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Watchlist 2022

Surveillance réglementaire

La surveillance réglementaire ne s’est pas toujours avérée efficace pour vérifier si des exploitants sont conformes aux règlements — ou s’ils ont acquis une telle conformité — et s’ils sont capables de gérer la sécurité de leurs activités. De plus, Transports Canada (TC) n’est pas toujours intervenu en temps opportun pour s’assurer que des transporteurs des secteurs aérien, ferroviaire et maritime prennent les mesures correctives qui s’imposent.

Transcription

Les exploitants sont responsables de la conformité aux règlements et de la gestion de la sécurité de leurs activités.

Les enquêtes du BST ont permis de confirmer que le simple fait d’avoir des règlements et des normes ne suffit pas, car certains exploitants pourraient ne pas cerner les dangers et gérer efficacement les risques.

Toutefois, selon les rapports du BST, les vérifications et les inspections effectuées par l’organisme de réglementation, ou en son nom, ne sont pas toujours efficaces pour vérifier la conformité aux règlements ou montrer que les exploitants gèrent efficacement la sécurité dans les modes aérien, ferroviaire et maritime au Canada.

Une surveillance plus efficace et en temps voulu est nécessaire pour cerner les processus de gestion de la sécurité qui ne fonctionnent pas et pour intervenir en temps opportun. 

L’enjeu de la surveillance réglementaire demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que les mesures prises par l’organisme de réglementation démontrent une surveillance efficace du transport aérien, ferroviaire et maritime. 

Pour en savoir plus sur la Liste de surveillance 2022, consultez ce site : bst.gc.ca/Surveillance.

Contexte

Tous les transporteurs sont responsables de gérer les risques en matière de sécurité au sein de leur organisation et dans le cadre de leurs activités. La réglementation aide les exploitants à se doter d’un cadre directeur et à fixer certaines exigences minimales et certains niveaux minimaux de sécurité. Il incombe aux exploitants de satisfaire à ces exigences. Toutefois, c’est à TC qu’il revient d’effectuer des inspections et des vérifications auprès des exploitants afin de s’assurer qu’ils se conforment à cette réglementation et qu’ils respectent les niveaux minimaux de sécurité.

Les inspections et les vérifications, qu’elles soient effectuées par TC ou pour son compteNote de bas de page 1, n’ont pas toujours été efficaces, et le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a relevé des lacunes et des préoccupations au fil des ans dans chaque secteur de transport.

Transport aérien

TC ne parvient pas toujours efficacement à cerner les lacunes dans les processus de gestion de la sécurité au sein des entreprises et à intervenir à tempsNote de bas de page 2. On a relevé à certaines occasions un déséquilibre entre l’utilisation d’inspections classiques pour vérifier la conformité aux règlements et la vérification des processus de sécurité des entreprises pour déterminer leur bon fonctionnement.

Les enquêtes ont également démontré que la surveillance par TC des aéroports n’a pas toujours permis de cerner les enjeux de sécurité. Dans l’enquête sur une question de sécurité du transport aérien A18Q0140 du BST sur des événements survenus au Québec et au Nunavut sur des pistes en travaux réduites en largeur, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité indiquant que si l’Aviation civile de TC n’effectue pas une surveillance adéquate des aéroports au Canada, les risques d’accidents liés aux opérations aériennes aux aéroports augmentent, en particulier lorsque ces aéroports font l’objet de travaux.

Enfin, selon la rétroaction des intervenants du secteur, l’absence ou l’insuffisance de surveillance réglementaire pose problème : certains exploitants aériens estiment qu’ils se font damer le pion par des concurrents qui ne déploient pas le même niveau d’effort et d’investissement pour respecter la réglementation et assurer la sécurité de l’exploitation.

Transport maritime

Le programme de surveillance de TC n’est pas toujours efficace, tout comme il n’englobe pas l’ensemble des navires commerciaux. Ainsi, le BST continue de voir que les navires canadiens ayant une jauge brute de 15 ou moins et ceux transportant 12 passagers ou moins ne sont à peu près pas inspectés, et TC confie la responsabilité de la sécurité aux représentants autorisés (RA)Note de bas de page 3. Toutefois, de nombreux propriétaires ou RA de petits navires ne possèdent qu’une connaissance limitée des articles clés de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada ou du cadre réglementaire plus vaste. L’enquête sur la sécurité du transport maritime M20A0160 du BST portant sur le naufrage mortel du petit bateau de pêche commerciale Sarah Anne démontre l’une des lacunes dans la surveillance : le ministère des Pêches et des Océans (MPO) délivrait des permis pour récolter les ressources marines commercialement sans vérifier que les navires étaient immatriculés correctement auprès de Transports Canada (TC). Par conséquent, des milliers de navires de pêche commerciale de plus étaient immatriculés auprès du MPO qu’auprès de TC dans la région de l’Atlantique.

Entre-temps, dans le cas de navires de plus grande taille (ceux de plus de 24 m de longueur), TC délègue la plupart des inspections obligatoires à des organismes tiers reconnusNote de bas de page 4, puis surveille la conformité réglementaire de ces navires au moyen d’inspections de conformité. Il y a un manque d’uniformité dans la surveillance de ces organismes et dans le choix des navires qui sont soumis à une inspection, ce qui entraîne des situations où le respect de la réglementation à bord de ces navires n’est pas vérifié.

Transport ferroviaire

TC exécute à la fois un programme d’inspection axé sur les risques pour vérifier le respect des règles et règlements par une compagnie de chemin de fer, et un programme de vérification pour évaluer le système de gestion de la sécurité (SGS) de l’exploitant. Avant 2020, les activités de vérification des SGS de TC mettaient l’accent sur l’évaluation du caractère complet du SGS d’un exploitant ferroviaire. De 2015 à 2021, les exploitants respectaient généralement la réglementation, mais le taux d’accidents en voie principale en 2021Note de bas de page 5 était de 2,8 accidents par million de trains-milles en voie principale (MTMVP), ce qui est supérieur au taux d’accident quinquennal précédent de 2,5 accidents par MTMVP et indique que le respect de la réglementation n’équivaut pas toujours à la gestion efficace de la sécurité.

Les enquêtes du BST continuent de révéler des enjeux liés aux SGS des compagnies de chemin de fer, en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre, la documentation et la validation des mesures de contrôle des risques opérationnelsNote de bas de page 6. L’enquête (R19C0015) du BST sur un déraillement mortel pendant des opérations hivernales en terrain montagneux en 2019 a démontré que la surveillance réglementaire assurée par TC n’avait pas été suffisante pour cerner les lacunes dans le programme d’identification des dangers de l’exploitant, ce qui avait permis à des dangers de se reproduire d’année en année sans déclencher une évaluation officielle des risques en vertu du SGS ou engendrer un plan efficace de contrôle des risques.

Depuis 2020, TC a amélioré son programme de vérification et a entamé un cycle quinquennal visant à étudier l’efficacité du SGS de chaque exploitant ferroviaire. Ces vérifications sont conçues pour cerner les lacunes potentielles d’un SGS et pour confirmer que les processus de la compagnie permettent de gérer efficacement les risques pour la sécurité dans ses opérations.

Risques pour les personnes, les biens et l’environnement

La population canadienne qui voyage au moyen des services de transport et qui utilise les services fournis par des transporteurs inspectés et approuvés par TC s’attend à ce que les activités de ces transporteurs soient sécuritaires et à ce que ces compagnies respectent les exigences réglementaires de base—et si ce n’est pas le cas, elle s’attend à ce que TC prenne des mesures proactives afin d’assurer que ces exploitants se conforment à nouveau à la réglementation en temps opportun.

Toutefois, lorsque cela ne se produit pas et que les mesures de surveillance ne sont pas suffisantes pour déceler les lacunes de sécurité, ou si TC n’est pas en mesure d’intervenir pour s’assurer que les exploitants prennent les mesures correctives appropriées, des pratiques d’exploitation dangereuses ou non conformes peuvent persister. Par conséquent, il se peut que les niveaux minimaux de sécurité ne soient pas atteints, ce qui compromet la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement.

Recommandations actives du BST

Le BST a émis des recommandations sur l’enjeu de la surveillance réglementaire dans les secteurs aérien, ferroviaire et maritime. Aucune des réponses à ces recommandations n’a encore été évaluée par le Bureau comme ayant dénoté une attention entièrement satisfaisanteNote de bas de page 7.

Transport aérien

Après l’accident d’hélicoptère mortel d’une ambulance aérienne près de Moosonee (Ontario) en 2013 (A13H0001), la recommandation A16-14 du BST demandait que TC « renforce ses politiques, ses procédures et sa formation en matière de surveillance, afin que la fréquence et l’objet de la surveillance et des activités de contrôle après surveillance, y compris les mesures d’application, correspondent à la capacité de l’exploitant de gérer efficacement le risque ».

En mars 2022, six années après l’émission de la recommandation, le Bureau a évalué que la réponse de TC ne dénotait qu’une attention en partie satisfaisante. Malgré les efforts déployés par TC, sa réponse ne fournit toujours pas, à ce jour, un cadre clair indiquant comment il prévoit satisfaire aux exigences de la recommandation.

Transport maritime

Le rapport d’enquête du BST sur le naufrage du Sarah Anne (M20A0160) comprenait la recommandation M22-01 du BST, qui demandait que le ministère des Pêches et des Océans « exige que tout navire canadien utilisé pour la pêche commerciale des ressources marines ait une immatriculation à jour et exacte auprès de Transports Canada ».

Le Sarah Anne, qui a coulé avec tous ses matelots,n’avaitjamais été inspecté au cours de ses 40 années de service et avait été immatriculé de façon inexacte auprès de TC. Une immatriculation exacte constitue une première étape nécessaire dans la surveillance de la sécurité.

Transport ferroviaire

La recommandation R14-05 du BST, émise à la suite du déraillement mortel de 2013 à Lac-Mégantic (Québec), demande que TC « effectue des vérifications des systèmes de gestion de la sécurité des compagnies ferroviaires assez poussées et assez fréquentes pour confirmer que les processus nécessaires sont efficaces et que des mesures correctives sont mises en œuvre pour améliorer la sécurité ».

En mars 2022, le Bureau a évalué la réponse de TC et a jugé qu’elle dénotait une intention satisfaisante. Le Bureau reconnaît les importants progrès accomplis dans l’élaboration d’un programme de vérification visant à évaluer l’efficacité de divers processus de SGS et attend avec impatience de recevoir l’information sur les constatations relatives à l’efficacité des SGS des compagnies de chemin de fer de compétence fédérale.

La recommandation R22-03 du BST, émise à la suite du déraillement mortel survenu en 2019 près de Field (Colombie-Britannique), demandait que TC « exige que la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique démontre que son système de gestion de la sécurité permet de cerner efficacement les dangers résultant des opérations, en utilisant toute l’information disponible, comme les signalements de dangers par les employés et les tendances des données; qu’il évalue les risques connexes; et qu’il mette en œuvre des mesures d’atténuation et en valide l’efficacité ».

Dans sa réponse de juin 2022, TC acceptait la recommandation et indiquait qu’il allait mettre en œuvre une combinaison de mesures de surveillance et de mesures réglementaires visant à améliorer la sécurité globale des employés de chemins de fer. Plus particulièrement, en août 2022, TC prévoyait commencer par une vérification ciblée de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique afin d’évaluer l’efficacité de son SGS et de son régime de formation.

Mesures prises

Les enjeux inscrits à la Liste de surveillance sont complexes et difficiles à résoudre. Ils exigent la participation de nombreux intervenants, y compris des exploitants et de l’organisme de réglementation. Bien que certaines mesures puissent avoir été prises, il reste encore du travail à faire. Voici certaines des mesures prises à ce jour.

Transport aérien

Au cours des deux dernières années, TC a continué de raffiner et de mettre en œuvre des lignes directrices, des outils et des formations visant à améliorer la qualité des constatations faites lors des activités de surveillance, les décisions prises quant à la supervision de l’aviation commerciale et sa méthodologie de planification axée sur le risque. TC a également adapté ces processus à un régime de surveillance à distance pour pouvoir poursuivre les inspections pendant la pandémie de COVID-19. TC a indiqué que la surveillance à distance sera employée en coordination avec les inspections en personne afin de créer un modèle de surveillance hybride qui permettra de faire un meilleur usage des ressources de TC.

Transport maritime

En 2021, TC a lancé un nouvel outil dans le cadre de son Programme de conformité des petits bâtiments (PCPB)Note de bas de page 8 afin d’aider les RA à satisfaire les exigences juridiques qui s’appliquent aux petits remorqueurs. TC a en outre émis de multiples bulletins de la sécurité des navires au sujet de l’équipement de sauvetage requis et des dangers d’engagement lors des opérations de remorquage. Toutefois, de nombreux propriétaires et/ou exploitants de petits navires ne sont pas au courant de l’existence de ces bulletins.

Transport ferroviaire

Depuis 2020, TC a continué d’accomplir des progrès à l’égard de son programme de surveillance du SGS. Au cours de l’exercice financier 2020–2021, 14 vérifications de SGS ciblées ont été réalisées. Ces vérifications portaient expressément sur la façon dont les compagnies de chemin de fer gèrent l’identification des préoccupations liées à la sécurité, assurent le respect du Règlement sur la sécurité de la voie et gèrent les connaissances des employés de la voie. Les compagnies ayant participé aux vérifications ont présenté des plans de mesures correctives et TC assure un suivi auprès des compagnies afin de suivre les progrès accomplis.

Mesures à prendre

La surveillance réglementaire restera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que :

  • dans le secteur du transport aérien, TC démontre, au moyen d’évaluations des activités de surveillance, que les nouvelles procédures de surveillance permettent de déceler et de corriger les non-conformités et que TC s’assure qu’une entreprise se conforme à nouveau à la réglementation en temps opportun et qu’elle est en mesure de gérer la sécurité de ses activités. Le fait de répondre de manière pleinement satisfaisante à la recommandation A16-14 du BST représentera un progrès considérable dans la réalisation de ces objectifs;
  • dans le secteur du transport maritime, TC assure une plus grande surveillance des processus d’inspection des navires commerciaux en démontrant que sa supervision et sa surveillance sont efficaces pour veiller à ce que les RA et les organismes reconnus s’assurent que les navires respectent les exigences réglementaires, et que TC démontre une augmentation de la surveillance proactive;
  • dans le secteur du transport ferroviaire, la surveillance effectuée par TC permette d’évaluer et de déterminer si les systèmes de gestion de la sécurité des exploitants sont efficaces, c.-à-d. que les exploitants cernent les dangers et évaluent les risques, que des mesures efficaces d’atténuation des risques sont mises en œuvre et que les exploitants valident l’efficacité des mesures de sécurité mises en œuvre. Lorsque des exploitants ne sont pas en mesure de gérer efficacement la sécurité, TC doit démontrer qu’il est en mesure d’intervenir et qu’il intervient de manière à modifier les pratiques d’exploitation non sécuritaires.