion | Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC et recommandations pertinentes actives du BST |
---|---|---|
Acceptation de pratiques non sécuritaires | Description du risque Des accidents ou des incidents peuvent se produire lorsque les compagnies ne reconnaissent pas des pratiques non sécuritaires ou n'y parent pas. Conclusion Si des pratiques non sécuritaires ne sont pas reconnues et des mesures d'atténuation ne sont pas prises, ou si de telles pratiques sont acceptées au fil du temps en tant que méthodes de travail « normales », le risque d'accident est augmenté. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Fatigue | Description du risque La gestion inefficace de la fatigue peut entraîner une réduction du niveau de sécurité dans tous les aspects d'une exploitation. Conclusion L'altération du rendement due à la fatigue a un effet négatif sur la sécurité aérienne. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Entretien des aéronefs de taxi aérien | Description du risque Les défis de l'entretien ou du remplacement de taxis aériens peuvent mener à des décisions qui réduisent le niveau de sécurité. Conclusion Le maintien des aéronefs en état de service est essentiel à la sécurité des vols. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Pression liée à l'opération | Description du risque L'impact des pressions liées à l'opération pourrait mener à la prise de décisions qui entraînent l'acceptation de pratiques non sécuritaires. Conclusion Les pressions internes et externes, y compris la pression de produire des résultats, peut influer négativement sur la sécurité. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
|
Thème de sécurité | Risque et conclusion | Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC et recommandations pertinentes actives du BST |
---|---|---|
PDM/CRM | Description du risque Les risques opérationnels pourraient être plus grands si les pilotes n'ont pas les compétences cruciales pour prendre des décisions sécuritaires de manière à gérer efficacement les risques. Les risques opérationnels peuvent être plus élevés si les gestionnaires, les superviseurs et les pairs ne soutiennent pas ni ne renforcent les pratiques PDM/CRM. Conclusion La PDM et la CRM sont des compétences cruciales qui aident les équipages de conduite à gérer les risques associés aux opérations aériennes. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
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Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes | Description du risque Des membres du personnel opérationnel qui n'ont pas les compétences et les connaissances nécessaires ne pourront peut-être pas gérer efficacement les risques opérationnels. Conclusion Il est essentiel de donner de la formation aux pilotes et autre personnel d'opérations aériennes pour perfectionner les connaissances et compétences dont ils ont besoin pour gérer efficacement les divers risques associés aux opérations de taxi aérien. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
Recommandation pertinente active du BST
|
Formation des TEA | Description du risque Des lacunes dans la formation initiale ou la formation périodique peuvent entraîner une baisse du niveau de sécurité dans les opérations. Conclusion Les TEA qui travaillent pour des exploitants de taxis aériens doivent posséder de vastes connaissances techniques pour que la maintenance assure l'état de navigabilité des nombreux différents types et modèles d'aéronefs utilisés dans ce secteur. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
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Gestion de la sécurité | Description du risque La gestion de la sécurité des exploitants n'a pas nécessairement suivi les progrès réalisés en aviation. Conclusion La gestion efficace de la sécurité est importante pour que les exploitants puissent proactivement cerner les dangers et réduire les risques au plus bas niveau raisonnablement possible. |
Mesures suggérées par les exploitants ou les inspecteurs de TC
Recommandations pertinentes actives du BST
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Cadre réglementaire | Description du risque Des règlements dépassés ou inefficaces et des lacunes de la réglementation peuvent entraîner une baisse du niveau de sécurité. Conclusion Pour atteindre un niveau de sécurité acceptable, la réglementation doit suivre les progrès réalisés en aviation. |
Mesures suggérées
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Surveillance réglementaire | Description du risque L'inefficacité ou l'inefficience de la surveillance réglementaire pourrait entraîner une baisse du niveau de sécurité. Conclusion Un système de surveillance réglementaire rigoureux portant sur la promotion, la surveillance et le renforcement de la sécurité est essentiel pour que les exploitants obtiennent le soutien dont ils ont besoin afin de gérer efficacement les risques liés à leur activité et d'être conformes aux règlements. |
Mesures suggérées
Recommandations pertinentes actives du BST
|
5.6 Améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien au Canada
5.6.1 Pression de sécurité
Certaines mesures prises pour augmenter les pressions de sécurité pourraient également réduire les pressions sectorielles et pressions opérationnelles. Ces mesures seraient très efficaces globalement, car elles agissent sur les 3 pressions simultanément, augmentant la pression de sécurité sur le point opérationnel tout en réduisant les pressions sectorielles et opérationnelles qui poussent contre un point opérationnel sécuritaire. Par exemple, la mise en œuvre de la gestion de la sécurité dans le secteur du taxi aérien fournirait des processus et des connaissances pour cerner les dangers et les risques en amont (augmentant la pression de sécurité) et pour utiliser la planification et la mise en place de mesures correctives pour atténuer les risques (réduisant les pressions opérationnelles [p. ex., la fatigue] ou sectorielles [p. ex., en améliorant l'accès aux renseignements météorologiques]). D'une part, la dynamique du modèle des limites d'exploitation sûre montre que les pressions de sécurité sont les plus puissantes pour influencer le changement; d'autre part, la structure du modèle montre que tous les intervenants ont un rôle à jouer pour influer sur ce changement, étant donné la complexité du secteur, et qu'ils doivent collaborer pour faire en sorte que les décisions et les informations circulent chez tous les intervenants.
Comme la culture de la sécurité reflète ce qui a de l'importance et de la valeur pour les membres d'une entreprise, c'est un déterminant essentiel de leur comportement quotidien. La culture de la sécurité communique tacitement les attentes aux nouveaux ou anciens membres de l'organisation qui influent sur le niveau de sécurité de l'exécution du travail ainsi que sur le degré de participation des membres aux processus de la compagnie. La culture est profondément enracinée et son incidence sur la sécurité peut ne pas être immédiatement évidente pour les personnes qui œuvrent au sein de ces cultures.
La culture de la sécurité est la façon dont la sécurité est perçue, valorisée et privilégiée au sein d'une entreprise. Une culture de sécurité positive et axée sur la prévention reflète un engagement réel envers l'exploitation sécuritaire à tous les niveaux (c.-à-d. l'intégration verticale de l'information) dans une compagnie. On peut également la décrire comme la « manière dont une entreprise se comporte quand personne ne l'observeNote de bas de page 246 ». La culture de sécurité de l'entreprise est influencée par les valeurs, les attitudes et les comportements des intervenants.
Une culture de sécurité positive est essentielle pour gérer efficacement la sécurité, domaine où le style et l'engagement de la direction influent grandement sur la culture de sécurité. La direction donne le ton quant à la façon de faire et la façon de prendre des décisions, et quant à savoir si cela renforce ou compromet une culture de sécurité positive. Dans cette optique, il est crucial d'accorder la priorité aux facteurs de sécurité dans toutes les décisions prises dans l'entreprise. C'est une première étape pour mettre en place un système de gestion de la sécurité accueillant la participation de tous.
L'une des difficultés pour établir la culture de sécurité positive souhaitée est que les personnes travaillant pour une entreprise ne s'aperçoivent pas toujours de l'efficacité réelle de leur culture de sécurité. De là l'utilité des évaluations menées par des organismes externes (clients ou associations industrielles) qui examinent la culture de sécurité sur le terrain : ces évaluations fournissent un bilan objectif pouvant servir à améliorer la culture de sécurité. De même, une surveillance pratique régulière de TC permettrait au ministère de mieux comprendre la culture de sécurité de l'entreprise et l'aiderait à affecter ses ressources limitées en fonction d'observations concrètes et non d'évaluations sur papier.
La mise en place d'une culture de sécurité positive présente de nombreux défis; il s'agit néanmoins d'une première étape nécessaire pour que les exploitants forgent la mentalité requise pour bien gérer les risques liés à leurs activités. Ces efforts et investissements finiront par entraîner l'émergence d'une culture de sécurité positive où tous les intervenants considéreront les pratiques non sécuritaires comme inacceptables et où l'on gérera les risques de manière à les réduire au plus bas niveau raisonnablement possible, ce qui améliorera la gestion des dangers opérationnels.
Les résultats de la SII et le modèle des limites d'exploitation sûre adapté par l'équipe d'enquêteurs montrent que la façon la plus efficace d'améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien est d'augmenter les pressions de sécurité par l'influence et la participation de tous les intervenants. L'étude a cerné 6 thèmes de sécurité qui exercent une pression de sécurité dans le secteur du taxi aérien :
- formation des pilotes;
- formation d'autre personnel d'opérations aériennes et des TEA;
- formation PDM/CRM;
- gestion de la sécurité;
- cadre réglementaire;
- surveillance réglementaire.
Les sections qui suivent se penchent sur des mesures de sécurité potentielles pour chacun de ces thèmes.
5.6.1.1 Formation des pilotes, d'autre personnel d'opérations aériennes et des techniciens d'entretien d'aéronef
La formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes sert à s'assurer qu'ils ont les connaissances et compétences nécessaires pour exécuter leurs tâches et leurs responsabilités et qu'ils perfectionnent les aptitudes requises pour prendre des décisions pour gérer efficacement les risques associés aux opérations aériennes.
Quoique les opérations aériennes commerciales aient beaucoup de points communs, les exigences de formation sont moins strictes pour les pilotes de taxi aérien que pour ceux de services aériens de navette ou de transport aérien régulier. La SII a permis de cerner des problèmes de formation dans de nombreux types d'accidents, en particulier la formation sur les aéronefs ou l'équipement; la formation PDM/CRM; la formation sur les opérations.
La sous-partie 703 du RAC, qui régit les activités de taxi aérien, prescrit une formation obligatoire pour certaines activités à risque élevé spécialisées, comme les vols de nuit. Par contre, aucune exigence de la sorte ne s'impose sur plusieurs autres activités spécialisées, comme les vols en montagne ou côtiers. Corollairement, le contenu d'une formation obligatoire pourrait ne pas couvrir les nombreuses exigences uniques aux activités de taxi aérien. Sans formation spécialisée obligatoire sur les activités à risque élevé, les pilotes pourraient ne pas avoir les connaissances et compétences pour assurer la sécurité des opérations aériennes.
Des exploitants ont affirmé que l'on devrait rehausser les exigences de formation actuelles dans le secteur du taxi aérien. Plusieurs d'entre eux estiment que le temps de formation minimal prévu par la réglementation est insuffisant; par conséquent, la formation pourrait être concentrée, et les sujets pourraient ne pas être suffisamment décortiqués. La formation doit être adaptée aux besoins de l'exploitation ainsi qu'aux niveaux d'expérience du personnel. Certains pilotes novices et moins expérimentés peuvent avoir besoin d'une formation supplémentaire en lecture de cartes et en pilotage manuel, par exemple, afin de moins dépendre des systèmes de positionnement mondial (GPS) ou des systèmes d'automatisation. Les pilotes plus expérimentés peuvent avoir besoin d'une formation supplémentaire pour utiliser la technologie de pointe dans des aéronefs plus anciens.
Tous les pilotes qui effectuent des vols d'évacuation aéromédicale (MEDEVAC) gagneraient à suivre une formation sur la gestion du stress à la suite d'un incident critique afin de mieux gérer les enjeux psychologiques et affectifs de ce type d'opération.
Les interruptions et les distractions sont de graves problèmes de sécurité qui ont été signalés à plusieurs reprises dans le passé. Le personnel des opérations aériennes gagnerait à suivre une formation sur la gestion des interruptions et des distractions. Les autres employés de l'entreprise devraient également suivre une formation sur les interruptions et les distractions au cours des préparatifs avant le vol. En qui concerne le personnel d'entretien, ces interruptions et distractions constituent aussi de graves problèmes de sécurité pendant les tâches d'entretien essentielles; par conséquent, ce personnel et celui qui l'entoure devraient suivre une formation sur les incidences de ces interruptions et distractions.
Parallèlement, chaque pilote doit être responsable du perfectionnement continu de ses connaissances et de ses compétences : par exemple, en maintenant ou en perfectionnant ses compétences de pilotage manuel.
De même, il faut créer et promouvoir des programmes d'éducation des clients afin de faire d'eux des consommateurs de services de taxi aérien avertis.
La mentalité influe sur les mesures et les décisions d'une entreprise et, par extension, sur la façon dont la formation est donnée et reçue. En ce qui concerne la PDM, la formation n'est efficace que si elle est donnée avec une attitude mettant de l'avant la sécurité dans les prises de décision. Cela signifie qu'il ne faut pas toujours utiliser la méthode la plus efficace, mais accorder la priorité aux modes d'action plus sécuritaires, même lorsque les coûts sont plus élevés en temps et en argent.
5.6.1.2 Prise de décision du pilote et gestion des ressources de l'équipage
Les exploitants à qui l'on a demandé d'indiquer les problèmes qui posaient le plus grand risque global pour la sécurité en ont soulevé 2, liés à la PDM et à la CRM, qui pouvaient augmenter la probabilité de décisions non sécuritaires :
- compétences et formation insuffisantes en PDM/CRM;
- inaptitude à mettre en pratique la formation PDM/CRM dans le milieu opérationnel (culture de sécurité au sein de l'exploitation).
Les exploitants ont indiqué que l'insuffisance ou l'inefficacité de la formation ainsi que l'inexpérience des équipages contribuaient à des compétences inadéquates en PDM; et que l'absence de formation sur la CRM contribuait à la faiblesse en CRM dans les environnements d'équipage multiple.
Les exploitants ont soutenu que la formation est la façon d'améliorer la PDM et la CRM. Ils ont toutefois remis en question l'efficacité des cours PDM ou CRM en ligne, qui ne comprennent pas les éléments discussion et application pratique des concepts PDM ou CRM de la formation en classe ni l'avantage de tirer des leçons des expériences d'autrui. Néanmoins, la formation ne suffirait pas, à elle seule, à améliorer la PDM et la CRM; elle doit s'appuyer sur une culture d'entreprise faisant que les mesures et les décisions d'exploitation sécuritaires sont la norme.
La Circulaire d'information CI 700-042, « Gestion des ressources de l'équipage (CRM) » de TC est entrée en vigueur le 31 juillet 2017. Les nouvelles exigences en matière de PDM/CRM y figurant devaient être mises en œuvre le 31 janvier 2019. Cependant, TC a depuis publié une exemption pour reporter la mise en œuvre de cette norme au 30 septembre 2019 Note de bas de page 247.
5.6.1.3 Gestion de la sécurité
L'approche traditionnelle à l'égard de la gestion de la sécurité est fondée sur la conformité aux règlements et une réponse réactive aux incidents et aux accidents. Même si le respect des règlements en matière de sécurité est fondamental, les exploitants qui ne font que se conformer aux normes établies par les règlements ne sont pas bien placées pour cerner les problèmes de sécurité émergents. Selon le Manuel de gestion de la sécurité de l'Organisation de l'aviation civile internationale :
À mesure que l'activité aérienne à l'échelle mondiale continue de prendre de l'ampleur et devient plus complexe, [...] les méthodes traditionnelles de réduction des risques pour la sécurité à un niveau acceptable [perdent] en efficience et en efficacité. Il est nécessaire d'adopter des méthodes différentes et évoluées pour comprendre et gérer la sécurité Note de bas de page 248.
L'un des scénarios dans lesquels des accidents peuvent se produire dans des systèmes complexes, comme l'exploitation des taxis aériens, est la dérive vers la défaillance : les éléments de ces systèmes interagissent, évoluent et s'adaptent à de nouvelles situations d'une manière qui n'est pas toujours visible ou contrôlable, mais qui peut pousser le point opérationnel à l'intérieur de la marge de sécurité, augmentant ainsi le niveau de risque opérationnel et de dérive vers la défaillance. L'approche classique de la sécurité est inefficace pour gérer cette dérive.
Les pratiques modernes de gestion de la sécurité favorisent une recherche proactive des dangers, une identification des risques et l'adoption des meilleurs moyens de défense pour réduire les risques à un niveau acceptable. Elles permettent de détecter une dérive par rapport aux pratiques d'exploitation sûres. Ces principes doivent être enracinés dans la gestion de l'entreprise de façon à ce que les politiques, la planification, les procédures et la mesure des performances soient intégrés dans les opérations quotidiennes. Cela est possible grâce à une culture qui permet aux personnes de s'exprimer, de poser des questions et de prendre des décisions dans l'intérêt de la sécurité.
Dans un système aussi complexe que celui des taxis aériens, les mesures individuelles ne contrôlent presque rien, mais influent sur presque tout Note de bas de page 249. Dans un tel système, les mesures individuelles ne représentent qu'une infime partie de la pression générale exercée sur le point opérationnel. Les intervenants doivent conjuguer leurs actions ou leurs influences afin de provoquer un changement du système, d'où la nécessité de tenir compte de toutes les influences s'exerçant sur l'exploitation des taxis aériens. La réglementation ne peut, à elle seule, contrôler tous les risques et rendre l'exploitation des taxis aériens sécuritaire.
Un système de gestion de la sécurité (SGS), de manière générale, est un cadre formel visant l'intégration de la sécurité dans tous les aspects des activités quotidiennes d'un organisme, y compris l'ensemble des structures, des responsabilités, des politiques et des procédures organisationnelles nécessaires. Ainsi [traduction] « il devient partie intégrante de la culture de l'organisation et de la façon dont les employés s'acquittent de leurs fonctions Note de bas de page 250 ». Un SGS constitue un cadre de référence pour cette recherche proactive de dangers et pour la gestion du risque dans l'ensemble du système. Tandis que les employés prennent régulièrement des décisions au sujet du risque, le SGS se concentre sur la gestion du risque organisationnel tout en incluant et en respectant les décideurs en première ligne.
Le SGS est obligatoire pour les transporteurs aériens réguliers, leurs entreprises d'entretien d'aéronefs, les aéroports et les fournisseurs de services de navigation aérienne, mais pas pour les exploitants de taxis aériens. Par conséquent, environ 90 % de tous les titulaires de certificat d'aviation canadien ne sont toujours pas tenus d'avoir de SGS, selon la réglementation en vigueur Note de bas de page 251. En 2016, le BST a recommandé que Transports Canada (TC) exige que tous les exploitants d'aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme Note de bas de page 252.
Plus de 10 ans après la mise en place de la première réglementation sur les SGS des compagnies aériennes et des entreprises d'entretien d'aéronefs de ces compagnies, la mise en œuvre des SGS pour les services de travail aérien, les taxis aériens et les services aériens de navette semble avoir stagné. Le BST a souligné à maintes reprises les avantages du SGS (voir la section 4.2.17 Thème de sécurité : Gestion de la sécurité). Le SGS figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010. Depuis, il n'y a eu aucun progrès en vue d'élargir la mise en œuvre du SGS pour les opérations de taxi aérien. TC s'y était auparavant engagé, mais il a fait marche arrière à ce sujet.
L'étape de la SII consacrée à la consultation auprès de l'industrie a montré que certains exploitants appuyaient totalement l'idée d'imposer à tous les exploitants de taxis aériens de mettre en place un SGS en vertu des règlements; toutefois, d'autres exploitants ont jugé que les mesures informelles fonctionnaient bien et que la mise en place d'un SGS complet serait un fardeau pour les petits exploitants de taxis aériens. Sur ce point, le contexte et la diversité des activités de taxi aérien soulignent la nécessité de mettre en place un SGS adapté au type d'exploitation (p. ex. un SGS pour les petits exploitants d'hydravions différent de celui des exploitants qui effectuent des vols selon les règles de vol aux instruments [IFR] sur des multimoteurs), car, en ce qui concerne le SGS, l'approche universelle est inefficace.
La présente SII a montré que les exploitants étaient capables d'adopter des principes de gestion de la sécurité modernes. Certains utilisent des mesures simplifiées, et d'autres utilisent un SGS qu'ils ont volontairement mis en œuvre. Dans tous les cas, les mesures prises sont adaptées aux besoins des opérations. Toutefois, TC n'évalue pas et ne vérifie pas les SMS volontairement mis en place. Ainsi, TC n'évalue pas, ne surveille pas et ne contrôle pas le SGS des exploitants de taxis aériens.
L'implantation d'un SGS est un processus ardu, exigeant que l'entreprise passe d'une culture de la conformité à une culture de la gestion proactive de la sécurité : elle devra chercher préventive les dangers et les moyens de les atténuer avant qu'un accident se produise. Grâce à l'engagement de l'entreprise et à la formation, les employés bénéficieront d'un soutien au cours de cette période de transition pendant laquelle ils seront encouragés à prendre de sages décisions et à refuser les pratiques non sécuritaires. Ce passage est d'autant plus difficile pour des petites entreprises qui ne possèdent ni le personnel ni la structure organisationnelle comparables à celle des gros transporteurs aériens. L'éducation sur la culture de la sécurité, les outils et pratiques de gestion de la sécurité et la gestion du risque aidera les exploitants à mettre en place une gestion préventive de la sécurité. De plus, l'adoption d'une culture d'apprentissage qui utilise les incidents et les quasi-accidents comme sources d'information sur le risque et qui permet aux collègues de tirer des leçons des expériences d'autrui aidera également à assurer une gestion préventive de la sécurité.
Certains exploitants prennent les devants : ils cernent et atténuent les risques et prennent des mesures qui vont au-delà des exigences réglementaires. Certains d'entre eux offrent par exemple un entraînement préparatoire en vol, bien qu'il n'existe aucune exigence sur cette formation dans la sous-partie 703 du RAC. Autre exemple, des exploitants dont les activités sont assujetties aux sous-parties 703 et 704 mènent les activités régies par la sous-partie 703 de manière à respecter les exigences plus strictes de la sous-partie 704.
Pour cette raison, on pourrait raisonnablement s'attendre à ce que TC, qui fait la promotion des SGS pour l'ensemble de l'industrie de l'aviation, fournisse à ces organisations de l'information sur le concept de gestion de la sécurité et facilite l'implantation d'un SGS. D'autre part, si les SGS ne sont pas exigés, évalués et surveillés par TC afin d'assurer une amélioration continue, il y a un risque accru que les entreprises n'arrivent pas à repérer et atténuer efficacement les risques liés à leurs opérations.
Avec un cadre de SGS, une culture de sécurité positive ainsi qu'un soutien et une surveillance réglementaires appropriés, les exploitants pourront mettre en place un SGS évolué et évolutif. Un tel SGS augmentera la pression de sécurité, tout en réduisant les pressions sectorielles et opérationnelles. Néanmoins, même un SGS bien adapté et évolué a ses limites : les exploitants ont besoin du soutien des autres intervenants pour garantir son efficacité à supprimer l'acceptation de pratiques non sécuritaires et améliorer la gestion des dangers opérationnels.
5.6.1.4 Cadre réglementaire
La réglementation établit une norme de gestion des risques les plus courants. Le secteur du taxi aérien a besoin d'une réglementation qui tienne compte de ses différences par rapport aux autres types de services aériens commerciaux et de la diversité de ses activités, même au sein du secteur (avions, hélicoptères, hydravions et évacuations aéromédicales). La nature des activités de taxi aérien est cependant si complexe, qu'elle limite l'applicabilité d'une réglementation et de normes universelles dans ce secteur. Par-dessus tout, les actions qu'imposent la réglementation et les normes doivent augmenter la capacité des équipages, des entreprises et des clients de cerner et d'atténuer les risques proactivement en reconnaissant les limites de leurs ressources et les pressions concurrentes.
Un examen des 167 ayant fait l'objet de rapports d'enquête du BST publiés au cours de la période d'étude a révélé 30 faits, regroupés dans 19 enquêtes, où des problèmes de réglementation ont mené à un niveau de sécurité moindre dans les activités de taxi aérien. Certains faits issus de ces enquêtes (comme la compétence et l'aptitude du personnel clé, la formation et l'équipement) sont corroborés par les consultations auprès de l'industrie qui ont eu lieu au cours de cette étude.
Des exploitants ont déclaré que les règlements et normes actuels sur l'exploitation des taxis aériens n'avaient pas suivi les progrès réalisés dans le secteur. Le processus de modification des règlements et des normes peut prendre tant d'années que qu'ils sont dépassés avant même d'entrer en vigueur. Pour exercer une pression de sécurité constante, la réglementation et les normes doivent constamment suivre les progrès réalisés dans le secteur de l'aviation.
5.6.1.5 Surveillance réglementaire
Au cours de la phase 2 de la présente SII, certains exploitants ont décrit les problèmes de surveillance comme étant les principaux risques associés aux activités de taxis aériens. Ces problèmes comprenaient la pénurie d'inspecteurs et d'autres ressources à TC, la fréquence et l'objet des activités de surveillance, la formation inadéquate des inspecteurs pour mener des activités de surveillance, ainsi que l'interprétation et l'application inégales des règlements.
Des enquêtes et des études de sécurité antérieures du BST ont mis en évidence le rôle de TC pour s'assurer que les exploitants sont capables de gérer les risques inhérents à leurs activités. En matière de surveillance réglementaire, TC est passé depuis 10 ans d'une approche fondée sur la conformité à une approche systémique qui comprend certaines activités visant la conformité et l'application des règlements. Cependant, les exploitants consultés ont maintes fois répété que les activités de surveillance actuelles sont axées sur l'examen de documents. En même temps, TC a réduit ses activités de sensibilisation et de promotion en matière de sécurité qui accompagnaient les activités de surveillance classiques.
Compte tenu de l'importance de la culture de sécurité dans la gestion efficace de la sécurité, les activités de surveillance de TC doivent tenir compte de la culture de sécurité de l'exploitant. Cela se fait le mieux en menant une variété d'activités de surveillance périodiques, tant planifiées qu'à l'improviste. Les activités de surveillance doivent aussi être soutenues par une exécution de la réglementation qui soit proportionnelle aux constatations de non-conformité.
Un système de surveillance réglementaire rigoureux portant notamment sur la promotion, la surveillance et le renforcement de la sécurité est essentiel pour que les exploitants obtiennent le soutien dont ils ont besoin pour gérer efficacement les risques liés à leur exploitation et être conformes au RAC.
5.6.2 Influence des intervenants
Pour que les intervenants gèrent le risque et mettent en œuvre des mesures d'atténuation efficaces, il est important de comprendre le contexte opérationnel (c.-à-d. les pressions opérationnelles et sectorielles) que doivent gérer les exploitants, et les défis de réglementer un secteur d'activité aussi diversifié. Dans un système aussi complexe que le secteur du taxi aérien, les intervenants ont le pouvoir d'influer sur les opérations à tous les niveaux pour qu'elles se déroulent de façon sécuritaire dans un milieu où les risques sont maintenus au plus bas niveau raisonnablement possible. La section suivante décrit les mesures de sécurité qui pourraient mener à des activités plus sécuritaires, en insistant sur les différents niveaux organisationnels.
5.6.2.1 Influences sur les pressions sectorielles
Thèmes de sécurité
liés aux pressions sectorielles
- Aérodromes et infrastructures
- Disponibilité de personnel qualifié
- Évitement des collisions en vol
- Interruptions et distractions
- Évacuations aéromédicales (MEDEVAC)
- Vols de nuit
- Technologie embarquée
- Possibilités de survie
- Renseignements météorologiques
Les thèmes de sécurité qui font partie des pressions sectorielles sont abordés en détail aux sections 4.2.1 à 4.2.9 du présent rapport. Plusieurs exploitants qui ont été consultés à la phase 2 de la SII ont cerné ces points comme étant des dangers opérationnels. Les pressions sectorielles augmentent le risque dans le secteur du taxi aérien et sont liées au contexte opérationnel. Il y a plusieurs façons de gérer les pressions sectorielles.
Les clients qui nolisent des aéronefs pour se rendre à leurs propres chantiers peuvent aider les équipages de conduite à prendre de sages décisions en les informant de l'infrastructure en place et des dangers à la destination, et en installant plus d'infrastructure (p. ex., balisage, caméras météo), si nécessaire. Les clients peuvent donner de la formation à leurs employés sur l'équipement de protection individuelle (p. ex., VFI, combinaisons d'immersion, casques), l'évacuation subaquatique, ou d'autres aspects des possibilités de survie. Ils peuvent également donner de la formation sur les comportements attendus durant les vols, y compris l'importance de ne pas interrompre ou distraire l'équipage de conduite et d'être attentif durant les exposés sur les mesures de sécurité. Enfin, étant donné les défis du bassin de personnel compétent, les clients peuvent également revoir leurs exigences par rapport à l'expérience des équipages de conduite.
L'organisme de réglementation établit la réglementation et les normes qui régissent les activités de taxi aérien. Certains exploitants dépassent déjà ces normes et souhaiteraient plus de règlements et des normes plus strictes afin d'uniformiser les règles du jeu dans ce secteur concurrentiel aux faibles marges de profit. La réglementation actuelle ne suit pas l'évolution de la technologie (p. ex., ADS-B pour éviter les collisions en vol, enregistreurs légers), et le processus en place complique la tâche des exploitants qui veulent incorporer la nouvelle technologie dans leur flotte existante. Une révision de la réglementation et des normes s'impose afin qu'elles soient adéquates, suffisantes et à jour : par exemple, on doit clairement définir ce qu'est un « repère visuel adéquat » pour les vols de nuit, comme le demande la recommandation A16-08 du BST. Le BST a fait des recommandations à TC pour résoudre plusieurs questions de sécurité dans le secteur du taxi aérien. Plusieurs de celles-ci sont toujours actives, y compris celles sur les systèmes d'avertissement et d'alarme d'impact pour les vols de nuit et les vols dans des conditions météorologiques de vol aux instrumentsNote de bas de page 253, et sur les possibilités de survieNote de bas de page 254. Aborder ces recommandations corrigera des dangers spécifiques et réduira ainsi les pressions sectorielles.
L'organisme de réglementation et les fournisseurs de services doivent examiner l'état des aérodromes qu'utilisent les exploitants de taxis aériens pour s'assurer que les installations et l'infrastructure sont adéquates. Par exemple : longueur suffisante de piste pour les aéronefs attendus, possibilité d'approche RNAV, systèmes automatisés d'observation météorologique (AWOS), caméras météo, comptes rendus d'état de surface des pistes et équipement de dégivrage. La technologie peut aussi aider les fournisseurs de services à atténuer les pressions sectorielles, par exemple : technologie de compte rendu météorologique comme les systèmes AWOS ou les caméras météo, ou comptes rendus d'état de surface des pistes. La structure des services de navigation aérienne et de contrôle de la circulation aérienne peut réduire les pressions sectorielles grâce à la technologie ADS-B : l'utilisation des positions réelles des aéronefs pour surveiller le trafic et prévenir les abordages accroît la sécurité du service fourni. En outre, la technologie ADS-B peut accroître les possibilités de survie en fournissant rapidement une localisation précise aux ressources de recherche et sauvetage. Pareillement, les procédures d'arrivée et de départ par RNAV peuvent espacer le trafic, réduire le risque d'abordage et améliorer l'efficacité de la circulation, en particulier aux aérodromes au trafic mixte (aéronefs en régime IFR et VFR).
Les fournisseurs de services (exploitants d'aérodromes) peuvent réduire les pressions sectorielles et atténuer les risques associés aux vols de nuit en veillant à équiper leurs installations de dispositifs adéquats (balisage lumineux d'approche et de piste, approche GPS), et à avoir à disposition de l'information à jour sur les conditions météorologiques et l'état des pistes. Un plus grand nombre et de meilleures technologies de compte rendu météorologique (p. ex., AWOS, caméras météo) permettraient d'atténuer les risques liés aux conditions météorologiques. Toutefois, les stratégies d'atténuation que mettent en œuvre les fournisseurs de services sont directement liées à la limite économique du domaine d'exploitation sécuritaire : la technologie coûte, et les fournisseurs de services doivent soupeser les facteurs financiers au regard de l'utilisation, tout en conciliant sécurité et efficacité des opérations.
Les associations sectorielles peuvent participer à la réduction des pressions sectorielles en consultant les entreprises sur l'amélioration de l'infrastructure et les changements à la réglementation. Elles peuvent également partager les pratiques exemplaires avec leurs membres et distribuer des documents d'information aux voyageurs.
Les exploitants ont le devoir de gérer les risques propres à leurs activités et d'employer des stratégies d'atténuation pour réduire les pressions sectorielles. Beaucoup d'exploitants prennent les devants en adoptant des mesures qui vont plus loin que la réglementation en vigueur (p. ex., imposer des minima météorologiques supérieurs à ceux que stipule la réglementation). Ils abordent en outre d'autres questions de sécurité que la réglementation ne prévoit pas afin de réduire le risque de leurs activités spécifiques (p. ex., la formation en vol, qui n'est pas obligatoire en vertu de la sous-partie du RAC qui régit les activités de taxi aérien). Les exploitants peuvent influencer leurs clients en les éduquant afin de gérer les pressions sectorielles; par exemple, en leur donnant de l'information sur les minima météorologiques et les limites de l'infrastructure ou de l'équipement. L'organisme de réglementation peut lui aussi éduquer directement le public (y compris les clients potentiels) par des campagnes d'information sur les problèmes liés aux pressions sectorielles, comme les possibilités de survie.
Les politiques des compagnies peuvent servir de solide fondation pour aider les personnes qui prennent des décisions opérationnelles; beaucoup de compagnies vont plus loin que la réglementation en vigueur : par exemple, en mettant en place des politiques sur la fatigue qui peuvent servir à gérer la fatigue des équipages en astreinte. D'autres politiques peuvent servir de mesure d'atténuation : par exemple les politiques sur l'utilisation de téléphones cellulaires pour gérer les interruptions et les distractions. Une politique, une procédure ou une liste de vérification sur les renseignements à inclure dans les exposés sur les mesures de sécurité pour passagers aidera les équipages de conduite individuels à utiliser la même norme pour les donner.
Les membres d'équipage individuels (pilotes, techniciens d'entretien d'aéronef et autre personnel d'opérations aériennes) sont aux premières lignes des opérations; ce sont donc eux qui sont le plus poussés par les pressions sectorielles. Des outils, des procédures et des politiques établis à l'avance permettraient d'atténuer plusieurs de ces pressions. Par exemple, pour gérer les interruptions et distractions, on pourrait utiliser des listes de vérification pour effectuer des tâches cruciales et suivre un procédé mnémonique normalisé, comme mettre un signet de sécurité là où la tâche a été interrompue. Les procédures normalisées peuvent également comprendre des lignes directrices sur l'établissement des priorités et le partage des tâches pour les opérations à équipage multiple. Il incombe aux pilotes et membres d'équipage et au personnel de soutien et de gestion de suivre le plan d'action le plus sûr ou d'intervenir pour mettre fin à des pratiques de travail dangereuses.
La PDM est un outil essentiel que les pilotes peuvent utiliser pour atténuer les pressions sectorielles. Elle peut comprendre l'obtention préalable de renseignements sur les aérodromes éloignés ou inconnus (p. ex., les conditions de piste, les limites de performance sur piste courte, les obstacles et la topographie), ainsi que l'intégration de la composante de sécurité dans toutes les décisions (pour faire contrepoids aux influences psychologiques ou émotionnelles qui pourraient l'emporter sur le souci de sécurité, comme dans les vols d'évacuation aéromédicale). Le plus important, ce sont les pratiques PDM/CRM qui peuvent servir à atténuer toutes sortes de problèmes opérationnels, comme les problèmes d'infrastructure et les défis associés aux vols vers des aérodromes éloignés ou inconnus. La formation doit être exhaustive, suffisante et moderne. Elle doit préparer les pilotes, les TEA et tout autre personnel d'opérations aériennes au contexte opérationnel dans lequel ils travailleront. Même si les pilotes et autre personnel d'opérations aériennes affectés à ces opérations ont suivi une formation, les exploitants redoutent qu'elle soit inefficace, car les divers programmes de formation peuvent difficilement prévoir tous les scénarios d'exploitation à risque élevé. En outre, tous les intervenants (passagers, pairs, superviseurs) doivent appuyer le personnel à tous les niveaux pour qu'il puisse prendre des décisions et intervenir.
Les pressions sectorielles font partie du contexte des activités de taxi aérien; on peut, et l'on doit, les prévoir et les gérer avant le départ.
5.6.2.2 Influences sur les pressions opérationnelles
Thèmes de sécurité liés aux pressions opérationnelles
- Acceptation de pratiques non sécuritaires
- Fatigue
- Entretien des aéronefs de taxi aérien
- Pression liée à l'opération
Les thèmes de sécurité qui font partie des pressions opérationnelles sont abordés en détail aux sections 4.2.10 à 4.2.13 du présent rapport. Ces pressions augmentent considérablement les risques dans le secteur du taxi aérien et sont liées aux impératifs quotidiens d'efficacité.
Les clients ont un rôle à jouer comme consommateurs avertis de services aéronautiques. Prenons par exemple le programme « Circle of Safety » de la Federal Aviation Administration, qui a cours en Alaska pour informer les passagers de leurs droits et responsabilités. On encourage les passagers à ne pas présumer que tout est normal, d'exprimer leurs inquiétudes et de demander au pilote si l'aéronef est exploité conformément aux exigences réglementaires (p. ex., les conditions météorologiques, la visibilité et la masse et le centrage)Note de bas de page 255. Pour ce qui est des responsabilités des clients comme passagers, le BST a déjà soulevé la question des clients qui demandent des vols qu'il serait illégal d'effectuer, et qui pressent les exploitants d'accepter ces demandes déraisonnablesNote de bas de page 256. Ces demandes peuvent inclure : presser les pilotes de contourner les procédures d'utilisation normalisées, surcharger l'aéronef, hâter la maintenance d'un aéronef pour respecter l'horaire d'un client. Les exploitants qui accèdent à ces demandes accentuent la pression sur les TEA et les pilotes d'accepter des pratiques non sécuritaires.
Pour atténuer les pressions opérationnelles, il incombe à l'organisme de réglementation de développer des politiques, des lignes directrices, des règlements, des normes et du matériel didactiqueNote de bas de page 257. On doit actualiser la réglementation afin qu'elle suive l'évolution de la technologie et qu'elle tienne compte des modifications et mises à niveau apportées aux aéronefs plus âgés : par exemple, les aéronefs dont le constructeur d'origine n'existe plus et pour lesquels il devient difficile sinon impossible de trouver des pièces. On peut réviser le processus d'actualisation de la réglementation afin de s'assurer qu'il est opportun et qu'il ne soit pas onéreux pour les exploitants d'intégrer de la nouvelle technologie dans les aéronefs plus âgés. Une nouvelle réglementation est requise pour les TEA : par exemple, si le RAC comprend des dispositions sur les heures de travail et les périodes de repos des équipages de conduite, il n'en existe pas pour le personnel de maintenance. La formation PDM/CRM sera obligatoire le 30 septembre 2019.
L'organisme de réglementation pourrait aussi établir des lignes directrices et produire des documents d'information pour le public sur les risques des pratiques non sécuritaires (p. ex., surcharger l'aéronef ou voler en deçà des exigences de visibilité) et en faire des consommateurs avertis.
L'influence des fournisseurs de services sur les pressions opérationnelles est temporelle. Les services pourraient être retardés ou indisponibles au moment où les exploitants en ont besoin, par exemple : dépôt des plans de vol, exposés météorologiques, autorisations de circulation aérienne dans un environnement dépourvu de radar, déneigement, dégivrage/antigivrage, entretien de la piste.
Les associations peuvent atténuer les pressions opérationnelles par l'éducation et le lobbyisme. Elles peuvent éduquer les exploitants et les clients sur la fatigue, les pressions opérationnelles et les dangers d'accepter des pratiques non sécuritaires. Elles peuvent uniformiser les règles du jeu pour les exploitants par des mesures qui inciteraient leurs membres à respecter certaines normes de sécurité. La Tour Operators Program of Safety est l'une des associations qui adopte cette approche. Les associations peuvent également faire pression sur l'organisme de réglementation pour qu'il change la réglementation, et participer au Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne afin de revendiquer une nouvelle réglementation ou changer celle en vigueur.
Les exploitants donnent le ton dans leurs propres compagnies pour ce qui est d'établir et de promouvoir : une culture associée à la gestion de la sécurité; l'opposition aux pratiques non sécuritaires; l'élimination de leurs activités des conditions qui pourraient engendrer ces pratiques non sécuritaires (p. ex., faire pression sur les TEA pour qu'ils achèvent rapidement les tâches de maintenance). Les exploitants doivent donner une formation PDM/CRM adéquate et propre à leurs activités et soutenir les décisions d'exploitation sécuritaires grâce à une culture d'entreprise où la sécurité a priorité. La prise de décision liée à la maintenance d'aéronefs devrait faire partie de cette culture. On peut mettre en place des politiques pour cerner et atténuer les risques liés à la fatigue, et réviser les régimes de rémunération (comme la rémunération horaire) pour éviter de motiver les équipages à voler plus qu'ils ne le devraient. Les exploitants peuvent intégrer la sécurité dans leur prise de décision dès le début, au moment de soumissionner ou d'accepter un contrat, pour s'assurer qu'ils pourront l'honorer en toute sécurité.
Les personnes sont très influentes sur l'acceptation de pratiques non sécuritaires ou la dérive vers celles-ci tout en étant celles qui risquent le plus de ne pas reconnaître leurs dangers sous-jacents. Comme les pratiques non sécuritaires pourraient faire partie de la culture existante, il est parfois difficile d'en reconnaître les dangers, surtout si elles ont permis à maintes reprises d'effectuer des vols sans incident. C'est pourquoi il est important d'établir une culture d'entreprise où la sécurité fait partie intégrante de la prise de décisions. Chacun peut ainsi remettre en question les pratiques sans crainte de représailles. Érigée sur une solide fondation composée de procédures développées en fonction de la sécurité, cette culture donne aux personnes les connaissances et les compétences nécessaires pour déterminer leur aptitude au travail (p. ex., fatigue) et employer la PDM pour atténuer les pressions opérationnelles. Les exploitants doivent accepter les décisions des pilotes qui aident la compagnie, de même que celles qui pourraient causer des coûts additionnels (p. ex., vols retardés ou annulés à cause des conditions météorologiques).
L'influence des pairs est un important facteur de plus dans la transition d'une approche à la sécurité fondée sur la conformité à une approche active où toutes les décisions de la compagnie sont prises en fonction de la sécurité. Les pairs pourraient être à la tête d'un changement de culture en refusant d'accepter les pratiques non sécuritaires dans leurs tâches quotidiennes. Le partage d'information et d'expérience entre pairs est un moyen déterminant de réaliser le changement.
Les pressions sectorielles et opérationnelles influent sur les opérations quotidiennes (vols individuels) et sur l'exploitation en général. Les pressions de sécurité font aussi contrepoids à ces pressions.
5.6.2.3 Influences sur les pressions de sécurité
Thèmes de sécurité liés aux pressions de sécurité
- Prise de décisions du pilote et gestion des ressources de l'équipage
- Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes
- Formation des techniciens d'entretien d'aéronef
- Gestion de la sécurité
- Cadre réglementaire
- Surveillance réglementaire
Les thèmes de sécurité qui font partie des pressions de sécurité sont abordés en détail aux sections 4.2.14 à 4.2.19 du présent rapport. . Tous ces thèmes peuvent influer avantageusement sur l'efficacité de la gestion des dangers et des risques sont gérés dans le secteur du taxi aérien. Les pressions de sécurité font contrepoids aux pressions sectorielles et opérationnelles par des mesures prises à l'avance : formation, PDM/CRM, SGS, cadre réglementaire et surveillance réglementaire. La formation ainsi que le cadre et la surveillance réglementaires sont le fondement d'une prise de décision sage.
Les clients peuvent augmenter la pression de sécurité en favorisant une culture où des mesures de sécurité additionnelles sont requises (p. ex., demander à leurs employés de porter un VFI, effectuer des vérifications de sécurité, exiger un SGS) et en appuyant la prise de sages décisions. En étant des consommateurs avertis, les clients peuvent reconnaître les pratiques non sécuritaires et les dénoncer.
Comme organisme de réglementation, TC établit la réglementation et les normes qui font partie de la fondation pour gérer les pressions de sécurité dans les activités de taxi aérien. Cependant, la réglementation à elle seule ne peut garantir un niveau de sécurité acceptable, surtout dans ce secteur. Les actes individuels représentent une petite partie de la pression globale qui s'exerce sur le point opérationnel; dans le secteur du taxi aérien tout particulièrement, les efforts conjugués de tous les intervenants contribuent à maintenir le point opérationnel à l'intérieur du domaine d'exploitation sécuritaire. Cela comprend la réglementation et la surveillance, sans s'y limiter.
La capacité d'actualiser la réglementation et les normes en temps utile aura un effet positif sur les pressions de sécurité – point qui est souvent revenu sur le tapis au cours des consultations auprès de l'industrie. Par exemple : la technologie embarquée, les modifications apportées aux aéronefs plus âgés, les sous-catégories propres aux activités (hydravions, évacuations aéromédicales, hélicoptères, opérations IFR), les limites de temps de service et de consommation d'alcool/drogues pour les TEA, et la formation, la réglementation et les normes. On doit en outre réviser les certifications, qualifications et exigences opérationnelles du personnel opérationnel clé (p. ex., directeurs des opérations aériennes, chef pilote) pour s'assurer que le personnel clé est apte à s'acquitter des tâches et responsabilités de ses fonctions. La réglementation et les normes doivent aussi être révisées pour s'assurer que si un membre du personnel n'a pas les aptitudes voulues, les exigences comprennent des dispositions pour le remplacer.
La présente SII a montré qu'il faut améliorer les exigences actuelles de formation (p. ex., formation en vol, sur l'évacuation subaquatique) et que le temps de formation prévu par la réglementation est insuffisant. Par conséquent, le temps de formation pourrait être concentré, et certains sujets pourraient ne pas être suffisamment décortiqués. La phase de consultation auprès de l'industrie de la présente SII a également établi que les TEA pourraient avoir besoin de formation mieux définie et propre à des aéronefs particuliers, comme on le fait pour les pilotes.
La formation et l'éducation sont d'autres domaines où l'organisme de réglementation doit intervenir. De nouvelles exigences sur la PDM/CRM devront être mises en place le 30 septembre 2019; toutefois, pour que la formation PDM/CRM soit utile, il ne suffit pas de la rendre obligatoire. Les normes sur le déroulement de cette formation et sur qui la dirigera influeront énormément sur l'efficacité et l'utilité de celle-ci. La formation doit également porter sur les attitudes positives envers la sécurité et l'importance d'inclure la composante de sécurité dans toute prise de décisions. On renforcera ainsi une bonne PDM/CRM dans tous les aspects des opérations aériennes des intervenants. En pratique, cela signifie par exemple appuyer les décisions d'effectuer un vol ou d'y renoncer, respecter les limites de poids, installer des balances et avoir des formulaires et calculs de masse et centrage à tous les points de départ.
Cette formation doit également être évaluée et faire l'objet d'un suivi pour s'assurer qu'elle est valable et donnée correctement par des formateurs aux qualifications appropriées. En définitive, l'efficacité d'un programme de formation PDM/CRM contemporain dépend de la mesure dans laquelle l'exploitant intègre la PDM/CRM dans sa cultureNote de bas de page 258 et ses activités au quotidien. Les gestionnaires, superviseurs et pairs doivent soutenir et renforcer les pratiques PDM/CRM dans les opérations et actes de tous les jours.
Un SGS procure le cadre nécessaire (politiques, procédures, outils) d'une approche proactive de la gestion de la sécurité. TC exige à l'heure actuelle un SGS pour les compagnies de transport aérien régulier, mais pas pour celles de taxi aérien. Malgré cette lacune, plusieurs exploitants de taxis aériens intègrent les principes du SGS dans leurs opérations. Toutefois, n'étant pas obligatoires, ces SGS ne sont pas évalués en fonction d'une norme reconnue et représentent un coût additionnel qu'assument certains exploitants. C'est là que TC pourrait faciliter la mise en œuvre d'un SGS, c'est-à-dire en fournissant des lignes directrices appropriées, en particulier dans le contexte des activités de taxi aérien, où une approche universelle est inefficace.
Le SGS est un outil que l'on peut adapter en fonction de la taille et de la complexité de l'exploitation, sans en changer la nature essentielle. Les inspecteurs de TC doivent être formés pour fournir l'orientation nécessaire à la mise en œuvre d'un SGS taillé sur mesure dans le secteur du taxi aérien, et être habilités à le faire. Les inspecteurs de TC ont également besoin de formation et d'outils appropriés pour superviser l'efficacité d'un SGS dans le monde réel : par exemple, en assistant à la formation que donne un exploitant ou en effectuant des vols de contrôle ou des vérifications en service ou à l'aire de trafic. Ils auront ainsi une meilleure idée de la façon dont un exploitant mène ses activités au jour le jour, plutôt qu'évaluer simplement ses politiques et procédures sur papier.
Les inspecteurs de TC doivent avoir les qualifications et l'expérience pour surveiller des opérations spécialisées (p. ex., avoir la qualification hydravion et l'expérience pour évaluer et surveiller les opérations d'hydravions) et connaître la technologie utilisée dans le secteur du taxi aérien (ou le sous-secteur qu'ils surveillent). Puisqu'un système de gestion de la sécurité efficace exige une culture de sécurité positive, la surveillance de TC doit comprendre l'évaluation de la culture de sécurité de l'exploitant. La surveillance devrait comprendre le partage des pratiques exemplaires d'autres exploitants, et des résultats couvrant plus que le simple signalement des erreurs et les constatations de non-conformité. Par ailleurs, peu importe leur activité de surveillance, les inspecteurs de TC doivent être autorisés à agir immédiatement face à toute pratique non sécuritaire qu'ils constatent ainsi qu'à leurs facteurs sous-jacents. Les activités de surveillance doivent aussi être soutenues par des mesures d'application de la réglementation qui soient proportionnelles aux constatations de non-conformité. La période de surveillance maximale de 5 ans pourrait être insuffisante pour surveiller la sécurité de ce secteur d'activité. Le BST a émis des recommandations sur la mise en œuvre des SGS et les activités de surveillanceNote de bas de page 259. L'adoption de ces recommandations permettrait d'accroître les pressions positives sur la sécurité.
La collaboration entre exploitants et associations sectorielles en vue de développer un mécanisme de partage de données de sécurité, de pratiques exemplaires et de leçons apprises est un autre moyen d'accroître les pressions de sécurité. Les associations sectorielles peuvent également donner des séminaires, de la formation et des outils, ainsi que des guides et de la documentation. L'annexe D présente des exemples de façons dont les associations ont accru les pressions de sécurité dans leur secteur.
Plusieurs exploitants emploient une gestion de la sécurité en amont pour cerner les dangers et atténuer les risques associés à leurs activités, précisément pour accroître les pressions de sécurité. Pour accroître davantage les pressions de sécurité, les exploitants doivent également fournir la formation, l'équipement et les outils voulus pour établir et entretenir une culture d'exploitation sécuritaire qui favorisera l'utilisation efficace de la PDM/CRM au quotidien. Les exploitants peuvent utiliser ces mesures proactives d'atténuation sans attendre la réglementation de TC, et ainsi incorporer la composante de sécurité dans toutes les décisions au sein de la compagnie.
La SII a également déterminé qu'on augmentera aussi les pressions de sécurité en fournissant du soutien opérationnel à la prise de décisions en vol (p. ex., régulation des vols, contrôle d'exploitation) et en établissant des politiques pour équilibrer l'expérience des équipages de conduite (p. ex., des politiques consistant à éviter le jumelage de membres d'équipage inexpérimentés). Toutefois, toutes ces mesures ont un coût. Le personnel d'exécution (pilotes, TEA, régulateur des vols, etc.) est aux premières lignes de la gestion du risque sur le terrain, surtout dans le secteur du taxi aérien, où il évolue fréquemment avec moins de ressources (p. ex., sans régulateur des vols) et moins de soutien (p. ex., servitude au sol) que dans d'autres secteurs de l'aviation, comme le secteur aérien commercial.
Il incombe également aux personnes d'influer sur les pressions de sécurité en s'assurant d'être aptes au travail, d'avoir les connaissances et les compétences pour accomplir leurs tâches, d'être capables de gérer les risques associés à leurs activités, et d'inclure la sécurité dans leurs décisions au jour le jour. Les personnes ont d'autres façons d'influer sur les pressions de sécurité lorsqu'elles interagissent avec leurs pairs. Par exemple, les pilotes-vérificateurs, instructeurs et pilotes plus chevronnés peuvent servir de modèles à suivre positifs en ce qui concerne l'application de pratiques sécuritaires (utilisation continue des procédures d'utilisation normalisées et listes de vérification) et le refus des pratiques non sécuritaires. Les nouveaux pilotes peuvent aussi influencer ceux qui optent pour des pratiques non sécuritaires en dénonçant celles-ci. Toutefois, cette influence dépendra du soutien que recevront ces nouveaux pilotes de leur environnement de travail.
6.0 Conclusion
La présente enquête sur une question de sécurité (SII) s'appuie sur l'expérience de celles et ceux qui travaillent dans ce secteur depuis des décennies, sur les résultats d'études sur la sécurité antérieures, et sur des enquêtes précédentes du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST). Elle vise à cerner les dangers et facteurs de risque du secteur du taxi aérien au Canada et à déterminer les questions de sécurité systémiques sous-jacentes qui exigent des mesures correctives.
Le recours à une étude selon le principe de la théorie ancrée pour analyser les données recueillies aux phases 1 et 2 de la SII était une approche novatrice. Elle a produit des renseignements solides et mené à une compréhension claire des dangers et facteurs de risque touchant la sécurité des activités dans ce secteur. Des approches quantitatives plus conventionnelles n'auraient pas permis d'obtenir de tels résultats (voir la section 3.0 Méthode d'étude).
Les résultats de cette étude de la théorie ancrée ont permis de modéliser le secteur du taxi aérien comme système complexe, à l'aide du modèle des limites d'exploitation sûre (voir la section 5.4 Un modèle de sécurité dynamique : les limites d'exploitation sûre). Ce modèle a illustré les pressions concurrentes qui existent dans le secteur du taxi aérien et leur interaction au niveau des systèmes. Il a aussi mis en évidence les points où l'influence des intervenants aurait le plus de poids pour améliorer la sécurité dans ce secteur.
6.1 Le secteur du taxi aérien est différent, et de ce fait exige une approche différente de la sécurité
Le taxi aérien diffère des autres secteurs de l'aviation commerciale. Il faut tenir compte de ce contexte pour apporter des améliorations à la sécurité. Il faut prendre en considération la nécessité de gérer des pressions concurrentes – de concilier les pressions sectorielles, opérationnelles et de sécurité qui s'exercent dans les activités de taxis aériens.
La plupart des exploitants dans le secteur du taxi aérien ont dépassé le stade de l'amélioration de la fiabilité et de la sécurité des aéronefs ainsi que de la modernisation de la sélection et de la formation de base des pilotes. La prochaine étape sera d'aborder les facteurs organisationnels et de gestion soumis aux pressions concurrentes. Il reste nécessaire de parer aux dangers opérationnels et sectoriels, mais il faut maintenant mettre l'accent sur la culture de la sécurité et l'utilisation de processus de gestion proactive de la sécurité pour accroître la pression de sécurité.
La SII a étudié en profondeur le secteur et ses accidents et esquisse une voie à suivre qui respecte la nature du secteur et traite des 2 principaux facteurs sous-jacents que sont l'acceptation de pratiques non sécuritaires et la gestion inadéquate des dangers opérationnels. Elle montre que le changement doit procéder de l'intérieur même du secteur et que tous les intervenants doivent y participer – y compris les clients et les passagers, qui peuvent grandement contribuer à la sécurité. La SII a révélé une approche de la gestion de la sécurité qui est nouvelle et différente de l'approche traditionnelle de la sécurité qui a cours dans le secteur.
6.2 Ce que les données sur les accidents nous ont appris
Les exploitants de taxis aériens sont exposés à divers dangers et facteurs de risque et sont soumis à des pressions opérationnelles qui sont propres à leur secteur. Par conséquent, pour gérer les risques de ce secteur, il est essentiel d'en comprendre le contexte opérationnel.
Beaucoup de nouveaux pilotes arrivent dans ce milieu complexe, diversifié et exigeant en devant s'accommoder d'avions plus âgés; de moins de formation, d'orientation et de mentorat; de politiques moins rigoureuses; de peu ou pas de procédures d'utilisation normalisées; de règlements moins stricts; et possiblement de moins de surveillance – et ce, dans le plus hasardeux des secteurs de l'aviation commerciale.
L'analyse des données sur les accidents a permis de comprendre comment ces accidents se produisaient (par des descriptions précises). Elle a révélé que le plus grand nombre de morts résulte de vols ayant commencé dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC), puis s'étant poursuivis à un point où le pilote a perdu ses repères visuels au sol. La principale différence était la manière dont les vols se terminaient : en une perte de maîtrise ou un impact sans perte de contrôle. Les pilotes aux commandes dans ces accidents avaient au total, en moyenne, 5000 heures d'expérience. Il semblerait donc que l'expérience du pilote n'atténue pas les risques que ces types d'accidents se produisent.
L'analyse des données sur les accidents a aussi révélé que les facteurs ayant contribué aux accidents de taxis aériens qui sont survenus pendant la période de l'étude s'inscrivaient dans 2 grandes catégories :
- acceptation de pratiques non sécuritaires (p. ex., surcharger l'aéronef, voler dans des conditions de givrage prévues, ne pas consigner les anomalies dans le carnet de bord, voler avec de l'équipement inutilisable, « braver le mauvais temps », et voler avec des réserves de carburant insuffisantes);
- gestion inadéquate des dangers opérationnels (p. ex., réaction inadéquate envers un aéronef en état d'urgence, coordination inadéquate de l'équipage menant à une approche non stabilisée, vol selon les règles de vol à vue [VFR] la nuit, perte de repères visuels dans des conditions météorologiques limites, absence de balances pour les calculs de masse et centrage).
L'acceptation de pratiques non sécuritaires est progressive et les exploitants et pilotes n'en sont généralement pas conscients. Il est ainsi difficile de saisir à quel point la marge de sécurité s'est dégradée. Les données sur les accidents révèlent plusieurs exemples de pilotes qui ont déjà achevé des vols dans des conditions marginales; avec le temps, à force d'utiliser ces pratiques non sécuritaires, celles-ci sont devenues la norme.
La gestion inadéquate des dangers opérationnels résulte du conflit dans ce secteur entre les objectifs de production à court terme et les objectifs de sécurité à long terme. Une analyse plus approfondie des données sur les accidents a révélé la fragilité ou l'absence de mécanismes de défense qui, si on les renforçait ou les ajoutait, pourraient améliorer la sécurité. Le fait que ces mécanismes de défense sont insuffisants, et qu'ils l'ont été dans beaucoup d'accidents depuis plusieurs années, confirme la persistance des dangers et des facteurs de risque dans le secteur du taxi aérien. La persistance de ces dangers et facteurs de risque indique la nécessité d'une perspective et d'une approche différentes pour mieux comprendre les pressions et influences présentes dans le secteur du taxi aérien et le moyen d'améliorer la sécurité.
6.3 Ce que les consultations auprès de l'industrie nous ont appris
L'analyse des renseignements recueillis lors des entrevues avec les exploitants de taxis aériens a fait ressortir 19 thèmes de sécurité. Les dangers dans 11 de ces thèmes ont également été cernés dans 17 études précédentes, dont l'étude menée par le Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) de Transports Canada (TC), en 1998. Cette constatation a confirmé que ces dangers et questions de sécurité précédemment cernés ne sont pas nouveaux et contribuent encore aux accidents de taxi aérien.
Les renseignements recueillis ont également donné un aperçu de la façon dont les exploitants gèrent ces dangers ainsi que les mesures que selon eux, les divers intervenants devraient prendre.
6.4 Les limites d'exploitation sûre
Les thèmes de sécurité qui sont ressortis des consultations auprès de l'industrie ont été intégrés dans une version adaptée du modèle des limites d'exploitation sûre élaboré à l'origine par Cook et RasmussenNote de bas de page 260. Ce modèle a été retenu pour illustrer l'interaction entre les thèmes de sécurité, le contexte et les pressions concurrentes inhérentes au secteur du taxi aérien.
Ce modèle montre l'interaction entre 3 types de pressions qui sont ressortis des renseignements recueillis :
- Pressions sectorielles : des dangers opérationnels qui exacerbent les risques et qui sont inhérents au contexte des opérations de taxi aérien. Il est possible et essentiel de s'y préparer et de les gérer avant le décollage.
- Pressions opérationnelles : facteurs qui augmentent considérablement les risques dans le secteur du taxi aérien. Elles sont liées aux impératifs d'efficacité quotidiens sur le plan financier et de la charge de travail.
- Pressions de sécurité : facteurs qui font contrepoids aux pressions sectorielles et opérationnelles, principalement par des mesures prises avant un vol.
Ce modèle comporte les avantages suivants :
- Bonne correspondance qualitative avec les données sur les accidents et les renseignements issus des consultations auprès de l'industrie.
- Illustration de la structure du secteur et de la circulation verticale de l'information à travers ses différentes couches.
- Illustration des interrelations entre les pressions concurrentes dans le secteur du taxi aérien.
- Vue d'ensemble du système et compréhension des pressions et influences concurrentes que les intervenants doivent gérer quotidiennement.
- Démonstration des pressions qu'il serait le plus efficace de cibler pour améliorer la sécurité.
Dans ce modèle, les thèmes de sécurité groupés sous les pressions correspondent à des domaines où le BST a constaté de nombreux faits établis et présenté plusieurs recommandations par le passé relativement au secteur du taxi aérien. Au moment de la publication du présent rapport, 22 de ces recommandations étaient toujours actives.
Le modèle illustre les pressions concurrentes qui s'exercent sur une exploitation en raison de conflits d'objectifs (p. ex., la sécurité et la viabilité financière). Ce modèle représente l'exploitation par un point en constant mouvement à l'intérieur des limites d'exploitation sûre, s'approchant ou s'éloignant des limites de l'échec économique, de la charge de travail inacceptable et de la sécurité.
La figure 24 illustre ce modèle et les 19 thèmes de sécurité qui sont ressortis des consultations auprès de l'industrie à la phase 2 de la SII (voir la section 4.2 Information issue des consultations auprès de l'industrie).
Le modèle des limites d'exploitation sûre montre comment les pressions sectorielles et opérationnelles poussent le point opérationnel vers la limite de la sécurité, ce qui augmente les risques d'accident (voir la section 5.5.1 Le modèle des limites d'exploitation sûre en action). Les pressions de sécurité sont des mesures d'atténuation positives qui font contrepoids aux 2 autres pressions pour maintenir le point opérationnel à l'intérieur des limites d'exploitation sûre. Ces efforts pourraient réduire l'acceptation de pratiques non sécuritaires et améliorer la gestion des dangers opérationnels.
Les pressions concurrentes à l'échelle du système illustrent comment les clients, les personnes, les exploitants, les fournisseurs de services, l'organisme de réglementation et les associations du secteur peuvent ensemble influer sur chacune de ces pressions pour améliorer la sécurité du secteur du taxi aérien :
- augmenter les pressions de sécurité;
- réduire les pressions sectorielles;
- réduire les pressions opérationnelles.
Investir pour augmenter les pressions de sécurité pourrait être la stratégie la plus efficace, car un tel investissement pourrait en même temps réduire les pressions sectorielles et opérationnelles.
Pour les exploitants, cela signifie d'incorporer la sécurité dans tous les aspects de la prise de décisions et des opérations aériennes. Pour tous les intervenants, cela demande d'investir du temps et des ressources avant le vol pour créer et soutenir une culture d'exploitation sécuritaire.
Les mesures ci-dessous renvoient aux thèmes de sécurité. Elles aideront à augmenter les pressions de sécurité de manière à maintenir le point opérationnel à l'intérieur des limites d'exploitation sûre :
- Prise de décisions du pilote (PDM) et gestion des ressources de l'équipage (CRM) : des compétences qui aident les équipages de conduite à gérer les risques associés aux opérations aériennes.
- Formation des pilotes et autre personnel d'opérations aériennes : pour perfectionner les aptitudes et connaissances qui sont essentielles pour gérer efficacement les divers risques associés au secteur du taxi aérien.
- Formation des techniciens d'entretien d'aéronef : pour que l'effectif des exploitations de taxis aériens sache maintenir en état de navigabilité les différents types et modèles d'aéronefs utilisés dans le secteur du taxi aérien.
- Gestion de la sécurité efficace à l'égard des dangers opérationnels : pour repérer à l'avance les dangers opérationnels et atténuer les risques au plus bas niveau raisonnablement possible et ainsi atténuer les pressions sectorielles et opérationnelles.
- Règlements actualisés complétés par un système de surveillance réglementaire bien établi qui comprend la promotion de la sécurité, la surveillance et des mesures d'application.
6.5 Améliorer la sécurité
Pour améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien, il faut aborder les 2 principaux facteurs sous-jacents qui contribuent aux accidents de taxi aérien (acceptation de pratiques non sécuritaires et gestion inadéquate des dangers opérationnels) en faisant différemment que par le passé. Un effort collectif s'impose, de tous les intervenants et à l'échelle du système.
L'influence positive de tous les intervenants qui prêchent la sécurité peut aider les exploitants à planifier des vols plus sécuritaires et appuyer l'utilisation par les pilotes de pratiques PDM/CRM qui privilégient la sécurité. C'est ainsi que l'on obtiendra une culture dans laquelle les pratiques non sécuritaires sont inacceptables.
Par conséquent, une mesure à prendre pour améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien est de convaincre les clients, les exploitants et les passagers de ne pas accepter des pratiques non sécuritaires, et de s'exprimer avant d'être placés devant le fait accompli. À cette fin, il faut des connaissances, ainsi qu'un changement d'attitude et des actions, ce qui contribuera à un changement de culture.
Une autre mesure à prendre est de faire en sorte que des pratiques PDM/CRM efficaces soient systématiquement appuyées par les gestionnaires, les superviseurs et les confrères, ainsi que par une pression positive de sécurité exercée par les clients et les passagers. Le changement de culture engendré par ce changement dans les attitudes et dans les actions s'étendra à l'ensemble du personnel opérationnel, y compris les pilotes et le personnel d'entretien, de régulation des vols et de services au sol. Il s'agit là d'un processus à plus long terme qui procurera plusieurs mécanismes de défense additionnels. La mise en place d'une culture de sécurité positiveNote de bas de page 261 pose de nombreux défis; il s'agit toutefois d'une étape nécessaire pour que les exploitants adoptent les attitudes et les réactions requises pour gérer efficacement les risques liés à leurs activités. Ce type de culture n'est pas nouveau : beaucoup d'exploitants l'ont déjà mis en œuvre, sachant qu'il était essentiel à leur succès.
Une troisième étape consiste à promouvoir et à mettre en œuvre dans le secteur du taxi aérien une gestion de la sécurité proactive fondée sur une compréhension du contexte opérationnel et des risques propres à une exploitation. Un système de gestion de la sécurité (SGS) fournit un cadre de travail pour la recherche proactive et systématique des dangers et une gestion des risques qui [traduction] « devient partie intégrante de la culture de l'organisation et de la façon dont les employés s'acquittent de leurs fonctionsNote de bas de page 262 ». Il n'est pas nécessaire pour une compagnie de taxi aérien d'avoir tous les composants d'un SGS de grande compagnie de transport aérien. S'il est bien adapté au secteur du taxi aérien et conserve ses éléments essentiels, un SGS peut être un moyen proactif de cerner et atténuer les dangers en continu.
Le BST a réitéré à maintes reprises depuis 2010 les avantages d'un SGS par l'intermédiaire de sa Liste de surveillance. Certains exploitants ont volontairement mis en œuvre un SGS adapté à leurs besoins. Toutefois, aucun progrès n'a été réalisé en vue de rendre un SGS obligatoire pour tous les exploitants de taxi aérien.
Un autre aspect important de la gestion de la sécurité est l'adoption de moyens de mesurer l'efficacité en matière de sécurité qui aideraient les exploitants à déterminer où ils se situent dans les limites d'exploitation sûre. Certains secteurs ont établi des normes plus strictes pour distinguer les exploitants qui surpassent les exigences réglementaires (p. ex., le programme Tour Operators Program of Safety). Si l'on adopte ces mesures, elles pourraient corriger les 2 principaux facteurs sous-jacents qui contribuent aux accidents de taxi aérien. Les risques seront atténués par les investissements réalisés pour augmenter les pressions de sécurité par la formation et l'éducation, la prise de sages décisions dans l'ensemble de l'entreprise, la PDM/CRM et une gestion de la sécurité comprenant une culture d'exploitation sécuritaire.
Enfin, pour aider les intervenants à mieux évaluer l'efficacité des mesures de sécurité mises en place, il faut recueillir des données sur les heures de vol et les mouvements dans le secteur du taxi aérien. Si ces données ne sont pas classées en fonction des sous-parties du Règlement de l'aviation canadien (RAC), il sera plus difficile d'évaluer l'efficacité de toute amélioration de la sécurité dans le secteur du taxi aérien.
6.6 Mesures de sécurité requises
Pour atténuer les dangers et facteurs de risque du secteur du taxi aérien au Canada et ainsi améliorer la sécurité, tous les intervenants doivent comprendre le contexte opérationnel et collaborer pour investir dans des mesures visant à accroître les pressions de sécurité et à réduire les pressions sectorielles et opérationnelles. Cette approche permettra de s'attaquer aux facteurs sous-jacents dans les accidents de taxi aérien : l'acceptation de pratiques non sécuritaires et la gestion inadéquate des dangers opérationnels.
Les recommandations suivantes du BST doivent être mises en œuvre pour atténuer les problèmes de sécurité associés au secteur du taxi aérien :
- 22 recommandations actives relatives à des enquêtes précédentes;
- 4 nouvelles recommandations découlant de la présente SII :
- éliminer l'acceptation de pratiques non sécuritaires;
- promouvoir des processus de gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité positive;
- corriger les failles dans le cadre réglementaire du secteur du taxi aérien;
- recueillir des données sur les activités propres au secteur du taxi aérien.
6.6.1 Recommandations actives du BST
Le BST a 22 recommandations actives qui, si on y donnait suite, pourraient atténuer les problèmes de sécurité qui persistent dans le secteur du taxi aérien et contrer les 2 principaux facteurs sous-jacents qui contribuent aux accidents dans ce secteur :
- l'acceptation de pratiques non sécuritaires (3 recommandations actives);
- la gestion inadéquate des dangers opérationnels(19 recommandations actives).
Recommandations actives du BST sur l'acceptation de pratiques non sécuritaires (septembre 2019)
A16-12 : Le ministère des Transports exige que tous les exploitants d'aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
A16-13 : Le ministère des Transports effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité.
A16-14 : Le ministère des Transports renforce ses politiques, ses procédures et sa formation en matière de surveillance, afin que la fréquence et l'objet de la surveillance et des activités de contrôle après surveillance, y compris les mesures d'application, correspondent à la capacité de l'exploitant de gérer efficacement le risque.
La mise en œuvre des recommandations actives qui portent sur l'acceptation de pratiques non sécuritaires augmentera la pression de sécurité et réduira ou contrecarrera les pressions sectorielles et opérationnelles. La mise en œuvre des recommandations actives qui portent sur la gestion inadéquate des dangers opérationnels réduira les pressions sectorielles.
6.6.1.1 Éliminer l'acceptation de pratiques non sécuritaires
Les exploitants de taxis aériens sont exposés à divers dangers et facteurs de risque et sont soumis à des pressions opérationnelles qui sont propres à leur secteur. Quinze années de données sur les accidents ont révélé de nombreux exemples de vols dans des conditions marginales ayant mené à un accident, même si des vols dans des conditions similaires avaient été réussis précédemment. Les pratiques non sécuritaires suivantes ont été constatées dans des accidents de taxi aérien : surcharger l'aéronef, voler dans des conditions de givrage, ne pas consigner les anomalies dans le carnet de bord, voler avec de l'équipement inutilisable, « braver le mauvais temps », et voler avec des réserves de carburant insuffisantes. À force d'effectuer des vols en utilisant ces pratiques non sécuritaires, celles-ci sont devenues la norme.
L'acceptation de pratiques non sécuritaires est progressive et les exploitants n'en sont généralement pas conscients. Il est ainsi difficile de saisir à quel point la marge de sécurité s'est dégradée. L'approche traditionnelle de la sécurité est inefficace pour remédier à ce changement progressif, dont des éléments sont capturés par la théorie de la « dérive vers la défaillance »Note de bas de page 263. Un SGS en bonne et due forme prévoit les politiques, procédures et outils nécessaires pour établir une approche préventive de l'exploitation sécuritaire. Lorsqu'il est correctement mis en œuvre, un SGS permet de déceler et de gérer des aspects de cette dérive vers la défaillance, permettant ainsi de gérer plus efficacement les risques. Un SGS rendre des opérations plus sûres que des approches conventionnelles à la sécurité.
La SII a fait ressortir la nécessité pour les exploitants de pouvoir gérer efficacement la sécurité. Voilà 10 ans que la première réglementation sur les SGS a été mise en place pour les compagnies de transport aérien et leurs entreprises de maintenance d'aéronefs. Cependant, l'imposition des SGS dans le reste du secteur de l'aviation commerciale stagne toujours. De nombreuses entreprises ont reconnu les avantages d'un SGS et ont volontairement amorcé sa mise en œuvre au sein de leur organisation, mais environ 90 % de tous les titulaires d'un certificat d'aviation canadien ne sont toujours pas tenus d'avoir de SGS en vertu de la réglementation.
Il incombe aux exploitants de gérer les risques de sécurité de leurs activités. La conformité à la réglementation n'offre qu'un niveau de sécurité de base pour l'ensemble des exploitants d'un secteur donné. Compte tenu de la diversité du secteur du taxi aérien, les exigences réglementaires ne peuvent pas prévoir tous les risques liés à une exploitation particulière. Par conséquent, les compagnies doivent pouvoir cerner et atténuer les dangers propres à leurs activités. Des exigences réglementaires obligeant les entreprises à mettre en œuvre des SGS sont la première étape pour que tous les exploitants puissent satisfaire à leurs responsabilités en matière de sécurité. Voilà pourquoi le BST a repris les propos de l'Organisation de l'aviation civile internationale et du secteur mondial de l'aviation civile qui soulignent les avantages des SGS.
Même si des exigences sont imposées en matière de SGS, il y aura toujours des inégalités dans la capacité et la volonté des compagnies de gérer efficacement le risque. Certaines compagnies ne requerront qu'une surveillance épisodique axée sur leurs processus de gestion de la sécurité. Toutefois, l'organisme de réglementation doit pouvoir choisir le type, la fréquence et l'objet de ses activités de surveillance afin de surveiller efficacement les entreprises qui ne veulent pas ou ne peuvent pas satisfaire aux exigences réglementaires ou gérer efficacement le risque. De plus, dans de tels cas, l'organisme de réglementation doit pouvoir prendre les mesures d'application nécessaires.
La documentation que les inspecteurs de TC reçoivent a considérablement évolué au cours des dernières années. TC continue de donner de la nouvelle formation à ses inspecteurs. Toutefois, étant donné la complexité du secteur du taxi aérien et la variété des exploitants, la réglementation sur les SGS et la surveillance réglementaire qu'elle prévoit doivent être adaptées pour répondre aux besoins du secteur.
Par conséquent, pour s'assurer que les exploitants de taxis aériens se dotent de systèmes de gestion de la sécurité efficaces et continuent de mener leurs activités en respectant la réglementation, le Bureau réitère la nécessité de donner suite aux recommandations actives du BST. La mise en œuvre des recommandations augmentera les pressions de sécurité et réduira ou atténuera les pressions sectorielles et opérationnelles dans le secteur du taxi aérien.
6.6.1.2 Gestion des dangers opérationnels
La SII a montré comment la nature complexe et variable du secteur du taxi aérien et l'ampleur des pressions concurrentes engendrent des dangers et des facteurs de risque qui sont différents de ceux d'autres secteurs de l'aviation. Elle a montré que ces risques persistent depuis des décennies et résistent aux mesures d'atténuation plus traditionnelles.
L'enquête a aussi montré que plusieurs des dangers et facteurs de risque cernés par l'étude SATOPS de TC en 1998, ainsi que par d'autres études menées de 1998 à 2015, persistent toujours. De plus, l'analyse des données sur les événements du BST à la phase 1 de la SII a montré que les mêmes types d'accidents – notamment les mêmes types d'accidents mortels – se sont produits durant toute la période de l'étude.
Les consultations auprès de l'industrie tenues à la deuxième phase de la SII ont confirmé que ces dangers et questions de sécurité précédemment cernés contribuent encore aux accidents de taxi aérien. Les 2 phases de l'enquête ont également mis en évidence la faiblesse ou l'absence de mécanismes de défense qui ont contribué à ces accidents. Le fait que ces mécanismes de défense soient insuffisants et que cette faiblesse ait été constatée dans de nombreux accidents au cours de nombreuses années témoigne de la persistance des dangers et des facteurs de risque dans le secteur du taxi aérien.
En tant que système où la sécurité est un facteur déterminantNote de bas de page 264, le secteur du taxi aérien doit gérer les risques de manière à les réduire au plus bas niveau raisonnablement possible. Les exploitants doivent concilier de nombreuses pressions concurrentes qui, en définitive, sont issues des impératifs d'efficience et de sécurité. Ils sont ainsi aux prises avec des objectifs contradictoires qui les forcent à faire des compromis, ce qui peut augmenter le risque et nuire à la sécurité. Les pressions sectorielles font partie du contexte des opérations de taxi aérien; il est possible et impératif de les prévoir et de les gérer d'avance ou en amont. La gestion inadéquate des dangers opérationnels résulte du conflit dans ce secteur entre des objectifs de production impérieux et des objectifs de sécurité persistants. Ainsi, les mesures d'atténuation doivent porter sur l'ensemble du système et prendre en considération la nature de l'exploitation de taxis aériens de même que les effets des pressions sectorielles sur les activités opérationnelles. Une analyse plus approfondie des données sur les accidents a également révélé la fragilité ou l'absence de mécanismes de défense qui, si on les renforçait ou les ajoutait, pourraient améliorer la sécurité.
La SII a permis d'illustrer des problèmes de sécurité systémiques, incluant ceux présentés dans les 19 recommandations actives du BST. Le Bureau réitère le besoin de donner suite à ces recommandations. Ce faisant, bon nombre de dangers opérationnels persistants et mal gérés (incluant ceux relatifs aux chances de survie, aux vols de nuit et au manque de technologie embarquée) seront mieux gérés.
Les intervenants peuvent aller au-delà des règlements existants et appliquer les recommandations actives du BST – nul n'étant besoin d'attendre des modifications réglementaires de TC pour améliorer la sécurité dans le secteur du taxi aérien.
Recommandations actives du BST sur la gestion inadéquate des dangers opérationnels (septembre 2019)
A90-84 : Le ministère des Transports exige que tous les hélicoptères utilisés à des fins commerciales soient munis d'une instrumentation suffisante permettant l'exécution des manœuvres élémentaires de vol aux instruments.
A13-03 : Le ministère des Transports exige que tous les équipages d'hydravions commerciaux suivent une formation sur l'évacuation subaquatique.
A15-01 : Le ministère des Transports exige des transporteurs aériens commerciaux de dénombrer et de déclarer périodiquement le nombre de bébés (âgés de moins de 2 ans), y compris ceux assis sur les genoux, et de jeunes enfants (âgés de 2 à 12 ans) à bord des aéronefs.
A15-02 : Le ministère des Transports travaille avec l'industrie pour mettre au point des ensembles de retenue convenant à l'âge et à la taille des bébés et des jeunes enfants voyageant à bord d'aéronefs commerciaux et qu'il en oblige l'utilisation afin d'assurer un niveau de sécurité équivalent à celui des adultes.
A16-01 : Le ministère des Transports exige que tous les aéronefs immatriculés au Canada et aéronefs étrangers effectuant des vols au Canada pour lesquels une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) est obligatoire soient équipés d'une ELT de 406 mégahertz conformément aux normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale.*
A16-02 : L'Organisation de l'aviation civile internationale établisse de rigoureuses normes relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
A16-03 : La Radio Technical Commission for Aeronautics établisse de rigoureuses spécifications relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
A16-04 : L'Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation civile établisse de rigoureuses spécifications relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
A16-05 : Le ministère des Transports établisse de rigoureuses exigences relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
A16-06 : Cospas-Sarsat modifie les spécifications de délai de première émission des radiobalises de repérage d'urgence de 406 mégahertz à la plus courte période possible pour augmenter la probabilité de transmission d'un signal de détresse, et de détection par les services de recherche et sauvetage après un événement.
A16-07 : Le ministère des Transports interdise l'utilisation de sangles à ruban autoagrippant comme mode de fixation de radiobalises de repérage d'urgence à la cellule d'un aéronef.
A16-08 : Le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d'éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
A16-09 : Le ministère des Transports établisse des exigences sur le maintien des compétences de vol aux instruments qui feront en sorte que les pilotes qualifiés au vol aux instruments, qui peuvent effectuer des vols dans des conditions nécessitant des compétences de vol aux instruments, maintiennent ces compétences.
A16-10 : Le ministère des Transports exige l'installation de systèmes d'avertissement et d'alarme d'impact à bord d'hélicoptères commerciaux qui effectuent des vols la nuit ou dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
A17-01 : Le ministère des Transports exige que tous les aéronefs de type DHC-2 en exploitation commerciale au Canada soient équipés d'un système avertisseur de décrochage.
A17-02 : Le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie et les représentants des employés du secteur canadien de l'aviation, élabore et mette en place des exigences relativement à un programme global de lutte contre l'abus de drogues et d'alcool, y compris le dépistage de drogue et d'alcool, pour réduire le risque que des personnes aient les facultés affaiblies en assumant des fonctions critiques pour la sécurité. Ces exigences doivent prendre en compte et concilier la nécessité de respecter les principes des droits de la personne de la Loi canadienne sur les droits de la personne et la responsabilité de protéger la sécurité du public.
A18-01 : Le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie, élimine les obstacles et élabore des pratiques recommandées en ce qui a trait à la mise en œuvre du suivi des données de vol et à l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers par les exploitants commerciaux qui ne sont pas actuellement tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
A18-02 : Le ministère des Transports collabore avec les exploitants aériens et les administrations aéroportuaires dans le but d'identifier les lieux où l'équipement de dégivrage et d'antigivrage est inadéquat et de prendre des mesures d'urgence pour s'assurer de la disponibilité de l'équipement adéquat afin de réduire la probabilité que des aéronefs décollent malgré des surfaces critiques contaminées.
A18-03 : Le ministère des Transports et les exploitants aériens prennent des mesures pour améliorer la conformité au paragraphe 602.11(2) du Règlement de l'aviation canadien et réduire la probabilité que des aéronefs décollent malgré des surfaces critiques contaminées.
* Le 1er juin 2019, un règlement modifiant le Règlement de l'aviation canadien (parties I, V et VI – ELT) a été publié dans la Gazette du Canada, Partie I, volume 153, numéro 22.
6.6.2 Nouvelles recommandations du BST
6.6.2.1 Éliminer l'acceptation de pratiques non sécuritaires
La présente SII témoigne des types de pratiques non sécuritaires qui ont cours depuis des années et qui perdurent : depuis la surcharge de l'aéronef jusqu'au vol dans des conditions météorologiques limites ou avec des réserves de carburant insuffisantes. Les dérogations aux procédures d'utilisation normalisées, aux politiques générales d'entreprise, aux procédures, à la réglementation ou aux pratiques sécuritaires peuvent donner lieu à des résultats similaires à ceux qui ont contribué à de nombreux accidents et incidents au fil des ans.
Par ailleurs, la marge de sécurité intégrée dans ces opérations pourrait permettre à un vol non sécuritaire de se dérouler sans incident. Le fait d'effectuer ces opérations sans incident et avec une marge de sécurité réduite pourrait mener à l'acceptation de pratiques non sécuritaires et créer des difficultés à déterminer l'ampleur de l'érosion de la marge de sécurité.
Pour améliorer la sécurité du secteur du taxi aérien, il serait important que les clients, les passagers et les exploitants n'acceptent pas des pratiques non sécuritaires, même si la marge de sécurité semble suffisante, et qu'ils s'expriment pour empêcher qu'elles se produisent. Cela exige des stratégies, des campagnes d'information et de l'éducation pour changer les valeurs, les attitudes et les comportements afin d'aboutir avec le temps à un changement de culture.
La culture de la sécurité est la façon dont la sécurité est perçue, valorisée et privilégiée au sein d'une entreprise. La mise en place d'une culture de sécurité positive pose de nombreux défis; il s'agit néanmoins d'une première étape nécessaire pour que les exploitants adoptent les valeurs, les attitudes et les comportements nécessaires pour bien gérer les risques liés à leurs activités. Concrètement, la gestion de la sécurité proactive peut contribuer à établir ou appuyer une culture de sécurité positive.
Un tel changement de culture se traduit par une compagnie qui appuie et renforce les pratiques PDM/CRM par une solide culture d'entreprise, incluant le soutien à la prise de décisions par les gestionnaires, les superviseurs et les pairs. L'appui et l'action en ce sens de la part de tous les intervenants aideront les exploitants à faire passer la sécurité d'abord et à gérer le risque à un niveau acceptable. Pour y arriver toutefois, il faut investir du temps et des ressources avant le vol. Il faut investir pour augmenter les pressions de sécurité par : la formation et l'éducation; la prise de décisions sécuritaires à l'échelle de la compagnie; l'utilisation et le soutien des pratiques PDM/CRM; et une gestion de la sécurité qui comprend une culture d'exploitation sécuritaire. Pour que ce soit efficace, tout doit procéder de la connaissance du contexte des opérations de taxi aérien et des dangers et facteurs de risque qui lui sont propres.
On doit désormais insister sur le recours à une culture de sécurité positive et à une gestion de la sécurité proactive pour augmenter les pressions de sécurité. Avec le temps, on parviendra à une culture où les pratiques non sécuritaires seront considérées comme inacceptables.
Par conséquent, le Bureau recommande que
le ministère des Transports collabore avec les associations du secteur pour mettre au point des stratégies, des produits éducatifs et des outils qui aideront les exploitants de taxis aériens et leurs clients à éliminer l'acceptation de pratiques non sécuritaires.
Recommandation A19-02 du BST
6.6.2.2 Promouvoir des processus de gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité positive
Au cours des dernières années, certaines organisations, comme la Floatplane Operators Association, l'Association du transport aérien du Canada (ATAC), l'Association canadienne de l'hélicoptère (ACH), la Medallion Foundation, le Circle of Safety Program de la Federal Aviation Administration et le Tour Operators Program of Safety, se sont réunies pour améliorer la sécurité dans des secteurs où le nombre d'accidents était élevé. Les initiatives qu'elles ont organisées vont au-delà des règlements et établissent des normes élevées pour leurs membres. Ces initiatives peuvent servir de modèle pour améliorer la sécurité des taxis aériens au Canada (annexe D); la participation des exploitants peut également alimenter la confiance et la motivation chez leurs clients et passagers.
Comme le montrent ces initiatives, les associations du secteur du taxi aérien sont bien placées pour influer sur la sécurité dans ce secteur. Elles ont des responsabilités envers leurs membres et peuvent avoir une influence positive sur les 3 pressions systémiques que décrit la présente SII. Les associations du secteur peuvent donner des séminaires et de la formation, ainsi que fournir des outils, des guides et de la documentation. Par exemple, des associations ont collaboré efficacement par le passé pour combler une pénurie critique de personnel compétent dans le secteur de l'entretien des aéronefs au CanadaNote de bas de page 265.
En 2016, le BST a recommandé que TC exige que tous les exploitants d'aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité (SGS) en bonne et due formeNote de bas de page 266.
Un SGS est généralement défini comme un cadre formel pour la prise en compte systématique de la sécurité dans les opérations quotidiennes d'une entreprise, y compris les structures, responsabilités, politiques et procédures organisationnelles voulues pour qu'elle fasse « partie intégrante de la culture organisationnelle et de la manière dont les gens vaquent à leurs occupations ». Tandis que les employés individuels prennent régulièrement des décisions au sujet du risque, le SGS se concentre sur la gestion du risque à l'échelle de l'organisation, tout en incluant et en soutenant les décideurs en première ligne. Un SGS est échelonnable et peut être conçu pour répondre aux besoins d'une entreprise donnée de manière à respecter la nature du secteur.
Avant qu'un règlement sur les SGS soit adopté, les associations peuvent jouer un important rôle auprès des exploitants, en rendant plus accessibles et abordables des produits et outils de promotion et d'éducation modernes sur la culture de sécurité et la gestion proactive de la sécurité qui accroîtront la sécurité dans leurs activités. Cela favorisera la création d'une culture d'exploitation sécuritaire que tous les intervenants appuient.
Beaucoup d'exploitants font partie d'associations, comme l'Association du transport aérien du Canada (ATAC), l'Association canadienne de l'hélicoptère (ACH), l'Association québécoise du transport aérien (AQTA), la Floatplane Operators Association (FOA) et la Northern Air Transport Association (NATA). De telles associations pourraient servir au partage de pratiques exemplaires, d'outils et de données sur la sécurité propres au secteur du taxi aérien. Elles pourraient également offrir de l'aide et de la formation pour mettre en œuvre une gestion de la sécurité axée sur la prévention qui englobe une culture de sécurité positive.
Par conséquent, le Bureau recommande que
les associations du secteur (p. ex., ATAC, ACH, AQTA, FOA, NATA) prônent des processus de gestion proactive de la sécurité et une culture de sécurité auprès des exploitants de taxis aériens, pour corriger les lacunes de sécurité cernées dans cette enquête sur une question de sécurité, par la formation et par le partage de pratiques exemplaires, d'outils et de données sur la sécurité propres au secteur du taxi aérien.
Recommandation A19-03 du BST
6.6.2.3 Correction des failles dans le cadre réglementaire du secteur de taxi aérien
Les dangers et risques inhérents au secteur du taxi aérien perdurent depuis plusieurs années, et des données montrent clairement la persistance des dangers opérationnels de 1998 à 2015. La SII a démontré que la réglementation et les normes ne peuvent pas suffire à assurer la sécurité dans le secteur, mais qu'elles prévoient des moyens de contrôle qui y contribueront. Cela dit, le cadre réglementaire comporte des failles, notamment en ce qui a trait à la formation et à la qualification du personnel, à la modernisation des aéronefs plus âgés et à la fatigue chez les techniciens d'entretien d'aéronef (TEA).
6.6.2.3.1 Formation et qualification
Le RAC établit la formation que les exploitants sont tenus de donner. Dans les faits cependant, la formation peut varier énormément, comme l'ont indiqué plusieurs exploitants. Certains d'entre eux donnent seulement la formation prescrite par la réglementation, tandis que d'autres donnent de la formation additionnelle qui dépasse ces exigences, pour combler certains besoins ou mieux atténuer les risques dans leurs activités. Cependant, plusieurs exploitants ont mentionné que sans une réglementation et des normes actualisées contraignant tous les exploitants à respecter les mêmes règles, la situation n'est pas équitable.
Quoique la sous-partie 703 du RAC prévoie des exigences de formation obligatoires pour certaines activités à risque élevé spécialisées, comme les vols de nuit, aucune exigence de la sorte n'est imposée pour plusieurs autres activités spécialisées, comme les vols en montagne ou côtiers. De plus, aucun règlement ne couvre l'entraînement sur la ligne pour le secteur du taxi aérien. Les exigences de formation obligatoire pourraient ainsi ne pas couvrir les nombreux aspects uniques au secteur du taxi aérien. Sans formation spécialisée obligatoire pour les activités à risque élevé, les pilotes pourraient ne pas avoir les connaissances et compétences voulues pour assurer la sécurité des opérations aériennes.
En outre, les pilotes qui effectuent des vols d'évacuation aéromédicale gagneraient à suivre une formation spécialisée afin de mieux gérer les enjeux psychologiques et traumatiques de ce type d'opération.
La SII a également reconnu comme enjeu potentiel la qualification du personnel clé d'une compagnie de taxi aérien. Les enquêtes que le BST a menées durant la période de l'étude ont montré que les postes clés (p. ex., gestionnaire des opérations ou chef pilote) ne semblent pas recevoir suffisamment d'attention lorsque l'organisme de réglementation approuve l'embauche de titulaires. Il faut accorder plus d'attention aux compétences et qualités de ces titulaires, de même qu'aux exigences opérationnelles des postes clés chez un exploitant. Qui plus est, bien que les responsabilités de ces postes fassent l'objet d'exigences réglementaires, il n'y a aucune exigence de formation pour les personnes qui sont nommées.
6.6.2.3.2 Modernisation d'aéronefs plus âgés
La SII a aussi constaté la difficulté de moderniser les aéronefs plus âgés en installant, par exemple, un nouveau système avionique, car cela exigerait une modification à la définition de type d'origine de l'aéronef. Le processus d'approbation de TC exige la validation d'un certificat de type supplémentaire, ce qui peut être coûteux et astreignant; pour certains exploitants plus petits, les coûts peuvent être prohibitifs.
6.6.2.3.3 Fatigue chez les techniciens d'entretien d'aéronef
Les consultations auprès de l'industrie ont révélé que les TEA éprouvent souvent de la fatigue lorsqu'ils sont au travail, surtout en région éloignée ou ailleurs qu'à leur base d'attache. Leurs journées de service sont parfois longues, et les heures de service quotidiennes des TEA ne sont assujetties à aucun règlement de TC. Certains exploitants ont indiqué que souvent, les journées de service des TEA n'étaient pas définies par les exploitants et que des règlements sur les journées de service des TEA sont nécessaires.
6.6.2.3.4 Correction des failles
Certains exploitants ont signalé des failles dans la réglementation et les normes en vigueur. Les pratiques qu'ils recommandent surpassent parfois les exigences réglementaires courantes ou comprennent des concepts non prévus par la réglementation en vigueur, par exemple :
- réaliser tous les vols selon les règles de vol aux instruments;
- affecter 2 pilotes à toutes les opérations;
- établir leurs propres exigences minimales particulières sur l'expérience de vol des pilotes.
Toutefois, confrontés aux pressions concurrentes illustrées par le modèle des limites d'exploitation sûre, les exploitants pourraient choisir de simplement se conformer à la réglementation même si en déborder augmenterait la pression de sécurité (p. ex., ils peuvent limiter les dépenses en formation en ne donnant que celle prescrite par la réglementation, même quand une formation spécialisée sur le vol en région montagneuse ou sur les possibilités de survie pourrait atténuer les risques associés à l'exploitation). Le niveau de sécurité dans le secteur du taxi aérien demeurera inégal tant qu'il y aura des failles dans le cadre réglementaire, comme celles cernées par la SII.
Par conséquent, le Bureau recommande que
le ministère des Transports examine les failles cernées dans la présente enquête sur une question de sécurité en ce qui concerne la sous-partie 703 du Règlement de l'aviation canadien et les normes connexes, et actualise la réglementation et les normes pertinentes.
Recommandation A19-04 du BST
6.6.2.4 Collecter des données sur les activités particulières au secteur du taxi aérien
Le taux d'accidents d'aéronef, soit le nombre d'accidents selon les heures de vol ou selon le nombre de mouvements (décollages ou atterrissages), est l'un des principaux indicateurs de la sécurité aérienne. Une analyse des tendances des taux d'accidents de différents types d'exploitants permettrait de constater les problèmes de sécurité émergents chez certains types d'exploitants et dans certaines activités spécifiques. En outre, les données sur les taux d'accidents permettent de comparer les risques d'accident entre différents types d'exploitants et entre différents pays ou continents. Par exemple, aux États-Unis, la Federal Aviation Administration (FAA) compile les heures de vols réguliers et non réguliers et les départs effectués en vertu du règlement 14 du Code of Federal Regulations (CFR). Les exploitants assujettis à la partie 135 du règlement 14 du CFR comprennent les transporteurs à la demande, qui sont semblables aux exploitants de taxis aériens au Canada. Le National Transportation Safety Board (NTSB) se sert de ces données opérationnelles pour calculer les taux d'accidents et taux d'accidents mortels pour l'ensemble des secteurs d'activité.
Les données sur les activités (p. ex., les heures de vol) ventilées par type d'exploitantNote de bas de page 267 sont nécessaires pour calculer les taux d'accidents qui alimentent les analyses de tendances pour divers types d'exploitants ou les comparaisons entre les types d'exploitants ou les régions géographiques.
Jusqu'en 2010, TC fournissait les données d'activités ventilées par type d'exploitant, et le BST s'en servait pour calculer et publier les taux d'accidents des divers types d'exploitants. En 2010 toutefois, TC a informé le BST qu'il ne fournirait plus les données d'activités par heures de vol ventilées par type d'exploitant, car il avait des réserves quant à l'exactitude de ces données. Ces données étaient transmises à TC par les exploitants commerciaux, qui pouvaient déclarer toutes leurs heures en vertu de la plus restrictive des sous-parties du RAC, même s'ils menaient des activités assujetties à plus d'une sous-partie.
Déclarer toutes les heures pour chaque sous-partie en un seul total fusionne et confond les activités aériennes de navette et de transport aérien, de même que celles de nombreux exploitants aériens plus petits qui pourraient mener des opérations assujetties à plus d'une sous-partie du RAC (navette, taxi aérien ou travail aérien) et rapporter leurs activités sous un seul total. De plus, les données actuelles de Statistique Canada sur les mouvementsNote de bas de page 268 proviennent d'un sondage qui couvre tous les mouvements d'aéronefs aux aéroports canadiens avec ou sans tour de contrôle de la circulation aérienne ou station d'information de vol de NAV CANADA. Des opérations de taxi aérien se déroulent à ces endroits, mais aussi ailleurs, comme des lacs, des zones d'atterrissage non aménagées ou des régions éloignées, où aucun fournisseur de services de la circulation aérienne ne consigne ces déplacements.
Comme le gouvernement ne classe pas les données qu'il recueille sur les heures de vol et les mouvements par sous-partie du RAC, les données des taux calculés s'appliquent au secteur de l'aviation commerciale dans son ensemble. Aucune distinction n'est faite entre les secteurs (p. ex., exploitant de taxi aérien et compagnie de transport aérien) ou entre les différents types d'aéronefs (avion, hélicoptère, hydravion). Par conséquent, il est impossible de calculer le taux d'accidents uniquement pour le secteur du taxi aérien.
Sans données sur les heures de vol et les mouvements qui soient classées en fonction des sous-parties du RAC et du type d'aéronef, il sera plus difficile pour les intervenants d'un secteur d'évaluer les risques et de déterminer l'efficacité réelle des stratégies d'atténuation mises en œuvre pour améliorer la sécurité.
Par conséquent, le Bureau recommande que
le ministère des Transports exige que tous les exploitants commerciaux rassemblent et déclarent les données sur les heures de vol et les mouvements pour leurs aéronefs par sous-partie du Règlement de l'aviation canadien et par type d'aéronef, et que le ministère des Transports publie ces données.
Recommandation A19-05 du BST
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cette question de sécurité. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 18 septembre 2019. Le rapport a été officiellement publié le 7 novembre 2019.